Limites et complexité du partenariat Soignants / Familles

Transcription

Limites et complexité du partenariat Soignants / Familles
Limites et complexité
du partenariat
Soignants / Familles
Docteur Emmanuel Chevrillon
Médecin de Médecine Physique et Réadaptation
Médecin Chef de la Clinique du BOURGET
Centre de référence Ile de France pour la prise en
charge des patients cérébrolésés avec troubles
cognitifs sévères
Quelques réflexions préalables
Cet exposé est centré sur la prise en charge et
l’accompagnement de patients cérébro lésés graves
et s’appuie sur une expérience de 30 ans de soins, à
la phase aigue, en post réanimation, lors de la
période de rééducation et du suivi (HDJ, CS,
SRAME).
•
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Quelques réflexions préalables
Il est aussi tiré du partenariat, depuis presqu’aussi
longtemps, avec les associations
de
professionnels (France Traumatisme Crânien, Rhône
Alpes Coma, ARFTC) et de familles (UNAFTC, AFTC
Lyon, AFTC IDF)
•
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Quelques réflexions préalables
Il y a 3 entités partenaires en jeu qui n’ont pas le
même rôle, qui ne vivent pas dans le même
contexte, qui n’ont pas la même histoire et qui
n’ont pas forcément la même représentation
•
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Quelques réflexions préalables
Il s’agit d’une relation qui s’établit dans un
contexte très lourd, difficile, où le patient, la
famille et les soignants ne sont pas au même
niveau.
•
Il s’agit d’une relation qui s’inscrit dans la durée,
où notre rôle de prise en charge et
d’accompagnement va évoluer.
•
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Quelques réflexions préalables
Il s’agit d’une relation qui se place dans un
contexte
légal
complexe
et
souvent
contradictoire qui place le patient et sa famille
comme « acteurs de soins », mais qui est
beaucoup plus restrictif que ce que l’on croit et
que l’on fait!
•
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Quelques réflexions préalables
La clé du partenariat: c’est la capacité d’établir
un lien durable de confiance, de gérer les aléas,
les périodes de conflits, les AR de la vie en se
posant toujours les questions:
•
1.Quel est notre rôle et notre place?
2.Qu’est ce que l’on accompagne ?
3.Comment on accompagne, même si on est pas
d’accord?
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Quelques réflexions préalables
Les limites du partenariat
•
–Situations conflictuelles qui exacerbent les comportements
de défense (deus
agressivité …)
ex machina, substitut du patient,
–Choix
thérapeutique, décision de soins, choix du projet de
vie, passage d’étape,…
–Ne
pas oublier le patient, qui doit toujours être au centre,
même si ces capacités cognitives et relationnelles sont
réduites
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Quelques réflexions préalables
Poser les limites et les devoirs de chacune des
parties est un exercice difficile où il ne faut pas
avoir de jugement de fond sur le comportement
des familles vis-à-vis des soignants, mais établir
un minimum de règles pour que la relation
puisse continuer.
•
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Si on définit le comportement, ….
comme la manifestation observable d’une relation,
ou d’une inter-action sujet / environnement, …
On admet :
1. qu’il n’y a pas de standard de comportement,
de comportement normal ou anormal,
On admet :
2. qu’il n’y a que des comportements prévus,
attendus par l’entourage, dans une situation donnée,
On admet :
3. qu’il n’existe donc pas de trouble,
mais des modifications du comportement dans
certaines situations.
Contexte légal
La loi du 4 mars 2002 établit les droits du patient
–accès au système de soins,
–Information du patient,
–règles de
confidentialité et secret médical,
–droits au soins,…)
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Contexte légal
La loi Léonetti du 22 avril 2005 établit les droits
du patient en fin de vie





maintien de l’interdit fondamental de donner délibérément la mort à
autrui,
interdiction d’obstination déraisonnable,
respect de la dignité et soins palliatifs,
respect de la volonté du patient, directives anticipées et personne de
confiance,
collégialité des décisions, protection des acteurs, consultation des familles
Contexte légal
La loi Léonetti du 22 avril 2005 régulièrement en
question
2010Révision de la loi .
2012 Promesse de campagne du Président HOLLANDE
2012/2013 Rapport SICARD et avis du Comité National d'Ethique
=> en faveur du maintien de la loi Léonetti.
