La RSE dans le sport professionnel français : L`Olympique Lyonnais
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La RSE dans le sport professionnel français : L`Olympique Lyonnais
Université de Lyon Université lumière Lyon 2 Institut d'Études Politiques de Lyon La RSE dans le sport professionnel français : L’Olympique Lyonnais, illustration d’un management responsable ? Anne-Laure MICHEL Master 1 Economie, Management des Organisations et Ressources Humaines Séminaire Entreprises et Société : Débats Contemporains Sous la direction de : Benjamin DUBRION (Soutenu le : 11 Juin 2012) Membres du jury: Benjamin DUBRION Etienne COGNARD Table des matières 1-1) L’Europe et les Etats-Unis : deux logiques d’approche différentes de la RSE . . 5 6 7 12 12 a) Une approche américaine religieuse et philanthropique: éthique et risque individuel . . 12 b) Une approche européenne politique : Développement Durable et Risque collectif .. 13 Remerciements . . Avant propos . . Introduction . . I. La Responsabilité Sociale de l’Entreprise dans le Sport : Etat des lieux général . . 1-2) Les impacts de ces différences d’approches RSE dans le Sport Américain : Un modèle ancien et avancé outre atlantique . . 15 a) Etat des lieux des pratiques US : Programmes RSE développés notamment par les ligues. . . 15 b) Raisons culturelles et structurelles : les structures du sport américain favorables à un tel développement . . 16 1-3) Pratiques Hétérogènes dans le Sport Européen et embryonnaires dans le Sport Français . . a) Etat des lieux des pratiques européennes et françaises . . b) Raisons du retard français en matière de Responsabilité Sociale du sport . . c) Lyon : une tradition humaniste qui pourrait être propice au développement de la RSE dans le sport lyonnais . . II. Le rôle de la RSE dans le Sport Français : Cas d’Etude de l’Olympique Lyonnais . . 2-1) La RSE comme réponse à la professionnalisation du sport . . a) Du sport amateur au sport professionnel : L’Olympique Lyonnais et les clubs : de véritables PME ? . . b) Le sport face à des problèmes d’entreprise . . c) Les actions RSE de l’Olympique Lyonnais pour répondre à cet enjeu . . 2-2) La RSE comme réponse à la multiplication des Parties prenantes dans l’environnement sportif . . 18 18 20 22 24 24 24 27 29 31 a) L’environnement de Olympique Lyonnais et des clubs français de plus en plus complexe . . 31 b) Un impact des clubs sur la société important : justification de la politique d’OL Fondation . . 32 c) Le Grand Stade Lyonnais, illustration d’un projet à multiples parties prenantes, multiples intérêts . . 34 2-3) La RSE comme réponse à la multiplication d’enjeux auxquels sont confrontés les organisations sportives . . a) L’Olympique lyonnais face aux enjeux liés aux centres de formation : prise en compte du capital immatériel . . b) Répondre aux enjeux environnementaux : Le Grand Stade un projet écologique .. c) Enjeux de sécurité publique . . III. L’Effectivité des pratiques RSE dans le sport professionnel Français : vers un management responsable de l’Olympique Lyonnais et des Organisations Sportives ? . . 3-1) L’efficacité basée sur les ressources et compétences spécifiques de l’Olympique Lyonnais . . 36 36 38 40 43 43 a) Les ressources et compétences spécifiques de l’OL au service d’une RSE effective . . 43 b) Quelle relation entre la performance sociale de l’OL et sa performance financière ? . . 45 c) La politique RSE de l’OL face à des paradoxes quant à l’utilisation de ses ressources . . b) La politique RSE de l’OL face aux problèmes de greenwashing . . 47 48 48 49 c) Les théories et les taxonomies des politiques RSE des organisations sportives au service de l’évaluation de l’efficacité . . 50 3-2) L’évaluation de l’effectivité de la politique RSE de l’OL . . a) Difficulté d’évaluer la politique RSE des organisations sportives . . 3-3) La politique RSE de l’Olympique Lyonnais, une fin en soi ouun moyen vers un management responsable ? . . a) Ancrer la stratégie RSE de l’Olympique Lyonnais dans la stratégie des clubs : recherche de l’avantage concurrentiel . . b) Les enjeux d’une politique de RSE stratégique pour l’Olympique Lyonnais . . Conclusion . . Bibliographie . . Annexes . . 52 53 53 55 57 62 Remerciements Remerciements Je tiens tout d’abord à remercier Benjamin Dubrion et Etienne Cognard, responsables du séminaire « Entreprises et Société », pour nous avoir permis de choisir un sujet librement, même si l’étude du sport n’était pas l’une de leurs spécialités. J’adresse mes remerciements plus particulièrement à Benjamin Dubrion, mon directeur de mémoire, qui m’a dirigé, suivi et conseillé durant toute la période de réflexion, de définition du sujet mais aussi de rédaction du mémoire. Je remercie également les personnes que j’ai pu rencontrer et interviewer ; Laurent Arnaud et Gérard Caviglia, deux employés de l’Olympique Lyonnais avec qui j’ai pu discuter longuement de la politique sociale du club. Mais aussi Hélène Blondel, responsable partenariats de l’association Sport dans la ville, avec laquelle travaille l’Olympique Lyonnais. Tous m’ont accordé de leur temps malgré des emplois du temps souvent chargés, ainsi que des informations précieuses. Je remercie plus particulièrement l’équipe d’OL Fondation qui m’a conviée à une journée au Stade de Gerland avec l’association FootValeurs le 10 Mai 2012. Cela m’a permis d’appréhender plus concrètement une de leurs actions de responsabilité sociale et d’en discuter avec plusieurs protagonistes de cette rencontre. Merci aussi à Emmanuel Bayle, professeur à Lyon III et au Centre de Droit et d’Economie du Sport de Limoges, spécialiste de la RSE dans le sport. En plus de son livre récemment publié (« Sport et RSE » Décembre 2011), il m’a apportée de précieux conseils tout en m’aidant à cadrer mon mémoire sur un axe précis. Je remercie évidemment mes proches qui m’ont encouragée, soutenue pendant toute la période de réalisation du mémoire. Merci plus particulièrement à Vincent Chevrier, qui a patiemment lu et corrigé mon mémoire en y ajoutant des remarques très constructives. 5 La RSE dans le sport professionnel français : L’Olympique Lyonnais, illustration d’un management responsable ? Avant propos Ce mémoire de recherche constitue l’aboutissement de quatre années à l’IEP qui m’ont permis d’acquérir certaines méthodes de recherche, d’analyse, ainsi que de synthèse, nécessaire pour un travail d’une telle ampleur. Si le choix du sujet entre dans le cadre de ma spécialité de master 1 « Economie, Management des Organisations et Ressources Humaines », il me permet également d’introduire certains concepts que j’étudierai – je l’espère, en Master 2 « Droit Economie et Gestion du Sport ». Le choix du sujet n’a donc évidemment pas été pris à la légère, même si à première vue, le lien entre Responsabilité Sociale de l’Entreprise et Sport ne saute pas aux yeux. C’est là même, un de mes objectifs en rédigeant ce mémoire : démontrer la pertinence de l’application d’un tel concept à un secteur plus connu pour son côté loisir que professionnel. De plus, au niveau personnel, rencontrer des professionnels d’un domaine qui me passionne et pour lequel je veux travailler, fut très instructif. Ainsi en plus de lier l’utile à l’agréable, cela m’a même permis d’obtenir une offre de poste de chargé de projet en Conseil en RSE au Comité Olympique du Rhône. Le sport est pour moi un élément central de notre société : que ce soit pour ses valeurs, pour ses bienfaits et sa capacité à rassembler. Ma troisième année que j’ai pu effectuer à Brisbane (Australie) m’a fait découvrir une autre gestion et conception du sport. Tout comme aux Etats Unis, la notion de Responsabilité Sociale dans le sport professionnel n’est pas nouvelle dans la société australienne. Ainsi, le choix du sujet de ce mémoire de recherche est en quelque sorte l’aboutissement de ce que j’ai pu découvrir ces dernières années que ce soit en Australie, ou dans la conduite de mon projet professionnel. 6 Introduction Introduction Des joueurs de football qui se mettent en grève lors de la Coupe du Monde en Afrique du Sud, de multiples scandales financiers, des salaires faramineux aux affaires de dopage, les frasques du « Sport Business » sont nombreuses à faire la une de l’actualité. Il n’est pourtant pas rare de brandir le sport comme facteur de réconciliation du monde, comme nous le montre l’engagement de Nelson Mandela, dont les idées ont notamment été soutenues et reprises par l’Organisation des Nations Unies pour le Sport au service du Développement et de la Paix (UNOSDP). L’ancien secrétaire des Nations Unies, Kofi Annan, s’est en effet intéressé à l’esprit du sport et aux leçons que ce puissant outil peut nous enseigner : rassembler les peuples, considérer l’adversaire comme un rival, non comme un ennemi, rendre le monde meilleur, etc. Cependant, malgré ces multiples déclarations et volontés quelque peu utopiques, l’influence du sport sur le monde et sur la société a encore du chemin à parcourir pour se rapprocher des attentes de l’ancien président de l’Afrique du Sud. Une des solutions néanmoins avancée par des chercheurs et autres experts est d’élargir et d’appliquer la notion de Responsabilité Sociale de l’Entreprise (RSE) au secteur du sport. A prime abord il pourrait cependant sembler paradoxal de vouloir appliquer une telle notion à un secteur qui est déjà en soit un véhicule de valeurs sociabilisantes et responsabilisantes, que l’on retrouvent notamment ancrées dans le mouvement de l’Olympisme moderne impulsé par Pierre de Coubertin. Le premier principe de la Charte Olympique souligne en effet que : L’Olympisme est une philosophie de vie, exaltant et combinant en un ensemble e#quilibre# les qualite#s du corps, de la volonte# et de l’esprit. Alliant le sport a# la culture et a# l’e#ducation, l’Olympisme se veut cre#ateur d’un style de vie fonde# sur la joie dans l’effort, la valeur e#ducative du bon exemple, la responsabilite# sociale et le respect des principes e#thiques fondamentaux universels. (Comité International Olympique, 2011). Ainsi, la volonté d’engager le secteur du sport sur la voie de la Responsabilité Sociale semble être redondante avec l’éthique sportive inhérente à ce secteur. Cependant, les logiques économiques actuelles ainsi que le contexte mondial dans lequel le sport moderne se développe, ont beaucoup évolué depuis les débuts de l’Olympisme moderne. Ainsi, la notion de Responsabilité Sociale de l’Entreprise semblerait pouvoir répondre à certains enjeux du sport moderne et compenser ainsi le recul ou du moins, la moindre influence des valeurs inhérentes au sport telles que décrites dans la Charte Olympique. C’est ce dont l’Olympique Lyonnais, un des meilleurs clubs de football français, a pris conscience ces dernières années. Suite à ses sept titres consécutifs de Champion de France entre 2002 et 2008, et à ses nombreuses participations en Championnat Européen (Ligue des Champions), sa performance sportive n’est plus à démontrer. Cependant, depuis quelques années ce club professionnel a pris conscience de son impact social grandissant et a décidé de s’engager dans des pratiques de Responsabilité Sociale à plusieurs niveaux : création d’une Fondation en 2007, d’un fond de dotation, un futur Stade à financement privé (et donc propriété du club) en accord avec les principes de développement durable, des politiques d’insertion par l’emploi, etc. 7 La RSE dans le sport professionnel français : L’Olympique Lyonnais, illustration d’un management responsable ? Une présentation de ce concept est alors nécessaire pour comprendre les enjeux de la Responsabilité Sociale dans le Sport professionnel. Le concept de « Responsabilité », tout d’abord, est un concept instable dans le champ philosophique. Dérivant du latin respondere qui signifie « répondre de » et « se porter garant de » (Capron et Quairel-Lanoizlée, 2007, 20), ce terme a souvent été rattaché à la notion de faute et donc de sanction, notamment dans son acception juridique. Néanmoins, l’acceptation philosophique du terme dépasse cette imputabilité de la faute et le rapproche de la notion d’obligation ou d’engagement. Pour Hans Jonas (1990), par exemple, « l'éthique a affaire à des actes, qui ont une portée causale incomparable en direction de l'avenir et qui s'accompagnent d'un savoir prévisionnel peu importe son caractère incomplet �…�. Tout cela place la responsabilité au centre de l'éthique, y compris les horizons d'espace et de temps qui correspondent à ceux des actions » (22). Ainsi, la responsabilité devient une véritable modalité d’action participant à forger le concept de Responsabilité Sociale de l’Entreprise. Ensuite, même si les origines du principe de la Responsabilité Sociale sont relativement anciennes et peuvent être par exemple reliées à certains préceptes de l’éthique protestante, comme cela est présenté dans l’ouvrage de Weber, le concept n’apparaît dans la littérature qu’à partir des années 60. Généralement la paternité du terme « Responsabilité Sociale de l’Entreprise » est attribuée à l’économiste keynésien Howard R. Bowen (Carroll, 1979). En 1953, il publie un ouvrage « Social Responsibilities of the Businessman », où il donne une définition précise de ce qu’il considère être la Responsabilité Sociale de l’Entreprise : « Le terme de Responsabilités Sociales des hommes d’affaires sera utilisé fréquemment. Il renvoie aux obligations des hommes d’affaires de suivre les politiques, de prendre les décisions, ou de suivre les orientations qui sont désirables en termes d’objectifs et de valeurs pour notre Société. Cette définition n’implique pas que les hommes d’affaires, en tant que membres de la Société, ne disposent pas d’un droit à critiquer les valeurs acceptées au sein de la Société et à contribuer à leurs améliorations. En effet, au vu de leur grands pouvoir et influence, il peut sembler indispensable qu’ils prennent part à ce débat. Cependant, nous faisons l’hypothèse qu’en tant que subordonnés à la société, ils ne doivent pas mépriser les valeurs socialement acceptées ou placer leurs propres valeurs au dessus de celles de la Société. Des synonymes de la responsabilité sociale sont ‘la responsabilité publique’, les ‘obligations sociales’, ou la ‘morale d’entreprise’. Le terme doctrine de la responsabilité sociale renvoie à l’idée, désormais largement exprimée, selon laquelle la prise en compte volontaire d’une responsabilité sociale de l’homme d’affaires est, ou pourrait être, un moyen opérationnel pour résoudre des problèmes économiques et atteindre plus globalement les objectifs économiques que nous poursuivons » (1953, 6). Depuis, de multiples définitions de la Responsabilité Sociale de l’Entreprise ont été proposées. En 1979, Archie B. Carroll a proposé un cadre conceptuel pragmatique qui distingue quatre niveaux de responsabilité de l’entreprise, pouvant être appréhendé de manière pyramidale : (Graphique à consulter sur place à la bibliothèque de Sciences-Po Lyon) (Golli et Yahiaoui, 2003). 8 Introduction Le premier étage de la pyramide concerne la responsabilité économique ; c’est à dire que l’entreprise a comme principale responsabilité de produire des biens et services pour satisfaire les besoins de la société. La deuxième responsabilité de l’entreprise est la responsabilité légale : elle doit agir de manière compatible avec les attentes de l’Etat et de la loi. Ensuite, la troisième responsabilité qualifiée d’éthique, souligne la nécessité pour l’entreprise d’agir volontairement de façon à être compatible avec les attentes de la société, les mœurs et les normes éthiques (codes de déontologie, les chartes issus des syndicats, etc.). Enfin, la dernière responsabilité d’après Carroll est la responsabilité discrétionnaire ou philanthropique qui propose aux entreprises d’aller au delà des responsabilités précédentes et d’assumer ainsi des responsabilités non codifiées, et volontaristes (Carroll, 1979). Cependant même si ces deux modélisations de la RSE sont intéressantes, elles s’apparentent plus à une approche américaine découlant du courant du « Business Ethics ». Afin de recentrer l’étude sur la Responsabilité Sociale et le Sport Professionnel français, une définition récente rattachée à la norme ISO 26 000 semble se prêter correctement à cette approche (Bayle, 2011). En 2010, l’Afnor a en effet essayé de proposer une définition universelle de la RSE. Cette norme est ainsi le résultat d’un compromis entre gouvernements, entreprises, syndicats, consommateurs, ONG et chercheurs d’environ 90 pays. On y retrouve toutes les notions-clés telles que l’éthique, les parties prenantes et le développement durable, ce qui permet la convergence de l’approche nord-américaine et de l’approche européenne. Cette définition précise que : « La responsabilité d’une organisation vis-à-vis des impacts de ses décisions et de ses activités sur la société et sur l’environnement, se traduit par un comportement transparent et éthique qui : - contribue au développement durable, incluant la santé et le bien-être de la société ; - prend en compte les attentes des parties prenantes ; - respecte les lois en vigueur et est en accord avec les normes internationales de comportement; -et qui est inte#gre# dans l’ensemble de l’organisation et mis en œuvre dans ses relations. » (Capron, 2009) 1 (ISO, 2010 , 4) Parlant de responsabilité d’ « organisation » à la place de responsabilité d’« entreprise », cette définition semble être tout à fait adaptée à l’étude de la Responsabilité Sociale des organisations sportives. De plus, à travers les définitions précédentes, le concept de Responsabilité Sociale de l’Entreprise (ou des Organisations) semble remettre en cause la pensée libérale de Milton Friedman pour qui seule la maximisation du profit 2 devait être considérée comme la responsabilité de l’entreprise (1970) . Cela semble être en cohérence avec les missions des organisations sportives puisque ces dernières n’ont jamais eu comme finalité première la maximisation du profit, mais plutôt la maximisation de leur performance sportive, de leur performance médiatique, ainsi que de leur performance auprès des supporters, etc. Cette vision déjà pluridimensionnelle de la performance – plus prégnante chez les organisations sportives que dans les entreprises traditionnelles – semble ainsi être plus propice à l’intégration d’indicateurs sociaux et environnementaux pour améliorer leur performance de Responsabilité Sociale (François, 2010). La définition donnée par l’Afnor est également intéressante puisqu’en partenariat avec le ministère des sports français, les modalités d’application de l’ISO 26000 au monde sportif ont été définies à partir de la consultation de ses acteurs. Néanmoins, après une réunion d’information organisée en juin 2011, la commission de normalisation « Sport et développement durable » 1 ISO, (2010), Découvrir ISO 26 000. Brochure. 2 Friedman, Milton (1970), « The Social Responsibility of Business is to Increase its Profits », The New York Times Magazine. 9 La RSE dans le sport professionnel français : L’Olympique Lyonnais, illustration d’un management responsable ? qui devait regrouper plusieurs sous commissions (« Gestion d’équipements », « Vie Sportive », « Fabrication », « Distribution », « Organisation d’événements ») n’a pas vu le jour (Afnor, 3 2011) . Dans ce mémoire, afin d’appuyer notre propos sur la responsabilité sociale de l’Olympique Lyonnais, nous avons délibérément choisi de nous appuyer sur l’approche liée à la théorie des parties prenantes, approche déterministe de la Responsabilité Sociale de l’Entreprise, qui depuis les années 80 s’est progressivement imposée comme la théorie de référence pour appréhender ce concept (Gond & Igalens, 2008, 40). Il s’agit d’une approche élargie de la conception de l’environnement de l’entreprise, qui s’attache notamment à analyser les fondements normatifs, descriptifs et instrumentaux sur lesquels repose la prise en compte des demandes de groupes externes autres que les actionnaires (Donaldson & Preston, 1995). (Donaldson & Preston, 1995, 74) L’approche « normative » de la théorie des parties prenantes vise à expliciter les raisons pour lesquelles les demandes de groupes qui ne sont pas nécessairement en relation contractuelle explicite avec les entreprises peuvent être légitimes et doivent donc être prises en considération. La perspective « descriptive » quant à elle, vise à démontrer la pertinence empirique de cette théorie en décrivant la nature de la firme, la façon de penser le management pour les managers, comment les membres du conseil d’administration considèrent les enjeux de l’organisation et enfin, la façon dont celles ci sont aujourd’hui gérées. L’organisation est alors considérée comme le lieu de rencontre de différentes parties prenantes que le manager prend effectivement en compte. Enfin pour Donaldson et Preston, la perspective « instrumentale »de la théorie des parties prenantes a pour but d’analyser 3 AFNOR (2011), « Responsabilité Sociétale : une future commission de normalisation pour décliner l’ISO 26000 au monde du sport ? » <http://www.afnor.org/profils/centre-d-interet/rse-iso-26000/responsabilite-societale-une-future-commission-denormalisation-pour-decliner-l-iso-26000-au-monde-du-sport > 10 Introduction les liens entre la pratique du management par les parties prenantes et la performance de l’entreprise (Gond & Igalens, 2008). Par conséquent, la Responsabilité Sociale des organisations sportives sera ici appréhendée comme une réponse aux pressions des différentes parties prenantes ainsi que de l’environnement de l’organisation (Campbell, 2007, 947) considérée comme un réseau de parties prenantes. Ces facteurs d’influence poussant les organisations sportives à s’engager dans des pratiques de responsabilité sociale seront analysés plus précisément dans le corps du mémoire. Ainsi, en prenant appui sur le cas de l’Olympique Lyonnais, une des organisations sportives françaises les plus avancées en matière de Responsabilité Sociale, nous allons nous interroger sur la valeur ajoutée des pratiques de responsabilité sociale dans le domaine précis du football professionnel français et nous demander en quoi les pratiques de Responsabilité Sociale sont pertinentes dans ce secteur et permettent d’aboutir à un management responsable du sport ? Dans une première partie, nous allons faire un état des lieux général de la Responsabilité Sociale dans le sport avec une mise en perspective des différences entre l’approche nord-américaine, où la RSE dans le sport est très avancée, et l’approche européenne où les recherches sont embryonnaires et hétérogènes sur ce sujet. Dans une deuxième partie, en étudiant plus précisément les pratiques de l’Olympique Lyonnais, le rôle de la Responsabilité Sociale dans le football professionnel sera explicité et celle ci sera considérée comme une réponse aux multiples enjeux auxquels les clubs professionnels doivent désormais faire face. Enfin, la troisième partie sera consacrée à l’analyse de l’effectivité réelle et de la pertinence des pratiques de responsabilité sociale dans ce domaine particulier. La méthodologie adoptée repose sur plusieurs procédés : - une étude approfondie de la littérature –notamment anglophone, relative à ce sujet. - le recueil d’informations sur le terrain pour l’étude de mon cas pratique. Cette partie terrain fut menée essentiellement à travers des interviews de professionnels du secteur de la RSE et du sport, de professionnels plus spécifiquement travaillant pour la plupart à l’Olympique Lyonnais, d’observations d’événements organisés par l’Olympique Lyonnais dans le cadre de leur politique RSE, et d’analyse de leur support de communication : dossiers de presse, site Internet, rapports annuels etc. - analyse du cas pratique au regard des éléments théoriques et mise en perspective. Le tout moins dans une visée de confirmation ou d’infirmation des théories mais de questionnement de la pertinence de l’application de la notion de RSE au football professionnel français (opportunités et résultats). 