La quête de sens Quand on se suicide, on « suicide » aussi pas mal

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La quête de sens Quand on se suicide, on « suicide » aussi pas mal
La quête de sens
Quand on se suicide, on « suicide » aussi pas mal de
gens autour de soi1
Nous ne mettrons pas en doute que le suicide soit un drame. Nous ne
mettrons pas en doute l’idée qu’il est souvent le résultat d’une souffrance
considérée comme insupportable. Nous ne mettrons pas en doute qu’il demeure
un problème philosophique majeur dans une société qui, dans ses prétentions et
ses illusions, dit ne fabriquer que du bonheur pour tous.
Un problème philosophique est un nœud dans une corde, un nœud qui ne
se défait pas facilement, un nœud qui est au cœur même de ce qui devrait faire
sens pour nous.
Nous sommes tous des fabricants de sens, que l’on soit philosophe de
profession ou non, que l’on aime ou que l’on déteste la philosophie.
Donner un sens, non seulement au monde dans lequel nous vivons, mais
aussi à notre propre vie demeure une tâche ardue.
Personne n’aime vivre dans le non-sens permanent. Personne ne souhaite
en arriver là. Aux yeux de plusieurs, écrire un livre en philosophie, écrire un
roman ou écrire de la poésie, dans une société comme la nôtre, est un non-sens
puisque cela ne rapporte rien financièrement. C’est trop de travail. Ce qui fait
sens s’évalue en argent. Pourtant, il s’écrit des livres quand même, en philosophie
et en littérature, en poésie et dans toutes sortes de disciplines. Pour quelques
lecteurs et lectrices, cela a encore du sens.
Le sens, on le voit, est quelque chose que chaque être fabrique à sa
manière. Pour moi, un salon de l’auto, c’est totalement inutile, idiot, la négation
d’un bon nombre de principes écologiques. Mais le sens s’invente à l’aide de la
culture, des valeurs d’une société, d’une éducation et d’une vie particulière.
Dans une société démocratique et individualiste, il est bon de dire que
chacun a le droit de penser comme il l’entend. C’est d’ailleurs l’une des phrases
que l’on peut lire jusqu’à l’écœurement dans les travaux de philosophie des élèves
de cégep. « Chacun a sa définition personnelle, écrivent-ils, de l’amour, de la
liberté, de la vie, du bonheur, du beau ou même du magasinage. » Ils l’écrivent
tous, mais je vous dirai à ce sujet deux choses : premièrement, lorsqu’on fait une
telle affirmation, on devrait s’attendre à ce que la personne songe, dans le même
travail, à nous fournir cette définition personnelle et je suppose originale de la
liberté, de l’amour ou du sujet dont il est question. Au moins la sienne, justement
celle qui fait sens pour elle. Mais cette définition est la plupart du temps absente
du travail, ce qui signifie qu’on va jusqu’au seuil de la philosophie mais qu’on
s’arrête là où elle commence. Deuxièmement, même lorsqu’on affirme que tout le
monde a le droit d’avoir une définition personnelle de la liberté, de l’amour, du
beau ou de la vie, on voudrait aussi, je l’espère, qu’elle soit partagée par quelquesuns, car à quoi sert-il de penser si mes pensées ne peuvent pas être partagées
avec les autres ? Ce qui fait sens exclusivement pour moi n’est pas encore ce que
nous pouvons nommer du sens.
Comment fabriquer du sens, si je suis toujours seul à penser ? Comment
fabriquer du sens, si je n’ai jamais besoin de soumettre ce que je pense aux
autres ? Il y a du sens quand il y a les autres. Quelque chose qui n’aurait du sens
que pour moi n’a finalement pas beaucoup de sens.
2
Il n’y a pas d’éthique sans limites, sans frontières, sans lignes de
démarcation. L’éthique est justement la pensée réfléchie des lignes de
démarcation, des frontières, des balises, des limites.
Dans une société démocratique et individualiste, l’éthique demeure tout de
même une responsabilité collective, une recherche permanente de sens pour
chaque individu. On peut facilement comprendre que la proposition « Le suicide
n’est pas une option » est une affirmation éthique. Elle fixe une limite. Nous nous
tenons alors dans une zone d’ombre et la fracture est toujours possible. Cette
limite peut, pour n’importe quel individu, être franchie. Nous ne pourrons jamais
empêcher des individus de franchir cette limite, théoriquement d’abord et
pratiquement par la suite. Cette réflexion sur les balises et les limites de nos actes
doit être individuelle et collective.
Quand nous affirmons que « le suicide n’est pas une option », nous faisons
un choix. Nous pensons la liberté individuelle. Nous devons, avant de l’affirmer,
se poser plusieurs questions cette position a besoin de plus d’une justification.