2013 Renouvellement du comité National d'Ethique et nouvel avis demandé
2014 affaire V. LAMBERT et avis du Conseil d’ETAT,
Contexte légal
●
La loi « Hôpital, Patients, Santé et Territoires »
du 21 juillet 2009 poursuit les ambitions de la
loi de mars 2002 en matière de qualité, de
sécurité des soins et de relations avec les
usager
Contexte légal
•Interviennent aussi, notamment pour le droit à
l’information (patient, famille,…)
1.Le code de déontologie
2.Le code pénal
3.Le code de santé publique
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Directives anticipées
Dans le cas où en fin de vie, le patient n’est pas capable
d’exprimer sa volonté, elles permettront au médecin de
connaître ses souhaits concernant la possibilité de
limiter ou arrêter les traitements en cours.
Faites librement par personne majeure
• Renouvelées tous les ans
• Le médecin n’est pas tenu de s’y conformer si d’autres éléments
venaient modifier son appréciation
•
….., Adoptées par très peu de personnes en France, ….
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La personne de confiance
10 ans après son institution la personne de
confiance reste trop souvent confondue avec la
personne à prévenir
–Le patient doit être informé de cette possibilité
–La
désignation ou le refus de la personne de confiance doit être
faite, librement par mandat écrit. La durée est précisée.
–La
PC peut être un parent, un proche ou le médecin traitant.
Elle doit accepter ce rôle.
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La personne de confiance
Attention: lorsque le patient est inconscient ou
incapable de s’exprimer, l’interlocuteur privilégié
est la personne de confiance, dont l’avis prévaut
sur tout autre avis non médical.
•
En clair, si la PC, n’est pas un parent, proche ou
un membre de la famille, (ex amant, amante),
l’équipe ne doit consulter que celle-ci et la
famille est légalement exclue !
•
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La personne de confiance
Un patient sous tutelle ne dispose pas de ce droit. (Si
désignation avant, seul le juge de tutelle est compétent
pour valider ou non)
•
Un patient présentant des troubles cognitifs ne peut
désigner une personne de confiance . (justifier)
•
« la plupart des patients cérébrolésés graves ne
peuvent désigner une personne de confiance »
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Secret professionnel / La loi
La loi du 4 mars 2002 présente le secret comme un droit du patient au
respect de son intimité et du secret des informations le concernant
•
Le code de déontologie (Art. 4) définit le secret médical qui « couvre
tout ce qui est venu ce qui est venu à la connaissance du médecin, dans
l’exercice de sa profession, ce qui lui a été confié, mais aussi ce qu’il a
vu, entendu et compris »
•
Le code pénal dans son article 226-13 évoque le secret professionnel
comme une obligation d’ordre public qui, garantie de liberté pour le
patient. Son manquement est passible d’un an d’emprisonnement.
•
Le code de santé publique (Art. L.1111-2 définit le droit du patient à
être informé
•
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Secret professionnel / La loi
« cette obligation de secret affirme que seul le patient
décide de ce qu’il laisse savoir ou non de son état de
santé et à qui »
« ce principe peut mettre en opposition deux
obligations contradictoires que sont le secret médical
du à toute personne et les obligations de santé
publique pour éviter un risque pour les autres
(épidémies, violence, ???)
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Secret professionnel / La pratique
quelle information? A qui?
Le Patient
Il n’y a pas de secret par rapport au patient
Le code de déontologie (art. 35) prévoit la possibilité de démarches de
réserve (information du patient d’un pronostic défavorable, …, )
•
Cas du patient mineur:
Il n’y a pas de secret en principe par rapport au patient mineur
•La loi prévoit que le secret ne s’oppose pas au titulaire de l’autorité parentale,
mais,…
•la loi de 2002, sur les droits des patients prévoit des aménagements pour les
adolescents qui peuvent demander à ce que leur parents ne soient pas
informés.
•
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Secret professionnel / La
pratique
Le majeur protégé:
Information adaptée à ses capacités de compréhension
•Le tuteur ou curateur reçoit mission de gérer les biens du patient qui garde
libre disposition de sa personne
•Le secret professionnel peut donc être opposé au tuteur.