11 La RSE dans le sport professionnel français : L’Olympique Lyonnais, illustration d’un management responsable ? I. La Responsabilité Sociale de l’Entreprise dans le Sport : Etat des lieux général Avant de commencer, il est nécessaire de préciser les différences fondamentales entre l’approche européenne et l’approche américaine de la Responsabilité Sociale de l’Entreprise, qui auront des répercussions sur notre étude de la Responsabilité Sociale des Organisations Sportives. 1-1) L’Europe et les Etats-Unis : deux logiques d’approche différentes de la RSE Les auteurs s’accordent tout d’abord à dire que la notion de Responsabilité Sociale de l’Entreprise, traduction du terme anglo-saxon de Corporate Social Responsibility (CSR) , est apparue en premier sur le continent américain . Cependant sous sa forme « implicite », des prémisses de la Responsabilité Sociale de l’Entreprise ont pu être identifiés au 19ème et 20ème siècle en Europe sous la forme notamment du paternalisme d’entreprise (Ballet & de Bry, 2001). Tout d’abord, la principale différence entre les deux approches est une différence de perspective. Aux Etats-Unis la Responsabilité Sociale de l’Entreprise puise ses origines dans une perspective religieuse et philanthropique alors que l’approche européenne émerge d’une perspective politique et met en avant la contribution au développement durable plus que l’éthique en elle même. a) Une approche américaine religieuse et philanthropique: éthique et risque individuel L’ouvrage d’Howard Bowen paru en 1953, Social Responsibilities of the Businessman, en plus de porter la paternité du terme, affirme l’origine religieuse et plus précisément protestante du concept dans son approche américaine. Bowen, lui même pasteur protestant, a proposé une vision en accord avec les principes de la Bible en se référant par exemple au « stewardship principle » et au « charity principle », étant respectivement le principe d’une gestion responsable de la propriété sans altérer la propriété d’autrui, et le devoir des personnes riches à venir en aide aux personnes moins fortunées (Capron, QuairelLanoizlée, 2007, 7). De plus la parution de l’ouvrage de Bowen Social Responsibilities of the Businessman (1953)résulte de la commande du conseil fédéral des églises du Christ en Amérique (Federal Council of the Churches of Christ in America) qui s’est lancé dans une étude plus large concernant l’éthique chrétienne et la vie économique (Acquier et 12 I. La Responsabilité Sociale de l’Entreprise dans le Sport : Etat des lieux général Gond, 2005). Cette étude reprend la thèse soutenue par Max Weber, selon laquelle des facteurs psychologiques et d’éthique protestante affectent les décisions managériales. Ainsi certaines valeurs du puritanisme et du calvinisme auraient participé à l’élaboration et à l’encadrement du capitalisme (Weber, 1967). L’approche américaine de la Responsabilité Sociale de l’Entreprise affirme ainsi l’idée d’un contrat implicite entre l’entreprise et la société. En effet contrairement à l’approche européenne qui considère la relation entreprise et société de manière « institutionnaliste », l’approche américaine la considère comme « contractualiste » (Capron, 2006). En utilisant les termes à connotation religieuse tels que trusteeship et stewardship Bowen souligne dans son ouvrage que ce contrat implicite repose sur l’idée selon laquelle la propriété n’est pas un « droit absolu et inconditionnel » (18) mais au contraire que celle ci ne peut être affirmée et légitimée que si les propriétaires et l’administration de l’entreprise participent à améliorer le bien-être de la société. La RSE serait ainsi considérée comme le moyen de corriger le système, de réparer les abus, l’individu étant au centre de tout. Les externalités négatives provoquées par l’entreprise seraient donc compensées par les activités philanthropiques menées par le chef d’entreprise. L’éthique et la philanthropie combattraient l’immoralité du système mais sans aucune intervention des pouvoirs publics, qui dans la conception américaine sont accusés de limiter la liberté individuelle (Capron, Quairel-Lanoizlée, 2007). De fait, les fondations philanthropiques auxquelles beaucoup d’entreprises américaines ont recours, peuvent être considérées comme « une production privée de politiques publiques » (Boidin et al, 2009, 37). A côté de cette conception américaine de la Responsabilité Sociale de l’Entreprise, basée sur des préceptes religieux et éthiques, l’Europe impose une vision politique de la RSE qui est directement reliée à la promotion du développement durable. b) Une approche européenne politique : Développement Durable et Risque collectif Si l’on regarde les publications de la Commission de l’Union Européenne au sujet de la RSE, deux textes paraissent intéressants : le livre vert « Promouvoir un cadre européen pour la responsabilité sociale des entreprises » publié en 2001 ainsi que la publication en 2002 du rapport : « La responsabilité sociale des entreprises. Une contribution des entreprises au développement durable ». Ces deux rapports, débarrassés des perspectives éthiques et religieuses consacrent une vision politique de la Responsabilité Sociale des Entreprises. En effet, ces deux publications visent à inciter les pays de l’Union Européenne et leurs entreprises à s’engager dans des pratiques volontaires de RSE, ce qui permettra à terme de répondre à un des objectifs de l’Union : « Le défi à relever au niveau européen consiste à déterminer comment la responsabilité sociale des entreprises peut aider à atteindre l'objectif de Lisbonne, à savoir construire une économie de la connaissance dynamique et compétitive fondée sur la cohésion. Le Conseil européen de Lisbonne a fait spécialement appel au sens des responsabilités des entreprises dans le domaine social pour les bonnes pratiques liées à l'éducation et la formation tout au long 13 La RSE dans le sport professionnel français : L’Olympique Lyonnais, illustration d’un management responsable ? de la vie, à l'organisation du travail, à l'égalité des chances, à l'insertion sociale et 4 au développement durable. » (Commission Européenne, 2001, 5) Dans cette conception de la RSE, l’organisation est responsable à l’égard de la société et des parties prenantes de sa communauté, mais également à l’égard des parties prenantes appartenant aux générations futures. Cette approche européenne de la RSE repose ainsi sur l’idée que les perspectives sociales, environnementales et économiques ne seraient finalement pas si antithétiques que ça. En effet, dans la conception européenne, la responsabilité sociale des organisations « au sens pratique du terme, se trouve concrétisée au travers du concept ‘Triple Bottom Line’: prospérité économique, respect de l’environnement, respect et amélioration de la cohésion sociale » (Pesqueux, 2002, p. 157). Ce concept traduit bien l’approche européenne de la RSE basée sur le développement durable qui est souvent représentée par un triangle pour mettre en évidence les trois objectifs poursuivis : l’un est économique (création de richesses pour tous à travers des modes de production et de consommations durables), l’autre est écologique (conservation et gestion des ressources) et le troisième est social (équité et participation de tous les groupes sociaux). Le principe du développement durable est donc d’équilibrer ces trois dimensions afin d’éviter que la poursuite d’un objectif se fasse au détriment des deux autres. Ces pratiques entrent dans le cadre du mouvement de « régulation civile » qu’Aggeri et Godard décrivent comme passant par de « nouvelles demandes de consommateurs pour des produits éthiques, de mouvements sociaux (boycotts, action militante des ONG, etc.), de pressions d’investisseurs se voulant socialement responsables et, d’affirmation de valeurs véhiculées par les dirigeants et les employés » (2006, 14). Ainsi la conception européenne de la Responsabilité Sociale de l’Entreprise se recentre autour du concept de 5 la « soutenabilité » . Contrairement à la perspective américaine qui à travers l’éthique, oppose le Bien et le Mal, la perspective européenne souligne l’enjeu de survie de la communauté et des espèces vivantes de la Terre. D’après Capron (2006), il s’agirait ainsi de réussir à assurer les besoins vitaux de la communauté mondiale (rôle de l’économie), tout en conservant les conditions de reproduction de la nature (dimension écologique), avec des relations sociales d’équité (préoccupation sociale). Ainsi la vision européenne de la responsabilité sociale de l’entreprise est intimement liée celle d’un risque collectif. Pour expliquer cette différence fondamentale entre l’approche américaine et européenne, certains comme Rifkin (2005) avancent un profond choc des valeurs: « Le rêve européen fait passer les relations communautaires avant l’autonomie individuelle, la diversité culturelle avant l’assimilation, la qualité de vie avant l’accumulation de richesses, le développement durable avant la croissance matérielle illimitée, l’épanouissement personnel avant le labeur acharné, les droits universels de l’homme et les droits de la nature avant les droits de propriété, et la coopération mondiale avant l’exercice unilatéral du pouvoir » (14). Cela est également expliqué par le fait que la sociologie européenne a une vision à dominante holiste (et donc défend une responsabilité collective), contrairement à la discipline nord américaine qui avance une approche relevant de l’individualisme méthodologique (Capron, 2006). 4 COMMISSION DE L’UNION EUROPÉENNE, (2001), Livre vert « Promouvoir un cadre européen pour la responsabilité sociale des entreprises », Bruxelles. http://europa.eu/legislation_summaries/employment_and_social_policy/ employment_rights_and_work_organisation/n26039_fr.htm, Consulté le 14/04/2012. 5 Soutenabilité : angliscisme dérivant du terme « sustainability » 14 I. La Responsabilité Sociale de l’Entreprise dans le Sport : Etat des lieux général Puisque les entreprises européennes sont incitées à dépasser les obligations légales et contractuelles (Commission Européenne, 2001), celles ci ne sauraient réduire leurs actions RSE à « des expressions de compassion charitable ». A la place, la RSE est « censée pénétrer le système de management, comme le recommandent beaucoup de dispositifs nés en Europe » (Capron, 2006, 10). Ces différences d’approches de la Responsabilité Sociale des Entreprises vont avoir des impacts dans les faits. En effet, le sport américain et le sport européen ont deux niveaux d’engagement sensiblement différents dans les pratiques de Responsabilité Sociale : le modèle américain est relativement ancien et avancé alors que le modèle européen, sur qui la littérature est peu nombreuse, est encore au stade embryonnaire et les pratiques y sont très hétérogènes. 1-2) Les impacts de ces différences d’approches RSE dans le Sport Américain : Un modèle ancien et avancé outre atlantique La question de la Responsabilité Sociale dans le domaine du sport professionnel américain a été abordée assez tôt, que ce soit par les clubs ou les ligues sportives. En conformité avec la tradition philanthropique américaine, les actions sont principalement à portée caritative et charitable. a) Etat des lieux des pratiques US : Programmes RSE développés notamment par les ligues. Le premier partenariat notable en matière de Responsabilité Sociale dans le domaine du sport américain fut celui mené par le club professionnel de baseball, les Red Sox de Boston qui depuis 1953 mène des actions auprès de l’association The Jimmy Fund dans la lutte contre le cancer (Robinson, 2005). Plusieurs clubs professionnels ont ensuite suivi l’exemple et ont crée leur propre partenariat avec des organisations charitables locales ou avec des organisations caritatives qu’ils ont-eux même fondées. En 1987 par exemple, le club de basket Chicago Bulls a initié sa propre organisation : « The CharitaBulls nonprofit organization. ». Néanmoins, si les clubs sportifs professionnels tels que le club des Red Sox de Boston ou encore celui des Chicago Bulls ont initié ce mouvement, ce sont avant tout les ligues américaines majeures (National Basket Association (NBA), National Football League (NFL), National Hockey League (NHL), Major League Baseball (MLB) notamment) qui ont favorisé le développement et l’essor des politiques de Responsabilité Sociale réalisées par ces mêmes clubs nord-américains (Bayle, 2011). Frise chronologique des différentes pratiques de Responsabilité Sociale initiées par les quatre ligues majeures professionnelles. (Babiak, 2010, 532). Ainsi autour des années 80, les ligues sportives majeures des Etats Unis ont toutes créé leur propre fondation telles que NFL Charities en 1973, MLB Charities en 1986 et ont initié de larges programmes à dominante sociale. La National Basket Association, ligue de basket américaine a par exemple lancé le programme « Read to achieve » en 1994. Celui ci répond à des objectifs d’éducation, avec pour principale mission d’inciter les jeunes américains à 15 La RSE dans le sport professionnel français : L’Olympique Lyonnais, illustration d’un management responsable ? la lecture. Du côté de la santé, la ligue de football américain (NFL) a lancé un programme « Play 60 » destiné à combattre l’obésité par la pratique du sport. L’un des commissaires de la Ligue de football américain a d’ailleurs déclaré: « Le football ne se définit pas seulement selon ce qu’il se passe sur le terrain. Il faut aussi regarder ce qu’il se passe hors du terrain. Notre engagement envers nos fans et les communautés qui nous soutiennent ne se termine pas quand le coup de sifflet final est donné. L’engagement de la Ligue de Football Américain envers notre environnement est fort 6 et a grandi au fil des années. » (National Football Association, 2009). (Babiak, 2010, 531). Leur fondation NFL Charities créée en 1973, met à la disposition d’associations caritatives américaines comme « the Boys and Girls Clubs of America » ou encore « the Armeican Heart Association » près de 10 millions de dollar chaque année. Les ligues américaines ont ainsi un rôle important de catalyseur de pratiques de Responsabilité Sociale au sein du secteur sportif professionnel américain. En effet, la plupart des programmes initiés par les ligues sont repris par les clubs et s’ajoutent aux programmes que ces derniers avaient déjà développés. L’équipe professionnelle de baseball, les Atlanta Braves, a par exemple mis en place le programme « Straight A » qui vise à promouvoir le bon comportement des jeunes américains à l’école, en échange de places pour assister aux matchs de l’équipe. Dans certains cas, en plus des programmes impulsés par les ligues et les clubs, ce sont les joueurs eux même qui développent leurs propres actions. Peyton Manning, un joueur talentueux des Denver Broncos a par exemple crée sa propre fondation « Peyton Manning’s PeyBack Foundation » en 1999, avec pour mission de soutenir les enfants américains en difficulté ainsi que les orphelins afin de leur offrir autant d’opportunités que les enfants privilégiés (Babiak et Wolke, 2006). Ainsi les programmes de Responsabilité Sociale dans le sport américain sont nombreux et divers. L’élan impulsé par les ligues majeures américaines dans les années 70 a favorisé un essor important des programmes caritatifs et philanthropiques auprès des clubs et des joueurs. Un tel essor de pratiques sociales peut être expliqué par de nombreuses raisons culturelles et structurelles propres au secteur sportif américain. b) Raisons culturelles et structurelles : les structures du sport américain favorables à un tel développement La première raison qui explique un engagement si avancé en matière de Responsabilité Sociale dans le domaine du sport professionnel américain est liée à la forte tradition philanthropique du pays, présentée précédemment. Une étude a démontré qu’en 2010, 290.89 milliards de dollars avaient été consacrés à des œuvres caritatives (Giving USA, 7 2011) . Et 5% de ce budget (soit 15,29 milliards) a été apporté par les entreprises/ organisations (auxquelles se rattachent les ligues sportives). Cet engagement fort au travers d’actions philanthropiques est expliqué par la corrélation entre un bas niveau de dépenses publiques aux Etats-Unis et un secteur privé et associatif très développé. Cette tradition de « corporate philanthropy » que nous considérons aujourd’hui comme des actions RSE, 6 « The game of football is about more than making plays on the field. It is about making them off the field as well. Our commitment to fans and the communities that support us does not end when the final seconds tick off the game clock. The NFL’s commitment to public ser- vice is strong and has grown over the decades. » 7 GIVING U.S.A (2011) The annual report on philanthropy for the year 2010. http://www.givingusareports.org/, Consulté le 13/04/2012. 16 I. La Responsabilité Sociale de l’Entreprise dans le Sport : Etat des lieux général remonte notamment aux pratiques des grandes compagnies d’aciers, de voies ferrées, etc. ème au 19 siècle (Godfrey, 2009). De plus, les pratiques philanthropiques des clubs sportifs notamment illustrées par le partenariat ancien entre l’équipe des Red Sox de Boston et The Jimmy Fund, sont également expliquées par le statut même de ces clubs professionnels. En effet afin d’instrumentaliser leurs politiques sociales, les clubs sportifs américains qui sont des clubs franchisés (et donc sont admis à la ligue sportive américaine via le processus commercial de franchise), ont la possibilité de se constituer en fondation publique (public charity), privée (public foundation) ou sous l’égide d’une plus grande fondation (donoradvised fund). Ces fondations ont l’avantage d’être exonérées d’impôts sur le revenu et permettent également aux donateurs de bénéficier d’avantages fiscaux (Bayle, 2011). D’ailleurs les franchises américaines du domaine sportif sont depuis longtemps dirigées par d’importants chefs d’entreprises traditionnelles. Paul Allen, un des fondateurs de la compagnie Microsoft avec Bill Gates est par exemple propriétaire de la franchise des SeaHawks de Seattle en foot américain, et des TrailBlazers de Portland en NBA (basket) (Bayle, 2011). Cela a favorisé le développement d’une véritable culture d’entreprise au sein des franchises sportives. Ces grandes fortunes américaines symbolisent la culture du giving back. En effet, beaucoup de ces grands hommes d’affaires redistribuent une partie de leur fortune afin de satisfaire plusieurs de leurs intérêts et notamment afin de ne pas se voir considérer comme de mauvais citoyens (Adams et Knutsen, 1994). En parallèle à ces raisons culturellement inhérentes à la société nord américaine, des raisons structurelles sont à développer. Il est en effet impensable en économie et sociologie du sport, de comprendre la régulation du sport sans analyser le poids des structures et des choix institutionnels (Andreff, 2007). Ainsi, la structure même des ligues majeures nord américaines (NBA, MLB, NFL et NHL) leur confère un pouvoir important de régulation sportive et économique. Etant constituées en ligues fermées, le principe est celui d’un cartel où les clubs ni ne montent ni ne descendent en division inférieure à l’opposé d’une ligue européenne par exemple, où les clubs qui participent au championnat national, suivant leur performance sportive peuvent être promu en division supérieure ou relégué en division inférieure à la fin du championnat (Andreff, 2007). Ce fort pouvoir institutionnel que détiennent les ligues sportives américaines explique notamment la diffusion des pratiques de responsabilité sociales initiées par les ligues auprès des clubs franchisés. Cependant, bien que contraire aux lois anti trust américaines (Sherman Act, 1890), la Cour Suprême, lors de l’affaire du Sports Broadcasting Act (1961) a décidé d’exempter les ligues sportives américaines au motif qu’elles sont une « exhibition publique et non un commerce » (Andreff, 2007, np). Le droit d’entrée à payer pour prendre part au championnat étant très élevé, les propriétaires des clubs franchisés sont bien souvent de richissimes hommes d’affaires ce qui expliquent les multiples fondations créées ou activités caritatives initiées, ce qui peut mener bien souvent à « des pratiques de philanthropie exacerbées » (Bayle, 2011, 88). Ces caractéristiques propres au secteur sportif professionnel nord américain sont très différentes de celles du secteur sportif européen et notamment français. Avec des traditions et des conceptions de responsabilité sociale différentes entre les deux continents, les pratiques de Responsabilité Sociale dans le secteur du sport sont évidemment différentes. Si les pratiques nord américaines sont très portées sur la philanthropie et les actions charitables, les pratiques européennes –bien moins avancées que celles d’outre Atlantique, ont pris une voie sensiblement différente. 17 La RSE dans le sport professionnel français : L’Olympique Lyonnais, illustration d’un management responsable ? 