Consentir à l’idée que le suicide n’est pas une option, c’est consentir à quoi ? Quel
sens a une telle affirmation ? Est-ce penser pour les autres ? Est-ce penser à la
place des autres ? Est-ce entrer dans le difficile univers des interdictions ? Est-ce
une perte de liberté pour l’autre ? Notre travail de réflexion est quelque chose qui
fait sens, qui clarifie notre conception de la vie, du bonheur. Notre travail de
réflexion établit une cohérence dans nos principes.
Je le répète, dans une société démocratique et individualiste, cette
proposition, « le suicide n’est pas une option », peut être entendue comme une
interdiction, une objection.
3
Est-ce une affirmation dangereuse qui retire un droit aux individus ? Estce que nous prenons la bonne direction pour réduire le suicide? Il ne faut pas
penser qu’il n’y aura pas d’opposition, il ne faut pas croire que tout le monde sera
d’accord. Le philosophe Leszek Kolakowski écrit dans Horreurs métaphysiques :
… nous sommes dans l’incapacité de percer le mystère
pour le convertir en savoir, mais savoir qu’il y a un
mystère a de l’importance. Bien que l’on ne puisse pas
déchirer le voile qui cache la réalité, il nous faut savoir
qu’il y a un voile2.
S’agissant du suicide, le voile est là, nous le savons bien. L’autre ne m’offre
toujours qu’une toute petite partie de ce qu’il est. L’autre fabrique du sens, l’autre
tente d’organiser sa vie et sa pensée sur la vie et il ne prend pas toujours la peine
de m’expliquer tout ce qu’il veut faire, tout ce qu’il pense et tout ce qui l’amène à
poser ou non un acte. Ceux et celles qui pensent au suicide ne sont pas toujours
explicites, clairs, précis. Ici, nous le savons bien, il y a la théorie et la pratique.
« Le suicide n’est pas une option » est une proposition théorique. Un principe,
une manière d’organiser une philosophie.
Pour penser, nous nous appuyons sur des documents, des écrivains, des
philosophes, des moralistes, des principes religieux, des principes éthiques. Il y a
toujours quelque chose dans cette réflexion qui se fabrique dans un minimum de
communauté. Mais cette réflexion s’accomplit très souvent dans la solitude, dans
la souffrance, durant une période de crise. Ceux et celles qui pensent le suicide
nous placent souvent devant le fait accompli. Nous savons ce qu’ils ou elles
pensaient après leur mort.
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Voici, par exemple, l’extrait d’une lettre de l’écrivain suisse Henri Roorda :
Je n’ai pas peur de ce qui m’arrivera, car j’ai la foi : je
sais que je ne comparaîtrai pas devant le Juge
suprême. C’est seulement sur terre qu’il y a des
tribunaux comiques. Mais j’aurai tout de même de
l’émotion. Pour être plus insouciant, je boirai une
demi-bouteille de vieux porto. Je vais peut-être me
rater. Si les lois étaient faites par des hommes
charitables, on faciliterait le suicide de ceux qui
veulent s’en aller. (…) Je sais bien que rien ne pourrait
me débarrasser des désirs, des images et des pensées
qui sont dans mon esprit depuis quarante ans. Il
faudra que je prenne des précautions pour que la
détonation ne retentisse pas trop fort dans le cœur
d’un être sensible3.
Pour cet écrivain, le suicide est devenu avec le temps une option. Il sait ce
qu’il fait, il sait aussi ce qu’il se prépare à quitter. Il sait ce qu’il veut. Il ose même
une petite pensée pour les cœurs sensibles. Il ne dit pas : le suicide est une option
pour tout le monde. Il dit : le suicide est mon option. L’acte fait sens, l’acte est
pensable et possible. Il ne s’agit pas d’un acte romantique. Il ne s’agit pas
d’imposer aux autres cette position, il s’agit d’affirmer clairement sa propre
position. Mais lorsque nous connaîtrons cette position théorique, il sera trop
tard. Peut-être que l’écrivain en avait parlé à des proches, peut-être qu’il avait
l’accord de quelques personnes, nous ne le savons pas. Mais nous nous trouvons
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devant la proposition contraire à celle qui nous occupe pour le moment. Pour
Roorda, le suicide est une option.
Elle peut apparaître décourageante pour tous ceux et celles qui veulent
aider, mais elle est là, nous devons l’affronter, nous nous devons de la penser
avant de la refuser, avant d’y voir une simple proposition écrite sous l’effet de la
dépression.
Depuis que je donne des conférences sur le suicide, on m’a fréquemment
posé la question suivante : êtes-vous heureux ? Cette question m’a toujours
profondément troublé parce qu’elle suppose l’idée que l’on ne peut pas
s’intéresser à la question du suicide lorsque l’on est heureux. Comme si elle ne
pouvait pas faire sens. On pense le suicide lorsque l’on est malheureux,
pessimiste, blessé, cynique, triste, soucieux ou désespéré.
