11 L`image des deux sexes dans les magazines destinés aux

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11 L`image des deux sexes dans les magazines destinés aux
11
L’image des deux sexes
dans les magazines destinés
aux enfants et aux jeunes au Maroc
Khalid Rizk
Université Ibn Tofail, Kénitra
De par sa fonction divertissante, la presse magazine joue un rôle
de socialisation des enfants et des jeunes. Comme le laisse entendre le
discours éditorial des différentes publications en vente au Maroc, les
contenus des magazines, marocains et moyen-orientaux, se veulent à la
fois instructifs, éducatifs et distractifs. Si l’on prend en considération les
enjeux de ces trois objectifs simultanés que se proposent d’atteindre les
concepteurs de ces publications, l’on est en droit de s’interroger sur la
raison d’être de ces magazines dans la société marocaine actuelle.
Notre intérêt pour la question du genre dans la presse magazine
destinée aux enfants et aux jeunes est sous-tendu par des considérations
psychopédagogiques spécifiques au public cible et par l’importance d’un
tel concept social en usage actuellement à l’échelle universelle.
Partant de l’importance de la période de l’enfance et de la jeunesse
dans la formation de la personnalité de l’être humain, comme l’ont montré
les études psychologiques, sociologiques, pédagogiques, etc. nous nous
sommes posé la question suivante à laquelle nous essayerons d’apporter
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Genre, Pouvoir & Société
non des réponses définitives mais plutôt des éléments de réflexion : quelle
est la contribution de la presse magazine d’enfance et de jeunesse diffusée
au Maroc à la promotion des valeurs que véhicule l’approche du genre ?
L’intitulé du colloque Genre, pouvoir et société, nous offre la possibilité
de réfléchir sur une question très souvent marginalisée dans la critique
littéraire. En explicitant l’image des filles et des garçons dans des supports
médiatiques à grande diffusion et en mettant en évidence les rapports entre
les deux sexes, nous voudrions dessiner les contours de la représentation
que les concepteurs ont de leur public et que ce dernier a de lui-même.
Il va sans dire que la contribution de la presse magazine à la socialisation
des garçons et des filles passe nécessairement par une éducation effective
aux valeurs que subsume le concept de genre. Ce dernier, fondé sur des
valeurs comme le partage, la tolérance et l’équité devrait constituer la
pierre angulaire du projet éducatif constamment présent dans le discours
éditorial des concepteurs qui ambitionnent de préparer les jeunes lecteurs
à franchir les portes d’un âge adulte cohérent, édifié sur de nouveaux
rapports entre les deux sexes.
Eu égard à l’importance du genre dans la presse magazine des enfants
et des jeunes, nous ne pouvons nous empêcher de soulever d’autres
interrogations qui éclairent les tenants et les aboutissants de notre
question de départ :
- quelle image les concepteurs ont-ils des garçons et des filles
particulièrement dans les magazines arabophones ?
- quels procédés discursifs et rhétoriques les concepteurs utilisent-ils
pour mettre en perspective leurs représentations des deux sexes,
surtout que les magazines en question se déclarent porteurs d’un
projet social réalisable à court, moyen et long terme ?
- la réception que le jeune public (filles et garçons) réserve au discours
des magazines se traduit-elle par une prise de conscience attribuant
à chacun des deux sexes des particularités spécifiques?
- partant du principe que le processus de socialisation des enfants et
des jeunes est une étape cruciale dans la formation des générations
à venir, quelle est la part de contribution de cette presse magazine
dans la mise en place d’une approche du genre qui vise une société
basée sur les valeurs du partage équitable des rôles sociaux?
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Khalid Rizk
L’image des deux sexes dans les magazines destinés aux enfants et aux jeunes au Maroc
- les contenus actuels de ces magazines ne vont-ils pas à l’encontre de
ces valeurs ?
Afin de discuter ces questions, nous partons dans notre réflexion de
l’hypothèse selon laquelle la presse magazine des enfants et des jeunes
actuelle est anachronique par rapport aux nouvelles valeurs d’équité et du
partage que le concept genre véhicule.
Par le biais d’un corpus arabophone représentatif1, nous voudrions
mettre à nu cet anachronisme. Mais Avant d’étayer notre réflexion par
des exemples tirés du corpus retenu, nous aimerions apporter quelques
éclaircissements théoriques sur le concept « genre » et sur l’impact
pédagogico-éducatif qu’il peut avoir sur la conception et la réception
des magazines destinés au jeune public dans un contexte social arabomusulman résistant aux changements ayant trait à l’ordre moral établi,
notamment celui régissant les rapports entre les deux sexes.
Le « Genre » est un concept social en usage depuis quelques années2.
Un de ses objectifs essentiels est de pousser les sociétés à admettre que les
rôles des femmes et des hommes et les relations qu’ils entretiennent sont
dictés davantage par le contexte social, politique, économique et culturel
que par l’aspect biologique. Partant du fait que ces rôles ont été inculqués
par tel ou tel système de valeurs, ils peuvent changer (être changés) ou
perdurer au fil des générations. Le constat actuel dans beaucoup de pays
est que les deux sexes évoluent dans la cadre de relations déséquilibrées
qui altèrent le processus du développement social à tous les niveaux :
politique, économique, culturel, sociologique, etc.
Par conséquent, la nouvelle approche du genre tente de mettre à nu
les préjugés moraux qui se sont façonnées tout au long de l’Histoire des
relations sociales et qui considèrent les différences entre les deux sexes
dans la perspective biologique et psycho-cognitives entre autres.