1-3) Pratiques Hétérogènes dans le Sport Européen et embryonnaires dans le Sport Français Contrairement aux pratiques de Responsabilité Sociale dans le milieu du sport professionnel nord américain, les pratiques européennes et notamment françaises sont à un niveau relativement embryonnaires. Plusieurs raisons expliquent ce retard bien qu’il ne faille pas négliger cependant, le potentiel de développement de pratiques de Responsabilité Sociale dans certains pays, certaines villes telles que Lyon, terreaux d’une tradition humaniste forte. a) Etat des lieux des pratiques européennes et françaises Au niveau européen tout d’abord les pratiques de Responsabilité Sociale au niveau du sport professionnel sont hétérogènes. Une constante peut néanmoins être notée : étant donné les pouvoirs moindres dont disposent les ligues sportives européennes, l’engagement dans des pratiques de Responsabilité Sociale est directement à l’initiative des clubs professionnels. De plus contrairement aux Etats Unis, les initiatives de Responsabilité Sociale du sport professionnel européen sont globalement concentrées sur un seul sport : le football. Le Royaume Uni par exemple, souvent considéré comme « la terre du football européen » (Breithbarth & Harris, 2008, 192), est depuis longtemps sensibilisé à l’impact que peut avoir le sport sur la société et les clubs anglais de football sont ainsi engagés depuis longtemps dans des pratiques sociétales. Même si les prémisses de la Responsabilité Sociale de l’Entreprise sont apparues outre Atlantique, celles de la Responsabilité Sociale du Sport sont à chercher du côté de la Grande Bretagne. En effet les premiers clubs de football anglais (Everton, Aston Villa, Fulham, Southampton…) furent établis au XIX° siècle par les Eglises anglicanes, protestantes et catholiques, qui considéraient le football comme un excellent outil pour aider les jeunes sans abris. Les enfants et adolescents étaient ainsi recrutés par les équipes de football de la paroisse tout en étant nourris, instruits et intégrés dans la vie de la communauté (Rosca, 2011). Vinrent ensuite les clubs de football fondés par les entreprises elles mêmes afin de répondre à un problème auquel les compagnies britanniques durent faire face pendant la Révolution Industrielle. Les conditions de travail difficiles laissaient peu de temps libre aux employés pour se divertir et l’un des seuls plaisirs de ceux-ci, était de se rendre au bar à la fin de la journée. Conscients des dangers de l’alcoolisme sur leurs employés, les entreprises essayèrent de régler ce problème et fondèrent ainsi leur propre équipe de football afin de permettre aux ouvriers, de se relaxer et de se divertir à travers le football (White, 2009). Les ouvriers, dans un meilleur état d’esprit, augmentaient ainsi leur productivité au travail ce qui bénéficiait aux entreprises. La manufacture d’armes à feux « Woolwich » fonda ainsi le club d’Arsenal, tout comme « York Railway Company » qui établit le fameux club de Manchester United, un des clubs actuels les plus performants au niveau européen. Un autre exemple frappant, fut celui du club de West Ham United, fondé en 1895 par la compagnie « Thames Ironworks » afin d’améliorer les relations entre les travailleurs qui avaient l’habitude de faire grève et la direction (Rosca, 2011). Encore aujourd’hui, la fédération de football anglaise « the Football Association » pense que le football anglais a une place unique au sein de la société britannique et peut ainsi être un outil efficace pour mener des pratiques de Responsabilité Sociale. « On pense également que le gouvernement peut et doit utiliser le pouvoir du football à cet 18 I. La Responsabilité Sociale de l’Entreprise dans le Sport : Etat des lieux général 8 effet » (the Football Association, 2005, 33) en parlant de la Responsabilité Sociale de l’Entreprise. De nombreux clubs professionnels se sont donc lancés dans des programmes de Responsabilité Sociale qui se veulent anticipateurs et préventifs notamment au sujet des jeunes et de leur futur. Ainsi, de nombreux clubs ont noué des partenariats avec des écoles locales et collaborent avec elles afin de permettre un avenir clément aux jeunes britanniques mais également de former des supporters de football citoyens et éduqués ou encore des futurs joueurs pour le club (Ackerman, 1973). Un bon exemple, est le programme initié par le Club d’Arsenal, « Arsenal Double Club », un programme entre le club et le stade d’Arsenal qui consiste à développer le football à l’école, mais aussi après l’école et pendant les vacances. Le club possède depuis plusieurs années un service « Arsenal in the Community » qui organise la politique sociale du club. Un des autres enjeux cher au club britannique est la lutte contre le racisme et la promotion de la diversité (Breithbarth & Harris, 2008). L’Espagne, considérée comme l’un des pays les plus talentueux dans la pratique du football professionnel et notamment, a lui aussi pris conscience de l’impact social de ses clubs professionnels. Le FC Barcelone, l’un des clubs les plus puissants d’Europe et sa fondation ont par exemple établi un partenariat emblématique en 2005 avec l’Unicef. Ce club au mode de fonctionnement original dans le monde du football –un statut associatif qui repose sur ses supporters, les « socios », environ 177 000 espagnols qui prennent part dans 9 les décisions du club a décidé de soutenir les projets de l’Unicef en versant 1,5 millions d’euros par an sur 5 ans (Bayle & Mercier, 2008). Le logo de l’Unicef apparaît d’ailleurs au dos du maillot des espagnols. Ce partenariat n’est qu’un partenariat parmi tant d’autres. En effet la Fondation du FC Barcelone créée en 1994 s’est engagée dans de nombreux programmes et soutient également de multiples associations et organisations (l’Unesco, The International Network of Solidarity Centre etc.) avec pour objectif de promouvoir un football plus juste. La France, quant à elle, n’a développé ses pratiques de Responsabilité Sociale que tardivement en comparaison à ses voisins européens. Au football, il n’y a actuellement que le Paris Saint Germain et l’Olympique Lyonnais qui aient crée leur Fondation (respectivement en 2000 et 2007), alors que les autres clubs n’agissent que lors d’actions ponctuelles. Au rugby, le Racing Club de Narbonne est le premier club à avoir développé un « Agenda 21 » en 2008 afin de rapprocher les valeurs du rugby de celles du développement durable. Sans avoir initié d’actions ou de partenariats emblématiques, le club de rugby a développé 15 engagements concernant les volets sociétaux, économiques et environnementaux, comme par exemple : « Engagement 1 : Préparer la reconversion des joueurs, promouvoir la préparation de la reconversion, sensibiliser les parents, développer l'activité de l'organisme de formation # Engagement n° 2 : Optimiser le temps hebdomadaire pour permettre aux joueurs de se former # Engagement n° 7 : Garantir et transmettre les valeurs du rugby et être un acteur d'éducation auprès de tous # Engagement n°8 : Inciter les supporters et spectateurs à adopter des 8 « We also think that the Government can and should use the power of football to this effect » The FA. (2005). Annual report 2004-2005, http://www.thefa.com/THEFA/WHOWEARE, Consulté le 10/04/2012. 9 FC Barcelone < http://www.fcbarcelona.com/club/identity/detail/card/club-in-figures >, Consulté le 04/04/2012. 19 La RSE dans le sport professionnel français : L’Olympique Lyonnais, illustration d’un management responsable ? comportements en accord avec l’Agenda 21 Engagement n°11 : Maîtriser et 10 réduire les consommations d’énergie du RCNM » Cet Agenda 21 fait suite à plusieurs programmes initiés par le Ministère des Sports qui a publié par exemple en 2003 à l’Agenda 21 du sport français, et en 2008, la charte du sport pour un développement durable. Dernièrement, en partenariat avec le CNOSF (Comité National Olympique et Sportif Français), l’ADEME (Agence De l'Environnement et de la Maîtrise de l'Energie) et le CNDS (Centre National pour le Développement du Sport), le Ministère des sports a adopté le 27 juillet 2010 la Stratégie Nationale du Développement Durable (SNDD). Contrairement à ce qui peut se passer aux Etats Unis, ce document n’est en rien contraigrant, mais propose des outils et des conseils pour toute organisation sportive souhaitant s’engager dans des programmes de développement durable. La mission principale de cette stratégie est « d’être un déclencheur et une source d’inspiration : pour que chacune et chacun, au cœur des projets menés, puisse s’en emparer, le faire vivre, mais aussi l’enrichir au fil des actions, grâce à la mise en œuvre sur le site Internet du ministère des Sports d’espaces collaboratifs et de mutualisation de bonnes pratiques qui constituent 11 un centre de ressources précieux. » (Ministère des Sport, 2010, 6) . Cependant, malgré cette volonté des organisations sportives françaises de se présenter comme des « clubs citoyens » (Bayle & Mercier, 2008, 14), ceux ci ont un retard majeur en matière de pratiques sociétales concrètes en comparaison avec leurs homologues et notamment leurs homologues anglo-saxons. Depuis quelques années néanmoins, les clubs européens les plus importants ont tenté de parler d’une unique et même voix en matière de Responsabilité Sociale du sport. En 2008 en effet, les 14 clubs de football européens les plus importants regroupés sous l’ancienne organisation « G-14 » ont publié un document dans lequel ils s’engagent à contribuer au bien être de la communauté environnante en déclarant que « les clubs européens sont actuellement engagés plus que jamais pour affronter les problèmes sociétaux en coopérant avec les gouvernements, ONG, sponsors, organisations privées ou publiques » 12 . Cependant, malgré cette déclaration, les pratiques de Responsabilité Sociale du sport au niveau européen ainsi que les niveaux d’engagement que ce soit entre les pays ou à l’intérieur des pays restent très hétérogènes. La France sur le prisme des pays engagés en matière de responsabilité sociale des organisations sportives est à la traîne, et cela pour plusieurs raisons. b) Raisons du retard français en matière de Responsabilité Sociale du sport En France, la professionnalisation du sport ne s’est pas faite aussi tôt qu’outre-Atlantique. Tout d’abord, comme introduit dans une partie précédente, la France et l’Europe en général n’ont pas la même tradition philanthropique que les Etas-Unis. Les lois américaines fiscalement avantageuses sont anciennes, contrairement aux lois européennes. Par exemple, en France, il a fallut attendre 2003 et la loi Aillagon pour rendre le don et la 10 Racing Club de Narbonne, (2008) <http://pro.rcnm.com/presentation_agenda21.php>, Consulté le 03/04/2012 11 , Ministère des Sports (2010), Stratégie du Développement Durable et du Sport www. sports .gouv.fr/IMG/pdf/SNDDS_finale.pdf Consulté le 15/04/2012. 12 G-14, (2008), « Community engagement—Insights into the contribution of European club football ». http://www.bitc.org.uk/ resources/publications/community_engagement.html, Consulté le 03/04/2012. 20 I. La Responsabilité Sociale de l’Entreprise dans le Sport : Etat des lieux général 13 création des fondations attractifs . La loi Aillagon a permis de développer le mécénat en doublant les avantages fiscaux en proposant par exemple pour une entreprise donatrice, une diminution d’impôt équivalente à 60% du don dans la limite d’un plafond de 0,5% 14 du chiffre d’affaires . De plus, hormis le football français, les autres sports ont pendant longtemps fonctionné sans ligue professionnelle puisque la création de la plupart des ligues françaises date des années 80-90 (1987 pour le Volley, 1998 pour le rugby, 2004 pour le handball, etc.). Ainsi, contrairement aux ligues américaines qui ont joué le rôle de catalyseur et d’initiateur de pratiques RSE auprès des clubs professionnels, les clubs français ont dû s’emparer de cette question d’eux même et relativement récemment. Cette récente prise de conscience de leur Responsabilité Sociale s’explique par plusieurs raisons. Tout d’abord les clubs sportifs professionnels français souffrent d’un lourd héritage associatif qui a retardé l’engagement dans des pratiques RSE (Bayle, 2011). En effet, pendant longtemps les clubs français sont restés sous un statut amateur et bien que désormais la législation française contraignent les clubs professionnels à adopter un statut de sociétés commerciales au delà 15 de certains seuils , beaucoup de clubs sportifs emploient des sportifs professionnels en conservant leur forme associative. De plus, cette proximité entre sport professionnel et monde amateur est également soulignée par la possibilité pour les clubs professionnels de conserver leur association support (ex : OL Association). Ainsi, ce fort héritage associatif a retardé la prise de conscience de l’impact social et économique des clubs sportifs, les dirigeants de clubs se retranchant derrière l’alibi des valeurs déjà socialisantes du sport. De plus le modèle européen du sport professionnel s’est établi de façon différente. La gouvernance européenne est totalement opposée à la gouvernance nord américaine reposant sur des ligues fermées avec un fort pouvoir institutionnel sur les clubs membres. En effet, considérées comme « ligues ouvertes », avec une organisation pyramidale où les clubs peuvent monter ou être relégués en championnat supérieur ou inférieur, leur mobilité dépend de leurs performances sportives. Alors que la concurrence économique est primordiale dans une ligue fermée américaine (si une franchise a un trop grand déficit elle peut être vendue), le modèle européen fait primer la compétition sportive et c’est pourquoi les clubs professionnels en Europe sont bien souvent déficitaires si les résultats sportifs ne suivent pas. Organisée de cette façon, les ligues n’ont quasiment aucun pouvoir institutionnel sur les clubs étant donné que seuls leurs résultats sportifs leur permettent de rester ou non dans les championnats. De plus, si la tradition américaine de Responsabilité Sociale se veut réticente de l’intervention étatique, le retard des clubs français en matière de Responsabilité Sociale à caractère volontaire a été pendant longtemps dû à la forte intervention des pouvoirs publics dans ce domaine. En effet, un des dispositifs français mis à disposition des entreprises privées, associations ou clubs sportifs sont les Missions d’Intérêt Général (MIG) qui leur permettent en échange de leur engagement dans ces missions d’obtenir des subventions de l’Etat. D’après le code du sport (article R 113-1) les subventions versées par la collectivité ne peuvent dépasser 2,3 millions d’euros par saison sportive de la discipline concernée. Ces missions d’intérêt général concernent selon l’article R 113-2, des actions relatives à : « - la formation ; le perfectionnement et l’insertion scolaire ou professionnelle des jeunes sportifs accueillis dans les centres de formation agrées dans les 13 Kauffman Sylvie (2011) http://www.lemonde.fr/idees/article/2011/08/31/pourquoi-les-francais-les-plus-riches-preferent-l-etat-a-la- philanthropie_1565814_3232.html, Consulté le 06/04/2012. 14 15 Loi Aillagon : http://www.legifrance.gouv.fr/affichTexte.do?cidTexte=JORFTEXT000000791289&dateTexte=&categorieLien=id D’après le décret R122-1 du Code du Sport, ce sont les associations sportives qui ont des recettes au delà de 1,2 millions euros qui doivent adopter ces statuts commerciaux (Bayle, 2011). 21 La RSE dans le sport professionnel français : L’Olympique Lyonnais, illustration d’un management responsable ? conditions prévues à l’article L 211-4 du code du sport. -La participation de l’association ou de la société à des actions d’éducation, d’intégration ou de cohésion sociale, -La mise en œuvre d’actions visant à l’amélioration de la sécurité du public et à la prévention de la violence dans les enceintes sportives. » (Ministère du Sport, 2012). Cependant, même si pour de nombreux dirigeants de clubs sportifs les Missions d’Intérêt Général apparaissent comme un bon outil pour répondre aux enjeux de la Responsabilité Sociale de l’Entreprise, cela est contraire au caractère volontaire de la RSE (Bayle, 2011). Néanmoins, malgré des structures du sport professionnel français et une tradition différentes, la Responsabilité Sociale du sport en France se développe petit à petit. Avant de s’intéresser plus précisément au cas de l’Olympique Lyonnais, un des cas les plus emblématiques pour illustrer la Responsabilité Sociale du sport français, il peut être utile d’analyser le terrain propice de cette ville au développement de pratiques RSE dans le sport lyonnais étant donné la forte tradition humaniste de la ville. Ainsi, l’hétérogénéité entre les villes d’un même pays en matière de responsabilité sociale du sport serait également expliquée par des raisons plus profondément culturelles. c) Lyon : une tradition humaniste qui pourrait être propice au développement de la RSE dans le sport lyonnais Gérard Caviglia, un des responsables du Grand Stade des Lumières, en est convaincu : « si l’OL est un des clubs les plus avancés en France c’est aussi lié à la tradition humaniste de la ville, ca fait partie des gènes lyonnais » (2012). En effet, Lyon, souvent considérée comme la capitale de l’humanisme français a joué un grand rôle dans la diffusion des idées de la Réforme et du protestantisme étant donné le poids des imprimeurs lyonnais connus 16 pour leur considérations humanistes tels que Etienne Dolet, Jean de Tournes etc . Philippe Dujardin (2011) souligne cette prégnance sociale propre à la ville de Lyon en citant Jean Jaurès : « Nulle part ailleurs en France le problème social se pose avec autant d’acuité qu’à Lyon » (18). L’expression de cette prégnance sociale passe par la mise en place des premiers conseils de prud’hommes, des premières révoltes ouvrières avec notamment l’insurrection des canuts, les premières caisses d’épargne et mutuelles etc. (James, 2006). C’est également à Lyon, que se coordonnent les premières actions écologistes de France. En 1972, a été fondé par Philippe Lebreton, professeur à Lyon 1, une fédération de protection de la nature qui participera par la suite à la création de la fédération nationale France Nature Environnement. C’est également à l’instar de la Communauté urbaine de Lyon qu’a été établie l’une des premières chartes d’écologie urbaine du pays (Dujardin, 2011). Et comme le précise Yves Crozet, les « références humanistes demeurent donc indispensables dans une logique de responsabilité à l’égard des évolutions sociales, tant locales que globales » (1998, 7). Cette raison culturelle, soulignée par le responsable du Grand Stade des Lumières, explique ainsi la sensibilité d’une telle ville qui se répercute plus ou moins directement sur les organisations de la ville telles que l’Olympique Lyonnais. Après un état des lieux général des pratiques de RSE dans le sport professionnel, mais néanmoins nécessaire étant donné le peu de littérature disponible à ce sujet, la 16 22 Gadagne musées, « Lyon au 16° siècle, ville humaniste », Repères de visite, fiche n°9. I. La Responsabilité Sociale de l’Entreprise dans le Sport : Etat des lieux général responsabilité sociale des organisations sportives va être questionnée sur sa pertinence dans le sport français. Etant donné le caractère encore embryonnaire de telles pratiques en France, on peut s’interroger sur les raisons et le rôle que peut jouer la RSE dans le sport professionnel, plus spécifiquement français et cela, notamment à travers l’étude d’un des plus importants clubs de football français, l’Olympique Lyonnais et de son environnement. 23 La RSE dans le sport professionnel français : L’Olympique Lyonnais, illustration d’un management responsable ? II. Le rôle de la RSE dans le Sport Français : Cas d’Etude de l’Olympique Lyonnais La Responsabilité Sociale des Organisations Sportives Françaises est tout d’abord justifiée par la lente mais effective professionnalisation du football français. Avec un impact économique et social grandissant sur la communauté, les organisations sportives professionnelles et notamment les clubs de football professionnels tels que l’Olympique Lyonnais, club sur lequel l’étude va porter, se doivent d’adopter un comportement de plus en plus proche de celui des entreprises, et ainsi de considérer la Responsabilité Sociale de l’Entreprise comme une outil approprié pour atteindre un niveau de management responsable. 