Amélie Plume - Médiathèque Valais

Transcription

Amélie Plume - Médiathèque Valais
Médiathèque Valais St-Maurice
Mardi 9 septembre
12.30-13.30
Amélie Plume
Amélie Plume est née à La Chaux-de-Fonds. Après sa licence de lettres à l’Université de Neuchâtel,
quelques années de voyages (Afrique, Israël et New-York) et de tâtonnements dans l’écriture et la
peinture, Amélie Plume revient en Suisse et s’installe à Genève. Elle suit une formation de
psychopédagogie, ouvre un atelier d’expression créatrice par la peinture et reprend ses travaux
d’écriture.
En 1981, elle publie son première livre : « Les Aventures de Plumette et de son premier amant ». Elle
cesse alors son activité dans son atelier pour se consacrer entièrement à l’écriture et renouer avec les
voyages. En 1988, elle reçoit le Prix Schiller pour l’ensemble de son œuvre. En1993, le Prix Pittard de
l’Andelyn pour Promenade avec Emile L. En 1997, le premier Prix de la Fondation Radio Bâle pour Un
mariage suisse, pièce écrite en collaboration avec Charles Lombard.
Aujourd’hui, après plusieurs années de vie à Montréal, Amélie Plume partage son temps entre
Genève et Hyères, en France où vit son « conjoint ».
L’œuvre
Amélie Plume, intéressée par son époque, est sensible au sort de la planète et se soucie de La Mort
des forêts ni plus ni moins (1989). Elle se souvient de son enfance, d’une mère pour qui Ailleurs,
c’est mieux qu’ici (1998). Elle s’efforce d’apprendre à vivre, se disputant avec Mégère, son alter ego
dans Toute une vie pour se déniaiser (2003). Et puis, amour et aventure conjugale avec En bas,
tout en bas dans la plaine (1986), Oui Emile pour la vie (1984), Les Aventures de Plumette et de
son premier amant (1981). C’est au Québec, (Chronique de la Côte des neiges (2006),
Mademoiselle Petite au bord du Saint-Laurent (2007)), qu’elle vit son nouvel amour, alors que les
enfants sont élevés et les petits-enfants, presque aussi. Et puis c’est grand-mère, qu’elle se voit en
prise aux exigences de sa descendance, et qu’elle redécouvre l’émoi amoureux dans les Fiancés du
Glacier-Express (2010). Sa fille et ses petits-enfants lui disent qu’elle «N’est plus dans le coup»
(2014), et c’est le début de la sagesse.
Les aventures de Plumette et de son premier amant (1981)
«Revenue des Etats-Unis et des rêves libertaires post-soixante-huitards, son héroïne se trouve
confrontée à la vie de famille – mari au bureau, mère au foyer – et le supporte mal. Elle prendra donc
un amant, puis un autre, se rapprochera d’Emile puis en divorcera. La vie de couple est la matière de
la plupart des romans d’Amélie Plume. » (Catherine Safonoff)
« Après douze années de mariage Et l’éternité de fidélité LE BONHEUR d’aller retrouver Son premier
amant »
Oui Emile pour la vie (1984)
Lorsqu’Amélie rencontre Emile, elle est en plein désarroi. Son petit ami vient de la quitter. Emile la
console, l’aime, l’épouse. Mais alors... Serait-ce là le piège fatal tendu à l'Amour ? L'habitude, le
quotidien, les enfants altéreraient-ils, rongeraient-ils les sentiments les plus profonds ?
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« Dès qu’Amélie se retrouva à la maison avec Deux
Bébés Plus sa boîte de peinture Moins Emile
Qui donnait de Plus en plus dans le
boulot sérieux
et n’était Jamais là quand on aurait
eu besoin de lui
LES CHOSES SE GATERENT »
Ailleurs c'est mieux qu'ici (1998)
Un thème cher à Amélie Plume : la difficulté à s’extraire de l’agitation quotidienne. Elle décrit l’horreur
que peut provoquer sur elle l’activité quotidienne, le fossé qu’elle perçoit entre le quotidien avec ses
contingences, ses ennuis profonds, son absolu manque d’exaltation souvent, son train-train, ses
hivers, et la vie rêvée, les voyages, la redécouverte de la lumière.