1. Les magazines de notre corpus, en nombre de vingt-sept, sont publiés au Maroc, en Tunisie,
au Koweït et aux Emirats Arabes Unis. Les numéros retenus pour l’analyse sont publiés
entre 2004 et 2009. Outre ces numéros, nous avons eu recours à un corpus de contrôle
constitué de tous les magazines en vente actuellement au Maroc.
2. L’approche Genre est adoptée par les organisations non gouvernementales. Depuis les
années quatre-vingt dix, elle est entrée dans le vocabulaire onusien. Elle a été consacrée par
la conférence internationale « Population et Développement » tenue au Caire en 1994 et la
IVème conférence mondiale sur les femmes tenue à Beijing (Chine) en septembre 1995.
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Genre, Pouvoir & Société
Lié à l’équité entre les deux sexes, le concept «genre» ambitionne
d’atteindre un développement intégral du bien-être de l’ensemble de la
population sur la base de leur contribution effective, libre et significative à
l’évolution de la société et au partage équitable des richesses qui en résultent.
C’est dire que le concept «genre» est une philosophie de développement.
Dans le cas de la presse magazine des enfants et des jeunes, il serait
superflu de dire que le concept « genre » est d’une importance capitale
dans l’éducation des jeunes lecteurs aux valeurs comme le respect mutuel,
l’équité et le partage. Il constitue la clé de voûte d’une société cohérente
où les garçons et les filles sont traités pareillement. En l’absence d’une
telle éducation, dans la presse magazine à grande diffusion, entre autres
moyens d’initiation sociale, les préjugés et les stéréotypes sur les filles et
les garçons perpétuent les rapports d’inégalités entre les deux sexes. Par
conséquent, l’on ne peut aboutir à une société où les adultes sont aptes à
participer amplement à l’évolution sociale. En nous basant sur le rapport
dialectique entre l’enfance et l’âge adulte, nous ambitionnons d’évaluer, à
sa juste valeur, l’apport effectif de la presse magazine d’enfance actuelle à
l’éducation du jeune public aux valeurs que le concept «genre» véhicule.
Compte tenu de la diversité des rubriques que proposent les magazines
de notre corpus, nous nous sommes contenté des points suivants qui
nous semblent suffisants pour répondre à nos questionnements :
– les noms des magazines ;
– les personnages des bandes dessinées et des récits;
– la sphère de l’éducation.
Un simple aperçu sur les noms des magazines en vente actuellement
au Maroc permet de constater la prédominance des noms propres
masculins : Majid, Irfane, Samir, Farès, Al Arabi Assaghir, Alaeddine, Hatim,
Ali baba…
Les magazines destinés aux filles sont quasi absents. Trois seulement,
édités aux Emirats Arabes Unis, sont diffusés régulièrement. Il s’agit
de Witch, Minnie et Fulla (qui signifie jasmin). Le personnage Fulla est
une version arabe de la poupée occidentale Barbie. Elle porte deux
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L’image des deux sexes dans les magazines destinés aux enfants et aux jeunes au Maroc
tenues différentes selon les circonstances : un tchador noir et des tenues
modernes. Il s’agit bel et bien de la jeune fille musulmane moderne.
Récemment, le magazine arabophone Lalla Fatima3, qui se définit
comme « le magazine de la femme et de la famille marocaine », a pris
l’initiative de publier un supplément destiné aux enfants portant le nom
d’Omar et Khadija. Bien qu’ils veuillent satisfaire les attentes des deux
sexes par le biais d’un même support, les concepteurs reproduisent,
consciemment ou inconsciemment, la hiérarchie sexiste dominante dans
la société marocaine en mettant le nom du garçon Omar avant celui de
la fille Khadija. Le même constat est valable pour les magazines moyenorientaux en vente au Maroc qui interpellent les lecteurs très souvent
dans cet ordre : « Lil banin wa al banat, Lil fityane wal alfatayat, Lil baraim wa
zaharat… », Respectivement « aux garçons et aux filles et aux bourgeons
et aux fleurons ».
Nul besoin de rappeler l’importance que revêt le choix du nom d’un
magazine. Il constitue une entrée incontournable qui influe inévitablement
sur la réception du jeune public. Outre sa dimension commerciale, il
acquiert une dimension symbolique inscrite dans les valeurs sociales en
vigueur.
L’absence d’une vision claire du public cible et d’une stratégie
éditoriale sans équivoque condamnent les magazines actuels à
reproduire les valeurs dominantes de la société masculine. Les magazines
francophones, en revanche, se distinguent relativement par le recours au
critère psychopédagogique de l’âge et par la création de néologismes à
connotations ludiques (Astrapi, Toboclic, Wapiti, Tralalire, Picoti, Wakou,
Popi, Youpi…) dans le choix des noms des publications.
La tendance des concepteurs à choisir des noms de garçons à leurs
magazines fait écho à l’onomastique des bandes dessinées et des récits
où le sexe masculin s’empare du premier rôle aussi bien au niveau des
connotations des noms propres qu’on lui attribue qu’au niveau des valeurs
qu’il véhicule à travers les rôles qu’il joue.
3.
Edité par les Publications de la Gazette, Casablanca.
153
Genre, Pouvoir & Société
Dans la perspective du concept « genre », la catégorie du personnage
dans les bandes dessinées et les récits est intéressante d’autant plus que
le choix des noms propres est révélateur de la vision du monde dans une
société donnée4.
Ce nom propre « étant la catégorie linguistique qui marque
l’individualité d’un être dans son irréductible autonomie, l’univers
représenté risquerait d’apparaître hétéroclite et déroutant pour l’enfant,
ce qui serait incompatible avec le but visé par son emploi »5.