2-1) La RSE comme réponse à la professionnalisation du sport a) Du sport amateur au sport professionnel : L’Olympique Lyonnais et les clubs : de véritables PME ? En matière de responsabilité sociale des organisations, il n’est pas évident au premier abord ème de voir le lien qui peut exister entre football et pratiques RSE. A la fin du 20 siècle le football français a franchit une étape importante : la transformation du sport amateur en sport professionnel ou « sport spectacle » comme certains l’appellent. Le sport amateur, pouvait se dédouaner de toutes pratiques de responsabilité sociale en invoquant l’alibi des valeurs déjà sociabilisantes véhiculées par le sport en général. Cependant la transformation du sport et notamment du football, en sport business a favorisé l’émergence d’interrogations éthiques étant donné l’impact économique et social grandissant sur la société. Si l’on se concentre sur le football français, les prémisses de la professionnalisation de ce sport apparurent dans les années 1930 – soit 50 ans après la Grande Bretagne ! -, quand la Fédération Française de Football accepta de créer une statut professionnel pour le joueur. Cependant cela fut seulement le symbole d’une professionnalisation inachevée : la fédération empêcha les structures des clubs amateurs d’évoluer en vouant ceux ci à conserver leur statut d’association à but non lucratif, reposant sur des volontaires et des directeurs non payés (Senaux, 2011). Pour les partisans du professionnalisme du football, la seconde étape a été l’établissement d’une ligue professionnelle chargée de réguler le secteur. En effet, « l’introduction d’une ligue professionnelle permettrait de réguler le marché et contrôler les salaires des joueurs. Le but n’est pas de faire du profit, ce qui est interdit 24 II. Le rôle de la RSE dans le Sport Français : Cas d’Etude de l’Olympique Lyonnais 17 d’ailleurs par la loi des associations de 1901 » (Senaux, 2011, 255). A Henri Delaunay, l’un des fondateurs de la Fédération Française de Football d’ajouter que cette solution « aurait encore l’énorme avantage de démasquer les amateurs-marrons et de lever le secret » (Football Association, 1920 dans Wahl, 1986, 21). Cependant, la volonté d’instituer une Amicale des clubs amateurs utilisant des joueurs professionnelséchoua. Le processus s’intensifia des décennies plus tard suite à l’émergence des droits télévisés et du sponsoring dans les années 80, qui bouleversa profondément la balance financière des clubs et participa à la « commercialisation » du football. Mais ce changement n’aurait pas été effectif sans des hommes pour l’encadrer. En effet, les années 80 marquèrent l’arrivée d’hommes d’affaires à la tête des clubs qui participèrent à faire évoluer la vision du football vers une conception d’entreprise : « Jean-Luc Largardère à Paris, Bernard Tapie à l’Olympique de Marseille » (Senaux, 2011, 258) ; l’ère des businessmen dans le monde du football commença pour ne plus s’arrêter. Actuellement, Jean-Michel Aulas à la tête de l’Olympique Lyonnais, considérée comme une « PME de 270 18 employés » par Laurent Arnaud, responsable d’OL Fondation , est lui aussi un véritable chef d’entreprise. En effet, fondateur et dirigeant de l'éditeur de logiciels Cegid, Jean Michel Aulas, en plus d’être le président d’un des plus grands clubs de France, est à la tête d’une entreprise avec un chiffre d'affaires de 263,8 millions d’euros en 2011, ce qui a évidemment des répercussions sur le management de son club de football. Laurent Arnaud, responsable d’OL Fondation souligne le fait que Jean Michel Aulas soit « aussi dirigeant d’une autre société beaucoup plus importante en termes d’activités et de salariés lui a permis de développer cette sensibilité par rapport aux problématiques RSE globales (…) qu’il n’appelle d’ailleurs pas forcément RSE ; dans le contexte de l’OL il communique beaucoup plus sur la notion d’éthique » (2012). En parallèle à cette arrivée d’hommes d’affaires avec leur sensibilité de chefs d’entreprises à la tête de clubs sportifs professionnels, les années 80 furent aussi les années d’émergence des organisations représentatives des sportifs salariés (Syndicat National des Basketteurs en 1988, Syndicat National des joueurs de rugby en 1998) des employeurs (Union des clubs professionnels de football en 1990, etc.) et également des ligues professionnelles dont la Ligue de Football Professionnel qui pris son nom définitif dans les années 90 (Barbusse, 2002). Les statuts des clubs évoluèrent eux aussi ; alors que dans les années 30 certains étaient réticents à abandonner le statut associatif d’organisation à but non lucratif, les clubs professionnels sont désormais libres de choisir un statut plus adapté non plus associatif mais commercial : - Société Anonyme d’Economie Mixte Locale Sportive (SAEMLS) : statut introduit en 1975, où l’organisation sportive est co-gérée par la collectivité et le club sportif. Mais peu de clubs ont opté pour ce statut à quelques exceptions près (En Avant Guingamp, Istres, Grenoble, etc.) ; - Société Anonyme à Objet Sportif (SAOS) : société commerciale, régie par le code du commerce avec cependant l’interdiction de distribuer des dividendes et de payer les dirigeants, et où le club sportif support doit détenir 33% du capital au minimum. Des clubs comme Auxerre ou Bastia ont opté pour ce statut ; - Entreprise Unipersonnelle Sportive à Responsabilité Limitée (EUSRL) : Avec ce statut seule l’association support prend part au capital ; 17 “The introduction of a professional league was a response to the desire of those who ran football to regulate the market and control players’ wages. It was not to make a profit, which was forbidden anyway by the law of 1901 on associations” 18 Une PME est cependant considérée comme ayant 249 employés maximum, ndlr 25 La RSE dans le sport professionnel français : L’Olympique Lyonnais, illustration d’un management responsable ? - Société Anonyme Sportive Professionnelle (SASP) : statut le plus utilisé par les clubs de football professionnels, et par l’Olympique Lyonnais par exemple. Elle permet de distribuer des dividendes et de rémunérer ses dirigeants. Les investisseurs peuvent de plus accéder au capital (Rapport Denis, 2003). Avec un statut juridique très proche d’une société commerciale, l’Olympique Lyonnais tout comme la plupart des clubs de football professionnels se sont en quelques décennies rapprochés d’une logique d’entreprise. Des rapprochements concrets entre entreprise et organisation sportive peuvent être soulignés. L’entreprise, à moins d’être en situation de monopole, évolue sans cesse dans un contexte de concurrence et compétition avec une nécessité de performance (productivité, rendement), ce qui est similaire à l’environnement sportif (Raspaud, 2002). Le sportif professionnel est, de plus, un salarié soumis aux règles de l’entreprise traditionnelle : une division verticale du travail (entre d’un côté personnes chargées de les entrainer, d’organiser leur pratique sportive et de l’autre les joueurs chargés de mettre en pratique et produire des résultats), une division horizontale du travail puisque chaque sportif a une spécialité (en athlétisme : saut de haie, 100 mètres) ou une position précise (en football : attaquant, centre, libéro, ailier) (Barbusse, 2002). Ainsi l’Olympique Lyonnais, comme ses homologues, répond à « une logique d’entreprise basée sur le profit sous la pression des enjeux financiers du spectacle sportif professionnalisé » (Raspaud, 2002, 58) ainsi que de plus en plus sur la compétition/ concurrence entre clubs. Cette structure de 259 salariés, sous son statut de Société Anonyme Sportive Professionnelle (SASP) a réalisé 154,6 millions d’euros de produits des activités pour l’exercice 2010/2011 avec un excédent brut d’exploitation s’élevant à 8,9 millions d’euros (OL, 2011). Cet impact économique grandissant sur la société française a été souligné également par l’introduction du club lyonnais en Bourse en 2007, deuxième club professionnel français à avoir franchi le pas (après Istres). Dans une interview réalisée en 2007, Jean-Michel Aulas déclare que : « L'entreprise ne se réduit pas au seul club OL, mais comprend des produits d'images, de merchandising, une chaîne de télévision qui fonctionne 24 h sur 24, et des partenaires comme le groupe Accor, ainsi que des métiers complémentaires de restaurations, de prestations de voyages et d'organisations d'événements ». Selon lui, « cette opération va permettre au Groupe de disposer de ressources nouvelles pour accélérer sa croissance et poursuivre son 19 développement maîtrisé sur une base diversifiée de revenus » Laurent Arnaud, responsable d’OL Fondation, pense que l’introduction du club en Bourse a « induit un certain nombre de réglementations et notamment la nécessité de faire un audit social qui est fait chaque année » et ainsi que ca fait « partie des épiphénomènes qui ont renforcé cette sensibilité �sensibilité à s’engager dans des pratiques de Responsabilité Sociale de l’Entreprise� » (2012). En effet, même si la Responsabilité Sociale de l’Entreprise repose sur un aspect volontaire et une sensibilité du chef d’entreprise dans son acceptation commune, la réglementation française depuis 2002 peut être considérée comme un point de départ à l’engagement dans des pratiques de Responsabilité Sociale : l’article 116 de la loi relative aux Nouvelles Régulations Economiques (NRE), veut que le rapport annuel des entreprises cotées en Bourse comporte des « informations sur la manière dont l’entreprise 19 LCI (2007) L’OL s’offre une introduction en Bourse, http://lci.tf1.fr/economie/entreprise/2007-01/offre-introduction- bourse-4880621.html, Consulté le 10/05/2012. 26 II. Le rôle de la RSE dans le Sport Français : Cas d’Etude de l’Olympique Lyonnais prend en compte les conséquences sociales et environnementales de ses activités » 20 (Novethics Etudes, 2003, 15) . Le sport, et plus particulièrement le football, est donc devenu un enjeu économique majeur pour la société française. Ces responsabilités et missions nouvelles auxquelles doivent faire face les clubs de football professionnel tel que l’Olympique Lyonnais augmentent par la même la responsabilité qu’une telle organisation a envers la société et envers ses propres parties prenantes. En effet, la professionnalisation du football français a fait émerger depuis quelques années des problèmes, qui pour l’opinion commune, étaient généralement réservés aux entreprises traditionnelles, ce qui justifie d’autant plus la prise en compte de questionnements éthiques au sein des organisations sportives. b) Le sport face à des problèmes d’entreprise Comme démontré ci dessus, le secteur sportif a de plus en plus de points communs avec les secteurs professionnels classiques. Tout comme eux, il n’échappe pas aux problèmes salariaux auxquels sont confrontés généralement les entreprises traditionnelles. En juin 2010 lors de la Coupe du Monde de football en Afrique du Sud par exemple, l’équipe de France s’est plus illustrée dans les pages faits divers que dans les pages sportives. En effet, pour s’opposer à l’exclusion de l’un de leurs coéquipiers, –Nicolas Anelka –, les joueurs de l’équipe de France ont catégoriquement refusé de s’entraîner et sont remontés dans le bus, chargeant Raymond Domenech alors sélectionneur de l’équipe de France, de lire un 21 communiqué à la presse affirmant leur volonté de faire grève . Les exemples de grèves de sportifs se sont multipliés ces dernières années et les raisons se rapprochent de plus en plus des demandes salariales classiques. En Espagne par exemple, l’ensemble des joueurs de football a décidé de faire grève afin de retarder la reprise du Championnat 2011. Représentés par l’Association des Footballeurs Espagnols, les joueurs « ont pris la décision responsable et ferme d'appeler à l'unanimité à la grève pour la 1ère et la 2e journée de championnat, en 1ère comme en 2e division. Il n'y aura pas de football 22 tant que nous n'aurons pas signé une nouvelle convention collective » a déclaré Luis Rubiales, le président du syndicat des joueurs. Beaucoup de clubs la saison précédente, s’étaient retrouvés en incapacité de payer leurs joueurs à cause d’une dette importante du club, comme les joueurs du club de Levante qui n’ont reçu aucun salaire durant toute la saison 2007-2008. Les joueurs espagnols réclamèrent la création d’un fond de garantie afin d’assurer le versement de leurs salaires. Un accord entre la ligue, les clubs et les joueurs a pu être trouvé concernant la convention collective avec notamment la création d’un fonds de garantie. Mais les problèmes salariaux du football professionnel ne se résument pas aux seules grèves. Des conflits entre « salariés/employeurs » (ici considérés comme joueurs/ direction du club) ont souvent des conséquences importantes. Un sociologue, Stéphane Béaud auteur de Traître à la Nation s’est intéressé aux causes d’une telle tendance à la mise en grève de la part des footballeurs actuels, en prenant appui 20 Novethics Etudes, (2003), « Benchmark européen des outils d’évaluation ‘Responsabilité Sociale’ utilisables par les PME » initiée par la Caisse des Dépôts et Consignations, www.novethic.fr/novethic/upload/ etudes / Etude _ RSE -PME.pdf , Consulté le 17/05/2012. 21 Remise, Christophe (2010), « Les bleus en grève », Le Figaro, <http://www.lefigaro.fr/flash- sport/2010/06/20/97003-20100620FILSPO00109-les-bleus-en-greve.php>, Consulté le 12/04/2012. 22 Egly Florian, (2011), « Le football espagnol en grève », Le Figaro, <http://www.lefigaro.fr/football-clubs- etrangers/2011/08/11/02017-20110811ARTSPO00357-le-foot-espagnol-en-greve.php>, Consulté le 12/04/2012 27 La RSE dans le sport professionnel français : L’Olympique Lyonnais, illustration d’un management responsable ? sur le cas de la grève des Bleus à Knysna. D’après lui la principale raison est la précocité de la formation des jeunes footballeurs, la précocité également de leur début de carrière professionnelle qui favorise la montée sur un piédestal à grande fortune du joueur de plus en plus jeune. Par exemple, l’Olympique Lyonnais aurait offert 100 000 euros à Ben Arfa à 23 l’âge de 15 ans afin qu’il rejoigne le club lyonnais . Comme nous verrons par la suite, un des principaux enjeux de la Responsabilité Sociale propre au sport et au football notamment concerne justement la gestion de la formation du joueur afin de faciliter son insertion dans le monde professionnel mais aussi sa réinsertion dans la « vraie vie » à la fin de sa carrière. Laurent Arnaud, responsable d’OL Fondation, est convaincu qu’un meilleur encadrement de la formation (avec en même temps une formation académique pour former aussi de « bons citoyens »), ne fera qu’assainir le monde du football professionnel et éviter par la suite de tels problèmes salariaux. Cela répond à la théorie de la dépendance à l’égard des ressources qui d’après Capron et Quairel-Lanoizelée, « inscrit la RSE dans la vision économique traditionnelle des finalités de la firme » (2007, 34). En effet, si les joueurs (les ressources ou parties prenantes comme les appellent Freeman (1984)) ne jouent plus, la finalité du club de football n’est plus assurée ce qui peut avoir de graves conséquences financières. Selon eux, il faut ainsi un « management qui reconnaisse et identifie les groupes sociaux dont dépend l’organisation, ajuste ses actions à leurs demandes » (2007, 34). Pour beaucoup d’auteurs, l’engagement de l’organisation des pratiques RSE améliore la relation de confiance entre les parties prenantes (par exemple ici les joueurs) et la direction et ainsi les parties prenantes seraient plus « loyales » envers l’organisation (Chaveau & Rosé, 2003, 40). Et comme Ballet et De Bry le soulignent « la manifestation principale de cette forme de confiance est la réduction de l’opportunisme » (2001, 268). Un autre exemple de problème salarial auquel le secteur professionnel du football est confronté est les attaques aux prud’hommes notamment suite à des « licenciements » considérés comme injustifiés ou abusifs. Ce fut le cas par exemple de Claude Puel, ancien entraineur de l’Olympique Lyonnais qui arrivé en 2008 à Lyon avec un contrat de 4 ans, fut remercié un an avant la fin, à l’été 2011 pour avoir « été jugé responsable de la perte du jeu 24 de l'équipe et l'absence de trophées pendant trois ans » . S’opposant à cette justification, Claude Puel attaqua son ancien employeur aux prud’hommes, en réclamant 3 millions d’euros de salaires restant dus et 1,6 million de dommages et intérêts. Dernièrement, c’est un joueur du PSG, Péguy Luyindula, qui est en conflit ouvert avec le club parisien. Pour avoir été écarté du groupe sans raisons valables selon lui, le joueur inactif au PSG, avait donc réclamé d’être libéré avant la fin de son contrat ce qui lui a été refusé. Il a décidé de poursuivre le club parisien pour harcèlement moral dénonçant le mépris dont il fait l’objet, et les a attaqués aux prud’hommes ; l’audience se tiendra en septembre 2012. Le volet social de la Responsabilité Sociale de l’Organisation est ainsi décisif ; dans le cas d’un licenciement (et donc dans le cas du football d’un contrat rompu avant son terme que ce soit le contrat d’un entraineur ou d’un joueur), celui ci doit satisfaire à certaines conditions éthiques : « préserver l’employabilité du salarié, le prévenir dans des délais raisonnables, créer les conditions psychologiques les meilleures possibles avant son départ, respecter des droits » (Ballet & De Bry, 2001, 311). Une étude de la Sofres réalisée en 2001 souligne d’ailleurs l’importance du volet social parmi les différents volets de la RSE. Questionnés sur les enjeux de la RSE que les organisations devraient considérer 23 Béaud, Stéphane (2011). « Les bleus dans les filets du sociologue », Libération, <http://www.liberation.fr/ sports/01012325100-les-bleus-dans-les-filets-du-sociologue> Consulté le 12/04/2012 24 hommes-10-11-2011-1394795_26.php 28 http://www.lepoint.fr/sport/le-litige-puel-ol-joue-les-prolongations-jeudi-devant-les-prud- II. Le rôle de la RSE dans le Sport Français : Cas d’Etude de l’Olympique Lyonnais comme prioritaires, 65% des employés interrogés pensent que la priorité pour l’entreprise est de bien traiter les salariés, d’interdire les discriminations raciales (41%), mais aussi de 25 développer l’employabilité des salariés (40%) (Sofres, 2001) . Ainsi que ce soit dans les secteurs professionnels classiques ou dans le sport professionnel, les organisations de ces secteurs font faces à des problèmes similaires qui pour résumer concernent généralement : « la question de la représentation des parties prenantes notamment au sein des ligues, la qualité des conditions de travail (rythme de la compétition sportive, des entraînements, etc.), la gestion de la masse salariale et le problème particulièrement de l’inflation salariale, l’implication et la fidélisation des sportifs, l’importance du turnover, etc. » (Barbusse, 2002, 395). Selon elle, cela souligne deux phénomènes : « la précocité d’un marché du travail en cours d’organisation et les insuffisances des clubs professionnels en matière de gestion des ressources humaines » (2002, 395). La Responsabilité Sociale des organisations sportives est donc devenue utile et nécessaire afin d’améliorer les relations au sein de l’entreprise, afin d’éviter au maximum les problèmes salariaux que nous venons d’évoquer. c) Les actions RSE de l’Olympique Lyonnais pour répondre à cet enjeu Afin de tendre vers un management toujours plus responsable, les organisations sportives doivent ainsi prendre en compte l’importance grandissante de la Gestion des Ressources Humaines. L’Olympique Lyonnais en est conscient. Comme Laurent Arnaud l’a souligné, la politique RSE du club lyonnais est basée sur trois pilliers : « des aspects RH, des aspects sociaux plus liés avec le mécénat, et tous les aspects qui concernent le Grand Stade notamment aspects écologiques » (2012). Comme cela a été précisé ci dessus, les entreprises cotées en Bourses, comme l’est l’Olympique Lyonnais, sont soumises à la loi sur les Nouvelles Régulations Economiques. Cette dernière leur demande d’établir un rapport annuel où figurent les informations relatives à leur gestion sociale et environnementale. Sur le volet social, doivent figurer par exemple les informations concernant l’emploi des handicapés, la parité, les budgets de formation etc. (Saulquin, 2004). Si l’on analyse les publications de l’Olympique Lyonnais, celui ci publie et rend disponible sur son site Internet un rapport d’activités annuel contenant une sous partie « Emploi ». Concernant la saison 2010/2011 l’Olympique lyonnais (SASP) a par exemple employé 125 personnes dont une majorité en CDD (99). Le groupe a licencié 4 personnes, a transféré 5 personnes dans une autre filiale et 5 salariés ont démissionné. Le rapport souligne également le recours important du groupe à l’intérim (ce qui aurait représenté 3896 jours travaillés). La formation tient également une place importante à l’Olympique Lyonnais notamment afin que les employés améliorent leurs compétences relatives à leur poste de travail mais aussi des formations spécialisées en informatique, langues étrangères, etc. Le coût de l’ensemble de ces dispositifs s’élève à 1 382 K€. Concernant l’emploi des personnes handicapées, même si l’Olympique Lyonnais au travers de sa fondation a un partenariat solide avec Handicap International, l’objectif n’est pas atteint. En effet l’Olympique Lyonnais a dans son effectif 2 employés handicapés en CDI. Conscient que le quota n’est pas respecté –quota qui étant de 6% de personnes 25 SOFRES (2001), L’entreprise responsable, réalisé en exclusivité pour le TOP COM 2001, http://www.tns-sofres.com/etudes/ corporate/020201_entreprise.htm, Consulté le 28/04/2012. 29 La RSE dans le sport professionnel français : L’Olympique Lyonnais, illustration d’un management responsable ? handicapées au sein de l’effectif d’après la loi du 11 février 2005, le groupe note dans son rapport qu’il a versé 26 K € à l’AGEFIPH (Association de gestion du fonds pour l'insertion professionnelle des personnes handicapées). Cependant le rapport précise que « les mesures prises en faveur de l’emploi des travailleurs en situation de handicap passent davantage par des actions indirectes que par de l’emploi direct. Le Groupe fait régulièrement appel à des établissements et services d’aide par le Travail pour du conditionnement, de l’archivage et du stockage. » (OL, 2011). Un autre volet RH au sein des pratiques RSE est la prise en compte de la parité hommes/femmes. D’après l’Olympique Lyonnais, celle ci est « respectée dans la mesure du possible », surtout depuis 2009, où le club a obtenu la reconnaissance du statut de joueuse fédérale ce qui lui a permis de former une équipe féminine professionnelle. L’Olympique Lyonnais est, de plus, engagé auprès d’œuvres sociales en interne notamment en s’acquittant de dépenses en matière de titres restaurant, de régime prévoyance, de dotation aux représentants du personnel : le montant total s’élève à 783 K € dont 406 K€ de subvention au Comité Inter Entreprise. Le projet Grand Stade des Lumières est lui aussi porteur d’une volonté d’optimisation du volet social du groupe et met notamment l’accent sur la création d’emplois. Comme le souligne Gérard Caviglia, responsable Grand Stade, « on a évalué sur le site à proprement dit entre 600 et 800 postes. Les soirs d’événements c’est 2000 personnes pour l’accueil, la sécurité » (2012). Les 800 postes correspondent à des emplois permanents à temps plein sur le site, à travers les postes administratifs du siège de l’Olympique Lyonnais (250 emplois), ses bureaux (320 emplois), le centre de loisirs (200 emplois), les restaurants ou encore les hôtels (50 emplois) à proximité de ce complexe sportif. Cela s’ajoute aux 26 1500 postes du BTP actifs crées pour la période des travaux . C’est ainsi que la CGT de Décines a apporté son soutien en faveur du projet Grand Stade, tout comme la Chambre de Commerce et d’Industrie (CCI), le MEDEF-Rhône, la Chambre des métiers et de l’artisanat, ou encore la CGPME (Confédération Générale du Patronat des Petites et Moyennes Entreprises). En effet les représentants de ces quatre grandes institutions économiques du Rhône se sont prononcés à l’unanimité en faveur de la construction du Grand Stade à 27 Lyon . M. Caviglia souligne également que l’Olympique Lyonnais « a signé une convention aussi avec l’Unis-est, une association qui a pour objet de travailler sur l’insertion des personnes en difficulté, de façon à mettre en place un dispositif de façon satisfaisante et pérenne en accord avec notre volonté d’insertion par l’emploi du projet Grand Stade » (2012). Ce partenariat permettra à l’association Unis-est de recevoir 90 000€ de subvention dont 30 000€ du Grand Lyon afin de créer une cellule emploi spécifique au Grand Stade. L’accent sera mis sur l’embauche de personnes en situation de recherche d’emploi souligne Kaïs Ben Moussa, directeur de l’association. Avec pour but principal de pérenniser le plus d’emplois possibles. Cependant, comme le précise Saulquin, les sources disponibles pour les responsables RH afin de communiquer les informations relatives aux actions sociales –rapports annuels, chartes, codes, informations disponibles sur les sites Internet, informations publiées dans la presse, font appel au « déclaratif » des organisations, ce qui « biaise la qualité de l’information obtenue » (2004, 2490). Il cite Autier (2001) « ce biais concerne la nature effective de ce qui est mesuré : mesure-t-on la performance sociale effective des 26 27 30 http://www.grandstadeol.com/developpement-durable/insertion-emploi/ Site internet de Lyon France Webzine, « Rhône : le Grand Stade soutenu économiquement », Juin 2011 II. Le rôle de la RSE dans le Sport Français : Cas d’Etude de l’Olympique Lyonnais entreprises ou la performance des stratégies de communication des entreprises cibles ? » (dans Saulquin, 2004, 2490) pour souligner cette limite de la Responsabilité Sociale des Organisations, que nous développerons par la suite. La Responsabilité Sociale de l’Entreprise apparaît ainsi comme une solution et un outil pour faire face à la professionnalisation du secteur sportif. Les organisations sportives par leur comportement et leur statut, se rapprochant de plus en plus de ceux des entreprises ne pouvaient plus se cacher sous l’alibi des valeurs de l’olympisme moderne pour ne pas assumer leurs responsabilités envers la société. Par la suite, il apparaît logiquement que la professionnalisation d’un tel secteur s’est également traduite par la complexification de l’environnement des organisations sportives. Les parties prenantes à un club tel que l’Olympique Lyonnais se sont multipliées ces vingt dernières années ce qui a fait émerger de nouveaux enjeux de management auxquels les pratiques de Responsabilité Sociale tentent également de répondre. 