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Pipin :
Nouveau Record
d’Apnée No Limit
à -170m,
filmé par James Cameron
L’apnéiste Pipin a établi un nouveau record mondial d’apnée No Limit
à –170 mètres, lors de l’Operation Audrey, filmé par le célèbre cinéaste James Cameron, auteur entre autres de “Titanic” et “Abyss”. Il prépare actuellement le film « The Dive », sur l’histoire de pipin et
d’Audrey, disparue l’an dernier lors d’une apnée record à -170m.
ctobre
2003,Cabo
San
Lucas,sur la côte pacifique du
Mexique.
-163 mètres. Une minute déjà que
j’attends sur la plateforme qui leste le
cable de Pipin. Habituellement, il fait
nuit noire à cette profondeur. Mais
aujourd’hui, comme sur la plongée
précédente, j’y vois comme en plein
jour, éclairé par les spots ultra puissants d’un sous marin ! Dans la
bulle, le pilote et son co-pilote, qui
n’est autre que James Cameron, réalisateur entre autre d’Abyss, Titanic,
True Lies, Les Fantômes du Titanic et
l’un des films Alien ».
Là, évidemment, c’est plutôt ambiance Abyss ! Nous sommes dans un
Canyon parfois étroit, dont les parois
sont dangereusement proches (5
mètres au sonar du sous marin !),
surtout quand la plateforme bouge
un peu trop!
Lors d’un précédent record à Cabo,
Pipin s’était d’ailleurs arraché une
manche de la combinaison en
raclant la paroi à la remontée. Pour
O
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ces dernières plongées, nous avons
changé la place de la barge en surface et un sous marin vérifie la situation au fond avant la plongée, histoire d’éviter les mauvaises surprises.
Pour l’instant, je fais des signes pour
rassurer James et son pilote, toujours inquiets pour Hubert et moi.
John, le frère de James Cameron, qui
supervise les opérations en surface,
pourtant un ancien “Marine”, nous a
surnomés Crazy 1 et Crazy 2 (fou 1 et
2: qui est le 1 ou le 2 ?).
J’entends alors Hubert qui signale à
Pipin qu’il passe à son niveau (-130
mètres) en frappant contre sa bouteille avec une clé à mollette, afin
qu’il commence à freiner en mettant
un peu d’air dans le ballon. Quelques
secondes,j e le vois arriver, rapide et
silencieux. Il touche le disque, qui
pendule fortement de droite à
gauche. Le sous-marin qui filme à
quelques mètres seulement doit
reculer rapidement pour éviter toute
collision. Le temps de réaliser et
Pipin commence déjà à remonter.
J’amorce donc tranquillement mon
ascension, suivi de près par le Deep
Rover. James Cameron et son pilote
ont été durant toutes les parties profondes de nos plongées de vrai
«nounous». Très soucieux de notre
sécurité, du bon déroulement de
notre remontée et de notre décompression. Un vrai plaisir pour nous,
pourtant habitués à la solitude de nos
plongées autonomes en grotte !
Dès notre première rencontre,
James Cameron nous a simplement
demandé comment nous plongions
et comment nous voyions la cohabitation avec les sous marins et le ROV.
Nous n’avons pas caché une certaine appréhension. Beaucoup de
questions se posaient sur la maniabilité des Deep Rover et celle du gros
ROV supposé filmer l’intégralité de la
descente et de la remontéee de Pipin
en vitesse réelle, soit moins de 2
minutes 39 secondes pour descendre à –170 mètres et remonter.
Quand on sait que la visibilité se
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Pip
dé
qu
au
mo
cam
Ca
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ROV a été abandonné. Puis nous
avons plongé avec un sous marin,
puis deux. Et là, la crainte de plonger
à proximité de ces deux monstres
s’est métamorphosée en joie pure et
simple, et même plus ! D’abord nous
avons été très agréablement surpris
par l’extraordinaire maniabilité de
ces engins et la compétence des
pilotes . Ensuite par leur préoccupation constante de ne pas nous nuire
ou même nous géner par leurs
Pipin juste avant le
départ. Dans
quelques minutes, il
aura battu le record
mondial, devant les
caméras de James
Cameron
réduisait parfois à quelques mètres
et qu’on doit s’éloigner du cable pour
laisser Pipin passer à toute vitesse,
se retrouver pris entre ces deux
ascenseurs ultra rapides, éloignés de
seulement quelques mètres, ne nous
disait rien qui vaille... James nous a
donc écoutés avec beaucoup d’attention, pris des notes, demandé des
croquis pour être sûr de ne rien laisser au hasard et affirmé qu’il ne ferait
rien qui puisse nuire à notre sécurité.