Autrement dit, le choix d’un nom propre pour désigner un personnage
est une tâche lourde de conséquences. Dans les bandes dessinées de notre
corpus6, les noms des personnages reflètent les valeurs sociales dominantes
qui valorisent le sexe masculin aux dépens du sexe féminin. Nous les avons
recensés et classés selon le critère du sexe et du degré de leur dénotation7 :
1- Les noms propres usuels :
Garçons
Filles
Noms
Nombre
Noms
Nombre
Samar, Ahlam,
Otman, Bassam, Haitam,
Maitae, Mariam,
Akram, Salim, Âmro,
Hissa, Souâd,
Hicham, Hamed, Majid,
Warda, Samira,
Ali ,Samih, Karim, Abou
Haifae, Leila,
Ali, Mohammed, Said,
19
Salma, Nour,
32
Hamdoun, Hamad, Issam,
Sanabil, Sara,
Douhain, Wardan, , Farid
Fatine, qamar,
, Mounir, Hassan , Saâd,
Najma, Ratiba,
Samir, Maher, Waeil,
Hanane, Tanae,
Fahd, Sarhane, Zaki,
Manayer.
Âllam, , Fahim.
Remarques
Dans la liste des filles
Mariam et Sara sont
désignées par leurs
fonctions respectives de
sous-lieutenant
de
police et de servante.
Deux rôles subalternes
significatifs de la place
du sexe féminin dans
les sociétés arabomusulmanes.
4. Abdallah Mdarhri Alaoui, « Le Nom propre dans les récits pour enfants » in Visages et paysages
du livre de jeunesse, L’Harmattan, col. Itinéraires et Contacts de Cultures, vol. 23, premier
semestre, 1996, p. 92.
5. Ibid. p. 94.
6. Les statistiques que nous présentons concernent le dépouillement des bandes dessinées des
vingt-sept numéros de notre corpus composé de magazines maghrébins et moyen-orientaux.
7. Nous nous sommes basé sur la typologie élaborée par Abdallah Mdarhri Alaoui dans l’article
susmentionné.
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Khalid Rizk
L’image des deux sexes dans les magazines destinés aux enfants et aux jeunes au Maroc
2-Les noms propres désignant les caractères
des personnages :
Garçons
Noms
Nombre
Saâfane Al Kaslane (Saâfane le paresseux), Irfane Addarif
(Irfane le gentil), Zaoubaâ (la tempête), Kaslane Jiddane
(très paresseux), Abou Addorafae (le plaisantin, le
blagueur, le bouffon).
05
Filles
Noms Nombre
----
00
3- Les personnages anonymes :
Garçons
Noms
Filles
Noms
Nombre
Nombre
Assabiyou (en français, le petit garçon), un jeune
allemand, des hommes, quatre garçons, un patient
d’un asile psychiatrique, un groupe de chevaliers,
deux hommes, un voyageur, un homme, un avar, un
ouvrier, un homme paresseux, un jeune garçon, un
petit garçon, les hommes du village d’Achaâb, deux
astronautes, un scientifique, un voleur, le wali (le
gouverneur d’une localité), le roi, un garçon, deux
associés.
22
Une fille, la
fille du roi,
les copines
de
Leila,
deux filles,
une fille, une
femme.
06
4- Les noms propres métaphoriques :
Garçons
Noms
Filles
Nombre Noms Nombre
Al Ârabi Assaghir (le petit arabe), Moujahid (soldat au
service de la religion islamique), Achchaytane (Satan), Irfane
(savant et clairvoyant), Akhir Al Ânqod (le benjamin),
Faleh (celui qui a réussi), Fahmane (doué, intelligent et
sage), Âssal (d’abord agréable, facile à vivre).
155
09
----
00
Genre, Pouvoir & Société
5- Les diminutifs, les surnoms et les néologismes :
Garçons
Noms
Filles
Noms
Nombre
Bahloul, le chauve, Boutartora,
Bondoq, Fostoq, Zanjabil, Rachchoud,
Khalfane, Saâfane, Chamloul, Saba,
Tika, Biliah, Bouchallakh, Richa.
Nombre
Noussa,
Lola,
Ammouna,
Chamssa, Dana, Karamla,
Mouza Al Habbouba, Samn,
Bagh Bagh Baghana.
15
09
6- Les personnes issues du patrimoine historique et narratif
arabo-musulman et étranger :
Garçons
Noms
Filles
Nombre Noms Nombre
Archimède, Al Jahiz, Al khanssae, Qatz (Saïf Eddine
Qatz), Josèphe (prophète), Chouaib (prophète), Achaâb
Attamaâ, le sultan Abdelhamid, Ronaldinho (joueur de
foot célèbre). Rama, Mr Figaro.