« Ailleurs c’est mieux qu’ici. Je l’ai toujours pressenti mais tôt ce matin, en attendant le bus dans un
crachin glacial de novembre, alors qu’une voiture roulant agressivement vient d’éclabousser mon
beau grand manteau noir, que je sens au fond de ma poche ma liste de corvées et que les grosses
lettres noires d’une manchette de journal me sautent au visage : « JUSQU’OU ALLONS-NOUS
TOLERER L’INTOLERABLE ? », j’en ai eu l’intime conviction. Qu’ailleurs c’est mieux qu’ici. Et une
fois encore une irrésistible envie de fuir me saisit, de quitter ce crachin, ce trottoir, cette manchette de
journal, de faire une boulette de ma liste de corvées et de l'expédier dans le caniveau. Puis de partir,
de sauter dans ma voiture, dans un train, dans un avion. Oui dans un avion, de m'envoler et d'atterrir
ailleurs. Ailleurs. "
Partir pour échapper à la tristesse de novembre, à la liste de corvée dressée et qui aiguise la bonne
ou mauvaise conscience…Et par hasard faire la rencontre d’un sage.
« J’étais si absorbée par mes pensées et me sentais si accablée que je n’avais pas remarqué qu’une
personne était venue s’asseoir à côté de moi sur le banc. J’en fus soudain toute surprise mais le vieil
homme me salua avec un bon sourire. J’en avais bien besoin et je me laissai entrainer dans une
petite conversation de banc public. Après quelques banalités, il me demanda si je me sentais bien. Je
lui avouai que non et que cette soirée me paraissait accablante avec cette nuit tombée trop tôt sur ces
gens pressés qui couraient chez eux.
-Accablante cette soirée, répondit-il, mais pourquoi, il fait encore doux, les feuilles jaunissent,
l’automne est magnifique et tous ces gens pressés qui rentrent chez eux ne sont ni affamés, ni
blessés, ni menacés d’aucune façon, ils sont les privilégiés de ce monde, qu’est-ce que vous voulez
de plus ?
-Regardez bien, lui dis-je après un moment de réflexion (je voulais qu’il me comprenne), sur chaque
visage qui passe il y a une ombre, une blessure, un chagrin…
-Oui répondit-il après un long silence, bien sûr qu’il y a du chagrin partout, sur tous les visages, dans
chaque être humain, mais il n’y a pas que ça !...N’auriez-vous pas une âme de clown demanda-t-il
Que font les clowns ?
-Ils font rire le monde… Pour le consoler. »
Toute une vie pour se déniaiser (2003)
Récit à deux voix : celle d’Amélie et sa voix intérieure qu’elle baptise Mégère parce que très
préoccupée de morale.
« Pense-t-on toujours que sa propre vie vit ? … Je pensais donc que la vie était en dehors des êtres
humains, en dehors de moi, concentrée dans des hauts lieux vibrants, pétillants, bouillonnants qui
engendrent lorsqu’on les aborde des états successifs d’ébahissement, d’agitation intense, de fièvre et
de bonheur à la découverte que oui, la vie est là, à portée de main, toute palpitante, excitante, belle
joyeuse, légère, mystérieuse, attirante, irrésistiblement attirante et qu’on allait pouvoir s’en remplir et
devenir à son tour palpitant, tout excité, tout joyeux, toute belle, légère, captivée et mystérieuse de
porter soudain ce miracle en soi. »
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Elle décide d’arrêter de s’agiter pour une année. Elle souhaite regarder le temps passer, craignant
de se retrouver, un jour, à se dire : «Je n’ai pas vu le temps passer.
« C’est vrai que j’avais envie de regarder le temps qui passe. Depuis longtemps. Depuis ce jour
lointain peut-être où j’ai entendu un homme, je ne sais plus qui ni où, constater amèrement qu’il
n’avait pas vu le temps passer dans sa vie et qu’il ne pouvait pas croire qu’il allait atteindre soixante
ans. Soixante ans !... Cet aveu m’avait semblé effrayant, désespérant, et j’avais pensé que pour ne
pas en arriver là, je devrais m’habituer peu à peu, d’abord une minute par jour et puis deux, à cesser
toute activité et à regarder le temps passer… Mais j’ai continué à rêver qu’un jour je supprimerais une
de ces occupations et puis une autre, et encore une… jusqu’à rêver tout récemment de les supprimer
toutes en prenant une année sabbatique pour regarder enfin le temps passer. »
Chronique de la Côte des Neiges (2006)
La narratrice rencontre un consul de Suisse. Amoureuse, et malgré une certaine forme de culpabilité,
elle décide de le suivre à l’autre bout du monde, dans les contrées froides du Canada.