C’était inespéré et pour tout dire
presque douteux. Il a tenu parole au
délà de toute espérance.
Après quelques tests en grandeur
nature et malgré l’investissement
énorme qu’il représentait, l’usage du
lumières ou mouvements. Ils ont été
jusqu’à nous mettre des bouteilles
de sécurité en cas de pépin dans le
panier de prélèvements à l’avant du
sous marin. Je vous le disais, de
vrais nounous ! Le seul fait d’avoir
des amis à quelques mètres, près à
intervenir, a été un énorme réconfort,
d’autant plus que nous avions élaboré ensemble plusieurs plans d’assistance en cas de problème. Comme
par exemple rechercher au sonar un
plongeur profond (pas difficile avec 4
ou 5 bouteilles chacun, les masses
métalliques représentant des cibles
de choix) ayant perdu le cable, puis
le raccompagner sur le cable et/ou
éventuellement lui procurer une bou-
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teille de gaz pour continuer la remontée.
Ainsi, à chaque plongée au moins un
sous-marin me surveillait au fond
tout en filmant Pipin, ce qui était le
but premier, puis durant toute la
remontée jusqu’à la zone des premiers paliers (zone des 100 à 60
mètres) et des premières bouteilles
de décompression. Ensuite, dès que
possible, le Deep Rover remontait
lentement vérifier le bon déroulement de la décompression d’Hubert.
C’est seulement après quelques
aller-retours entre nous deux et la
certitude que tout était OK, que le
submersible regagnait la surface,
laissant la place aux plongeurs de
sécurité. A –50/-60 mètres, un petit
coucou trés rapide de Guido, photographe et cameraman de l’équipe. 30/-40 mètres, visite de Marine, une
sympathique française vivant sur
place sur un magnifique voilier de 16
mètres et travaillant comme monitrice de plongée pour Tio, le «sponsor»
plongée de Pipin sur Cabo. Elle était
chargée de la gestion de notre sécurité. Ensuite, plus près de la surface
les apnéiste prenaient la relève. Tata,
cubain ami d’enfance de Pipin,
ancien triathlète de haut niveau et
chasseur sous marin professionnel
au Mexique, chargé de la sécurité de
Pipin. Il vient nous voir parfois jusqu’à –50 mètres. Son record en
Cenote se situant bien plus profond...
Kim Mac Coy, californien parlant une
dizaine de langues différentes, est
ingénieur océanographe, président
d’Ocean Sensor, la firme qui fabrique
la sonde océanographique vérifiant
très précisément la profondeur des
records de Pipin. A plus de 50 ans,
Kim descend tranquillement à
–20/30mètres, prend des nouvelles,
me donne une banane, une bouteille
d’eau, puis remonte avec une bouteille de décompression vide !
Depuis des années, les compétences
et le dévouement de Tata et de Kim
n’ont d’égal que leur gentillesse, sur
tous les records de Pipin ou
d’Audrey. La plongée d’aujourd’hui
termine la série de plongées d’entrainement avec la gueuse. Une
demi-douzaine en tout entre –100 et
–163 mètres, entre Miami et Cabo,
sur deux semaines. Mais depuis plusieurs mois déjà, Pipin s’entraine
particulièrement
sérieusement.
Quotidiennement. Course à pieds,
musculation ou chasse sous marine
(son premier métier et sa passion de
toujours) pendant des heures jusqu’à
–40/-50 mètres. Tata, son compagnon
d’entrainement, affirme qu’il n’a
jamais vu Pipin autant en forme.
Un peu plus tard, de retour à l’hôtel,
Pipin me confiera lui même que ce
jour-là, sur cette descente plus profonde d’un mètres qu’à Cozumel (162 mètres en 2000), il avait eu d’excellentes sensations dans l’eau,
peut-être la meilleure plongée de sa
carrière... Le record prévu deux jours
plus tard s’annonçait plutôt bien.