10
----
00
En nous basant sur le dépouillement des bandes dessinées et sur leurs
données onomastiques, nous retenons les conclusions suivantes :
- dans les 131 bandes dessinées de notre corpus, le sexe masculin occupe
la première place avec 93 personnages suivi du sexe féminin qui ne
dépasse pas 35. Cette supériorité quantitative du sexe masculin fait
écho aux valeurs culturelles et éducatives dominantes dans la société
arabo-musulmane. Les stéréotypes et les idées reçues que véhiculent
ces bandes dessinées par le biais de représentations figées sur les deux
sexes, confortent les garçons dans leurs rôles. Ils jouissent de plus de
liberté de conduite. Dans Majid, particulièrement, les personnages
masculins sont plus actifs et plus turbulents que les personnages
féminins, sans pour autant être désobligeants et agressifs vis-à-vis des
autres (Zanjabil, Zaoubaâ, Faleh, Akhir Al Ânqod, Fostoq, Bondoq). En
revanche, les filles turbulentes sont rares (BiBi, Amouna Al Mziouna,
Bahg Bahg Baghana). A notre sens, cette tendance éditoriale reflète
les principes éducatifs conservateurs qui valorisent la fille calme,
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Khalid Rizk
L’image des deux sexes dans les magazines destinés aux enfants et aux jeunes au Maroc
discrète et pudique. De manière générale, les filles secondent les
garçons dans leurs aventures et n’accomplissent que rarement des
actions nécessitant courage et force physique. L’intervention du sexe
masculin (garçon, père, grand-père, enseignant, inspecteur de police,
voisin du quartier…) est très souvent décisive pour le déblocage
des situations difficiles, la résolution des problèmes et l’élucidation
des énigmes. La place des personnes âgées de sexe masculin est
sauvegardée dans la mesure où ce sont elles qui inculquent aux
enfants des leçons de morale, très souvent, explicites.
- depuis le début de sa publication, le magazine Majid, particulièrement,
a établi une liste de personnages masculins et féminins définis
par des traits de caractère et des comportements constants. Ces
personnages n’évoluent pas dans la mesure où ils accomplissent des
actions répétitives menant toujours aux mêmes dénouements. D’un
point de vue psychologique et éducatif, ces personnages ne reflètent
pas la richesse potentielle de la personnalité humaine qui évolue
constamment au fil des expériences individuelles et collectives. La
répétition des mêmes trames narratives exclut tout changement
dans les rapports établis socialement entre les deux sexes.
- les noms des personnages masculins ont des connotations morales
positives : Faleh (celui qui a réussi), Akram et Karim (généreux), Majid
(célèbre, glorieux), Fahd (courageux), Zaki (chaste et vertueux)…
Par ailleurs, aussi bien les personnages masculins que féminins
parlent un arabe classique standard bienséant (rarement des
tournures dialectales) et se vêtissent décemment (habits modernes
et traditionnels du moyen orient). Concernant les personnages
féminins, particulièrement, l’aspect vestimentaire ne présente pas
de spécificités dans la mesure où l’habit moderne côtoie le vêtement
traditionnel. Dans Barâim Al Imane (les bourgeons de la foi), qui est
un supplément du magazine religieux pour adultes Al Wae Al Islami,
le voile n’est pas de rigueur. Ce qui laisse entendre l’existence d’une
certaine liberté de choix chez les filles de mettre les habits qu’elles
préfèrent.
- les personnages féminins et masculins sont tous des citadins (à
l’exception de ceux des bandes dessinées qui relatent l’Histoire et le
patrimoine narratif arabo-musulmans). Leurs rôles et leurs conduites
ne reflètent pas avec précision leur niveau socio-économique.
157
Genre, Pouvoir & Société
Néanmoins, tout laisse entendre qu’ils appartiennent à une classe
sociale relativement aisée.
- l’absence de personnages handicapés des deux sexes fait écho à la
négligence dont souffre cette catégorie sociale dans la majorité des
pays arabo-musulmans.
- les dénouements des histoires sont toujours à l’avantage du bien
et du bon sens. Cela n’étant pas toujours le cas dans la réalité, ces
leçons de morale risquent de donner aux jeunes lecteurs une idée
relativement idéale des intéractions humaines.
Comme dans les bandes dessinées, les récits sont dominés par les
personnages masculins, comme le montre le tableau suivant :
Récits proposés par les
concepteurs
Récits signés par les jeunes
lecteurs
Effectifs
des garçons
Effectifs
des filles
Effectifs des
garçons
Effectifs des
filles
Al Ândalib (le rossignol)
00
00
00
00
Al Ârabi Assaghir(le petit arabe)
25
11
04
01
Atfal Alyaum (les enfants
d’aujourd’hui)
04
02
06
02
Barâim Al Imane (les bourgeons
de la foi)
12
02
00
00
Irfane
09
03
03
01
Majid
04
03
00
00
Total
54
21
13
04
Magazines
Les données statistiques et thématiques relatives aux récits concordent
avec celles des bandes dessinées. Les concepteurs font des histoires relatées
un vecteur d’éducation morale. En plus de la supériorité quantitative
des garçons, nous constatons l’absence des deux sexes, comme dans les
magazines Al Ândalib (dans les deux types de récits), Barâim Al Imane
et Majid (dans les récits signés par les enfants). Dans ces deux derniers
magazines, l’absence des garçons et des filles dans les récits que les jeunes
lecteurs proposent aux comités de rédaction est surprenante. Ce constat
fait écho aux conclusions de notre recherche sur l’échange et la réception
158
Khalid Rizk
L’image des deux sexes dans les magazines destinés aux enfants et aux jeunes au Maroc
dans la presse magazine destinée aux enfants et aux jeunes au Maroc8 :
l’individualité des jeunes lecteurs des deux sexes est reléguée au second
plan au profit du groupe social qui constitue l’unique repère d’une
éducation réussie. A ce niveau, le profil des garçons et des filles véhiculé
par la presse magazine actuelle est identique.