•Dans la pratique ceci sera adapté en fonction du lien qui unit le majeur
protégé et le tuteur
- le code de déontologie et la loi de 2002 prévoient l’information de
la famille qui pourra recevoir des informations dans ce cadre
- le secret reste opposable lorsque la tutelle est assurée par un
organisme ou un tuteur indépendant
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Secret professionnel / La
pratique
La famille et les proches
le code de déontologie et la loi de 2002 prévoient, sauf
avis contraire du patient, la possibilité de donner une
information à caractère médical de façon à mieux
pouvoir soutenir et accompagner le patient.
•le code de déontologie, autorise que le diagnostic soit
caché au patient et révélé aux proches dans le cas de
maladie grave, sauf avis formel contraire du patient
•
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Secret professionnel / La
pratique
Le secret partagé entre médecin n’est théoriquement
possible qu’entre médecins traitant le patient et sur la
pathologie commune
•Dans un ES : partage des informations au sein de
l’équipe soignante (QUI?, variable selon les textes, ex
A. Soc.)
•Médecins SS IGAS HAS => Oui
Tous les autres , Famille / Tuteur / experts! => Non
dossier et les info médicales remis par le patient
Quid, si le patient en est incapable?
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Secret professionnel / La
pratique
Quelques situations particulières:
Réquisition
•Expertise judiciaire
•Témoignage en justice
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Partenariat avec la famille
Chacune des parties, soignant/ famille/ patient a ses certitudes
et voit et vit différemment la même situation
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Partenariat avec la famille
Chacune des parties, soignant/ famille/ patient
a ses certitudes et voit et vit différemment la
même situation
•
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Partenariat avec la famille
La famille ne peut être assimilée au soignant
Elle a un lien particulier avec le patient
•Elle est prise dans une situation difficile dont elle ne contrôle
pas les paramètres, ce qui déclenche souvent une sensation de
culpabilité
•Elle se retrouve confrontée à un proche qui est aussi devenu un
« autre »
•Elle est confronté brutalement aux notions de mort, de
handicap, de dépendance et il n’est pas sur qu’elle partage la
même représentation que les professionnels
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Partenariat avec la famille
Le changement de rôle est facteur de
dégradation des relations et de conflit
•Au sein de la relation affective Famille / Patient
où il introduit une relation de dépendance
•Au sein de la relation Famille / soignant où il
introduit des sentiments de frustrations, de
défiance et de conflits.
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Partenariat avec la famille
Mais la famille est un acteur fondamental de la prise en
charge du patient, au premier plan des facteurs de
pronostic fonctionnel.
•
(facteurs pronostics après TC graves, E. Chevrillon, SOFMER 1998)
La Famille va souvent évoluer entre la famille qui
attend tout et la famille totalement soignante
•Dans la plupart des cas, c’est la famille qui assurera à
terme, une grande partie de l’accompagnement du
patient et elle aura obligatoirement à assumer de
temps en temps, un rôle de soignant
•
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Partenariat avec la famille
La violence de la situation peut déstabiliser les
familles comme les soignants
•
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Partenariat avec la famille
L’équipe professionnelle qui prend en charge ces
patients cérébro lésés graves a, outre sa mission de
soins et d’accompagnement du patient, un rôle
important de protection de la famille, afin que ne se
détruise pas tout le tissus affectif autour du patient.
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Partenariat avec la famille
L’équipe professionnelle doit être capable de
comprendre et de s’adapter aux comportements
paradoxaux des familles (ambivalence, dénégation,…),
aux manifestations d’agressivité et de violence.
•
=> Même si c'est souvent difficile !
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A la phase aigue
A la phase aigue, la famille est extrêmement
vulnérable, elle est centrée sur le risque vital,
elle « n’entendra » pas le risque de séquelles,
sauf si se pose le problème d’un choix
thérapeutique grave ou de l’arrêt de soins.
•C’est un situation potentielle de conflit et le
professionnel a l’obligation de protéger la famille
/ sentiment de culpabilité
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A la phase aigue
La loi est claire, sauf DA, la famille /PC est consultée,
mais c’est au médecin que revient la décision.
(protection des acteurs par une décision collégiale)
•De plus en plus de décision d'arrêt de soins ?
•
Cette situation peut se poser plus tard, SRPR, MPR,
EVC, MAS/FAM à l’occasion de complications aigues où
le pronostic vital est engagé.