Le dimanche donc, en début d’après
midi, tout le monde s’est trouvé réuni
une dernière fois pour l’Opération
Audrey, en l’honneur et en la mémoire d’Audrey Mestre-Ferreras, l’épouse de Pipin, décédée un an plus tôt
lors d’une plongée No limit à –170
mètres, en République Dominicaine.
A l’entrainement, quelques jours plus
tôt, elle avait été la première apnéiste au monde à atteindre la profondeur de –166, puis de –170 mètres, à
l’entrainement, mais avec trois profondimètres, un cable mesuré selon
les règles et de nombreux témoins à
la surface et dans l’eau (jusqu’à –170
mètres). Le record avait donc été
homologué à titre posthume par
l’International Assiociation of Free
Divers.
Le but de Pipin, ce jour là, en toute
humilité, était donc tout simplement
d’égaler l’incroyable performance
d’Audrey.
Ambiance des grands jours, mer
calme et temps ensoleillé. Les deux
équipes s’affairent, chacune sur sa
barge.
Cameron dirige les opérations, filme
lui même un maximum de choses.
Pipin, de son côté vérifie les derniers
détails techniques, puis se met dans
un coin et commence à se concentrer. Avec Hubert et Marine, l’habitude aidant, nous sommes prêts assez
vite. La ligne de décompression reste
en surface pour éviter les risques
d’emmêlage avec le cable de Pipin.
Mais elle est entièrement prête à
être rapidement immergée par
Marine. Sur les 90 mètres de corde,
solidement accrochées avec des
mousquetons spéciaux PETZL, de
nombreuses bouteilles contenant du
mélange à base d’hélium, du nitrox,
puis de l’oxygène pur, pour les trois
plongeurs trimix prévus pour l’assistance ce jour : Chris Brandon, canadien sympa venu des Iles Cayman, à
–70 mètres, Hubert Foucart, plongeur
spéléo de longue date, à –140
mètres et moi même au fond avec
Pipin et le Deep Rover (-170 mètres).
Puis entre –40 mètres et la surface,
Guido, allemand vivant aux USA, un
jeune américain et Tata.
A présent tout est prêt, et nous voilà
arrivés au traditionnel dernier compte à rebours annoncé en anglais et
espagnol par Kim.
Moins cinq minutes. Hubert et moi
même entamons une descente lente
pendant laquelle se refont les
ultimes
vérifications.
James
Cameron, en simple tee shirt filme à
quelques mètres sous la surface.
Comme je vais plus profond, je
prends de la vitesse pour atteindre
les –170 mètres en cinq minutes
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maximum. Après une centaine de
mètres, c’est l’obscurité totale
constellée de milliers de minuscules
particules blanches. Mes deux
petites lampes à led, même puissantes, me semblent un peu dérisoires. Mais toujours le même plaisir
à glisser rapidement le long du cable.
J’arrive en vue de la plateforme terminale et je suis encore une fois ravi
par le spectacle du Deep Rover
silencieusement stabilisé face au
disque, toutes lampes allumées. je
freine pour les rejoindre en douceur
et leur fais signe que tout va bien. Et
comme sur les plongées précédentes, Pipin arrive à toute vitesse,
éclairé par les deux spots de la gueuse de chaque côté de la caméra. Il
touche le disque à –170 mètres.
Profondeur attestée par la mesure
du cable, deux profondimètres (dont
la sonde ultra précise d’Ocean
Sensor), ma présence et celle du
sous marin avec le pilote, un cameraman et les instruments de bord !
La scène est surréaliste. Pipin juste
en combinaison jaune commençant
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en plus pour l’avion, en compagnie
d’un Hubert radieux et me voilà en
surface avec toute l’équipe qui plie
déjà bagages.
La sympathique équipe médicale,
après un check up complet, nous
trouve en pleine forme. Prêts pour les
séances de photos et la soirée d’au
Pipin remercie ses partenaires
en particulier Mares et la Ville
de Cabo sans Lucas.
Hubert Foucart et Pascal
Bernabé remercient les magasins Plongée sous-marine
Boutique et Airmatech à
Toulouse pour la mise à dispo-
sition de matériel technique,
dont en particulier d’excellents
détendeurs utilisés au fond
pour les plongées d’assistance
(Aqualung).