Le corpus que nous avons analysé abonde en exemples relatifs à la
sphère de l’éducation collective et individualisée. La régularité de cette
rubrique s’explique par le fait que les concepteurs, dans leur discours
éditorial, assignent à leurs publications un projet éducatif visant la
formation, à long terme, de générations futures exemplaires. Comme le
laisse voir cet extrait de l’éditorial du numéro 332 du magazine Barâim Al
Imane (2004), la rédaction profite du nouvel an de l’hégire pour rappeler
à ses jeunes lecteurs l’avenir meilleur qui les attend :
« Pour un avenir rayonnant (…) Nous mettons entre vos mains un numéro spécial
en espérant qu’il vous satisfera et répondra à vos attentes et vos suggestions dont vous
nous avez fait part tout au long des mois passés.
L’amélioration de votre magazine est notre objectif, lequel objectif ne peut se
réaliser que si la communication entre nous est permanente. N’hésitez pas à nous faire
part de vos suggestions, de vos questions et de vos idées. Le magazine est avant tout
pour vous. Mettez vos mains dans les nôtres pour que nous puissions former ensemble
des esprits éclairés capables de bâtir un avenir rayonnant (…).».9
Nous présentons à titre d’exemple la rubrique « Ana Âindi
Mouchkilatoune » (j’ai un problème) du magazine Majid qui illustre cette
tendance éditoriale dans toutes les publications actuellement en vente au
Maroc et dans les pays arabes.
Les exemples que nous présentons nous semblent révélateurs de la
nature du rapport éducatif entre les concepteurs et les jeunes lecteurs et
entre ces derniers et leurs pairs.
8. Khalid Rizk, Echange et réception dans la presse magazine destinée aux enfants et aux jeunes au Maroc,
Thèse de Doctorat National, sous la direction d’Abdallah Mdarhri Alaoui, Université
Mohammed V Agdal, Faculté des Lettres et des Sciences Humaines, Rabat, mars 2009.
9. C’est nous qui traduisons.
159
Genre, Pouvoir & Société
Le premier problème, le plus surprenant, concerne une jeune fille
de 15 ans qui insiste pour garder l’anonymat. Cette dernière, par le
biais d’Internet, fait la connaissance d’un « jeune garçon européen non
musulman ». Elle confirme avoir pris la décision de s’engager dans cette
relation, en particulier, pour s’assurer « une protection contre d’éventuels
dérapages » surtout que ce dernier est « originaire d’un pays lointain et
qu’elle ne pouvait le contacter directement ». Elle pourra donc avoir
une relation avec un garçon sans pour autant « s’exposer aux dérives de
l’adolescence ». Après un certain temps, elle ressent un attachement à
l’égard de cet ami, mais en même temps une inquiétude inexplicable qui
provient, entre autres, de la différence de religion. A cause de la différence
de religion surtout, elle a essayé, à maintes reprises, de mettre fin à ses
conversations avec le jeune garçon étranger. Incapable de continuer de
vivre dans la confusion, elle décide de faire part de son problème aux
lecteurs du magazine qui n’auront pas, malheureusement, la possibilité de
réagir à ce ‘’problème’’. Le responsable de la rubrique répondra à la lettre
de la jeune fille et, de manière implicite, transmettra à toutes les filles qui
auraient vécu une situation pareille le même message.
Quel que soit le degré de véracité de ce problème, nous sommes face
à une situation tout à fait normale d’une fille qui traverse la période de
l’adolescence.
La réponse du magazine, introduite par un titre sur le mode impératif
« des discussions qui doivent arrêter immédiatement ! », est pour le moins,
surprenante, du fait qu’elle ne s’appuie sur aucun argument psychologique
susceptible d’apaiser les craintes de la jeune fille en phase d’adolescence.
L’argument essentiel retenu puise sa légitimité dans le discours religieux
notamment un hadith du prophète Mohammed et met particulièrement
l’accent sur le sentiment de culpabilité qui doit, selon l’avis de l’auteur de
la réponse, permettre à la jeune fille de décider de l’avenir de sa relation
avec le jeune garçon européen. En effet, le hadith définit le péché comme
étant « un sentiment ou une idée qu’on garde secrètement et qu’on ne
partage qu’avec son entourage ».
Puisque la jeune fille n’informe pas son entourage de cette relation,
elle a commis inévitablement un péché qui doit cesser selon le hadith.
160
Khalid Rizk
L’image des deux sexes dans les magazines destinés aux enfants et aux jeunes au Maroc
Cette façon d’évaluer les choses, de la part des responsables du magazine,
dessaisit la jeune fille de son droit d’avoir une vie privée et intime.
Paradoxalement, à la fin de la réponse, on lui laisse le choix de prendre
individuellement une décision pourvu qu’elle serve d’exemple aux autres
lecteurs, notamment les filles :
« En appliquant ce principe (celui du hadith), tu ressens un doute. La preuve
c’est que tu as essayé de mettre fin à cette relation. Tu cachais ton histoire aux gens
et tu avais peur qu’ils la découvrent. Donc c’est un péché. En tout cas, tu connais ton
problème mieux que les autres. »
Cette réponse ambiguë du magazine, comme nous pouvons le
constater, accentue davantage les doutes de la jeune fille qui se trouve
confrontée à d’autres tourments qui amplifient son incertitude :
- la distance géographique qui la sépare de son correspondant ne
lui permet pas d’être à l’abri des problèmes comme le montre ce
fragment de la réponse du magazine démesurément exagéré :
« Des voix se sont élevés dans certains pays européens qui revendiquent la mise en
œuvre de normes de sécurité régissant les discussions via Internet, parce que la plupart
des personnes qui avaient vécu la même situation que toi ont subi des conséquences
dramatiques. »
- les concepteurs certifient avoir eu, par le passé, affaire à des
problèmes similaires dont les conséquences n’ont pas été maîtrisées
totalement:
« Nous avons suivi de près des situations pareilles pour essayer, autant que faire
se peut, de réparer les préjudices. »
- le choix de l’anonymat par la jeune fille peut s’expliquer, à notre
avis, par deux raisons : sa situation psychologique de jeune fille
musulmane qui s’exprime sur un sujet sensible et tabou et l’impact
de l’éducation conservatrice qui transmet maladroitement les valeurs
morales de la société.
