Partager son immunité, ça sauve des vies
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I N F O R M AT I O N S GÉNÉRALES Campagne pour le don de moelle osseuse L’Agence de la biomédecine lance aujourd’hui, en collaboration avec l’Etablissement français du sang, les centres hospitaliers et les associations, une campagne d’information sur la greffe de moelle osseuse qui s’étendra sur trois ans. L’objectif : recruter 100 000 nouveaux donneurs pour mieux répondre aux besoins nationaux. L’APPEL de cette jeune Normande de 22 ans, atteinte d’une leucémie foudroyante, pour trouver un donneur de moelle osseuse, montre combien la campagne d’information lancée par l’Agence de la biomédecine est essentielle. En début de semaine, Nancy a pris l’initiative de faire distribuer une centaine d’affichettes à Cherbourg afin de solliciter des volontaires. « Aidez-moi à ne pas mourir », implore la jeune femme qui raconte être malade depuis deux ans et demi. « On a d’abord cherché un donneur, sans succès. J’ai eu ensuite une autogreffe, mais cela n’a marché que cinq mois. Mon dernier espoir est de lancer un appel à tous. Plus il y aura de volontaires, plus les chances seront grandes de trouver une personne compatible avec moi », expliquet-elle. Le succès d’une greffe de moelle osseuse est conditionné par la compatibilité génétique entre le donneur et le receveur. Dans le cas où le prélèvement n’est pas envisageable dans le cercle familial, le médecin greffeur fait appel aux registres internationaux de donneurs volontaires. 100 000 nouveaux donneurs en trois ans. L’objectif que s’est fixé l’Agence de la biomédecine, qui consacre une semaine nationale de mobilisation au don de moelle osseuse, est de recruter 100 000 nouveaux donneurs d’ici à trois ans. Aujourd’hui, 27,3 % des patients pris en charge sur le territoire ont reçu un greffon provenant du registre français, le registre France greffe de moelle, et 72,7 % de registres internationaux. « Quand on sait que près de 75 % des patients n’ont pas de donneur intrafamilial, on comprend mieux la nécessité des fichiers de donneurs volontaires, rappelle le Pr Didier Blaise, président de la Société française de greffe de moelle et de thérapie cellulaire. L’intérêt d’avoir un fichier français important est que l’on va pouvoir travailler plus vite. Et avec des patients atteints de leucémie, on manque souvent de temps », résume-t-il. L’augmentation du nombre d’inscrits au registre français simplifie non seule- France greffe de moelle a 20 ans Le registre France greffe de moelle, géré aujourd’hui par l’Agence de la biomédecine, travaille depuis 20 ans pour offrir aux patients en attente de greffe de moelle osseuse les meilleures chances de trouver le bon donneur compatible dans les meilleurs délais. Créé en 1986 par les Prs Jean Dausset et Jean Bernard avec le Dr Colette Raffoux, le Registre national, qui compte près de 140 000 volontaires inscrits, garantit l’anonymat entre le donneur et le receveur ainsi que la qualité et la rapidité des informations transmises. Il permet aux médecins greffeurs de suivre l’évolution en temps réel de la recherche de donneurs français ou étrangers pour leurs patients en attente de greffe. Dans le monde, il y a 56 registres connectés les uns aux autres. On compte actuellement plus de 10 millions de donneurs inscrits sur l’ensemble des registres internationaux. En 2005, le registre France greffe de moelle a été sollicité pour 1 165 patients en France (dont 24 % d’enfants) et 11 392 à l’étranger. Trois cent quatre-vingt-deux patients nationaux ont été greffés avec des donneurs non apparentés au cours de l’année 2005, dont 79 avec des donneurs nationaux et 303 avec des donneurs internationaux. Depuis une dizaine d’années, on constate que le recours aux donneurs issus des registres est en augmentation régulière : 10 % en 1991 contre 42,6 % en 2005. ment l’organisation de la greffe, mais contribue également à en réduire le coût puisqu’un greffon provenant d’un registre international coûte presque trois fois plus cher qu’un greffon provenant du registre français. « Vous aussi, vous avez un don. Et si vous en faisiez profiter les autres ? » : c’est avec cette proposition que l’Agence de la biomédecine souhaite interpeller