Pascal Bernabé et Pipin, la complicité entre deux recordmen,
dans des spécialités bien différentes
Pascal Bernabé, l’ange gardien des grands fonds
Les Deep Rover
à remonter tiré par son ballon qu’il a
fini de gonfler, et en arrière plan, le
Deep Rover vert fluo surveillant et filmant. Et moi, bardé de blocs, en apesanteur entre les deux, prêt à intervenir. Puis une dernière fois je
remonte accompagné et filmé par le
submersible avec de fréquents
échanges de signes de victoire. Au
fond, c’était un instant magique.
Reste à connaître le résultat à l’arrivée. Une syncope reste toujours possible et ce n’est jamais gagné. Je
savoure ces derniers instants avec
Le Deep Rover et ses occupants.
Vers une vingtaine de mètres, James
Cameron arrive avec son énorme
caméra et filme nos paliers et le
sous-marin. Je sais depuis un
moment que Pipin a réussi son pari,
l’eau des 12 degrés du fond est passée à 28 degrés en se rapprochant
de la surface, bref la vie est belle et
mes trois heures de décompression
passent incroyablement vite, entre
les bananes de Kim, les visites de
Marine et les exploits de Malko (SAS
pour les connaisseurs). Un peu d’oxy
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En 1992, Christian Pétron, directeur de la photo sous marine pour Luc Besson,
sur le Grand Bleu et Atlantis, rêve depuis bien longtemps de filmer les grands
fonds et leur faune. La chaine de télévision Canal plus décide de financer ce
projet. C’est aux Etats Unis que Pétron part superviser la conception, puis la
réalisation des deux sous-marins. Les Deep Rover, biplaces, sont prévus pour
descendre et se mouvoir avec la plus grande précision (comme nous avons
pu le vérifier à Cabo) à mille mètres de profondeur, et ce pendant six heures.
Plus tard Canal Plus abandonnera le projet.
Les Deep Rover se caractérisent par leur bulle en acrylique transparente qui
permet une vision à 360 degrés.
Leur vitesse de déplacement est de 2.5 nœuds à l’horizontale et de un mètre
par seconde à la verticale.Ils sont incroyablement maniables. Chaque submersible autorise l’utilisation de quatre caméras TVHD (dans des caissons en
titane) en même temps.
revoir...
Mais Pipin, même s’il est plus serein,
semble avoir la tête ailleurs. Robert
Margaillan, ami photographe suivant
Pipin et Audrey depuis de nombreuses années, me parlera d’une
grande émotion sur la barge, après
l’exploit, d’un Pipin qui
Hubert Foucard et Pascal Bernabé devant les sous-marins Deep Rover
a dû s’isoler par
pudeur. Et ce soir là,
attablés
avec
Cameron, Pipin, Kim,
son épouse Marianne,
Robert et Hubert nos
toasts iront autant à
Pipin, salué pour son
exploit exeptionnel,
qu’à la mémoire
d’Audrey, dont la classe, la gentillesse et
l’humilité restera à
jamais gravés dans
nos cœurs.
RÉCIT
PASCAL
BERNABÉ
PHOTOS ROBERT
MARGAILLAN
DE
OCTOPUS N°46 - décembre 2003/janvier 2004
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Avant son arrivée à Cabo San Lucas, on racontait
beaucoup de chose sur James Cameron. Par
exemple, qu’il ne reculerait devant rien pour avoir
les images, surtout compte tenu des investissement
engagé, qu’il serait froid et mégalo, etc...
Foutaises ! La première poignée de main fut chaleureuse. Nous avions devant nous quelqu’un de
professionnel et d’exigeant, on s’en doute, mais tout
a fait capable d’écouter, de s’adapter et de rester
humble. Sûrement pas évident lorsqu’on est le réalisateur de films comme Titanic, True Lies, Les
Fantômes du Titanic, Alien et Abyss, qui a ravi tant
de plongeurs, par son originalité et son ambiance.
Nous avions surtout devant nous un passionné de
l’univers sous marin. Et ça, ce fut une excellente
nouvelle. Il avait beaucoup investi pour ce tournage:
les deux Deep Rover, le gros ROV, et au large, sur
leur bateau support, les deux sous marins russes
MIR 1 et 2, capables de filmer jusqu’à 6000 mètres.