« Nicéphore et moi racontons notre rencontre à épisodes. La première, transparente, à Dakar, où
nous assistons tous les deux à un cocktail mais ne nous sommes pas vue ! Huit ans plus tard, le
destin nous remet l’un en face de l’autre, à Kuala Lumpur, où cette fois nous nous voyons et même
sympathisons. L’année suivante je suis invitée à Montréal pour une lecture dans le cadre des fêtes de
la Francophonie et Nicéphore, qui devait être muté à Houston, apprend à quelques mois de son
transfert que la destination est changée et qu’il lui est demandé de prendre le poste de Montréal où
l’attend un programme établi par son prédécesseur dans lequel est noté qu’une écrivaine romande
viendra présenter son dernier livre Ailleurs c’est mieux qu’ici ! »
De son exil volontaire, elle observe. Durant son séjour, elle notera dans ses petits cahiers bleu indigo
tout ce qui l’étonne de ce pays fascinant : paysages, rencontres, obligations diplomatiques,
promenade en mer, le Vieux-Montréal, et parle avec beaucoup de sincérité de cet amour naissant, de
sa famille au loin, de son présent…
« Comme si soudain je voulais saisir autre chose de ces exils que des récits entendus et notés au jour
le jour, au gré des rencontres. Saisir l’énergie, le courage de partir. Comme si j’avais cherché toute
ma vie ce courage. Et maintenant que je l’ai trouvé, de devrais encore justifier mon choix. Etre sûre
que prendre ma vie au sérieux n’était pas un délit. »
Les fiancés du Glacier Express (2010)
Genève, gare Cornavin. Départ du train à destination de… Lily est sur le quai … Lily Petite, 64 ans,
deux ex-maris, un amant épisodique, une fille et un gendre. Journaliste, ses chroniques de «grandmère grincheuse» font le bonheur des lecteurs. Pourtant Lily n’est pas satisfaite : son chef est un
jeune arriviste. Les reportages qu’elle fait la frustrent. Sa fille l’étouffe. Alors ? Partir pour échapper à
son quotidien et les obligations qui l’emplissent, laissant ainsi sur le quai le «plat» de son existence…
« Comme une pomme flétrie oubliée au fond d’un vieux plat ébréché en compagnie de légumes et de
fruits plus ou moins blets comme moi, une aubergine et une courgette, mes deux ex-maris ; une
flopée de figues violettes écrasées les unes sur les autres, mes correspondantes ; un noyau de pêche
atteint d’Alzheimer, la terrible grande Gudule, ma vieille tante qui s’est desséchée jusqu’à en oublier
sa sécheresse. Et sur ces vénérables restes à consommer avant le… viennent siéger insolemment un
citron vert, mon chef ; un poivron orange et un rouge, Cécile et Thomas ; une poignée de douces
mirabelles, leurs enfants. Ah j’oublie Armand au fond du plat, pathétique en poire beurrée fondante.
Pathétique ? Ne le sommes-nous pas tous à grandir, mûrir, vieillir dans l’immuable plat de nos
existences?» (p. 11)
A partir de là, deux vies se croisent, se racontent, se rencontrent…
Tu n’es plus dans le coup ! (2014)
Un enterrement au Canada, celui de Réjean, son deuxième mari et les propos de sa fille Cécile qui lui
répète qu’elle «n’est plus dans le coup», et c’est le prétexte pour Lily, journaliste à la retraite, de
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« méditer » sur le temps qui passe, la vieillesse, la mort. Elle s’interroge : « Que vit une fleur qui se
fane… ? Transposée chez les humains, une vieille dame comme moi a-t-elle encore des saveurs à
découvrir, des raisons d’aimer la vie, sa vie, des raisons de rêver ? De désirer vivre ? Je ne parle pas
du désir de durer car personne n’aspire à rompre ses liens familiaux et amicaux, à être séparé à
jamais de ses objets, ses livres, ses tableaux, de son logis, d’un jardin, d’une vie, de ses promenades.
Personne ne souhaite ne pas se réveiller le lendemain, sauf exception. Mais sachant qu’il faudra bien
un jour quitter la scène, peut-il y avoir autre chose que la nostalgie, qu’un désir de prolonger ce qui a
été, ce qui est, de voir encore une fois, deux fois, dix fois le printemps ? »
N’y-aurait-il pas de joie à ne plus être dans le coup, dans cette «vie professionnelle, familiale, sociale
remplie à ras bord, débordante, stressante, épuisante. Une vie dont on se plaint constamment. Au
fond, être dans le coup, c’est se plaindre de sa vie.»
« Vadrouiller, glaner, noter la cueillette du jour, ce qui m’est offert, ce que je veux encore comprendre.
Pourquoi ne pas le consacrer à la vie plutôt qu’à la mort ? Notes d’une vivante aux vivants plutôt
qu’une lettre posthume ? Se consoler de la mort en vivant ! Excellente idée, un peu tardive. »
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