2-2) La RSE comme réponse à la multiplication des Parties prenantes dans l’environnement sportif La Responsabilité Sociale du Football professionnel est d’autant plus nécessaire que l’environnement des clubs de football professionnel français s’est complexifié et que les parties prenantes se sont multipliées, à cause évidemment de la professionnalisation du sport mais aussi des phénomènes récents propres au football : sa mondialisation, sa médiatisation et sa marchandisation. a) L’environnement de Olympique Lyonnais et des clubs français de plus en plus complexe A partir des années 80, le football français a subi de nombreux changements et évolutions. Après une professionnalisation des clubs de football professionnels français qui sont passés d’un statut amateur à un statut commercial, le secteur du football français s’est libéralisé. Cette libéralisation est notamment le fait d’un arrêt décisif pour le football européen : l’Arrêt 28 Bosman , qui fit suite au litige opposant le joueur belge Jean Luc Bosman à l’UEFA, instance de régulation du football européen, en 1995. Alors qu’auparavant les transferts de joueurs de nationalité européenne entre clubs européens étaient limités à 3, la Cour de Justice des Communautés Européennes a estimé que le sport devait être considéré comme une activité économique comme les autres et donc être soumis aux règles du marché intérieur. C’est ainsi que les quotas de joueurs étrangers furent supprimés, et les transferts rendus libres et sans indemnités à verser (Gouguet, 2005). Pour Breithbarth & Harris, l’arrêt Bosman a « participé à mettre fin à l’innocence du football » (2008, 185) et a fortement contribué à sa mondialisation. Cela a également, d’après eux, renforcé les liens entre les instances européennes et mondiales du football (FIFA, l’UEFA), et les clubs européens. De plus la mondialisation du football passe également par toutes les pratiques des clubs qui visent la vente ou l’achat d’un joueur étranger, ou la recherche des sponsors : le 28 Arrêt Bosman : décision de la Cour de justice des Communautés européennes (CJCE), rendue le 15 décembre 1995 relative au sport professionnel 31 La RSE dans le sport professionnel français : L’Olympique Lyonnais, illustration d’un management responsable ? marketing, la promotion de leur équipe, de leurs marques, la vente des droits TV aux chaines étrangères, tout cela participe à la multiplication des parties prenantes du football. De plus, la libéralisation des droits de retransmission à la télévision des matchs de football, opérée en 1984 en France (Andreff, 2007) a également participé à faire émerger de nouvelles parties prenantes : les chaines de télévisions locales et internationales. En parallèle à cette médiatisation, la marchandisation du football quant à elle, a permis aux grandes marques et grandes compagnies de sponsoriser les équipes de football et d’être également considérée comme parties prenantes. Cet environnement de plus en plus étoffé, est décrit par Freeman (1984) comme une « série de relations complexes interloqués » (46) entre les organisations, les clients, les actionnaires, les employés et la communauté. Ainsi la théorie des parties prenantes nous rappelle que les organisations sportives tels que les clubs de football professionnel, comme toute entreprise, sont des zones d’intérêts concurrents ou divergents. Ces différents éléments, définis comme les parties prenantes de l’organisation, ont donc une grande importance dans la RSE puisque pour les partisans de la théorie des parties prenantes, c’est dans l’intérêt de l’organisation d’agir de façon responsable afin de satisfaire l’intérêt de chacun. Freeman définit précisément une partie prenante comme « un groupe 29 ou un individu qui peut affecter ou est affecté par les actions de l’organisation » (1984, 46). La particularité du sport est d’en avoir de nombreuses, très différentes les unes des autres : Réalisé par Anne-Laure Michel d’après le graphique de Boon (2000, 30) Au cœur de la théorie des parties prenantes, la notion de durabilité de l’organisation et donc de survie, repose sur l’attention portée sur ses parties prenantes, leur coopération et l’engagement de celles-ci dans la création d’une valeur partagée avec l’organisation (Donaldson & Preston, 1995). Cette théorie des parties prenantes, qui s’applique parfaitement bien au secteur du football professionnel, souligne ainsi la responsabilité élargie de l’organisation, et donc ici de l’Olympique Lyonnais, envers ses différentes parties prenantes. Cela s’oppose à la théorie de Friedman, pour qui la seule responsabilité d’une organisation devait être de maximiser son profit afin de satisfaire les actionnaires de l’entreprise (shareholders). Pour les promoteurs de la théorie des parties prenantes, la responsabilité de l’organisation est définitivement plus large et concerne ainsi l’ensemble de ses stakeholders. b) Un impact des clubs sur la société important : justification de la politique d’OL Fondation A côté des multiples responsabilités de l’Olympique Lyonnais envers ses parties prenantes, le club professionnel lyonnais a également un fort impact sur la société entière plus généralement, ce qui implique de nombreuses responsabilités envers celle ci. Avec la récente professionnalisation, médiatisation et marchandisation du football professionnel celui ci est en effet devenu un fait social majeur ces dernières années. L’Olympique Lyonnais est un des clubs français qui réunit le plus de téléspectateurs: en 2012 par exemple, le match PSG-OL a rassemblé 3,9 millions de personnes devant leur poste de télévision. Ainsi France 3 a réussi à atteindre 14,7% d’audience ce soir là. Mais cela va au delà des frontières françaises : lors de la finale de la Coupe de la Ligue opposant l’Olympique Lyonnais et l’Olympique de Marseille, 73 pays ont retransmis le match. En France, ce match a réuni « 5,1 millions de téléspectateurs pour une part d’audience de 29 32 « Any group or individual who can affect or is affected by the achievement of the organisation’s objectives ». II. Le rôle de la RSE dans le Sport Français : Cas d’Etude de l’Olympique Lyonnais 30 23,3% » . Plus généralement, le sport et notamment le football français sont très suivis par les Français. Selon une étude de la TNS Sofres datant de 2008, le premier événement sportif plébiscité par les français est la Coupe du monde du football (35%), devant les Jeux 31 Olympiques (34%), et Roland Garros (23%) (TNS Sofres, 2008) . Ainsi, l’Olympique Lyonnais, comme la plupart des clubs de football professionnel français, a pris en compte ces dernières années son impact social grandissant dans la société française ainsi que son rôle de modèle pour la plupart des enfants et des jeunes, ce qui a fait partie de l’une des motivations pour créer leur Fondation. Comme le souligne Laurent Arnaud, responsable d’OL Fondation : « Jean-Michel Aulas voulait montrer qu’en tant que chef d’entreprise il y avait aussi des dimensions sociales à assumer » ce qui comprend la dimension mécénale du club. Pour beaucoup le football, du fait de son importance au sein des ménages français est reconnu comme ayant « un fort potentiel pour contribuer à créer des liens sociaux, à éduquer la jeunesse et à insérer les populations en difficulté, en milieu rural et urbain » (Ministère du Sport, 2010). C’est ainsi que l’Olympique Lyonnais en 2007, a décidé d’établir sa propre Fondation, avec quatre axes principaux : l'insertion par le sport, l'éducation, l'aide aux personnes malades ou hospitalisées, le soutien au sport amateur. A travers divers partenariats avec des associations, l’Olympique Lyonnais conscient de ce qu’il peut apporter à ces dernières, a mis en place une solide politique de mécénat. Cependant il semblerait que cette sensibilité sociale soit présente depuis longtemps au sein du club lyonnais : « La motivation principale était d’organiser la politique sociale. On a toujours eu un vrai terrain, une vraie sensibilité au club, tout bêtement parce qu’on a dans l’environnement du club et à la direction, au-delà de Jean Michel Aulas seulement, qui sont très sensibles à ces problématiques là. Il y a des gens comme Bernard Lacombe [conseiller du président Aulas], comme Joel Bats [entraîneur des gardiens], qui étaient déjà engagés dans des associations et investis en tant que parrains, donc il y a toujours eu cette sensibilité là au sein du club, mais c’est vrai qu’il n’y a jamais eu de personne référente sur ces sujets là donc l’idée c’était d’organiser la politique sociale pour être d’une part plus visible et d’autre part plus efficace. » (Arnaud, 2012). Interrogés pour une étude Ifop de 2007, 92 % des responsables d’entreprises pensent que le mécénat permet d’afficher que l’entreprise assume sa responsabilité citoyenne vis-à-vis de la société. Le mécénat est considéré comme le premier geste responsable, avant l’engagement d’une politique de développement durable qui implique l’entreprise dans tous ses fonctionnements. Bien que l’Olympique Lyonnais dispose tout de même d’une politique de développement durable (notamment avec le Grand Stade), il est vrai que le simple volet mécénal offre beaucoup d’avantages pour le club : Depuis 2003, une loi française a augmenté le seuil de déductions fiscales pour les Fondations. C’est de plus, assez facile à mettre en place, puisque ca ne modifie pas le structurellement le fonctionnement de l’organisation : en effet 69% des responsables de mécénat, communication et développement durable ou RSE considèrent que le mécénat est facile à mettre en œuvre aujourd’hui en France (IFOP, 2007). Le mécénat est également considéré comme un outil renforçant efficacement l’identité de l’organisation vis à vis des publics externes pour 95% des chefs d’entreprise interrogés (IFOP, 2007). 30 31 LFP, 2012, http://www.lfp.fr/coupeLigue/article/affluence-et-audience-au-rendez-vous.htm, Consulté le 14/05/2012. TNS SOFRES (2008), « Les Français et le Sport », http://www.tns-sofres.com/points-de- vue/8AE8BB4283C44DCD9ECCDF9166B67433.aspx, Consulté le 13/04/2012. 33 La RSE dans le sport professionnel français : L’Olympique Lyonnais, illustration d’un management responsable ? Souvent pourtant, le mécénat et les actions philanthropiques dans la conception française de la RSE n’entrent pas dans le périmètre de la RSE, contrairement aux Etats Unis (Capron & Quairel-Lannoizelée, 2007). Ces actions n’ayant aucun impact sur le fonctionnement de l’organisation, sont plus souvent mises en place en réponse à la sensibilité personnelle du chef d’entreprise. Cependant, il faut se garder de mettre toutes les actions liées au mécénat dans le même panier. D’après Capron & Quairel-Lannoizelée: « A côté de ces actions philanthropiques pures et qui n’ont aucun intérêt économique pour l’entreprise, on peut distinguer les actions liées à la stratégie de l’entreprise mais ayant un impact sur l’image, les actions qui répondent aux attentes des parties prenantes mais en restant hors du cœur de métier de l’entreprise » (2007, 78). Bien souvent ces actions permettent de sensibiliser les employés au travers d’une politique de motivation interne, ainsi que de communiquer vers l’extérieur et les parties prenantes. Ainsi, comme le pense Laurent Arnaud, la politique mécénat de l’Olympique Lyonnais fait pleinement partie de la politique RSE du club. c) Le Grand Stade Lyonnais, illustration d’un projet à multiples parties prenantes, multiples intérêts Le Grand Stade Lyonnais, actuellement en construction, a fait l’objet de multiples débats. Considéré comme un des volets de la politique RSE/Développement Durable de l’Olympique Lyonnais par les uns, il est malheureusement bien souvent considéré comme le contraire d’une infrastructure respectueuse de son environnement au sens large. Le Grand Stade est néanmoins un cas d’étude intéressant pour illustrer la théorie des parties prenantes étant donné le grand nombre d’intérêts concernés dans ce projet. Mais qui dit intérêts concernés, dit responsabilités de l’Olympique Lyonnais envers ces mêmes parties prenantes. Gérard Caviglia, un des responsables du Grand Stade avec comme mission principale de gérer les relations avec l’ensemble des partenaires et des collectivités, n’hésite pas à le souligner : « C’est le premier projet qui se développe sous forme de partenariat de ce type en France. Il existe des Partenariats Publics Privés mais ce sont des procédures réglementaires, c’est le code des marchés publics. Alors certes on va chercher un partenaire privé, mais à la sortie c’est la collectivité qui paie. Dans ce cas les choses sont différentes ; c’est l’OL qui finance et réalise le stade et qui en assume les risques. Mais le projet a besoin d’être accompagné par les collectivités pour les transports par exemple. Mais ce projet s’est développé parce que l’ensemble des partenaires a fait ce qu’il fallait pour que ca aboutisse. Il y a eu un protocole signé entre les partenaires parce qu’il fallait qu’on cadre les choses, mais ce protocole n’a pas de valeur juridique et celui qui veut partir, peut partir quand il veut. Et ça, ça mérite d’être souligné, parce qu’il n’y a pas eu de contrats, pas de démarches réglementaires comme ca a été le cas à Nice, à Lille par exemple » (2012). Le futur stade lyonnais est en effet le seul stade français à être un « investissement 32 d’Intérêt Général de nature publique qui est financé par le privé » . Afin de mener à bien ce projet, un protocole d’accord a été signé en octobre 2008 entre l’Olympique Lyonnais, l’Etat, le Grand Lyon, le Sytral, le Conseil Général du Rhône et la Ville de Décines. Mais au delà des 32 34 http://www.grandstadeol.com/faq/ II. Le rôle de la RSE dans le Sport Français : Cas d’Etude de l’Olympique Lyonnais partenaires publics ou privés, une partie prenante décisive dans ce projet est la population. Beaucoup de débats ont notamment eu lieu avec les habitants de Décines qui avaient peur des nuisances futures, de l’engorgement de la ville les soirs de match. En effet le projet du Grand Stade a fait l’objet d’une résistance forte au sein du territoire rhodanien. Que ce soit les chiffres avancés, les montants du projet, les événements relatifs au projet, tout est décortiqué et dénoncé par les associations hostiles au projet relayées ensuite par des représentants politiques de différents partis dont notamment l’UMP, le PCF mais également les Verts. Le financement du projet est par exemple vivement contesté : si les partisans du projet affirment que le coût pour les contribuables en vue du financement des infrastructures publiques est estimé à 168 millions d’euros (au maximum 180 millions), ses détracteurs avancent un montant largement supérieur ; la somme de 450 millions d’euros étant même évoquée par l’Association Déplacement Citoyen, relayée par l’Association Carton Rouge. C’est ainsi que pour construire et mener à terme un tel projet, l’Olympique Lyonnais a du agir en conséquence. En effet, se retrouvant au milieu de plusieurs parties prenantes, il a fallu gérer les attentes et intérêts différents d’où la nécessité de construire une politique de responsabilité sociale efficace. Avec l’ensemble des partenaires a d’abord été initié des groupes de travail : « un qui concerne l’accessibilité au stade, un sur le plan de l’environnement pour suivre l’élaboration de l’ensemble des études, un groupe de travail en matière d’urbanisme et le dernier en matière de sécurité de façon à aborder les enjeux de sécurité publique, ou sécurité civile. » (Caviglia, 2012). Mais comme Gérard Caviglia l’a précisé : « Ce qui a été fort c’est que tout le monde est arrivé avec ses contraintes, ses attentes, ses obligations mais on a toujours été à la recherche de bonnes réponses qui ont permis d’harmoniser les attentes, de concilier mais toujours avec l’objectif d’aboutir à un haut niveau à chaque fois. C’est pas le consensus mou, pas le minimum nécessaire, on a vraiment cherché les meilleures réponses, les réponses optimales ». Les responsabilités envers les habitants de Décines ont notamment été assumées à travers les dispositions environnementales du projet : des dispositifs anti bruits, un protocole signé avec l’ADEME afin d’optimiser les actions de respect de l’environnement direct, le développement des transports en commun pour limiter l’accès en voitures, etc. De plus, une autre partie prenante importante prise en compte dans ce projet, fut les propres salariés de l’Olympique Lyonnais. En effet, en plus du stade, les salariés administratifs du club auront de nouveaux locaux dans lesquels les conditions de travail seront optimales. Comme l’a précisé Gérard Caviglia : « le Grand Stade sera bien plus qu’un simple stade mais sera un véritable lieu de vie : avec des restaurants, un centre de loisir, des hôtels, des immeubles de bureaux, etc. » (2012). Les supporters également ne seront pas en reste : une capacité d’accueil plus importante sans pour autant augmenter les tarifs des places, de meilleurs dispositifs de sécurité les soirs de match, mais aussi une meilleure accessibilité pour les personnes à mobilité réduite : des places assises réservées ainsi que des places de stationnement. Le futur Grand Stade, un stade 5 étoiles selon les critères de l’UEFA, est ainsi pleinement intégré dans la politique de Responsabilité Sociale de l’Olympique Lyonnais, avec pour but de répondre au mieux aux différents intérêts de chacun. Parallèlement à cette professionnalisation du football français, à la complexification de son environnement ainsi qu’à la multiplication de ses parties prenantes, de nouveaux enjeux ont émergé pour les organisations sportives. L’étude de l’Olympique Lyonnais a mis en avant trois enjeux principaux auxquels doivent se confronter les organisations 35 La RSE dans le sport professionnel français : L’Olympique Lyonnais, illustration d’un management responsable ? sportives contemporaines : la nécessaire prise en compte du capital immatériel du club liée à l’optimisation des centres de formation notamment, la prise en compte d’enjeux environnementaux, décisifs dans la construction d’installations sportives tel que le Grand Stade des Lumières, ainsi que des enjeux de sécurité publique décisifs dans le secteur du sport. La responsabilité sociale des organisations sportives peut ainsi apparaître comme une réponse pertinente à ces trois enjeux contemporains et en cohérence avec les prescriptions du développement durable. 