Mais dès le départ, la sécurité de Pipin et de son
équipe a été l’une de ses préoccupations principales.
Pour la première fois pour un magazine de plongée
français, il a accepté de bonne grâce de discuter
avec Pascal Bernabé pour
Octopus de sa passion pour la
plongée et de quelques unes de
ses expériences dans ce domaine. Cette conversation plutôt
informelle a eu lieu juste après le
record de Pipin.
- Pascal Bernabé : quand et comment as-tu commencé la plongée?
- James Cameron : j’ai appris à
plonger en scaphandre en 1969,
j’ai été certifié open water par
YMCA. L’entrainement était plutôt
sérieux. Par exemple on devait
apprendre à respirer sur une bouteille sans détendeur, et avancer
comme ça !
Je plongeais pas mal à l’époque,
mais maintenant, malheureusement avec les films, je plonge
beaucoup moins. Mais j’aime probablement plus
être sous l’eau qu’à la surface !
- PB : tu continue quand même ?
- JC : pas autant que je le voudrais pour le plaisir !
Autrefois je plongeais 5 semaines par an. A présent
c’est une semaine par an. En croisière-plongée,
souvent sur épave.
- PB : sur épave, tu aimes vraiment ça ?
- JC : ah oui, j’adore plonger sur les épaves, le challenge que ça peut représenter, l’aspect mystérieux,
l’histoire qu’il y a derrière, la découverte.
- PB : et tu as déjà plongé sous terre ?
- JC : non pas encore, mais il faut que j’essaye. Je
veux faire un film de plongée spéléo, spécialement
en 3D. Nous avons une nouvelle caméra 3D, que
nous allons essayer demain profond, au large, avec
les sous marins russes, les MIR.
Je veux vraiment faire un film en 3D et cela rendra
particulièrement bien en plongée souterraine car on
y évolue dans un univers tridimensionnel, en apesanteur entre le sol et le plafond. Et puis il y a la similitude avec l’espace.
- PB : pourquoi fais-tu tant de films incluant plus ou
moins de la plongée ?
- JC : d’abord à cause de mon intêret pour la plongée. Ensuite pour le challenge que cela représente.
Je veux dire tu t’entraines pour devenir aussi bon
que possible sous l’eau. C’est aussi une manière de
s’améliorer. J’aime être en première ligne et tu ne
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James Cameron, plongeur
- JC : à -22 mètres. Et quand je l’ai vu remonter, il y
avait tant de bulles que j’essayais de le voir tout en
peux pas diriger des scènes sous marines sans être filmant.
sous l’eau et y prendre du plaisir. Je pense qu’à Tu sais pourquoi Pipin ne voulais pas que ta ligne de
Hollywood, les gens ne relèvent pas tellement de décompression soit dans l’eau avant ou pendant sa
descente ?
défis, les réalisateurs, les cameramen.
Et tu dois réellement être concerné par la sécurité, - PB : parce qu’il a peur d’un twist entre les deux
lignes. Et on est supposés être des plongeurs de
bien préparer les briefings.
sécurité, pas un risque supplémentaire ! Mais on
- PB : oui, ça a été un bonne surprise pour nous !
- JC : l’ironie de tout ça,c’est que dans ce contexte, arrive toujours à discuter et à trouver un compromis
je veux dire le record de Pipin, personne ne pense pour qu’il se sente à l’aise et qu’on plonge en sécuau fait que toi aussi, pour assurer sa sécurité, tu fais rité.
un truc incroyable. Tu travailles dans des conditions - JC : oui, c’était du bon boulot.
très difficiles, à la limite extrème de la plongée tech- - PB : d’autant plus que les gens ont fait attention à
nique. J’ai compris que tu as besoin de beaucoup de nous.
gaz, de longues décompressions dans l’eau (Rires). Bon, peux-tu nous dire un mot au sujet du film sur
J’aimerais bien faire de la plongée technique, peut- Pipin et Audrey ou est-ce secret ?
être pas à –170 mètres, mais peut-être à 100 mètres, - JC : Non, sur le plan général, c’est possible. Ce
sera une fiction, avec des acteurs (Salma Hayek,
quelque chose comme ça.