Il s’agit d’un préjugé. C’est aussi une négation du vrai travail
philosophique. Depuis le tout début de l’histoire de la philosophie, nous
retrouvons une réflexion sur le suicide. C’est là chez les stoïciens, les cyniques, les
épicuriens. Chaque siècle a ses penseurs du suicide. Chaque siècle a ses positions
sur la mort volontaire.
On ne peut pas se contenter d’affirmer : ce n’est pas une option pour moi
et je n’ai donc pas à y penser. Nous avons tous la responsabilité de penser le
suicide. Le sens de cet acte a à être pensé par l’individu et par la société aussi.
C’est une réflexion incontournable à propos de la liberté de l’être.
Quand on choisit de vivre, on ne choisit pas de ne pas penser la mort, notre
fin, la tristesse ou le malheur. Le suicide est une question philosophique et nous
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devons y réfléchir. Dans une société comme la nôtre, peu de gens pourront
échapper à cette question.
Il ne faut pas non plus s’illusionner, l’unanimité n’existera pas. Il y aura
toujours des gens pour soutenir que le suicide est une option. Il faudrait être en
mesure de comprendre qu’en chacun de nous une position définitive est rare.
On peut dénigrer les philosophes dits « pessimistes » comme Cioran ou
Schopenhauer. Je crois que c’est une erreur. Je crois qu’on doit les lire pour ce
qu’ils nous disent, pour ce qu’ils nous obligent à penser, pour ce à quoi ils nous
forcent à réfléchir. Il y a chez ces penseurs un souci de l’autre que l’on ne doit pas
prendre pour du cynisme au premier degré.
Écoutez bien cette affirmation de Cioran dans Ébauches du vertige :
Je passe mon temps à conseiller le suicide par écrit et
à le déconseiller par la parole. C’est que dans le
premier cas, il s’agit d’une issue philosophique ; dans
le second, d’un être, d’une voix, d’une plainte…4
Il ne faut pas confondre le suicide comme « issue philosophique » et le
suicide d’un être particulier. Nous nous devons de penser l’idée d’en finir avec soi
et ne rien confondre. Un être qui veut se tuer, qui vous en parle, qui lance un
appel, qui le dit, qui le crie, qui lance sa plainte, ce n’est pas la même chose qu’un
philosophe qui pense le sens d’un acte, le sens de la vie et de la mort.
On ne peut pas non plus se contenter d’affirmer qu’il y a la théorie d’un
côté et le réel de l’autre. On ne peut pas dire : il y a le jeu de la pensée et la vraie
souffrance.
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Nous avons besoin de penser la vie et la mort de toutes les manières
possibles. Même celles qui nous semblent mauvaises parce que nous sommes des
intervenants et des intervenantes. Toutes les propositions doivent être entendues
et réfléchies, non seulement parce qu’il y a la liberté de penser, mais parce que en
cette matière tout est pensable.
Décider de se suicider, c’est agir au nom d’un certain nombre de principes
philosophiques. Cioran, dans ses écrits, pense le suicide comme « issue
philosophique » de la même manière qu’un intervenant ou une intervenante. Il
faut penser, tout à la fois, le pour et le contre. L’idée de l’option et le refus de
l’option.
Il faut comprendre qu’il y a dans la vie, dans nos conceptions de la vie, des
paradoxes que nous ne pouvons pas faire semblant d’ignorer simplement par
stratégie. Un suicidaire a d’ailleurs et très souvent beaucoup plus de flair que les
autres pour repérer nos jeux philosophiques. Mais ici, il faut entendre le mot
« jeu » dans son sens le plus noble. J’oserais dire : si vous pensez que le suicide
n’est pas une option, faites maintenant l’effort de penser ailleurs, faites l’effort
d’affronter une pensée autre. Ne craignez pas la confrontation, ne craignez pas la
bousculade philosophique. Le métier d’aider les autres à penser n’est pas
confortable, même si tous les humains ont besoin de réconfort.
Si la proposition « le suicide est une option » est entendue comme une
interdiction de penser, on peut prévoir les pires désastres et certainement des
échecs cuisants. Si une majorité de Québécois, comme semble le révéler un
sondage, pense que le suicide est une option, il nous faut penser l’affirmation au
lieu de tenter de la nier. Il nous faut tenter de comprendre comment on peut en
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arriver à une telle conclusion. Il nous faut fouiller dans notre culture et dans
notre histoire pour saisir correctement ce qui est dit, ce qui n’est pas dit, ce qui
veut se dire et ce qui essaie de se dire.
La culture n’est pas une abstraction. La culture n’est pas seulement une
somme de possibles plus ou moins contradictoires. Chaque culture offre ou
n’offre pas un espace pour la liberté, chaque culture ouvre ou n’ouvre pas les
portes de la liberté. Toute culture permet à l’individu de se penser comme
individu et comme être collectif. Toute culture fournit ou ne fournit pas les
moyens de construire ce que nous pouvons nommer une « conscience de soi ».