Ce cas de figure constitue un exemple d’échange fréquent entre les
jeunes lecteurs, notamment les filles, et les comités de rédaction de la
plupart des magazines pour jeunes. Par ailleurs, ce qui surprend dans
161
Genre, Pouvoir & Société
cette rubrique, c’est que le processus de communication exclut les jeunes
lecteurs de toute participation effective à la résolution des problèmes de
leurs pairs. Cette exclusion empêche les filles et les garçons d’entretenir
des rapports basés sur la concertation, l’échange positif, le respect mutuel
et le partage équitable des rôles sociaux.
Dans le numéro 1350 du même magazine (2005), deux exemples ont
attiré notre attention dans la mesure où ils sont révélateurs du discours
éducatif ambivalent que les concepteurs transmettent aux deux sexes :
- dans la rubrique Urgent, une fille maltraitée par ses parents reçoit des
conseils de la part de la rédaction l’incitant à éviter tout ce qui peut
lui attirer des châtiments corporels ou psychiques, en se montrant
coopérative à la maison et en trouvant l’équilibre entre les travaux
ménagers et les études.
- dans l’encadré hebdomadaire intitulé A tous les pères et toutes les mères,
le responsable de la rubrique relate sommairement la rencontre qu’il
a eue avec une jeune fille européenne convertie à l’islam. Le récit est
un prétexte ayant pour objectif d’adresser un message de morale aux
jeunes filles qui se plaignent du contrôle parental et des traditions.
L’auteur du texte leur recommande de suivre l’exemple de cette fille
qui, semble-t-il, respecte scrupuleusement les préceptes de l’Islam.
Il incite également les parents à faire preuve de plus de vigilance
pour dispenser à leurs enfants une éducation exemplaire.
Dans le numéro 1417 de 2006, deux autres exemples sont tout aussi
importants que les précédents :
- le premier problème est celui d’une fille de 13 ans qui s’inquiète
de son avenir après l’intervention de sa grand-mère dans son
éducation. Les parents de la jeune fille sont devenus complaisants et
permissifs, de peur de vexer la vieille femme qui aime beaucoup sa
petite fille. Par conséquent, cette dernière a vu son niveau scolaire
régresser et exprime des craintes quant à son avenir. Il va sans dire
que cette fille raisonne comme une personne adulte. Une jeune fille
de 13 ans aurait trouvé cette situation tout à fait à son avantage. On
s’attendrait à ce que la lettre soit écrite par l’un des deux parents de
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Khalid Rizk
L’image des deux sexes dans les magazines destinés aux enfants et aux jeunes au Maroc
la jeune fille. Ce constat confirme la ligne éditoriale des magazines
actuels qui traitent les enfants comme des adultes en miniature.
- le second problème est recueilli via Internet: le responsable de la
rubrique qui reçoit les questions des lecteurs deux fois par semaine,
nous rapporte une conversation avec une fille de 15 ans qui veut se
repentir parce qu’elle ne faisait pas la prière, fréquentait des filles
de mœurs douteuses et parlait avec les garçons dans les forums de
discussion. Le responsable de la rubrique lui demande d’aller faire
ses ablutions et prier. Une demi-heure après elle revient devant
son ordinateur et relance la conversation avec le responsable de la
rubrique « j’ai un problème ». Elle lui affirme qu’elle ressent une paix
profonde et que l’une des servantes non musulmanes qui travaillent
chez elle l’a vu pleurer pendant la prière et que cette scène l’a touchée
à tel point qu’elle lui a demandé de l’initier aux pratiques religieuses
de l’Islam. Au cours de la conversation avec le responsable de la
rubrique, la fille reconnaît que les chansons religieuses qu’elle avait
écoutées auparavant l’ont profondément marquée, ce qui l’a poussée
à prendre la décision de retrouver le droit chemin.
S’agissant du responsable de la rubrique « j’ai un problème », il joue
plusieurs rôles : celui des parents, des enseignants, du sociologue, du
psychologue, de l’homme de religion, etc. Néanmoins, les discours
religieux et moraux sont dominants par rapport aux discours sociologique
et psychologique. Il s’agit d’une morale simplificatrice qui empêche les
jeunes lecteurs de prendre conscience de leur situation d’adolescents en
proie aux questionnements de tout genre.
Tout compte fait, une rubrique consacrée aux problèmes individuels
des jeunes lecteurs nécessite la mise en place d’un climat de confiance où
les jeunes sont invités à réagir mutuellement vis-à-vis de leurs problèmes
qui, au demeurant, témoignent d’une évolution psychologique et d’une
dynamique de socialisation. Sur un autre plan, l’intervention permanente
de la même personne Khalil Al Haddad, responsable de la rubrique « j’ai
un problème », depuis la création du magazine en 1979 témoigne de la
représentation que les concepteurs ont de l’enfance et de la jeunesse :
163
Genre, Pouvoir & Société
à cette étape de la vie, les lecteurs ne peuvent avoir la faculté de
discernement.