- PB : pourquoi pas, mais il faut être lent dans sa présente le jour du record devrait tenir le rôle
progression. Et puis la plongée doit rester un outil d’Audrey). On doit travailler encore sur le script. Et
j’étais ici pour voir de près ce qu’est une tentative,
d’exploration.
- JC : oui, moi j’irai voir la partie la plus profonde m’imprégner du sujet. Mais les images qu’on a faites
d’une épave. Mais c’est vrai, ces plongées ont des ici en haute définition pourront être réutilisées pour
le film, à condition que l’acteur utilise
James Cameron répond aux questions de la même combinaison que Pipin, au
Pascal Bernabé même titre que des images réelles de
requins, baleines ou raies mantas. Je
pense que ça va être un film sympa.
On peut jouer sur le contraste entre
Pipin, chasseur sous marin acharné
et Audrey, en communion spirituelle
avec la mer. C’est amusant car ils ont
tous les deux des personnalitées si
différentes !
- PB : avais-tu rencontré Audrey?
- JC : non. Mais j’ai un peu ce sentiment car Pipin m’a montré beaucoup
de films ou interwiews d’elle. Mais de
toute manière, tu ne connais jamais
réellement quelqu’un, même si tu le
connais depuis des années et que tu
penses tout savoir de lui, même si tu
es marié avec ! (rires) Mais chacun
peut se reconnaître un peu dans
similitudes. Dans les plongées avec décompression, l’autre, et c’est l’intêret de l’histoire.
c’est comme si tu avais un plafond au dessus de la - PB : tu veux arrêter ?J’imagine que tu as beaucoup de chose à faire !
tête.
- PB : Quand tu étais au fond,dans le sous - JC : non, c’est bon, le seul truc que j’ai réellement
à faire, c’est de regarder ce qu’on a filmé aujourmarin,qu’as-tu ressenti en voyant Pipin arriver?
- JC : Incroyable ! Pendant que je filmais avec une d’hui du record ! (rires)
petite caméra de l’intérieur du sous marin, Pipin est A propos tu devrais regarder mon dernier film sorti
arrivé et je me suis dis:incroyable ! j’ai sous les en France «Ghost of the Abyss», «Les fantômes du
yeux l’homme en apnée le plus profond du monde ! Titanic» (il le dis en français), c’est un nouveau film
- PB : j’ai exactement le même sentiment. C’est un en 3D. Et on a utilisé un petit Remote Operated
moment unique ! Je m’en rapellerai toute ma vie Vehicle (ROV) pour explorer l’épave dans ses
pour Pipin ou Audrey. Et je me dis que j’ai beaucoup moindres détails : les salles, cabines, escaliers, à
de chance d’être là, d’être le témoin de ce moment partir du sous marin (MIR).
- PB : et tu étais dans l’un des sous marins ?
unique.
- JC : oui, témoin de cette chose incroyable. Et il - JC : Absolument. Et je pilotais l’un des ROV dans
tous ces endroits à l’aide d’un plan avec une impresmet sa vie entre tes mains.
- PB : ce n’est pas la partie du boulot la plus facile. sion de «déjà vu» (en français). OK, je descends là,
- JC : oui, je sais. Est-ce que tu te sens soulagé à je tourne à gauche au coin. C’ était très étrange !
Nous voulons aussi faire l’exploration du Britannic,
présent ?
- PB : oui, c’est sûr, mais aujourd’hui, je me sentais le sistership du Titanic qui est entre –100/-120
déjà mieux, qu’il y a deux jours, avant la plongée de mètres, en Grèce, avec des plongeurs tek et des
Pipin à –163 mètres. Je savais que tout était prêt. ROV, qui travailleraient ensemble. Cette expédition
J’avais confiance en Pipin, même si je sais, encore devrait avoir lieu dans les deux années à venir. Si tu
plus depuis l’accident d’Audrey, que jusqu’au der- veux y participer ça pourrait être sympa. On attend
les autorisations du gouvernement grec...
nier moment, tout peut arriver.
- JC : d’autant plus que peu de gens réalisent à quel
PROPOS RECUEILLIS
point la descente et la remontée de Pipin sont
rapides.C’est extrèmement dangereux.
PAR PASCAL BERNABÉ POUR OCTOPUS
- PB : où étais-tu lors de sa remontée ?
PHOTOS ROBERT MARGAILLAN
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