Voilà pourquoi je voudrais maintenant prendre quelques minutes pour
penser la culture avec vous. La redéfinir, en revoir les données fondamentales et
cela avant de repenser l’affirmation « le suicide n’est pas une option ».
II
Dans une société démocratique, les idées circulent abondamment.
Certaines plus que d’autres, publicisées par les médias, faisant l’assentiment
général. D’autres sont là mais vivent dans une sorte de clandestinité. Certains
groupes les adoptent sans le dire, sans qu’on puisse mettre un frein à leurs
avancées. Toutes les cultures cachent des visions du monde qui peuvent
soudainement nous surprendre. Nous nous devons d’être attentifs, nous nous
devons de travailler à les saisir.
C’est pourquoi j’ai toujours pensé que nous ne pouvons pas nous contenter
d’un sondage pour comprendre une société. Nous ne pouvons pas nous contenter
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d’éliminer une vision du monde sous prétexte qu’elle n’est pas la nôtre. Je suis
parfaitement d’accord avec la psychiatre Kay Redfield Jamison qui affirme dans
La tentation du néant :
Le débat philosophique sur les raisons du suicide est
non seulement légitime mais indispensable, ce qui
n’implique
pas
d’ignorer
l’abondante
littérature
médicale, psychologique et scientifique sur le sujet,
dont la valeur est incontestable5.
Il est bien plus facile qu’on peut le croire de donner du sens à un acte,
même lorsque cet acte n’en a pas. Se suicider, c’est toujours mettre fin à une
recherche de sens. Se suicider, c’est aussi vouloir mettre fin à une souffrance. La
philosophie n’est pas une recherche de non-sens mais un effort de la raison pour
découvrir et fabriquer un projet d’existence.
Or, il arrive que la philosophie ou celui qui philosophe flirte avec la mort.
Il arrive que le philosophe aborde dans un sens complètement différent des
autres le problème du suicide. Beaucoup de gens ont peur de la philosophie parce
qu’elle est une recherche profonde de cette conscience de soi dont je parlais, et
cette conscience de soi ne peut pas se penser en dehors d’une conscience du
monde.
Vivre n’est pas si simple qu’on le dit. Vivre n’est pensable qu’en
communauté, qu’en société. Cette société, c’est parfois deux personnes, c’est
parfois une famille, c’est parfois toute la société ou tout un continent.
L’écrivain Jacques de Bourbon Busset a perdu sa femme en 1984. Ce
couple formait une société vivante. Chacun faisait reposer sur l’autre sa force
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d’être. Soudés par l’amour, un homme et une femme en arrivaient à traverser les
malheurs de ce monde et à fabriquer quotidiennement du bonheur.
Je vous en parle parce que cet auteur, même s’il a écrit des livres
magnifiques, est loin d’être à la mode. Les titres de quelques-uns de ses ouvrages
parlent d’eux-mêmes : Fugues à deux voix (1959), Je n’ai peur de rien quand je
suis près de toi (1978), L’amour durable (1973), L’absolu vécu à deux (2002). Ce
fut d’ailleurs son dernier livre. Laurence, sa femme, était morte en 1984, comme
je l’ai dit, mais l’écrivain continuait de vivre en société avec elle.
Écoutez attentivement ces deux extraits :
Je prends appui sur ton absence6.
Et le suivant :
Mais l’univers n’est pas une cage. L’univers est le point
d’ancrage de notre pouvoir d’affirmer et de nier, de
construire et de détruire. Si l’univers est une machine
à fabriquer de l’esprit et l’esprit une machine à
fabriquer de l’infini avec du fini, assurément l’univers
est le tremplin de l’esprit7.
Les humains, pour donner du sens à la vie, pour en fabriquer, pour
imaginer une autre vie, ont besoin d’appuis. Bourbon Busset s’appuie sur
l’absence de sa femme morte. Pendant plus de vingt ans, il a ainsi comblé sa
solitude. Laurence demeurait pour lui une interlocutrice. Même morte, elle lui
servait d’appui, elle continuait d’exister, il la créait tout en sachant fort bien
qu’elle était absente. Mais l’écrivain s’inventait du sens en l’absence même de sa
compagne.
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Il y a bien des manières de penser l’absence et bien des manières de penser
le manque d’appuis si souvent dénoncé dans nos sociétés. La présence physique
de l’autre n’est pas toujours essentielle. On peut même montrer tous les jours son
absence à l’autre en étant là sans être là.
Si une femme décédée peut continuer d’exister dans le cœur d’un être,
nous pourrions nous servir de cet exemple pour mettre la culture tout entière à
contribution pour s’inventer des appuis, pour fabriquer du sens, pour nourrir nos
esprits qui « sont des machines à fabriquer de l’infini », comme l’explique
Bourbon Busset.