2-3) La RSE comme réponse à la multiplication d’enjeux auxquels sont confrontés les organisations sportives Le football français, en lien avec la multiplication de ses parties prenantes et des responsabilités qui en découlent doit désormais faire face à de nouveaux enjeux. Une exigence de Responsabilité Sociale envers les joueurs de football, souvent considérés comme un capital immatériel décisif du club, a ainsi émergé, ce qui a renforcé la politique RSE de l’Olympique Lyonnais en ce qui concerne les centres de formation notamment. Cela s’ajoute aux enjeux environnementaux et de sécurité publique face auxquels l’Olympique Lyonnais a pris conscience de la nécessité d’actions de Responsabilité Sociale. a) L’Olympique lyonnais face aux enjeux liés aux centres de formation : prise en compte du capital immatériel La prise en compte du capital immatériel dans une entreprise est un processus important pour la bonne gestion de l’organisation. Souvent définis comme « l’ensemble des actifs intangibles contribuant à la création de valeur d’une entreprise ou d’une organisation » (Fustec & Marois, 2006, 13), les actifs immatériels sont généralement partagés en dix catégories : capital actionnaire, capital organisationnel, capital marques, capital humain, capital client, capital fournisseur, capital système d’information, capital environnemental, capital sociétal et capital technologique. C’est ainsi que les joueurs de football peuvent de nos jours être considérés comme des actifs immatériels des club de football professionnels français. En effet, d’après Bourgeois (2007), le club contrôle bien le joueur pour un certain temps par le système du contrat à temps déterminé et il en attend des bénéfices futurs (revenus financiers suite aux matchs gagnés, aux publicités, etc.). De plus, il s’agit d’un investissement en ressources humaines, donc incorporel. Et du fait de l’importance des revenus qu’apportent les joueurs de football aux organisations, cet investissement en capital-joueurs (ou capital humain) est ainsi l’un des plus importants pour les clubs de football. Il apparaît alors nécessaire de valoriser au mieux ce capital immatériel ; l’une des façons pour y parvenir passe par l’application de pratiques RSE (Pagliano, 2011). En effet, la Responsabilité Sociale de l’organisation influence la stratégie, le management de l’entreprise et sa mise en place nécessite souvent de s’appuyer sur les actifs immatériels. Et même s’il est possible de prendre en compte ces derniers, en dehors d’une politique de RSE, l’objectif de responsabilité optimise la gestion du capital immatériel (Pagliano, 2007). Si l’on rapporte ces réflexions au monde du football professionnel, la Responsabilité Sociale de l’organisation serait ainsi un outil de valorisation des actifs immatériels de l’entreprise 36 II. Le rôle de la RSE dans le Sport Français : Cas d’Etude de l’Olympique Lyonnais (et notamment des joueurs). C’est dans cette perspective que l’Olympique Lyonnais s’est vu confier par le Ministère de l’Economie et des Finances, début octobre 2011, « une mission d’expertise de la protection et de la valorisation du savoir-faire par la labellisation de la formation dans le secteur des clubs de football » (OL, 2011,12), ce qui correspond à un « projet pilote RSE » selon Laurent Arnaud. Ainsi afin de gérer au mieux ces actifs immatériels en lien avec une politique RSE, de nouveaux enjeux ont émergé comme l’explique Laurent Arnaud : « une problématique précise qui consiste à dire que 90% de ces jeunes qui sont en formation à l’OL ne vont pas signer un contrat professionnel chez nous et qu’il y a la nécessité de les former sur d’autres champs que leur jeu de tête ou leur pied droit, et ainsi de former des citoyens et des hommes en plus de former des footballeurs »(2012). Pour éviter que ces joueurs soient déconnectés de la vie réelle l’Olympique Lyonnais a par exemple mis en place des partenariats avec des écoles lyonnaises afin que les jeunes soient scolarisés dans des lieux de vie classiques. Comme le précise Laurent Arnaud, ce n’est pas le cas de tous les centres de formation : beaucoup choisissent de faire venir l’école au centre de formation, ce qui pour l’Olympique Lyonnais participe à leur exclusion de la société. Comme l’ajoute l’Olympique Lyonnais dans son rapport annuel : « la stratégie de formation est donc une volonté de recherche d’excellence en développant l’individu dans sa globalité tant au niveau éducatif que footballistique et dans un souci de parité filles/garçons » (2011,12). Cette volonté d’une meilleure gestion du capital immatériel des organisations sportives à travers des politiques de RSE a cependant été exprimée et surtout institutionnalisée en premier lieu par le rugby professionnel français. En effet la Fédération Française du Rugby ainsi que la Ligue Nationale de Rugby ont toujours prôné l’idée d’une double qualification des joueurs : une qualification sportive mais aussi scolaire, universitaire ou professionnelle. Et cette volonté s’est de plus traduite par la prise en compte de la qualification scolaire, universitaire et professionnelle dans l’évaluation des centres de formation de rugby par la ligue nationale. L’évaluation de ceux ci est basée sur plusieurs critères dont notamment : « - Les infrastructures du centre ; - L’organisation de la formation sportive et du suivi médical ; - L’organisation de la formation scolaire, universitaire et professionnelle ; - L’efficacité du centre sur le plan sportif et sur le plan des résultats scolaires. 33 » Après l’évaluation, chaque centre de formation se voit attribuer une catégorie, catégorie qui détermine le montant de l’aide financière attribuée par la Ligue Nationale de Rugby et qui a également un impact sur le montant de l’indemnité de formation due au club formateur en cas de départ du joueur. Ce n’est cependant pas le cas dans le football français. En effet, pour l’évaluation des centres de formation de football, la Ligue de Football Professionnelle se base uniquement sur des critères de performance sportive. Ainsi, la politique de Responsabilité Sociale de l’Olympique Lyonnais tente de répondre aux enjeux liés au centre de formation qui consiste, en plus de former des joueurs professionnels, à former des citoyens capables de se réinsérer dans la « vie réelle » après leur carrière ou s’ils ne parviennent pas à signer un contrat professionnel. Cet enjeu de formation des salariés de l’Olympique Lyonnais (les joueurs) est lié fortement à la gestion des actifs immatériels de l’organisation. Cependant les actions RSE de l’Olympique Lyonnais sont diverses et d’autres enjeux sont également pris en compte, comme les enjeux environnementaux. 33 http://www.lnr.fr/la-lnr-centres-de-formation-centres-de-formation-24-08-2010-7-186-11156,11156.html 37 La RSE dans le sport professionnel français : L’Olympique Lyonnais, illustration d’un management responsable ? b) Répondre aux enjeux environnementaux : Le Grand Stade un projet écologique Une des sept questions centrales de la norme ISO 26 000 qui définit la Responsabilité Sociale des Organisations sous l’angle du développement durable, concerne la question de l’environnement, avec quatre domaines d’actions précis : la prévention de la pollution, l’utilisation durable des ressources, l’atténuation des changements climatiques et adaptation ainsi que la protection de l’environnement, de la biodiversité et de la réhabilitation des habitats naturels (ISO, 2010). Le sport professionnel, comme quasiment toute activité humaine génère des déplacements, des activités, des équipements, des consommations et a donc de forts impacts sur l’environnement. L’Olympique Lyonnais, conscient que ces enjeux sont décisifs pour la gestion responsable d’une organisation, a décidé d’agir en ce sens. Le volet environnemental de sa politique de Responsabilité Sociale est notamment concentré autour du projet du Grand Stade. Comme Gérard Caviglia le souligne, l’Olympique Lyonnais a « initié dès le départ une analyse environnementale qui a permis de faire un état des lieux et puis d’identifier les éléments majeurs qu’il fallait prendre en compte. A l’issue de cette analyse, on a travaillé avec l’ADEME et on a aboutit à un accord cadre qui a permis de formaliser et de conforter la démarche » (2012). Cet accord cadre pluriannuel signé avec l’Agence De l’Environnement et de la Maîtrise de l’Energie le 12 Décembre 2008, a permis non seulement de répondre au cadre réglementaire exigé en matière environnementale pour la construction d’une telle structure mais également de dépasser la réglementation avec la volonté de construire un stade qui se veut éco-responsable pour que le « projet soit référent en termes de développement durable et de citoyenneté » (OL, 2011, 63). L’Olympique Lyonnais, grâce à l’aide de l’ADEME qui met à disposition des groupes d’experts ainsi qu’un cahier des charges précis en matière environnementale, a ainsi pu mettre en place plusieurs actions afin de répondre à divers impératifs environnementaux : - Le Grand Stade répond tout d’abord à la volonté d’assurer la continuité écologique du territoire sur lequel il va être implanté. Des espaces refuges ont ainsi été crées pour certaines espèces animales et certains milieux écologiques spécifiques (comme les zones de boisement, les zones humides, etc..). - De plus, le projet du Stade des Lumières s’est voulu respectueux du cycle et du cheminement naturel des eaux pour assurer leur infiltration dans les meilleures conditions grâce à des sols perméables. L’eau sera stockée et réutilisée au maximum pour les besoins liés à l’animation et à l’arrosage sur le site. La protection des nappes phréatiques est également prévue avec l’utilisation de produits non polluants. L’objectif, comme précisé dans l’Accord Cadre Pluri Annuel est « d’aller vers un 0 pesticide et engrais chimiques » (ADEME34 OL, 2008, 7) pour l’entretien des espaces verts. - Un système de tri des déchets sera également mis en place avec l’installation de bornes de tri intégrées (recyclables, biodégradables et le reste) avec une signalétique claire afin de faciliter leur utilisation. Cela participera à l’éducation au tri des supporters. Mais une volonté de limiter les déchets a également été émise notamment avec la limitation des déchets de restauration, des emballages et l’utilisation d’emballages biodégradables. Le compostage sera également développé sur le site. 34 ADEME-OL (2008), Accord Cadre PluriAnnuel 2009-2014. http://www.grandstadeol.com/developpemen-durable/ environnement/, Consulté le 28/05/2012. 38 II. Le rôle de la RSE dans le Sport Français : Cas d’Etude de l’Olympique Lyonnais - L’Olympique Lyonnais a également voulu instituer une stratégie énergétique efficace en limitant non seulement la consommation d’énergie grâce à l’utilisation de technologies à fort rendement (ampoules basse consommation, pompes à chaleur etc.) mais également en favorisant l’utilisation d’énergies renouvelables telles que l’énergie solaire grâce à la mise en place de panneaux photovoltaïques dans la toiture du stade. Comme le précise l’accord cadre ces mesures de maîtrise de l’énergie et d’optimisation de la production d’énergie renouvelable « pourront être étudiées pour les bâtiments existants et de proximité en lien avec la collectivité, les bailleurs sociaux, les copropriétés… Il sera ainsi recherché un effet d’entraînement en matière d’efficacité énergétique sur un périmètre large autour de l’aménagement du Grand Stade ». (ADEME-OL, 2008, 6). - En accord avec le Sytral (SYndicat des Transports de l’Agglomération Lyonnaise), l’Olympique Lyonnais a émis la volonté de promouvoir des modes de transport respectueux de l’environnement en privilégiant notamment les transports en commun dans un but de limiter les accès en voiture. Des bornes Vélov, ainsi qu’un garage à vélos d’une capacité de 1000 emplacements sera également mis en place. Un scénario d’accessibilité a même été réalisé (pour un taux de remplissage maximal du stade) : - Mais l’accord cadre avec l’ADEME concerne aussi le respect de l’environnement sonore. Même si le problème n’a pas été facile, l’Olympique Lyonnais a mis en place une stratégie anti bruit : le projet du stade a été élaboré de façon à ce que la plus grande partie du bruit reste à l’intérieur de l’enceinte. L’accord cadre insiste sur le fait que les actions en matière acoustique devront aller « bien au delà des contraintes réglementaires » (ADEMEOL, 2008, 6) afin d’intégrer au mieux le stade dans son environnement proche. Les nuisances sonores sont en effet l’un des points de débat les plus houleux auquel l’Olympique Lyonnais est confronté aux habitants de la ville de Décines pour faire accepter son projet. La prise en compte de ces enjeux environnementaux s’est effectué et s’effectuera dans l’élaboration du projet, dans la réalisation des travaux mais aussi dans l’exploitation des différents équipements ainsi que dans l’organisation des manifestations futures. Mais les actions de Responsabilité Sociale de l’Olympique Lyonnais en matière environnementale vont plus loin. Ce projet se veut être un « vecteur de sensibilisation considérable (flux de 60000 personnes plusieurs fois par mois) et la démarche environnementale engagée sur la construction du stade se veut exemplaire pour ensuite être génératrice d’actions Eco responsables avec le personnel du groupe, les supporters, les partenaires et les joueurs » (ADEME-OL, 2008, 8). Par exemple un projet de charte de l’environnement des supporters avec des engagements qualifiés de réduction des impacts carbone est actuellement développé. 39 La RSE dans le sport professionnel français : L’Olympique Lyonnais, illustration d’un management responsable ? c) Enjeux de sécurité publique Un autre enjeu décisif auquel doit faire face le football professionnel n’est pas récent : celui de la violence notamment entre supporters afin de garantir la sécurité de tous. Cette Responsabilité Sociale envers les personnes venues assister au match est devenue centrale pour les clubs de football étant donné l’affluence massive et hebdomadaire de milliers de personnes dans un même lieu. Si depuis tout temps, le sport d’équipe a déchainé les passions étant donné l’opposition de deux équipes suivies elles mêmes par des publics distincts, des phénomènes plus violents ont fait leur apparition et se sont généralisés dès les années 60 notamment en Grande Bretagne avec en tête de liste le développement du hooliganisme et l’apparition de noyaux durs de supporters. Défini comme « la production de comportements agressifs produits par un individu dans le contexte d’un spectacle sportif » (Govaert & Comeron, 1995, 126)ou comme « les comportements d’agression physique (violence contre les personnes) et de vandalisme (violence contre les biens) produits par les spectateurs d’une manifestation sportive spécifique, le match de football, et se déroulant dans une zone géographique spécifique, le stade de football et ses alentours urbains » (Comeron, 2001, 145), le hooliganisme ou la violence organisée dans les stades recouvrent en effet deux grands types de violence : une violence que l’on peut qualifier de spontanée, qui est liée au déroulement du jeu et suscitée par les émotions du moment (par exemple, suite une décision arbitrale contestée ou une défaite de l’équipe) et une violence davantage préméditée. Ce comportement des supporters est liée indirectement aux caractéristiques mêmes du sport et de la pratique du football. En effet comme Eric Dunning le souligne : « On pourrait soutenir, qu’avec la religion et la guerre, les sports constituent le meilleur vecteur de mobilisation collective jamais conçu par l’homme. Sans qu’ils constituent pour autant un système social, ils restent l’espace où s’entremêlent des fonctions de représentation, d’identification, de formation et de simulation émotionnelle. Le sport assume jusqu’à un certain point des fonctions analogues à la religion et à la guerre et en constitue peut-être même ‘une alternative fonctionnelle’ » (1996, 125). 40 II. Le rôle de la RSE dans le Sport Français : Cas d’Etude de l’Olympique Lyonnais Cet enjeu de sécurité publique est souligné dans l’objectif n°13 de l’Agenda 21 du Sport développé par le Comité National Olympique et Sportif Français. En effet l’objectif « Prévenir et lutter contre toutes les formes de violence dans et autour du sport » souligne quatre axes de lutte à disposition du sport français, professionnel et amateur : 1) Lutter contre la violence et les « incivilités » dans le sport. 2) Lutter contre la violence des spectateurs lors des rencontres sportives. 3) Lutter contre les pratiques sectaires et les conduites attentatoires à la pudeur et aux bonnes mœurs. 4) Développer des programmes cohérents de prévention et de lutte contre toutes les formes de violence dans le sport (information, formation des 35 cadres, numéros verts, sites Internet, lieux d’accueil, etc.). (CNOSF, 2005, 22) . Le ministre de l’Intérieur, lors d’une réunion consacrée au problème du hooliganisme avec les représentants des clubs de ligue 1 de Bordeaux, Lyon, Montpellier, Nice et SaintEtienne en Mars 2012, a de plus souligné qu’en France depuis la fin de l’année 2011, « nous assistons à la réapparition d’un certain nombre de phénomènes bagarres entre supporteurs, usage d’engins pyrotechniques, comportements racistes et incidents lors de déplacements » mais que pour lutter contre cette violence dans les stades et à leurs abords cela « dépend de tous les maillons de la chaîne, à commencer par les clubs, qui sont 36 les premiers responsables de leurs supporteurs » a ajouté Claude Guéant . L’Olympique Lyonnais conscient de ces réalités a ainsi décidé d’assumer cet enjeu en créant par exemple un groupe de travail spécifique pour l’élaboration du projet Grand Stade « de façon à aborder les enjeux de sécurité publique, ou sécurité civile. Il y a eu la volonté dès le départ d’aborder le volet sécurité avec l’ensemble des partenaires puisque c’est un enjeu essentiel pour les stades » affirme Gérard Caviglia (2012). Le nombre de stadiers sera par exemple plus important qu’actuellement à Gerland puisqu’il passera de 400 à 500 au double environ, c’est-à-dire entre 800 et 1 000 selon les rencontres sportives. Les caméras de surveillance et autres dispositifs de sécurité seront par-là même renforcés. Mais en plus d’être responsables des supporters, les clubs professionnels doivent aussi faire face à la violence sur le terrain. Le coup de tête de Zinedine Zidane contre Marco Materazzi, incident qui s'est déroulé le 9 juillet 2006, lors de la finale de la coupe du monde de football opposant la France à l'Italie, a défrayé la chronique. On a notamment reproché au joueur français d’avoir agi sans penser aux conséquences que cela pourrait avoir sur ses jeunes fans. En effet, on attribue souvent aux joueurs de football professionnel un rôle de modèle notamment auprès des enfants qui les regardent et les supportent et qui seraient tentés alors de reproduire le comportement de leurs idoles. Ainsi un des quatre grands axes de la politique d’OL Fondation est consacré au soutien du football amateur et à l’éducation aux valeurs du football. L’Olympique Lyonnais a par exemple conclu un partenariat avec l’association Foot Valeurs qui a pour but de redonner du sens au sport et notamment au football en luttant contre la tricherie, la simulation, la violence et le racisme. A travers différents kits de sensibilisation à destination des clubs, l’association Foot Valeurs souligne également la responsabilité des clubs et des joueurs dans la lutte contre la violence : « Si le phénomène de la violence peut être réglé par les instances politiques et celles du football, si le problème du racisme est régulièrement combattu par différentes associations, nous avons la conviction que les attitudes et les mentalités antisportives pourraient être modifiées par la sensibilisation et 35 CNOSF (2005), Programme Agenda 21 du Sport Français en faveur du développement durable. < franceolympique.com/ art/297-lagenda_21_du_sport_francais.html>, Consulté le 23/04/2012. 36 Le Progrès http://www.leprogres.fr/football/2012/04/04/hooligans-les-clubs-premiers-responsables-des-supporteurs 41 La RSE dans le sport professionnel français : L’Olympique Lyonnais, illustration d’un management responsable ? l’éducation des jeunes enfants d’aujourd’hui et footballeurs, entraîneurs, arbitres ou supporters de demain » (Brochure Foot Valeurs). C’est ainsi que l’Olympique Lyonnais à travers ses différentes actions de responsabilité sociale, que ce soit les actions d’OL Fondation ou les pratiques responsables qui tournent autour du projet du Grand Stade, a pris conscience de sa responsabilité envers ses parties prenantes face à plusieurs enjeux émergents : les enjeux liés à la gestion de ses actifs immatériels et donc liés notamment à la formation, les enjeux environnementaux, mais aussi les enjeux relatifs à la sécurité dans les stades et sur le terrain. La Responsabilité Sociale des organisations sportives, comme étudiée à travers le cas de l’Olympique Lyonnais, apparaît donc comme une réponse pertinente face à divers impératifs touchant le sport contemporain français : la professionnalisation du secteur, la complexification de l’environnement des organisations et des enjeux émergents. La justification de l’application de telles pratiques de responsabilité sociale étant maintenant admise, il est nécessaire désormais de s’intéresser à l’institutionnalisation et à l’effectivité de ces pratiques au sein des organisations sportives. 42 III. L’Effectivité des pratiques RSE dans le sport professionnel Français : vers un management responsable de l’Olympique Lyonnais et des Organisations Sportives ? III. L’Effectivité des pratiques RSE dans le sport professionnel Français : vers un management responsable de l’Olympique Lyonnais et des Organisations Sportives ? Après avoir présenté un état des lieux des pratiques de Responsabilité Sociale du sport professionnel ainsi qu’analysé le rôle et les réponses que peuvent apporter ces politiques de responsabilité au football français notamment, nous allons nous intéresser à l’effectivité réelle de celles ci. L’efficacité d’une politique de Responsabilité Sociale dans une organisation sportive telle que l’Olympique Lyonnais repose tout d’abord sur des apports réciproques ; nous allons ainsi analyser ce que le sport et plus précisément le football apporte à la RSE, et ce que la RSE apporte au sport. Cette logique réciproque participe ainsi à la pertinence et l’effectivité de telles actions au sein des organisations sportives. 