Cette attitude des concepteurs fait écho à celle de la société arabomusulmane où l’enfant est considéré comme : « Un imaginaire
essentiellement : ignorance, animalité, obscurité, chaos (…) un élément
de destruction et de perturbation de l’ordre établi.» 10. Les jeunes lecteurs
cités dans les exemples présentent des cas particuliers pouvant servir de
leçons à d’autres destinataires potentiels.
La nature des problèmes posés par les jeunes lecteurs, leur formulation,
leurs références, leur vraisemblance, les limites entre ce qui relève de
l’individuel et du collectif, le dit et le non dit dans les lettres soulèvent la
question de la censure et de l’autocensure dans la presse magazine pour
les enfants et les jeunes en général.
Parmi les interrogations qui ont fait surface à la lecture des questions
des lecteurs et des réponses des magazines, une liée aux préoccupations
et aux inquiétudes réelles des jeunes lecteurs. Ces derniers s’expriment-ils
comme ils l’auraient souhaité ? La rédaction du magazine publie-t-elle
tous les problèmes ? Ceux publiés sont-ils authentiques ? Quelles sont les
limites de l’intervention du magazine dans la sélection et la reformulation
des lettres publiées ?
Les énoncés des questions des jeunes lecteurs et des réponses des
concepteurs mettent en évidence deux mécanismes qui régissent
l’échange et la réception dans les rubriques réservées aux problèmes du
jeune public : la censure et l’autocensure. Ces deux contraintes morales
imposent aux lecteurs concernés le choix de l’anonymat, le recours aux
points de suspension (les blancs) et aux allusions. Ils impliquent les
concepteurs et les jeunes lecteurs dans une dynamique de communication
conforme aux valeurs éthiques admises par l’opinion commune. Aussi les
deux communicants s’identifient-ils de manière plus ou moins explicite
à une même référence opposant le bien au mal de manière dogmatique
excluant tout effort de réflexion. En d’autres termes, il s’agit d’un
10. Moulim El Aroussi, « Etre enfant, est-ce une illusion ? », in Enfances de A à Z, Actes du
onzième colloque de français, 5, 6 et 7 juin 1989, Alger, Presses de l’Office des Publications
Universitaires, Université d’Alger.
164
Khalid Rizk
L’image des deux sexes dans les magazines destinés aux enfants et aux jeunes au Maroc
mécanisme de contrôle et de refoulement mis en œuvre pour contrer les
attitudes et les comportements spécifiques à l’adolescence, parce qu’ils
menacent l’équilibre du sujet et suscitent des sujets tabous.
Dans le corpus d’exemples que nous venons d’exposer, l’absence
de sujets encore tabous dans les sociétés arabo-musulmanes comme la
drogue et le tabagisme dans les milieux des jeunes, les relations entre
les deux sexes, le sida, la musique de jeunesse, les abus sur les enfants
et les jeunes, l’éducation sexuelle de l’adolescent…) est surprenante11.
Les problèmes exposés par les jeunes lecteurs nous mettent en présence
d’adultes en miniature dont le souci majeur est de se conformer aux
valeurs religieuses et sociales. Cela est d’autant plus vrai que certains
jeunes lecteurs culpabilisent d’être livrés à des comportements douteux
condamnés par la religion et par les mœurs en vigueur.
Telles qu’elles sont présentées, les lettres des jeunes lecteurs sont
soumises à un double contrôle : en amont, l’autocensure qui empêche le
jeune de s’exprimer librement comme dans la lettre de la jeune fille de 15
ans (Majid, numéro 1306 de 2004) ; et en aval, la censure que la rédaction
exerce sur les lettres ne répondant pas aux normes de bienséance permises
par la morale collective. Cela crée une situation paradoxale dans la mesure
où l’échange des jeunes avec la rédaction des magazines est forcément
différent de celui de la vie quotidienne des jeunes.
Pour mettre en évidence l’ampleur de l’autocensure et de la censure,
nous citons un exemple tiré du magazine Majid (numéro 1510, janvier
2008) qui présente une conversation via internet entre une fille de 16 ans
et le responsable de la rubrique j’ai un problème. La jeune lectrice reproche
à ses parents de ne pas la surveiller suffisamment. L’échange s’est déroulé
en ces termes :
« -Mes parents ont une confiance aveugle en moi. Ils me laissent
faire tout ce que je veux sans me contrôler. Quand je leur demande
pourquoi ils ne font pas comme les parents de mes amies, ils
11. Le magazine marocain francophone Junior mag qui a cessé de paraître, après seulement
trois années d’existence, a eu le mérite de permettre aux jeunes lecteurs de lire des sujets
tabous dans la société marocaine. Sa disparition soulève énormément de questions relatives
à l’intérêt que la société marocaine accorde au jeune public.
165
Genre, Pouvoir & Société
répondent qu’ils ont confiance en moi ! Mais j’estime que c’est une
négligence de leur part et j’ai peur de commettre un jour un péché.
- Quelles sont les choses que tu fais sans que tes parents ne te
contrôlent ?
- Par exemple, je sors avec le chauffeur toute seule.
- Est-ce qu’il a fait quelque chose de suspect ?
- Non, c’est un homme gentil dans la cinquantaine. Il me traite comme
sa fille. Mais, enfin de compte, c’est un homme et moi je suis une
fille. Cela est inadmissible par la religion !
- Tu as raison, y a-t-il d’autres exemples ?
- Oui, mes parents me laissent seule devant mon ordinateur.
(…)
-En plus des prières, tu dois installer ton ordinateur dans un endroit
où tous les membres de ta familles puissent te voir (…) Connectetoi une fois par semaine en présence de l’un d’eux.