La culture pourrait cesser d’être une abstraction. La littérature pourrait
être pensée autrement que comme un divertissement. Si nous voulons retrouver
du sens, nous devons retrouver le sens initial de la culture, car la culture, c’est le
goût de partager ensemble des valeurs premières bien avant d’être une
marchandise, une industrie ou un investissement économique. S’appuyer sur
Platon, sur Dostoïevski ou Nietzsche peut faire vivre un être toute une vie.
Peut-on le rappeler sans pour autant faire le procès du système
économique ? Peut-on se souvenir que la culture est ce qui permet aux humains
de devenir des humains ? Et je crois que nous sommes encore des humains, je
crois que nous ne pouvons pas nous passer des appuis des vivants et des morts
pour le demeurer. La culture, c’est toujours refuser la mort.
Je ne crois pas m’éloigner du suicide en vous parlant ainsi de l’importance
de la culture. Bien au contraire, je pense que la culture fabrique du sens et que
nous devons penser les créateurs comme des êtres qui ne cessent de questionner
le sens de notre passage en ce monde. Qu’on lise le dernier roman à la mode ou
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Montaigne, nous cherchons des appuis, nous cherchons à retrouver ce que nous
sommes et ce que nous voulons devenir.
Je ne doute pas qu’on puisse s’inquiéter ou encore qu’on puisse souvent
être
sur les bords du découragement, mais « cette machine à fabriquer de
l’infini » ne doit pas s’arrêter. Nous avons besoin, je le répète, des vivants et des
morts.
Personne ne se rapproche de l’idée du suicide dans la joie. Personne ne
désire la mort s’il vit un relatif bonheur. Les humains savent bien qu’ils n’ont
qu’une seule vie. Penser se suicider n’est jamais une abstraction, une simple
position théorique. Penser se suicider, c’est désirer se libérer de la lourdeur de
vivre. Une vie qu’on ne croit pas ou qu’on ne croit plus être une vie. On aura beau
inventer un slogan comme « le suicide n’est pas une option », il sera bien difficile
de convaincre tout le monde. Puis, il faut bien l’admettre, si vous croyez déjà en
cette affirmation, nous n’avons pas de problème. Il n’y a pas de problème.
Mais il est une partie de la population qui répond « Oui le suicide est une
option ». Cette partie difficilement chiffrable pour le moment considère que
mettre fin à ses jours peut être une solution. Pour quelles raisons ? On peut
penser à la maladie, à la guerre, à l’absurde, au manque de sens, au désespoir, à la
contemplation quotidienne de l’atrocité, au pessimisme à propos de son propre
avenir ou de l’avenir de la planète.
Une personne qui veut se suicider s’installe toujours dans une logique de
l’excès. Elle cherche pendant quelque temps de bonnes raisons pour vivre,
n’arrive plus à en trouver et choisit de disparaître envers et contre tous. L’acte de
disparaître prend soudainement tout son sens, se justifie, s’explique.
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Il faut se souvenir que le suicide s’inscrit aussi dans une logique du sens,
même si ce sens n’existe que pour soi. Mais n’oublions pas que nous aurons de
plus en plus de suicides qui trouveront un appui chez les vivants. Il y a des
raisons de se suicider, il y a trop de lettres d’adieu qui en sont la preuve pour que
nous puissions le nier.
Il faudrait penser la logique du suicide et la logique de la négation du
suicide. Tout cela repose sur des principes philosophiques qui ne peuvent pas
être écartés même quand on a choisi son camp.
Si nous refusons la logique de l’option, il faut savoir pourquoi, il faut
quand même comprendre l’autre logique, il faut s’engager dans une réflexion,
même lorsque notre travail de réflexion semble ardu et complexe. Tout ce que la
philosophie peut faire, c’est d’inviter tout le monde à poursuivre la réflexion,
même dans le désespoir.
Qu’est-ce qui est le plus important ? Je crois que le plus important est une
avancée dans la philosophie, une ouverture à tous les arguments, le souci de
l’autre et le souci de la vérité, la fin des certitudes et la fin du désir d’avoir raison.
Nous sommes ailleurs que dans la logique définitive, nous sommes au pays du
paradoxe, nous sommes dans le travail de la conscience. Il n’y a rien de pire que
la bonne conscience et les certitudes lorsque nous travaillons avec ceux qui sont
aux frontières, aux limites du sens.
L’esprit de groupe des aidants est-il plus important que la solitude du
suicidaire ?
La comédienne et réalisatrice française Nicole Garcia demandait
récemment au philosophe Michel Onfray de répondre à la question suivante :
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Mais que peut la philosophie (…) que peut-elle dire à
celui qui souffre, au-delà des mots, d’une rupture ou
d’un deuil insoutenable ?
Onfray répondait :
Une grande partie de la philosophie (…) se propose de
vivre avec la mort, la douleur et la souffrance, la
trahison, les peines… Tout le stoïcisme et tout
l’épicurisme ne visent que cet art de bien et mieux
vivre malgré l’affliction. (…) La philosophie permet la
construction de soi, voire la reconstruction de soi8.