3-1) L’efficacité basée sur les ressources et compétences spécifiques de l’Olympique Lyonnais En premier lieu, l’efficacité des politiques de responsabilité sociale des organisations sportives, telles que celles de l’Olympique Lyonnais, repose sur des ressources et compétences spécifiques de ces organisations, qui utilisées à bon escient participent à optimiser l’efficacité de leur engagement. a) Les ressources et compétences spécifiques de l’OL au service d’une RSE effective Les organisations sportives professionnelles telles que l’Olympique Lyonnais semblent de nos jours avoir en leur possession des ressources et compétences qui leur permettent d’être considérées comme un véhicule parfait pour déployer une politique de Responsabilité Sociale efficace (Smith & Westerbeek, 2007). En effet, plusieurs auteurs ont développé les caractéristiques uniques que possèdent les organisations sportives en comparaison avec les entreprises traditionnelles. Premièrement, un des attributs spécifiques du sport et du football professionnel plus particulièrement, est la passion et l’intérêt généré pour le produit (les matchs, l’équipe). Comme le soulignent Babiak et Wolfe, « il est difficile d’imaginer une autre industrie générer une telle passion avec ses produits tel que du produit lessive, du dentifrice ou du shampoing » (2009, 722). Cette passion et cet intérêt générés, ont 43 La RSE dans le sport professionnel français : L’Olympique Lyonnais, illustration d’un management responsable ? pour conséquence de rassembler une audience plus facilement et d’avoir ainsi un impact plus important sur la population qui s’identifie à l’équipe sportive plus facilement qu’à des employés lambda. De plus, le sport professionnel face à la pression de la société et des médias, a la particularité de devoir se justifier et rendre public quasiment l’ensemble de ses pratiques : la signature d’un contrat, le salaire des joueurs, qui gagne, qui perd, les ventes de joueurs, les primes etc. De même pour les scandales qui touchent les joueurs, tout est révélé au grand public instantanément, ce qui n’est pas le cas pour un salarié d’une entreprise lamda qui aurait commis une faute. Ainsi cela est une particularité du sport professionnel par rapport à d’autres entreprises, ce qui favorise son engagement dans des pratiques de Responsabilité Sociale afin de contrecarrer l’image d’un sport déconnecté de la réalité et d’améliorer la réputation sociale de l’organisation sportive. L’importance de détenir de telles ressources, compétences ou particularités a été soulignée par Wernerfelt qui dès 1984 s’est interrogé sur ce qui fait qu’une entreprise est plus performante que d’autres sur long terme. Dans son article « A Resource-based View of the Firm » (1984), il conclue qu’un des facteurs de performance d’une entreprise est lié aux ressources. D’après lui chaque organisation s’efforcerait de développer des ressources qui lui assureraient un avantage sur ses concurrentes. Il avance même la notion de « barrière de ressource » puisque ce sont des ressources rendues difficiles d’accès pour ses concurrents. Dans cette lignée, Barney (1991) s’interroge sur les capacités d’une ressource à être à l’origine d’un avantage concurrentiel persistant. D’après lui, les ressources qui peuvent faire qu’une organisation possède un avantage sur les autres, doivent avoir des critères précis : « la ressource doit créer de la valeur, doit être rare et inimitable » (Babiak & Wolfe, 2009, 731). Ainsi cette théorie basée sur les ressources aide à appréhender l’avantage que possèdent les organisations sportives. En effet les ressources et compétences que possèdent ces dernières peuvent être considérées comme créant de la valeur, rare et inimitable. Tout d’abord, étant donné les sentiments d’identité, d’admiration, de passion qu’ont généralement les individus pour les sportifs et les équipes sportives, l’organisation sportive détient des ressources créatrices de valeur pour optimiser leur engagement sociétal. Mais cela ne s’arrête pas à ca : l’accès à des infrastructures (stades), l’accès aux médias, les sponsors, le staff professionnel de l’équipe, tout cela constitue des ressources uniques créatrices de valeur (Babiak & Wolfe, 2009). Ces valeurs sont également rares : un stade, des joueurs, des entraineurs reconnus, des médias omniprésents, l’aura autour des équipes. Ces valeurs sont rarement disponibles pour les autres entreprises. Et ces dernières ne peuvent pas dupliquer de telles ressources : l’identification, l’admiration et la passion pour ces salariés sportifs sont inimitables pour les salariés lambda. Laurent Arnaud, responsable d’OL Fondation est bien conscient de ca : « Parce que certaines de nos caractéristiques pouvaient bénéficier aux associations qu’on soutenait et que la caractéristique principale est son exposition médiatique qui est hors norme par rapport aux autres. On jouit d’une exposition qui est conséquente et on souhaite leur en faire bénéficier. Donc on est parti d’un principe qu’au-delà de l’aspect financier on peut jouer sur deux champs principaux : d’une part la mise en lumière et, d’autre part, un prisme de mise en réseaux, puisqu’à la différence des entreprises classiques on est un club et on est le point de ramification de plusieurs acteurs : grand public, partenaires, annonceurs, collectivités territoriales, médias. Ces gens gravitent autour du club, donc on mettre en réseau une association avec nos sponsors etc. » (2012). Ainsi la théorie des ressources d’une firme est utile pour appréhender l’efficacité ou du moins le potentiel des politiques de Responsabilité Sociale engagées par les clubs sportifs. 44 III. L’Effectivité des pratiques RSE dans le sport professionnel Français : vers un management responsable de l’Olympique Lyonnais et des Organisations Sportives ? De plus il apparaît que la théorie des ressources ne soit pas incohérente avec la théorie des parties prenantes précédemment utilisée pour appuyer notre propos. En effet les parties prenantes sont aussi perçues comme étant en possession de ressources stratégiques pour la survie de l’entreprise. C’est ainsi que l’entreprise s’engage à être responsable afin de répondre aux pressions des parties prenantes, qui possèdent certaines des ressources dont elle a besoin pour construire un avantage concurrentiel solide (Gherra, 2010). Ainsi pour pouvoir bénéficier de ces ressources stratégiques (les médias etc.), l’organisation sportive telle que l’Olympique Lyonnais doit prendre en compte les intérêts et les attentes des autres parties prenantes. (Breitbarth et al., 2011, 725) Cependant d’ancrer les politiques de responsabilité sociale des organisations sportives dans le long terme, celles ci doivent se garder de se concentrer uniquement sur leurs ressources et compétences comme nous le verrons par la suite. En effet, d’après Babiak et Wolfe qui hiérarchisent les pratiques de Responsabilité Sociale dans le sport professionnel, distinguent la « corporate-centric CSR » (2009, 734) (la RSE centrée sur les ressources et compétences de l’entreprise) des autres stratégies. Cette orientation basée sur les ressources tiendrait moins compte des besoins et demandes sociétales, ce qui d’après les auteurs, ne serait pas viable à long terme pour un management responsable des organisations sportives. Dès lors, après avoir souligné la corrélation entre des ressources et compétences spécifiques du sport et l’efficacité de l’engagement RSE des organisations sportives, nous pouvons nous interroger sur la relation entre la performance sociale de celles-ci et leur performance financière. Les ressources et compétences dont dispose l’Olympique Lyonnais par exemple, participent-elles à la performance globale de l’organisation et donc à l’efficacité financière ? b) Quelle relation entre la performance sociale de l’OL et sa performance financière ? Cette question des possibles retombées financières est une question incontournable de l’étude de la Responsabilité Sociale de l’Entreprise. Cette interrogation avait été abordée indirectement dans la citation de Friedman pour qui la seule responsabilité est de faire du profit afin d’exister et d’être créatrice de valeur (d’emplois, de richesses collectives). Les études empiriques sur ce point sont cependant nombreuses (en 2007 on en dénombre par exemple 160, d’après Gond & Igalens (2008).). Dès 1985, par exemple Auperle et al. n’avaient pas trouvé un lien significatif, ni positif ni négatif, entre la profitabilité de l’entreprise et l’adoption de la RSE ont souligné dans la conclusion de leur recherche que « les bénéfices intangibles de la RSE tendent à être incernables par les investigations scientifiques. Il se peut que la question de l’existence ou de l’inexistence d’une relation entre la profitabilité et la RSE ne sera jamais résolue »(1985, 462). Les bénéfices intangibles de la RSE sont également soulignés par Gérard Caviglia qui prône plus des effets économiques indirects que directs : « Pour avoir évoqué ce sujet avec certains collègues du merchandising, il y a aujourd’hui des entreprises qui formulent des exigences en la matière. Donc je pense qu’indirectement ca va avoir des effets positifs, je n’imagine pas dans le cadre de la recherche de ‘naming’ pour le Stade des Lumières #pratique de sponsoring sportif qui consiste à donner à une enceinte sportive (le plus souvent 45 La RSE dans le sport professionnel français : L’Olympique Lyonnais, illustration d’un management responsable ? un stade) le non d’une marque ou d’une société sponsor, ndlr# cela ne soit pas évoqué. » Des auteurs se sont particulièrement intéressés à cette corrélation appliquée au sport professionnel. Inoue et al. (2011), par exemple après avoir mené des études auprès de clubs américains ont conclu au lien négatif entre les profits des clubs professionnels et leur engagement dans des politiques de responsabilité sociale. Etant donné les différences structurelles entre le système européen et américain, il n’est cependant pas possible d’en tirer les conclusions pour l’Olympique Lyonnais et les organisations sportives européennes et françaises, à moins de mener une étude globale qui mériterait bien plus que ce simple mémoire. Cependant, un des points soulignés par les auteurs pour expliquer les raisons de ce lien négatif est qu’à la base, et contrairement aux entreprises classiques, les organisations sportives auraient un autre objectif que d’uniquement augmenter leur profit. En effet, la performance sportive, les gains de matchs, de trophées, bien que souvent complémentaire de la performance économique, est également à prendre en compte. De plus, même si les études n’établissent pas de lien de corrélation positif, les organisations sportives ont un intérêt économique à long terme dans la mise en œuvre de pratiques de Responsabilité Sociale. Comme souligné par Gérard Caviglia ci dessus, l’engagement des pratiques sociétales favoriseraient la mise en place de nouveaux partenariats avec des entreprises sensibles à la dimension responsable (Bayle et al, 2012). De nos jours, le football et le sport professionnel en général s’engagent de plus en plus dans le « sponsoring citoyen ou sponsoring responsable ». D’après Gilles Dumas, directeur du cabinet conseil SportLab : « Par opposition au sponsoring à l'ancienne, qu'on peut considérer comme un sponsoring jetable, c'est-à-dire qu'une fois que l'événement s'est déroulé, on retire les panneaux, il n'y a plus de petits fours et de champagne dans les loges, les invités sont partis et il ne reste aucune trace tangible et durable du passage du sponsor. Le sponsoring citoyen est clairement l'avenir du sponsoring. Il y a même aujourd'hui, avec la création de la Fondation du sport, des possibilités pour les entreprises d'obtenir les mêmes déductions fiscales que dans le 37 mécénat lorsqu'il finance ce type d'opération. » La chaîne de grande distribution Carrefour a par exemple organisé en novembre 2009 à la mi-temps de France-Irlande, dernier match de qualification pour la Coupe du monde de football 2010, une séance de tirs au « but du cœur » pour récolter 24.000 euros et opérer deux enfants. Ainsi la mise en place d’une politique sociale pour une organisation sportive professionnelle permettrait de renforcer ses partenariats et d’en attirer des nouveaux ; ce qui est évidemment un enjeu actuel pour l’Olympique Lyonnais qui cherche un sponsor pour donner un nom au nouveau Stade des Lumières. Cet « avantage intangible », comme l’appellent Babiak & Wolfe (2009, 719), s’accompagne également d’autres avantages : entretenir des bonnes relations avec ses parties prenantes ce qui comprend une relation de bon voisinage avec les associations locales, la fierté des employés, meilleures relations avec les collectivités environnantes etc. Cela peut par exemple permettre de « ( re)légitimer les aides publiques » (Bayle & Mercier, 2008, 14). Au delà de l’enjeu économique, l’enjeu politique est ainsi majeur. Cependant, malgré les avantages intangibles importants que les organisations sportives peuvent retirer de leur engagement sociétal, notamment en raison des 37 http://www.lemonde.fr/sport/chat/2006/05/05/le-sponsoring-est-il-dangereux-pour-le-sport_768804_3242_1.html (le monde) 46 III. L’Effectivité des pratiques RSE dans le sport professionnel Français : vers un management responsable de l’Olympique Lyonnais et des Organisations Sportives ? compétences et ressources spécifiques dont elles disposent, un constat paradoxal quant à l’utilisation de ces ressources induit une efficacité nuancée des pratiques de Responsabilité Sociale comme le cas de l’Olympique Lyonnais le montre. c) La politique RSE de l’OL face à des paradoxes quant à l’utilisation de ses ressources Le constat est clair : malgré une présence quotidienne de l’OL dans les médias (presse écrite, Internet etc.) ses actions RSE ne sont que très peu médiatisées. Comme le souligne Gérard Caviglia en matière de la communication des pratiques RSE du Grand Stade : C’est une vraie difficulté. En matière de communication on a du mal à construire quelque chose de coordonné, de cohérent entre tous, et donc finalement c’est l’effet pervers de la multiplicité des partenaires. Donc j’espère que la phase opérationnelle qui commence va permettre de remédier à ce problème. On a fait un travail important en 2008/2009 en matière d’information et ca n’a pas marché parce qu’un certain nombre d’opposants avaient tellement d’oppositions virulentes que la communication n’était pas possible et a été rompue. Le fait d’apporter des réponses à leur questionnement n’a pas suffit et pour eux c’est tout ou rien : on n’en veut pas, on n’en veut pas. Donc cette ambiance là n’a pas facilité la performance en matière de communication. Mais le manque de médiatisation de cet engagement sociétal est d’autant plus problématique qu’il est compensé par la forte médiatisation des externalités négatives que le sport implique et qu’il essaie en quelques sortes de compenser via son engagement. En effet les scandales, les salaires exorbitants, les problèmes de dopage mais aussi les avis négatifs au sujet du Grand Stade, les nuisances qu’il pourrait entrainer etc. sont eux très largement médiatisés. Comme l’indique Emmanuel Bayle et al., « le système sur lequel s’est construit le sport professionnel a, de plus, entrainé une multitude de pratiques allant à l’encontre de l’esprit que tente de véhiculer la responsabilité sociale. Les valeurs du sport traditionnel �…� semblent être éloignées de celles du sport professionnel, qui produit un nombre considérable d’externalités négatives » (2011, 114). On peut ainsi associer plusieurs externalités négatives à chaque pilier du développement durable : le « pillage » des pays formateurs tels que l’Afrique, l’Amérique du Sud de la part de clubs à la recherche de joueurs bon marché pour le pilier social, l’écart entre les salaires les plus bas et les plus hauts au sein d’une même organisation sportive entre les joueurs stars et les autres pour le pilier économique et par exemple les gaz à effet de serre générés lors des déplacements des joueurs et des dirigeants notamment lors des compétitions internationales pour le pilier environnemental. Bayle et al. (2011) ajoutent que « l’activité sportive utilisée comme instrument d’éducation, de cohésion sociale et de lutte contre les problèmes de santé publique est largement mise en avant à travers ces initiatives caritatives. La stratégie sociale des organisations sportives professionnelles se trouve alors en adéquation avec les valeurs que véhicule le sport. Néanmoins les initiatives sociales qui tentent de réparer les externalités négatives causées par le sport professionnel sont déjà plus rares » (114-115). Cependant, malgré le manque de médiatisation et de communication externe à ce sujet, l’Olympique Lyonnais est l’un des clubs français les plus avancés en matière environnementale par exemple. En effet étant donné que la plupart des clubs ne sont pas propriétaires de leurs infrastructures, la dimension environnementale peut difficilement être prise en compte pour les organisations sportives. Avec le Stade des Lumières, qui est propriété de l’Olympique Lyonnais, et le partenariat avec l’ADEME, 47 La RSE dans le sport professionnel français : L’Olympique Lyonnais, illustration d’un management responsable ? le club lyonnais a pu avoir une marge de manœuvre conséquente pour gérer le pilier environnemental. Ainsi sans une utilisation optimale des ressources pourtant disponibles dans leur environnement, tels que les médias, les organisations sportives professionnelles participent à la nuance de l’efficacité de leur engagement sociétal, puisque celui-ci n’est pas communiqué de façon claire. La population lyonnaise par exemple, constate une médiatisation plus importante des articles « contre le Grand Stade », dénonçant ses impacts négatifs, avant même de savoir que le Stade n’est pas un investissement public, qu’un partenariat avec l’ADEME impliquant de solides engagements en matière environnementale a été signé etc. Cependant, une réelle problématique autour de l’effectivité de pratiques de responsabilité sociale est celle de leur évaluation. En effet, de nos jours, beaucoup de pratiques de responsabilité sociale sont accusées de n’être seulement que des pratiques cosmétiques, alors comment savoir quand les pratiques RSE dépassent cette fonction uniquement rhétorique ? 3-2) L’évaluation de l’effectivité de la politique RSE de l’OL a) Difficulté d’évaluer la politique RSE des organisations sportives Selon Igalens et Gond (2003), il existerait cinq groupes de méthodes de mesure et d’évaluation de la performance sociale des entreprises : - l’analyse de contenu des rapports annuels ; - les indices de pollution ; - les mesures perceptuelles issues des enquêtes par questionnaires ; - les indicateurs de réputation ; - les indicateurs produits par des organismes de mesure. Cependant, les limites de ces méthodes liées à leur mode de production et à leur construction doivent être soulignée. Par exemple, « les mesures s’appuyant sur des données issues directement des entreprises peuvent être fortement biaisées. D’autres mesures comme les indices de pollution ont tendance à se focaliser sur une seule dimension alors que les mesures globales comportent un risque d’effet de halo » (Ben Yedder & Zaddem, 2009, 96). Laurent Arnaud, responsable d’OL Fondation, évoque la problématique compliquée de l’évaluation de leurs pratiques RSE et en donne une raison : Concernant la politique de mécénat, j’ai quelques outils d’évaluation, notamment en partenariat avec un chercheur du CNRS qui a mis en place un logiciel d’évaluation de partenariats entre mécénés et mécénat, pour évaluer la qualité du partenariat avec des critères précis, d’objectifs et d’indicateurs. Ca a du sens que si ce sont des partenariats pluri annuels puisque ca nous permet de corriger 48 III. L’Effectivité des pratiques RSE dans le sport professionnel Français : vers un management responsable de l’Olympique Lyonnais et des Organisations Sportives ? chaque année nos actions. Sur la dimension évaluation de la RSE au niveau global, ca n’existe pas à l’OL, pour une raison assez simple : on oublie aussi que les clubs de foot sont de petites entreprises et je ne suis pas sure que les PME de cette taille là aient des outils d’évaluation de pratiques RSE. Donc ce n’est pas étonnant qu’on ne soit pas encore outillé. Il y a dix ans on n’était que 50 salariés, quinze fois moins de chiffre d’affaire. Donc vu la croissance de ces dernières années les pratiques se sont étoffées mais l’évaluation vient toujours dans un second temps. (2012) Cependant, peu à peu l’Olympique Lyonnais, notamment grâce à ses partenaires tente d’évaluer ses propres pratiques. En 2006 le club de football lyonnais a fait appel à IMS Entreprendre pour la Cité, une agence de conseil et d’aide à la mise en place de pratiques RSE. Une étude d’impact des actions sociales de l’OL a été ainsi réalisée au début de leur engagement (Bayle et al, 2011). De plus, depuis la saison 2009-2010, l’Olympique Lyonnais a inclus une petite partie dans son rapport annuel concernant sa politique sociale. Selon Igalens (2004), le recours aux organismes externes spécialisés dans la mesure de la RSE est considéré comme la méthode la plus susceptible d’asseoir la crédibilité des démarches de l’entreprise. Cela serait la méthode la plus neutre et la plus impartiale pour mesurer l’efficacité des pratiques sociétales. b) La politique RSE de l’OL face aux problèmes de greenwashing Le problème évoqué ci dessus, concernant notamment la difficulté d’évaluer l’efficacité les pratiques sociales des organisations sportives, fait ressortir une autre problématique majeure : les phénomènes de greenwashing. Le greenwashing est « un anglicisme qui sert à désigner les pratiques consistant à utiliser abusivement un positionnement ou des 38 pratiques écologiques à des fins marketing » . Généralement les entreprises qui prennent des mesures partielles et qui se prêtent au greenwashing le font pour se donner une image vertueuse ou compenser une image négative. D’après Michel Capron : « Celles qui pratiquent l’évitement recherchent généralement néanmoins une « conformité symbolique » aux exigences sociétales en faisant du « greenwashing », c’est-à-dire de la désinformation destinée à donner une image publique environnementalement responsable ou en prenant des engagements sans modification effective de comportement. D’autres adoptent des stratégies de compromis en cherchant à gagner du temps, à retarder une réglementation » (2009, 2). Pour Barthel (2005), entre l’éthique du discours et l’éthique de l’action, il y a un long chemin qui sous-tend une volonté de la part de l’entreprise et de ses acteurs. Cette rhétorique de la RSE est souvent accompagnée de pratiques de « reporting social » qui consiste à divulguer les données relatives aux activités sociales et environnementales effectuées par l’entreprise (Gond & Igalens, 2008). Cependant le responsable d’OL Fondation, à la question de savoir si les pratiques RSE de l’Olympique Lyonnais sont des réponses à l’image négative que peut avoir le football français professionnel, précise : « je ne pense pas qu’on le fasse pour compenser quelque chose. On le fait avant tout par conviction, parce que c’est une conviction du club et un modèle d’entreprise dans lequel le président du club croit, qui est lui même chef d’entreprise 38 http://www.definitions-marketing.com/Definition-Greenwashing 49 La RSE dans le sport professionnel français : L’Olympique Lyonnais, illustration d’un management responsable ? d’une autre grosse compagnie sur lequel ces sujets là sont certainement plus enclenchés ou du moins depuis plus longtemps » (Arnaud, 2012). En effet, l’Olympique Lyonnais, a choisi de dépasser les simples actions ponctuelles qui auraient permis de communiquer sur leur comportement responsable suite à quelques actions sociales disséminées. La création de la Fondation a d’ailleurs été motivée par la volonté de pérenniser des actions et leur ancrage dans la durée. Comme le précise Laurent Arnaud, « la motivation principale était d’organiser la politique sociale pour être d’une part plus visible et d’autre part plus efficace. OL Fondation n’est donc pas un point de départ, mais une continuité. C’est pour ca, qu’au début de la Fondation on a défini des champs dans lesquels on était déjà actif pour vraiment marquer une continuité dans la politique » (2012). Cette caractéristique et cette volonté de dépasser les simples actions ponctuelles sont confirmées par la responsable partenariats de l’association Sport dans la Ville avec laquelle OL Fondation a un partenariat : « l’association Sport dans la ville a été crée en 1998, et le partenariat avec l’OL s’est monté dans les premières années, donc c’est un partenariat de longue date. C’est un partenariat à long terme, avec un vrai engagement de leur part » (2012). Ainsi comme le précisent Emmanuel Bayle et al. (2011), l’Olympique Lyonnais a mis en place des actions moins cosmétiques que certains clubs comme l’Elan Chalonnais par exemple, étant donné la politique discrète mais durable de mécénat et la place moindre pour les actions ponctuelles. Cependant face à cette relative difficulté à évaluer et juger de l’efficacité des pratiques de responsabilité sociale, les théories et tentatives de taxonomies