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Phase de récupération et de
rééducation
A cette phase, la famille reste extrêmement vulnérable,
elle est centrée sur le risque de séquelles, de handicap
et de dépendance, dont elle va progressivement avoir
conscience.
•Elle aborde cette période en ayant laissé beaucoup
d’énergie et va chercher des réponses qui
correspondent à ce qu’elle espère auprès des différents
acteurs de l’équipe de soins.
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Phase de récupération et de
rééducation
Beaucoup de questions se posent sur le pronostic
l’évolution et les séquelles, outre le problème des limites
de l’élargissement du secret médical, beaucoup plus
restrictives que ce que l’on fait
•Quelle information peut/doit être donnée? Par qui?
•Complète ou non? Progressive?
•Qui doit-on informer?
•protection / association?
•Famille acteur /outil de réinsertion
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Phase de récupération et de
rééducation
Attention à la clarté des informations et à
l’homogénéité des informations données à la
famille
•Attention à ne pas multiplier les interlocuteurs
•
= Source de perte de confiance de la
famille/ équipe et source de conflits
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Partenariat avec la famille
les limites
Quelle information peut/doit être donnée?
-Très souvent il n’y a pas de « référent légal »
- Comment apprécier la proximité
Famille/patient, proche/patient et choisir les
interlocuteurs quand on ne sait pas?
- Qu’est-ce qui relève de l’intimité du patient et
qui doit être protégé ?
Sexualité, affectivité, comportement?
- ? Si conflit Patient / Famille
La dépendance ne lève pas la notion du secret
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Partenariat avec la famille
les limites
Pb de la sexualité
Quelles informations en cas de comportement
hypoactif, hyperactif ou intrusif
•Comment protéger le couple, la famille
•Explications pour pouvoir accepter et
comprendre?
•
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Partenariat avec la famille
les limites
Il faut fixer des limites, mais :
Qu-est ce qu’on accepte des professionnels?
•Qu-est ce qu’on accepte des familles?
•Qu-est ce qu’on accepte du tuteur ?
•
Acteurs essentiels du projet de vie
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Les situations
génératrices de conflit
Dépendance, négation par la famille =>
source de conflit avec l’équipe de soins
Inégalité au sein des soignants (Kiné >>AS)
•Nécessité d’entretiens réguliers, de RMD avec la
famille
•Accompagnement et tolérance!
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Les situations
génératrices de conflit
Point important qui fait partie de la complexité et des
limites
•Vécu des professionnels par rapport à souffrance /
mort /handicap.
•Représentation et histoire personnelle
Source de comportement Rigidité / Tolérence
Identification au
Patient
Parent
Frère / sœur
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Partenariat avec la famille
Les situations génératrices de
conflit
L’accès au patient
Droit de visite?
•Famille éclatée / conflit au sein des proches,
amant,
•Régression affective de la famille
•
Légalement ni la famille, ni le tuteur, ni
l’établissement n’a le droit d’interdire les visites
seul le patient a le droit
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Les situations génératrices de
conflit
L’accès au patient
•Droit de visite?
•Famille éclatée / conflit au sein des proches,
amant,
•Régression affective de la famille
Légalement ni la famille, ni le tuteur, ni
l’établissement n’a le droit d’interdire les visites
seul, le patient en a le droit.
20/11/2014
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Les situations génératrices de
conflit
Décision de soins / choix thérapeutiques
•Comment faire si la famille s’y oppose
(gastrostomie, hospitalisation,
psychothérapie,…)
•Comment gagner l’assentiment des familles?
•Qui doit prendre la décision ? Le médecin.
20/11/2014
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Les situations génératrices de
conflit
Problème de la sortie d’hospitalisation /choix du
projet de vie
•Quand la famille rompt les liens?
•Quels moyens juridiques d’obligation familiale
•Comment conserver le lien pour mettre en
place le projet de vie du patient
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20/11/2014
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Partenariat tout au long de la
filière de soins et de suivi
Savoir s’adapter
•Éviter un comportement rigide
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Partenariat tout au long de la
filière de soins et de suivi
Coordination / Accompagnement dans la
durée
• Lien de confiance
• Capacité de répondre et de gérer les aléas,
les retours
• Capacité de proposer des solutions
alternatives, évolutives, de répit
•Respect du rôle de chaque partie
•
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