le public. L’enjeu de cette campagne de sensibilisation est de faire comprendre que chacun a le pouvoir de sauver une vie en donnant sa moelle osseuse. Des affiches et des brochures d’information seront disponibles, à partir d’aujourd’hui, dans les pharmacies d’officine, les centres d’accueil de l’Etablissement français du sang, les hôpitaux et les cliniques, les associations. Par ailleurs, l’Agence de la biomédecine a mis en place un site Internet spécifique (dondemoelleosseuse.fr). « La greffe de moelle osseuse est un traitement fondé sur le principe de d’immunothérapie, souligne le Pr Blaise. Il consiste à récupérer chez un donneur un système immunitaire qui n’aura été ni en contact avec la maladie ni affaibli par un traitement comme une chimiothérapie ou une radiothérapie. Cela se fait en prélevant ses cellules souches hématopoïétiques et en les réinjectant au malade. » Quel est le profil type du donneur ? Il doit, tout d’abord, être en bonne santé, être majeur et avoir moins de 51 ans lors de son inscription – il peut toutefois donner de sa moelle osseuse jusqu’à 60 ans. S’engager à donner de sa moelle osseuse, rarement compatible avec un malade, doit représenter un « acte réfléchi, fort et durable », même s’il peut être révocable. Les médecins peuvent faire très vite appel au donneur, un mois après son inscription, mais aussi beaucoup plus tard, après plusieurs années ou peutêtre jamais. Mais lorsque les médecins appellent un donneur, c’est qu’un patient compte effectivement sur son don. Accepter de s’inscrire, c’est accepter de se rendre disponible pendant très longtemps pour un prélèvement de moelle osseuse. S. TOUBON/« LE QUOTIDIEN » Partager son immunité, ça sauve des vies Une anesthésie générale et 48 heures d’hospitalisation au plus Le don se déroule en plusieurs étapes. Il commence par un entretien et un examen de santé dans un centre d’accueil, un prélèvement sanguin et la signature d’une lettre d’engagement en présence d’un médecin. La carte d’identité tissulaire et la sérologie virale du donneur sont ensuite inscrites sur le registre national. Lorsqu’un malade compatible a besoin d’une greffe, le volontaire peut être convoqué par le centre d’accueil pour des examens complémentaires. Si le donneur est effectivement sélectionné pour le don, il doit se rendre au tribunal de grande instance de son domicile afin de confirmer son consentement. L’hospitalisation du donneur ne dépasse pas 48 heures : le prélèvement, réalisé sous anesthésie générale, est effectué dans les os du bassin. Dans certains cas, le médecin préfère un prélèvement de cellules souches périphériques à un prélèvement de moelle osseuse par cytaphérèse. Ce procédé, également utilisé pour les dons de plaquettes, dure de trois à quatre heures, sans anesthésie. Le don de soi, un état d’esprit. François Lopez, donneur volontaire de 51 ans, quant à lui, a été amené à effectuer ces deux formes de prélèvement pour le même patient. Cela peut en effet arriver pour un donneur, mais dans le cas d’un seul et même patient compatible. « Donner ma moelle osseuse a été une démarche naturelle, confie ce père de famille. Ma femme, qui est infirmière, m’a expliqué que ce don pouvait vraiment sauver des personnes. Je ne fais pas trop de différence entre ce don et le don de sang. C’est vrai que l’opération est plus lourde, mais si on commence à réfléchir à tout ça, on ne fait rien. » Appelé il y a trois ans pour un don de moelle osseuse, François Lopez a récemment été recontacté. « On m’a proposé de redonner un coup de pouce à cette personne avec un complément de lymphocytes pour exterminer son cancer. Je n’ai pas hésité. Je sais qu’il s’agit d’une personne qui habite la région parisienne et qui a entre 20 et 30 ans. Je ne cherche pas à en savoir plus, mais parfois j’y pense, je me demande comment elle va. Le don est quelque chose de personnel, qui ne s’explique pas. Je crois que les gens ne mesurent pas l’importance de ce geste. Moi, je préfère donner de ma personne que de l’argent. C’est un état d’esprit », estime François Lopez, dont la fille a attendu ses 18 ans pour rejoindre les rangs des donneurs volontaires. > STÉPHANIE HASENDAHL JEUDI 16 NOVEMBRE 2006 - N° 8052 - LE QUOTIDIEN DU MEDECIN - www.quotimed.com - 17