des politiques RSE tentent d’apporter des réponses. c) Les théories et les taxonomies des politiques RSE des organisations sportives au service de l’évaluation de l’efficacité La volonté de taxonomie des pratiques RSE met « en jeu le nombre, la variété et le degré d’implication, d’interaction et d’engagement réciproque entre les parties prenantes et l’entreprise » (Martinet & Payaud, 2007, 201). Ainsi ces deux auteurs ont défini trois niveaux et stratégies différentes, renvoyant à différents types d’organisation : de l’organisation Friedmanienne à l’organisation sociale. Comme le définit le gouvernement britannique, une entreprise ou organisation sociale – ce vers quoi tentent de tendre toute entreprise engagée dans des pratique sociales, est « une activité commerciale ayant essentiellement des objectifs sociaux et dont les surplus sont principalement réinvestis en fonction de ces finalités dans cette activité ou dans la communauté plutôt que d’être guidés par le besoin de maximiser les profits pour des actionnaires ou des propriétaires » (DTI, 2002, p.13 dans Defourny, 2006). La première stratégie est une RSE dite cosmétique, c’est à dire une organisation s’illustrant par des pratiques légères de RSE. Souvent ces organisations se contentent de remplir les conditions de l’article 116 de la loi sur les Nouvelles Réglementations Economiques (NRE), qui exige pour les entreprises cotées en Bourse, comme l’Olympique Lyonnais, de fournir des informations sur leurs pratiques sociales, environnementales dans leur rapport annuel. Comme le soulignent Martinet et Payaud : « il n’y a pas une volonté de construire avec les parties prenantes un projet dans la durée, le projet est d’ailleurs réduit à sa plus simple expression, il s’agit le plus souvent d’un partenariat avec une association pour un événement ponctuel » (2007, 202). La deuxième stratégie est la stratégie annexe ou périphérique : c’est une stratégie légèrement plus 50 III. L’Effectivité des pratiques RSE dans le sport professionnel Français : vers un management responsable de l’Olympique Lyonnais et des Organisations Sportives ? impliquée que la première, mais avec des pratiques et actions sans lien direct avec le cœur de métier de l’entreprise ni avec les activités de l’organisation. Ainsi toute organisation aurait pu mettre en place ces actions puisqu’elles ne demandent pas une cohérence avec les activités, compétences et ressources de l’organisation. La troisième stratégie est la RSE intégrée qui traduit l’intégration des pratiques RSE dans le cœur de métier de l’organisation et mènerait vers « une performance globale » voire même « durable » (Martinet & Payaud, 2007, 202). Cette dernière stratégie définirait ainsi les moyens pour atteindre le stade d’une entreprise sociale, c’est à dire de mettre en place des actions sociétales efficaces (envers la société) pour un management pleinement responsable (envers les salariés). Dans la même logique, cette efficacité est également soulignée par la taxonomie de Babiak et Wolfe (2009) directement adaptée au sport professionnel. Le premier niveau défini par ces auteurs est la « Stakeholder centric CSR » (734). Dans cette stratégie, les pressions externes sont les déterminants essentiels des politiques RSE. Cependant les auteurs soulignent que cette stratégie n’est que peu durable sur long terme car celle ci est basée uniquement sur des demandes sociales. Un des exemples donnés par les auteurs pour saisir la spécificité de cette stratégie est la Campagne « Read to Achieve » de la NBA (la ligue de basket américaine) qui a mis en œuvre un programme pour aider les enfants à atteindre un taux d’alphabétisation correct. Les compétences cœurs d’un club de basket ne sont en effet pas directement liés à la lecture ou l’éducation. Le deuxième niveau de RSE défini par les auteurs est la « Corporate Ethic CSR ». Il s’agit d’une orientation basée sur ses ressources qui tient moins compte des besoins et demandes sociétales. Par exemple, aux Etats Unis, le programme the Punt, Pass and Kick Program donne l’opportunité à des enfants de montrer leurs compétences en foot américain dans des stades. Cela participe à développer de futures générations de joueurs et de fans. Enfin, la dernière stratégie est définie comme la « Strategic CSR ». Elle illustre une orientation externe et interne dans les efforts RSE de l’organisation : grâce à l’utilisation de leurs compétences cœurs et de leurs uniques aptitudes, les actions sociales sont adaptées aux besoins de la société et aux pressions externes. Par exemple le programme Fit Kids, Healthy future (NBA) utilise les ressources (coaches, joueurs, sponsors) de l’équipe pour répondre aux besoins de la société dans le domaine de la santé et de la condition physique des enfants. Cependant ma différence entre ces deux taxonomies est que la première (celle de Martinet et Payaud) classe les pratiques de RSE sur une échelle morale en fonction de l’intention et de la nature du lien avec les parties prenantes, alors que celle de Babiak et Wolfe n’introduit aucune hiérarchie de valeur mais classe seulement les actions selon leur lien avec le cœur de métier de l’organisation ; la « strategic CSR » étant assimilé à une stratégie optimale de RSE pour satisfaire les intérêts de toutes les parties prenantes. Ainsi ces tentatives de taxonomie des pratiques RSE, permettent d’appréhender une RSE optimale qui serait ainsi efficace pour atteindre un management responsable durable. Elles permettent également de dépasser certaines théories explicatives des pratiques RSE. La théorie des parties prenantes par exemple, que nous avons principalement utilisé dans ce mémoire afin d’appuyer nos propos, présente des limites dans l’explication des motivations qu’ont les organisations pour s’engager et mettre en œuvre des pratiques RSE. De nombreux auteurs ont par exemple reproché aux promoteurs de la théorie des parties prenantes, d’avoir fourni une théorie sans conseils pratiques d’application. En effet, comment l’organisation doit gérer les conflits d’intérêts dans l’application de programme RSE. L’organisation a en effet une responsabilité différente envers chaque partie prenante et les conflits ainsi que les modalités d’application ne sont pas assez explicités d’après certains (Godfrey, 2009, 705). Cela souligne également la confusion du 51 La RSE dans le sport professionnel français : L’Olympique Lyonnais, illustration d’un management responsable ? concept de partie prenante, voire une redondance. En effet, un même individu peut fort bien appartenir à plusieurs groupes : il peut être, à la fois, actionnaire, employé, membre de la communauté et consommateur (Gibson, 2000). Martinet (1984) utilise l’expression de parties prenantes ubiquistes pour décrire cette situation. Une question se pose alors : jusqu’où va la responsabilité de l’organisation ? Etant donné que l’organisation doit prendre en compte des responsabilités différentes selon les catégories, et les parties prenantes certains auteurs font la distinction entre celles-ci : Phillips et al. parlent par exemple des parties prenantes dérivées (par opposition aux normatives), « pouvant être nuisibles ou bénéfiques à l’entreprise, mais envers lesquelles l’entreprise n’a aucune obligation morale directe » incluant ainsi dans ce groupe « les concurrents, activistes, terroristes et médias » (Phillips et al., 2003, 489). Ainsi expliquer les motivations d’engagement dans des politiques RSE efficaces dans le but d’atteindre un management responsable uniquement en se basant sur la théorie des parties prenantes présente quelques limites. Cela souligne donc les lacunes de cette approche déterministe de la RSE pour expliquer l’efficacité de la RSE à l’Olympique Lyonnais et dans les autres organisations sportives. Certains déclarent même que la pression des parties prenantes influencerait les pratiques RSE uniquement dans la publication des informations sociétales et non dans leurs pratiques en elles mêmes (Ayadi, 2006). Si la théorie des parties prenantes présente des limites pour expliquer l’effectivité des pratiques RSE, Laurent Arnaud responsable d’OL Fondation est quant à lui convaincu que l’efficacité de leur pratique est liée avant tout à la conviction profonde du président, Jean Michel Aulas, et de ses collaborateurs : « on le fait avant tout par conviction, parce que c’est une conviction du club et un modèle d’entreprise dans lequel le président du club croit, qui est lui même chef d’entreprise d’une autre grosse compagnie sur lequel ces sujets là sont certainement plus enclenchés ou du moins depuis plus longtemps » (2012). Certains auteurs, s’appuyant sur la théorie des valeurs managériales, ont en effet mis en évidence l’importance des individus présents dans l’entreprise et notamment des managers pour expliquer les comportements de l’organisation en matière de Responsabilité Sociale (Sharma, 2000). Le rapport de l’INSEAD (Grande Ecole de Management) de 2007 souligne d’ailleurs que « la RSE est à la fois une pratique organisationnelle et un comportement individuel et l’on ne peut dissocier ces deux aspects lorsque l’on s’intéresse aux pratiques liées à la RSE ». Ainsi prendre en considération les taxonomies des pratiques RSE ainsi que dépasser la théorie des parties prenantes en l’associant par exemple à celle des valeurs managériales, permettrait d’analyser plus pertinemment l’effectivité des pratiques RSE des organisations sportives. Avec ces constats plus ou moins théoriques, nous pouvons tenter d’analyser l’effectivité réelle de la politique RSE de l’Olympique Lyonnais. 3-3) La politique RSE de l’Olympique Lyonnais, une fin en soi ouun moyen vers un management responsable ? Les deux taxonomies présentées ci-dessus, ont décrit le stade optimal des pratiques RSE : « RSE intégrée » pour Martinet et Payaud (2007), ou « Strategic CSR » pour Babiak et 52 III. L’Effectivité des pratiques RSE dans le sport professionnel Français : vers un management responsable de l’Olympique Lyonnais et des Organisations Sportives ? Wolfe (2009), ces deux stratégies RSE ont pour avantage d’ancrer les actions RSE des organisations dans la durée afin d’atteindre un management responsable. a) Ancrer la stratégie RSE de l’Olympique Lyonnais dans la stratégie des clubs : recherche de l’avantage concurrentiel Pour beaucoup, à la différence des simples actions ponctuelles de mécénat par exemple, la RSE ne doit pas être considérée comme une finalité, un but, encore moins un objectif à atteindre. Les entreprises qui s'engagent dans une démarche de RSE doivent le faire dans le cadre d'une réflexion stratégique afin d’ancrer cette démarche dans la durée et d’être considérées comme pleinement responsables envers la société. Dans cette perspective on pourrait définir la RSE comme une approche à long terme qui procure des avantages commerciaux aux entreprises et aide celles-ci à contribuer de façon positive à la société. Hélène Blondel, responsable partenariats de l’association Sport dans la Ville, souligne cette nécéssité d’une pratique stratégique : « On a souvent l’impression qu’ils vivent dans un autre monde et donc mener des actions auprès d’associations ca les rapproche de la société, de leurs supporters. Leur impact social est fort, et on s’en rend compte tous les jours : ils apportent du rêve à nos jeunes, ils ont un peu le rôle de modèle, donc finalement leurs pratiques de responsabilité sociétale c’est gagnant-gagnant : et pour eux, et pour nous » (2012). Cependant ancrer la politique sociale de l’Olympique Lyonnais dans la stratégie globale du club, n’est pas chose facile. Porter et Kramer (2006) ont tenté d’apporter des réponses à cette problématique en soulignant que cela est guidé par la recherche de « l’avantage concurrentiel » (Porter, 1985). Ils suggèrent tout d’abord d’identifier dans la chaîne de valeur les points d’intersection entre l’organisation et la société dans laquelle celle ci s’insère, en distinguant les liens inside-out (l’impact de l’organisation sur la société, positif ou négatif — par exemple, la création d’emplois sur un site (à Décines par exemple), la pollution liée à l’activité, les nuisances lors des matchs) et les liens outside-in (l’impact de la société sur l’organisation, positif ou négatif ; par exemple, le niveau de formation dans le bassin d’emploi, la qualité des infrastructures, le niveau de corruption dans le sport). Ensuite, pour que l’approche stratégique aille au-delà de la recherche mimétique de bonnes pratiques ou de pratiques cosmétiques, ils préconisent d’essayer de se différencier et de renforcer l’avantage concurrentiel. Cette approche stratégique doit alors se focaliser sur des objectifs restreints qui intègrent à la fois des effets inside-out et outside-in (Porter et Kramer, 2006). Une telle approche stratégique, permettrait ainsi de satisfaire l’Olympique Lyonnais dans ses objectifs ainsi que les besoins de la société. Cette approche souligne la distinction entre ceux qui pensent que « doing good is the right thing to do » et ceux qui sont convaincus que « doing good is good business » (Babiak & Wolfe, 2009, 723). Ainsi les partisans de la deuxième maxime, qui pensent que la performance sociale sert la performance globale de l’entreprise, sont convaincus que cette posture est la plus optimale pour atteindre un management responsable durable. La description de cette approche stratégique permet dès lors d’appréhender les enjeux d’une politique sociale stratégique pour l’Olympique Lyonnais. b) Les enjeux d’une politique de RSE stratégique pour l’Olympique Lyonnais 53 La RSE dans le sport professionnel français : L’Olympique Lyonnais, illustration d’un management responsable ? Que ce soit Gérard Caviglia, ou Laurent Arnaud, tout deux ont confirmé que l’Olympique Lyonnais dans la mise en place de leur politique sociale, avait conscience des enjeux qui découleraient d’une pratique stratégique de responsabilité sociale. Laurent Arnaud illustre ceci en prenant l’exemple des actions RSE en relation avec le centre de formation : améliorer les conditions d’accueil, de formation des joueurs « c’est faire en sorte de les accompagner et qu’ils aient la vie la plus facile possible, qu’ils ne soient pas déconnectés de la vie réelle » (2012). Si on reprend l’explication de Porter et Kramer, il y a des points d’intersection entre l’Olympique Lyonnais et la Société. Du côté des liens inside out, c’est à dire l’impact de l’organisation sportive sur la société, on y trouve l’éducation des jeunes, la création d’emplois et de contrats professionnels pour les joueurs, la promotion de l’activité sportive pour lutter contre les problèmes de santé. Du côté des liens outside-in, c’est à dire l’impact de la société sur l’organisation, la qualité des infrastructures, le niveau de formation proposé par les établissements publics lyonnais dans lesquels sont scolarisés les joueurs permettent de reconnecter les joueurs à la vie réelle pour faciliter leur réinsertion en cas de non signature d’un contrat, ou fin de carrière professionnelle. Il y a également des éléments stratégiques dans la politique RSE liée au Grand Stade. Les efforts RSE de l’Olympique Lyonnais, notamment en matière environnementale sensés limiter les nuisances sonores et les pollutions, doivent permettre une meilleure acceptation par les habitants de Décines, et par les Lyonnais en général, ce qui pourrait permettre une augmentation des ventes de la billetterie par exemple. Ainsi comme le souligne Gérard Caviglia : « Le lien avec les clubs locaux aussi est important. L’OL a un rayonnement fort au niveau régional, mais il y a des liens forts qui vont se créer avec Décines : la possibilité de donner accès aux installations à des clubs de jeunes, la possibilité d’accueillir le public dans certaines conditions soit pendant la préparation des joueurs soit pour les matchs des féminines par exemple. En matière de stationnement, il y a beaucoup de craintes de la part des habitants de voir leurs rues envahies par les voitures, donc c’est à l’OL d’accompagner le projet de mesures visant à protéger cette tranquillité là. Ce sont des mesures de ce type qui doivent permettre d’avoir une bonne acceptation du stade par l’environnement immédiat » (2012). Ces actions stratégiques de l’Olympique Lyonnais, sont évidemment accompagnées d’autres actions RSE plus ou moins intégrées. Certains partenariats de l’Olympique Lyonnais via sa Fondation ne sont pas toujours en lien direct avec leur cœur de métier, ni ancré dans la stratégie globale du club. Cependant, si l’on prend en compte les actions stratégiques menées par le club Lyonnais nous pouvons constater qu’elles sont bien plus qu’une simple fin en soi, mais plutôt de véritables moyens pour atteindre un management responsable durable. 54 Conclusion Conclusion Ainsi à travers l’exemple de l’Olympique Lyonnais, la Responsabilité Sociale des Organisations Sportives semble être un outil efficace pour atteindre un management responsable et durable dans un secteur souvent décrié pour les externalités négatives qu’il implique. La réelle émergence de la RSE dans le sport professionnel s’inscrit dans le contexte profondément renouvelé des années 2000, marqué par exemple par la professionnalisation du sport, sa médiatisation et marchandisation, la coexistence de fortes attentes envers les clubs sportifs mais aussi d’une véritable crise de légitimité de ces dernières, notamment suite à des scandales financiers. Bien que l’Europe et notamment la France aient du retard par rapport au système américain en matière de Responsabilité Sociale du sport professionnel, ces politiques RSE dans un sport tel que le football professionnel français sont pertinentes, adaptées à un secteur qui ne semblaient pas à première vue devoir se soumettre à un principe normalement attribué à l’entreprise traditionnelle. Mais comme nous l’avons étudié, la pertinence de la RSE dans le football professionnel repose sur des apports réciproques : ce que le football apporte de spécifique à la RSE par rapport à d’autres entreprises classiques et ce que la RSE apporte au football professionnel en termes de réponses à des enjeux nouveaux et à une complexification de l’environnement du football. Cependant pour atteindre un réel management responsable des organisations sportives, les clubs de football par exemple, doivent dépasser les simples pratiques cosmétiques, et ancrer leurs actions sociales dans la stratégie globale des clubs. Si l’Olympique Lyonnais est plutôt bien avancé sur ces questions là et a structuré sa politique sociale de façon à intégrer certains aspects dans sa stratégie globale, les autres clubs de ligue 1 sont encore loin derrière, et la plupart se concentrent uniquement sur des actions ponctuelles ultra médiatisées. Néanmoins, l’importance de l’Olympique Lyonnais en termes de rayonnement au niveau national mais aussi européen, peut permettre de diffuser et d’inspirer d’autres clubs sportifs sur cette voie. Comme le souligne Laurent Arnaud : « Ce sont des sujets en perpétuelle évolution. Il y a cinq ans on en parlait très peu. Et d’un point de vue du mécénat ça fait vraiment cinq ans que les clubs ont commencé à agir et à dépasser le côté uniquement communication. Donc je pense que ca va continuer à se développer dans le futur. Je vois donc l’OL plutôt comme précurseur de ces dimensions là, mais bon on est absolument pas en concurrence sur ces champs là : plus y a de clubs qui le font et mieux c’est ! » Une des conclusions que nous pouvons tirer de ce travail, est que la RSE dans le sport professionnel ne découle pas spontanément d’une situation ou d’un contexte. Elle nécessite d’être mise en œuvre suivant une méthodologie, basée par exemple sur le management stratégique de l’entreprise. En effet une des origines de ce travail de recherche provenait du constat suivant: bien que la responsabilité sociale de l’entreprise représente aujourd’hui un enjeu stratégique majeur pour les organisations et notamment les organisations sportives comme nous l’avons étudié dans ce mémoire, la question de son opérationnalisation en des pratiques claires et pertinentes pose problème. C’est pourquoi nous nous sommes interrogés sur la façon de parvenir à un réel management stratégique et responsable dans le football professionnel. L’Olympique Lyonnais semble avoir pris conscience de ce 55 La RSE dans le sport professionnel français : L’Olympique Lyonnais, illustration d’un management responsable ? constat, puisqu’ils se sont interrogés eux aussi sur la manière d’optimiser leur politique sociale pour l’ancrer dans la durée. En créant leur Fondation par exemple ils ont cherché à organiser et harmoniser des pratiques déjà existantes auparavant afin de les rendre plus visibles et efficaces. Il faut ainsi un engagement dans un processus de changement dans le management de l’organisation. De plus, afin d’atteindre un management responsable dans le sport professionnel il est important de ne pas opérer de dissociations entre les trois piliers de la RSE et Développement Durable : les piliers économique, environnemental et social doivent être pris en compte sans négliger l’un d’eux. Imaginons, un club de football professionnel se focalisant uniquement au pilier environnemental ; il gagnerait certes en réputation et améliorerait son image mais il y aurait probablement des pertes financières. Si au contraire, le club ne se focalisait uniquement sur le pilier économique, comme Friedman le préconisait, il le ferait au détriment de plusieurs de ses parties prenantes tels que les salariés. De plus, sans s’intéresser au pilier environnemental le club perdrait un avantage concurrentiel précieux et essentiel dans la société d’aujourd’hui. Il reste toujours, néanmoins, des pistes à travailler. En plus d’avoir à prendre conscience de leur impact social, les clubs sportifs doivent notamment travailler sur l’évaluation de ces pratiques sociales afin de remettre en question régulièrement leur politique de responsabilité sociale et d’optimiser celle ci au maximum. 56 Bibliographie Bibliographie ACKERMAN, Robert (1973). « How Companies Respond to Social Demands », Harvard Business Review, 51 : 88-98. ACQUIER, Aurélien & GOND Jean-Pascal (2007). « Aux sources de la responsabilité sociale de l’entreprise. (Re)découverte d’un ouvrage fondateur : Social responsibilities of the businessman d’Howard Bowen » . Finance - Contrôle Stratégie , vol. 10, n°2 : 5-35. ADAMS, Erik S. et KNUTSEN, Karen D. (1994). « A charitable corporate giving justification for the socially responsible investment of pension funds : a populist argument for the public use of private wealth », Iowa Law Review, 80 : 211-264. 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