Histoire plastique
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Histoire plastique
HISTOIRES PLASTIQUES Dans l’histoire du cinéma, il existe plusieurs clés d’entrée pour parler de Stretching : le cinéma burlesque (voir ci-dessous), le regard sur New-York ou une grande ville (comparer les regards métropolitains comme New York, N.Y. de Raymond Depardon, A Valparaiso de Joris Ivens sur un texte de Chris Marker, Berlin, symphonie d’une grande ville de Walter Ruttmann, etc.), les films en pixillation (une technique qui s’épanouit uniquement dans le court métrage de Vicious cycles de Len Janson et Chuck Menville à Gisèle Kérosène de Jan Kounen), le film bricolé (Vogel un Méliès contemporain), le cinéma expérimental (vers un cinéma graphique) voire le cinéma chorégraphique (le personnage nous offre bien une street dance d’un nouveau genre). Mais le travail formel de Vogel a également de puissants échos dans l’histoire de l’art (dessin et peinture). J’ai donc choisi, d’un côté, de développer cette dernière entrée compte tenu du parti-pris formaliste de François Vogel, étiqueté vidéaste d’art à ses débuts. Et, du côté du cinéma, je me suis intéressé au filigrane burlesque du film qu’il me paraît bon d’afficher car François Vogel sait aussi être un farceur, un lutin qui traverse plusieurs de ses films et qui aime jouer avec ses spectateurs. Stretching et le burlesque Même si Stretching n’est pas à proprement parler un film burlesque, il en possède quelques ingrédients. Le personnage, muet, le visage lunaire, souffle et bâille un peu, mais n’exprime aucune émotion particulière. En cela, il n’est pas loin de Buster Keaton. Indifférent à la vie trépidante de la cité et aux autres personnes dans la rue, il exécute ses exercices avec constance et sérieux. Là encore, le héros burlesque, qu’aucun obstacle ne peut détourner de son but, transparaît. L’anachronisme de ses exercices peut également prêter à sourire. On s’aperçoit très vite que c’est un sportif d’opérette : tenue pas très appropriée (à laquelle s’ajoute un blouson qui apparaît puis disparaît en cours de route) et exercices d’étirement farfelus (pianotage des doigts sur un plot, extension approximative des pieds, petit mouvement ridicule de rotation du poignet…). On sent bien qu’il joue la comédie. Et c’est vers Harpo, des Marx Brothers, autre personnage lunaire et muet, qu’il nous entraîne. Quand, au début du film, le personnage nous est présenté appuyé, bras tendu, contre le mur, on peut penser à Harpo au début du long métrage Une nuit à Casablanca (Archie Mayo, 1946), qui tient un mur pour ne pas qu’il s’écroule malgré l’incrédulité du policier qui veut le faire circuler. Quand, par magie, le personnage sort une bouteille d’eau et une banane de sa poche, c’est encore Harpo, sortant des objets insolites des poches de son trench-coat dans La Pêche au trésor (David Miller, 1949), qui nous vient à l’esprit. Bien évidemment, nous ne sommes pas dans un burlesque délirant, mais la musique d’Alain Cure, ritournelle électronique habillée d’onomatopées et de mots improbables (repetto, a pato, mami, hoppé hoppé…), nous dirige aussi vers le registre de la légèreté et de la fantaisie. Le chœur de voix graves contrastant avec les notes aigrelettes renforce l’anachronisme cité plus haut. Et la première fois que notre personnage s’arrête pour souffler, ce chœur n’hésite pas à pousser un « Oh ! » d’accompagnement, comique ou pour le moins dérisoire, qui assoit Stretching du côté d’une veine burlesque. Stretching et les arts plastiques Rendre compte de l’espace qui nous entoure est bien la finalité des plasticiens. Dans le tableau de Jan Van Eyck (1390 – 1441), Les Epoux Arnolfini1 (1434), on peut voir, sur le mur du fond, un miroir appelé miroir de sorcière. Ce type de miroir convexe réfléchit une image panoramique comme les affectionne François Vogel. Dans cette œuvre de la Renaissance, le peintre, dans ce détail du miroir, décide