(…)
- Tu dois être sûre que si tes parents ne te contrôlent pas, Dieu le fait.
Il te surveille constamment. Tu es escortée par deux anges, l’un sur
ta droite et l’autre sur ta gauche. Ils consignent tout ce que tu dis et
tu fais (…) ».
Cet exemple est intéressant à plus d’un titre :
- il est présenté sous forme d’une conversation entre la jeune fille de
16 ans et le responsable de la rubrique Khalil Elhadad qui reçoit
via Internet les problèmes et les questions des jeunes lecteurs le
vendredi et le dimanche de chaque semaine entre 13 et 15 heures
GMT. Dans cet exemple, il fait le compte rendu de la conversation
qu’il a eue (aurait eue) avec la jeune lectrice du magazine.
- les répliques de la lectrice sont rapportées par le responsable de
la rubrique. Leur authenticité et leur intégralité dépendent de
l’honnêteté et de l’objectivité du responsable de la rubrique.
- la mise en scène de la participation de cette jeune fille met en valeur
internet comme canal d’échange et de réception efficace mais aussi
comme source de dangers.
- les propos de la jeune fille confirment l’impact de l’autocensure et de
la censure sur l’éducation des jeunes, notamment les jeunes filles. Ce
qui serait normal, à notre sens, c’est que la fille se plaigne de l’autorité
de ses parents. Dans cette conversation elle s’auto-culpabilise et
culpabilise ses parents qui, de son avis, sont très permissifs.
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Khalid Rizk
L’image des deux sexes dans les magazines destinés aux enfants et aux jeunes au Maroc
Les magazines actuellement en vente au Maroc et dans les pays arabes
reproduisent les représentations figées que la société a des deux sexes
et véhiculent les mêmes valeurs culturelles et morales traditionnelles
dominantes. Le respect de ces valeurs constitue, de l’avis des concepteurs,
un argument qui légitime l’existence de ces publications destinées à assister
les parents dans leurs tâches éducatives. Conçus dans cette perspective,
ces magazines ne peuvent prétendre contribuer à l’épanouissement des
filles et des garçons et à l’édification d’une société d’équité et de partage.
La conception actuelle des magazines destinés aux enfants et aux
jeunes participe à la perpétuation des inégalités entre les deux sexes. Le
rôle que ces publications sont censés jouer dans la mise en place d’une
nouvelle éducation basée sur l’égalité est perverti par d’autres objectifs
idéologiques. Celui du maintien de la hiérarchie qui régit les rapports
entre les deux sexes constitue la pierre angulaire du discours éducatif
doxologiquement abusif.
Il est temps de rompre avec le didactisme moral et les discours
éducatifs ambivalents et de donner naissance à une presse magazine qui
véhicule pertinemment les valeurs de l’équité entre les deux sexes en leur
donnant les mêmes chances d’évolution, et ce dès leur jeune âge.
Notre réflexion sur l’apport de la presse magazine en vente au Maroc
en matière d’éducation sur l’égalité entre les deux sexes ne prétend pas
répondre à toutes les questions épineuses qui nécessitent des recherches
pluridisciplinaires.
167
Genre, Pouvoir & Société
Bibliographie
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(Actualité de la culture de l’enfant marocain et les perspectives de son
développement), in Actes de la table ronde Attiflo wa t-tanmiyatu (L’enfant et le
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marocain : étude de terrain), in L’Enfance Arabe, revue, l’Association Koweitienne
pour le Développement de l’Enfance Arabe, numéro 16, septembre 2003.
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revue, Casablanca, délégation du MEN de Ben m’sik, Association de la Promotion
de la Coopération Scolaire, numéro 4, 1991.
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du point de vue juridique et religieux), in Actes de la conférence : La famille et l’enfant
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Sciences Humaines de Rabat, 1992.
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Cahiers Educatifs, col. Enfance, numéro 3, 1997.
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Khalid Rizk
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L’image des deux sexes dans les magazines destinés aux enfants et aux jeunes au Maroc
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- Al Ândalib : numéros 80 (2004), 81 (2005), 83 (2006), 85 (2007).
- Al Ârabi Assahgir : numéros 147 (2004), 153 (2005), 160 (2006), 173 (2007).
- Atfal Alyaum : numéros 76 (2204), 92 (2005), 106 (2006) ,111 (2007).
- Assafina : numéro 12 (2002).
- Aljaridatu Arraidatu Li t-tifli : numéros 1à 5 (2007).
- Âlaeddine (Tunisie) : numéro 11 (2004).
- Barâim Al Imane : numéros 332 (2004) ,346 (2005) ,365 (2006), 371 (2007).
- Bassim : numéros 871 et 877 (2004), 959 (2006).
- Fulla : numéro 0 et 1 (2006).
- Fares Al Ghad : 1 à 25 (2006-2008).
- Hatim : numéro 68 (2004).
- Irfane : numéros 403 (2204), 423 (2005), 433 (2006).
- Junior mag : numéro 5 (2002).
- Majid : numéros 1144, 1183(2001), 1224 (2002), 1297, 1298 (2003), 1305, 1306,
1308,1309, 1311, 1314, 1315,1318, 1319, 1323, 1327, 1328, 1333 (2004), 1350,
1354, 1364, 1365, 1373, 1378,1389 (2005), 1408, 1410,1412, 1417,1418, 1435, 1447,
1453 (2006), 1454, 1457 à 1534 (2007-2008).
- Mihad : numéro 1, 2 et 3.
- Minnie : numéro 79 (2004).
- Sheima : numéro 10 (2006).
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