Vivre, bien vivre, mieux vivre est un art. On peut choisir de vivre malgré
les afflictions, malgré le désespoir qui se cache toujours et vient nous surprendre.
La philosophie permet la découverte d’un ou de plusieurs sens et leur
organisation. L’organisation des questions d’abord, puis de quelques réponses
plus ou moins satisfaisantes.
Un philosophe comme Épicure nous rappelle dans ses trop peu nombreux
écrits que le principal est de s’occuper en tout premier lieu de « ce qui dépend de
nous ». Il est important de bien saisir l’idée que le sens, la quête du sens, est l’une
des choses les plus intimes qui soient.
Toute la quête du sens nécessite un dialogue permanent avec soi. L’autre
vient par la suite reconnaître notre quête, en confirmer l’importance. Mais cette
confirmation ne peut pas toujours être sans un combat, sans un entêtement à
vivre, sans cette intimité, ce difficile moment d’intimité.
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On pose fréquemment la question de l’importance de la philosophie dans
notre monde. Que peut-elle pour nous, en effet ? Qu’est-ce qu’elle peut nous offrir
contre le désespoir d’un être particulier ? Que peut aussi la psychologie ? Que
peut celui ou celle qui, sans être un spécialiste, se retrouve devant un humain qui
souffre, qui ne croit plus, qui est habité par l’idée que vivre est une option parmi
d’autres ?
La tentation est grande de répondre : peu de choses. Le désespoir ne guette
pas que le suicidaire, le désespoir a dans notre société des alliés. Le cynisme, les
overdoses d’humour, l’ignorance de l’autre, l’égoïsme, les rapports quotidiens sur
l’état du monde, l’indifférence, l’abandon des valeurs premières de l’être, les
victoires apparentes de la solitude sans solidarité, le glissement vers le bas de
l’éducation, la perte de la foi en soi, la déshumanisation des êtres, les charniers.
L’histoire semble estropiée. Les idéaux sont pensés comme des publicités d’une
semaine à l’autre.
Le magasin des horreurs est ouvert, même le dimanche. Il n’y a pas de
repos pour le désespoir. Alors, reposons la question : que peuvent faire le
philosophe et le psychologue ? Que peuvent les « aidants » ? Que peuvent les
centres d’aide à la détresse ? Que peut l’humain pour l’humain ?
Si vous répondez « peu de choses », c’est que vous n’avez pas baissé les
bras. Alors écoutez bien cette affirmation de Boris Cyrulnik dans Parler d’amour
au bord du gouffre :
Quand une culture n’a pour projet que le bien-être
immédiat, le sens n’a pas le temps de naître dans l’âme
des sujets qui habitent cette société9.
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Cette affirmation, elle doit être entendue par tous. Philosophes,
psychologues, infirmières, sociologues, responsables des services étudiants,
médecins, professeurs de sciences, de littérature et politiciens. Elle doit être
entendue aussi par les parents, par les amoureux, par tous ceux qui pratiquent
encore ce que l’on nomme l’amitié. Bref, par tous ceux et celles qui tentent de se
tenir loin du désespoir et de la souffrance. L’affirmation de Cyrulnik pourrait être
un principe de base pour penser, elle devrait nous obliger à éviter les guerres
intestines trop fréquentes entre les disciplines, les chercheurs et les chercheuses.
Pendant que je rédigeais cette conférence, j’ai failli succomber à la
tentation d’attaquer assez violemment la psychologie. Je vous explique.
Il est bien dans certains milieux de laisser croire qu’il y aurait dans notre
société une vraie et une fausse manière de penser la souffrance de l’être. Le
philosophe, le romancier, l’écrivain, le poète, l’homme de théâtre ou même le
chanteur seraient du côté de la fausse manière. Le philosophe se contentant de
penser la souffrance, le romancier de la mettre en scène dans un roman. Le
chanteur d’en faire une petite œuvre émouvante pour la logique du spectacle. Il
ne s’agirait que d’une représentation, une manière parfois même douteuse de s’en
servir pour les exigences du show.
Le psychologue, l’infirmière, le médecin, le psychiatre seraient du côté de
la vraie souffrance. Recevant les éclopés du monde et travaillant avec eux, ils
seraient ainsi « plus connaisseurs » de la vraie souffrance parce qu’ils doivent
intervenir directement. Ils ne chercheraient pas à théoriser cette souffrance de
l’être et ne se contenteraient surtout pas d’en faire un roman, une pièce de
théâtre ou un film.
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Oui, nous pourrions ouvrir les hostilités dès maintenant. Oui, je pourrais
choisir mon camp et partir au combat. Il y a les partisans de la vraie et de la
fausse souffrance. Mais je préfère vous relire une autre fois la phrase de Boris
Cyrulnik.