de s’écarter de la représentation basée sur la perspective à point de fuite. D’autres artistes seront tentés par la déformation des images ou l’anamorphose : du tableau Les Ambassadeurs2 (1533) de Hans Holbein le Jeune (1497 - 1543), seule la vision latérale révèle une représentation d’un crâne anamorphosé. Les artistes contemporains, de façon plus systématique, se sont tournés vers ce type de représentation. Ainsi l’Op Art, aussi appelé art cinétique ou art optique, qui a donné lieu à des œuvres en général abstraites, caractérisées par la répétition d’un motif, des espaces équivoques et une sensation de mouvement. De ce point de vue, les séquences-intermèdes de façades d’immeubles dans Stretching s’apparentent au travail d’artistes Op Art dont un des plus connus est Victor Vasarely3 (1906 – 1997) . Mais la parenté est encore plus grande avec les artistes travaillant, sur le même mode, du côté de l’image réaliste. Ainsi est-il intéressant de se pencher sur l’œuvre de Maurits Cornelis Escher4 (1898 – 1972) qui a marqué François Vogel. Escher est également fasciné par les miroirs sphériques (boules chromées ou équivalents), les espaces paradoxaux et le motif. Les œuvres Hand with Reflecting Sphere (1935), Still Life with Spherical Mirror (1934), Three Spheres II (1946) sont de brillants exemples de ses visions panoramiques. Quant à l’œuvre Print Gallery (1956), elle réunit tout ce qui fait l’univers de François Vogel : un espace distordu mais cohérent graphiquement où, pour faire simple, le personnage central regarde un tableau dans une galerie qui fait également partie du tableau. Toute la « pensée » de Vogel est là : celui qui regarde un espace est inscrit dans cet espace et peut, à son tour, être regardé. Enfin, plus proche de nous, le sculpteur britannique, né à Bombay en 1954, Anish Kapoor5, a développé, à travers quelques œuvres monumentales, son concept de la vision panoramique. Anish Kapoor a été choisi par la municipalité de Londres pour la construction de la tour olympique, qui se veut le monument emblématique de la capitale britannique pour les Jeux de 2012 (voir photo ci-dessous). Tout cela démontre que dans l’histoire de l’art (cinéma compris), l’envie de dépasser la représentation du monde en deux dimensions de façon traditionnelle a (presque) toujours existé. En dehors des motifs pécuniaires, l’actuelle frénésie vers le cinéma en relief participe de cet élan. Antoine Lopez Juillet 2010 Anish Kapoor, Arcelormittal Orbit, 2010, métal peint. © ARUP 1. http://pagesperso-orange.fr/sylvain.weisse/arnolfini/explicintf.htm http://ww2.ac-poitiers.fr/ia17-pedagogie/IMG/pdf/25_-_Van_Eyck_les_epoux_Arnolfini_2-2.pdf Hors sujet : un(e) internaute a eu le flair de comparer une image contemporaine liée au cinéma avec le tableau de Van Eyck. On peut penser que le miroir de sorcière est remplacé par les objectifs (sûrement des grands-angles) des photographes… Allez voir pour le plaisir : http://www.google.fr/imgres?imgurl=http://vosimages.20minutesblogs.fr/photos/01/00/1572987819.jpg&imgrefurl=http://vosimages.20minutesblogs.fr/archive/2008/05/19/brangelina-a-travers-lesages.html&usg=__Hd1cpfnJ0HkQ4gSuu6qbjx5m0EY=&h=1280&w=464&sz=109&hl=fr&start=4&um= 1&itbs=1&tbnid=Opb03wvvx1oD_M:&tbnh=150&tbnw=54&prev=/images%3Fq%3Dles%2Bepoux%2 Barnolfini%26um%3D1%26hl%3Dfr%26client%3Dsafari%26sa%3DX%26rls%3Den%26tbs%3Disch:1 2. http://webcache.googleusercontent.com/search?q=cache:PiPAuPCwcSEJ:fr.wikipedia.org/wiki/Les _Ambassadeurs+ambassadeurs+holbein&cd=6&hl=fr&ct=clnk&gl=fr&client=safari Bien aller à la fin de l’article où une photo nous montre l’usage qui est fait d’une cuillère, telle un miroir de sorcière, pour capter l’anamorphose du crâne. 3. http://www.fondationvasarely.fr/vasarely4.php 4. http://www.mcescher.com/ 5. http://www.anishkapoor.com/works/public/index.htm Voir les 2 photos de Cloud Gate (2004, Millenium Park, Chicago) et les 2 photos de Sea Mirror (2006)