Quand une culture n’a pour projet que le bien-être
immédiat, le sens n’a pas le temps de naître dans l’âme
des sujets qui habitent cette société.
Le sens, nous rappelle Cyrulnik, n’est pas du côté du bien-être immédiat.
Le sens a besoin du temps, de la lenteur. Il faut y mettre du temps pour donner
du sens aux choses et aux êtres. Il faut l’histoire, la mémoire, un sentiment
d’appartenance, établir des liens entre les idées. La culture de l’immédiat,
l’épicurisme de premier niveau sont un cul-de-sac. Soyons clair : se satisfaire
d’avoir le nez constamment dans le présent, c’est garder son nez dans la merde.
Comme une flamme au vent
Mon âme traverse le temps
Comme une flamme au vent
Je cherche encore pourquoi …10
Quelques mots d’une chanson du dernier album de Richard Séguin. Un
homme était venu lui porter une lettre, celle de son fils disparu. Il lui avait dit :
fais-en une chanson.
J’ouvre, dans la même semaine, un récit d’une chanteuse trop peu connue
au Québec, Catherine Ribeiro. Titre du livre : L’enfance. Elle y parle de son
enfance difficile, petite fille née pendant la guerre, petite fille dévastée par le
manque d’amour de sa mère.
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Jour après jour, je continue à marcher, souple et
légère, sur le gravier sablonneux des allées du parc,
avec dans le corps et l’esprit, une automédication
magique et souveraine : la poésie, la vraie, celle des
poètes.
Depuis l’âge de neuf ans, en fouinant seule les étagères
de la bibliothèque scolaire, puis municipale, j’ai trié
leurs ouvrages avec un soin particulier.
J’ai quitté le monde pitoyable, absurde et misérable
des vivants du présent pour celui de l’imaginaire, avec
Baudelaire, Rimbaud, Hugo, Aragon, Breton, Éluard,
Cocteau, puis Lautréamont, Apollinaire, Soupault,
Lorca, et puis Rilke, Gide, Reverdy, Neruda.
Les autres, mes presque préférés, vinrent après.
J’ai vécu dans la magie de leurs mots, frottés les uns
contre les autres sur les pierres de leurs vies. 11
Personne ne peut dire : je suis le premier être humain qui souffre.
Personne ne peut avoir le monopole de la souffrance. Mais tout le monde doit
tenter d’entendre la souffrance, tout le monde doit y penser, en chercher le sens
et le non-sens. Nous ne pouvons pas passer notre vie à dire que nous n’avons pas
le temps lorsqu’il s’agit de chercher du sens. On peut comprendre ses seize ans
trente ans après. On peut comprendre sa première peine d’amour bien longtemps
après l’avoir vécue. Il faut du temps pour tout, même la souffrance a besoin du
temps pour faire sens. Sur le coup, elle étouffe, elle brise l’être.
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Je ne serais pas étonné d’apprendre que le cinéma, la littérature et la
philosophie ont sauvé autant d’humains que les psychologues. Certaines
chansons aident à vivre, certaines chansons s’installent en nous pour longtemps
et nous permettent de saisir que nous ne sommes pas seuls. Je l’écris sans aucune
malice. L’inutilité de la philosophie ou de la littérature, voire de la culture, n’est
possible, pensable que dans une vision fermée de l’être. L’être n’a pas besoin du
seul secours immédiat. Tous les humains ont besoin d’être secourus toute la vie.
Le sens ne peut exister que dans la culture. Le sens est une quête, le sens
est l’action d’aller à la recherche de quelque chose. Cette recherche doit
s’organiser, se penser avec les parents, l’école, les amis. Nous sommes en ce
domaine des alliés de premier plan. Mais il y a dans la culture un refus de la mort,
un refus de l’oubli, un refus de l’indifférence.
Nous ne pouvons pas être des consommateurs du sens. Il est impossible,
impensable de penser le sens comme une consommation.
La quête de sens n’est pas un art du camouflage et du paraître. La quête de
sens n’est pensable que dans la rencontre des âmes. Un être qui cherche son être.
C’est ici que nous touchons au fondamental, à l’essentiel, à l’impossible, au rêve, à
l’infini, au sacré, à la consolation vraie, à l’amour, au dépassement et souvent à
l’indicible.
La quête de sens ne peut pas se vivre dans la distraction. C’est pourquoi la
société de consommation ne sait rien dire de la quête du sens. Elle crée l’inflation
des possibles, elle ne sait qu’inventer des objets et même nous chosifier.
Pour que le sens existe, il faut des temps d’arrêt. Or, dans l’ordre de la
consommation, il ne peut pas y avoir de temps d’arrêt, il faut faire croire que tout
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bouge sans cesse, il faut créer l’inflation du désir. Il n’y a plus de limites à vos
désirs, mais l’illimité des désirs n’est jamais freiné par une quête véritable de
l’âme. Ce mouvement entraîne et provoque la montée des déceptions. L’extension
excessive de l’immédiateté crée en nous une dérive de l’âme.
Comment tout cela se traduit-il chez un être particulier ? Il y a d’abord un
excès de fatigue, un essoufflement, la certitude qu’il n’y a que de l’inutile, y
compris soi. À quoi bon choisir ? À quoi bon penser ? À quoi bon chercher à
comprendre ? La déroute de l’âme s’installe. S’ajoute le contentement de
l’approximatif, alors que c’est exactement le contraire qui serait la solution.
La vision grise du monde prend alors toute la place en l’âme de l’être. Le
pessimisme gagne du terrain. Lentement mais sûrement, les déceptions changent
de cap. Soudain, ce n’est plus la société qui est décevante, c’est soi, c’est son
propre être, sa personnalité, son être même. L’intériorité de l’être frôle alors
l’épuisement.
Il y a des jeunes au cégep qui sont déjà envahis par cette fatigue. On peut
même penser que les jeunes s’épuisent encore plus vite puisqu’ils ne peuvent pas,
bien souvent, revenir à l’essentiel de ce qu’ils sont. On ne leur a jamais laissé le
temps de se questionner, on ne leur a jamais laissé le temps de se rencontrer, de
rencontrer les autres. La beauté d’un rêve n’apparaît plus. Tout semble finir en
cauchemar.
« Si je ne suis pas moi, qui le sera ? » disait le philosophe Henry David
Thoreau. Mais comment devient-on soi ? Comment entendre les cris de son
âme ? Comment entendre le mieux de la culture ?
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Pour qui être soi ? Est-ce seulement possible d’être soi et en même temps
d’être accueilli par les autres ? Peut-on être soi sans être égoïste ? Peut-on nous le
rappeler qu’il s’agit d’un devoir pour tous, une responsabilité, un souci
permanent ?
À quoi peut servir l’école si elle n’est pas ce lieu où il est possible de
comprendre plus sérieusement que jamais ce désir en nous tous d’être soi ?
L’école ne peut pas se contenter d’être à la remorque des commandements
économiques, elle n’est pas là pour fabriquer des consommateurs de
l’immédiateté, elle n’a pas à ressembler à cette société.
Évidemment qu’elle doit former des techniciens, des travailleurs, des
spécialistes, mais elle doit aussi défendre nos humanités, la quête du sens, la
culture et l’être comme sujet. Elle peut offrir quelque chose d’autre, elle peut faire
vivre plus longtemps le beau de l’histoire, de la poésie, des idées. Elle doit
installer en nous du permanent et du rêve. Elle se doit de valser entre les
possibles et l’impossible.
Une véritable quête du sens passe par toutes ces interrogations Nous ne
devons pas penser la quête du sens simplement parce que nous craignons pour la
montée du suicide. La quête de sens, elle est l’affaire de tout le monde, c’est notre
humanité même qui est en jeu.
Ne laissez pas les philosophes s’occuper seuls du sens. Ne laissez pas les
psychologues s’occuper du désespoir et de la souffrance dans la solitude de leur
bureau. Nous sommes tous concernés par la perte du sens. L’impossible doit
pouvoir se lire dans les yeux de chaque être humain. Nos rêves doivent pouvoir se
faire entendre. L’infini a besoin d’être en nous mais aussi il a besoin d’être
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communicable et pensable. C’est là que la beauté naît, c’est là que le sens prend
son sens.
(Merci de m’avoir écouté)
1
Valérie Lagrange, Une vie pour une autre, Paris, Michel Lafon, 2000, p. 44.
Traduit par Michel Barat, Paris, Payot, 1989, p. 16.
3 Henri Roorda, « Mon suicide », cité dans Pierre-Bernard Schneider, « Les
écrivains et le suicide », Schweizer Archiv für Neurologie und Psychiatrie,
5/2002, p. 228. L'article de Schneider se trouve à l'adresse suivante:
2
http://www.sanp.ch/pdf/2002/2002-05/2002-05-023.PDF
4
Cioran, Ébauches du vertige, Paris, Gallimard, Folio, 2004, p. 62.
Kay Redfield Jamison, La tentation du néant, traduction Bella Arman, Paris,
Robert Laffont, 2000, p. 244.
6 Jacques de Bourbon Busset, L’absolu vécu à deux, Paris, Gallimard, 2002,
p. 40.
7 Ibid, p. 67.
8 « Les adversaires », Philosophie magazine, Paris, no 1, avril-mai 2006, p. 32.
9 Boris Cyrulnik, Parler d’amour au bord du gouffre, Paris, Éditions Odile Jacob,
2004, p. 36.
10 Richard Séguin, « Comme une flamme au vent », sur l’album Lettres ouvertes,
Éd. À ciel ouvert, 2006.
11 Catherine Ribeiro, L’enfance, Paris, L’Archipel, 1999, p. 137.
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