Laos - Envol31

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Laos - Envol31
les MERVEILLES DU MEKONG
22 février – 6 mars 2013
Le groupe initial des toulousains, réuni dès 4h45 ce vendredi 22 février 2013, s'est étoffé, comme
prévu, à Roissy, des amis de l'île de Beauté et des parisiens qui nous ont rejoints dans la longue file
d'attente de Vietnam Airlines …Après une nuit à bord, escale et attente de 3 heures à Hanoi : au
petit jour, les boutiques sont, pour la plupart, encore fermées, l'aéroport est un peu « glauque ».
Arrivés à Vientiane en milieu de matinée, nous sommes accueillis par M. Boun qui nous emmène
directement « en ville ». La capitale du Laos nous séduit d'emblée par ses larges avenues bordées de
végétation fleurie et d'arbres vénérables. La circulation est fluide et curieusement silencieuse. En
fait, klaxonner est interdit …
Wat Inpeng est l'un des monastères, disposés en croix sur les points cardinaux d'une même
enceinte, reconstruits au début du 20ème siècle. Ce temple est intéressant par sa façade richement
décorée de bas reliefs en bois sculpté doré, ornés de mosaiques de verre. L'enceinte du temple abrite
une école monastique. D'ailleurs, ce jour, c'est la fête de la paroisse : les bonzillons déjeunent sous
une tente, les mets paraissent variés et appétissants. Nous sommes invités à goûter les boissons à
base de fleurs et de fruits, préparées par les dames organisatrices, dont certaines s'expriment
parfaitement en français …
Sous l'auvent du Wat, nous assistons à la présentation d'offrandes par les fidèles, les bonzes prient
avec elles.
Wat Ong Teu est implanté au centre de ce quadrilatère, c'est le temple du « Bouddha lourd » car il
abrite le plus important bouddha en bronze de Vientiane, flanqué de nombreux bouddhas en bronze
dans différentes postures. La magnifique porte dorée en bois sculpté présente des scènes du
Râmâyana.
Après la pause déjeuner réparatrice et un repos bénéfique, nous partons pour Xieng Khuan, à une
vingtaine de kms de Vientiane, sur une piste cahoteuse. Nous passons sous une arche du pont de
l'amitié qui enjambe le Mékong, en reliant la Thailande et le Laos. Xieng Khuan est un endroit
étrange, pas vraiment un temple, plutôt un parc joliment végétalisé, où ont été édifiées, en béton
armé, dans les années 1950, des dizaines de statues des panthéons hindou et laotien. Ces effigies
naives avaient pour objectif d'unifier bouddhisme et hindouisme. En vedettes : un bouddha couché
de vingt mètres de long et une représentation de l'enfer d'où on se hisse jusqu'au paradis par des
marches inégales. Les plus hardis sont récompensés par une vue panoramique sur le jardin et un peu
plus loin le Mékong.
Au retour, à l'entrée de Vientiane, notre chauffeur nous dépose au bord du Mékong, d'où nous
rejoignons l'hôtel en longeant le fleuve. Beau coucher de soleil. Les maraîchères vendent leur
production le long de la promenade. Interdit à la circulation, le quai Fa Ngum (du nom du prince
fondateur du royaume du million d'éléphants -14ème s.) est paisible. Las ! Les chantiers en cours
menés par les entrepreneurs chinois, laissent augurer un avenir moins tranquille ; en témoigne la
présence d'un hôtel démesuré réservé aux « hôtes de marque » et déjà en activité.
La statue du roi Anouvong (19éme s.), érigée en 2010, est orientée vers la Thailande , le bras levé ,
comme pour maintenir à distance le voisin ennemi... A ses pieds, les séances de gym collectives se
déroulent sur des rythmes disco tonitruants.
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Notre seconde journée commence par la visite de Wat Sisaket, le plus ancien monastère de la ville,
situé au centre de Vientiane, dans un jardin paisible. Il venait d'être achevé par le roi Anouvong, en
1818, lorsque les siamois déferlèrent. De style de l'envahiseur, le temple fut épargné ! Il regroupe
plus de 6800 statues de Bouddha, en bronze, en pierre, en argent, disposées dans les niches du
sanctuaire central et du cloître, ou alignées entre les colonnes obliques du cloître. La position
majoritaire des bouddhas est celle de « la protection », mais on trouve aussi « la paix » « la
pluie »...les yeux et les ongles étaient souvent en pierres semi précieuses, mais es pillards sont
passés par là...
Le sanctuaire central, le sim, est recouvert d'un toit à 5 pans. Les murs intérieurs sont décorés de
fresques délicates, mais très abîmées, évoquant la vie de Bouddha. Le plafond « à la française » , en
fait à caissons de bois, nous surprend. A l'extérieur, derrière le sim, se trouve une gouttière en bois,
en forme de naga (serpent) qui sert à contenir l'eau lustrale destinée à arroser les statues lors de la
fête du nouvel an (14- 15 et 16 avril). On aperçoit aussi dans le jardin quelques tombes contenant
des urnes funéraires de « notables » et une maison traditionnelle lao en bois, sur pilotis.
Dans la même rue Setthathirat, le musée Ho Pra Keo abrite une collection hétéroclite d'objets d'art
sacré laotien et khmer. Le bâtiment, reconstruit dans les années 1930 par les français, est une
réplique du temple détruit par les siamois en 1828. A l'extérieur, la galerie regroupe des statues de
Bouddha en bronze datant du 18ème s. et une statue d'origine khmère du 9éme s. Initialement
construit en 1565, le temple abritait le « Bouddha d'émeraude », que les siamois transportèrent à
Bangkok après un raid sur Vientiane ; elle s'y trouve encore. Et elle reste une des causes de discorde
entre les deux pays.
D'ailleurs de nombreux pèlerins thais viennent à Ho Pra Keo ; des jeunes mariés prennent la pause
devant la statue du Bouddha Khmer.
Dans le jardin, quelques jarres en provenance de la plaine éponyme : datant de 3000 ans, elles
gardent leurs secrets (urnes funéraires ?)
Poursuivant en minibus notre visite, nous parvenons à une vaste esplanade bétonnée, où se
déroulent défilés militaires et cérémonies, et qui conduit au Wat That Luang , le grand Stupa sacré,
symbole du Laos, édifié au 16ème s. Il est censé abriter un cheveu et les cendres d'une hanche de
Bouddha. C'est le monument religieux le plus important du Laos. Pour y parvenir, on passe devant
le parlement lao, une école monastique et la résidence du 1er bonze lao. On est accueilli par la
statue du roi Setthathirat (16ème s.) . Le Wat That Luang a été mis à mal par la foudre et à sac par
les pillards et les pirates chinois, à plusieurs reprises au cours des siècles. Sa restauration par les
français, en 1902, à grands renforts de béton, n'est pas vraiment une réussite, malgré le camouflage
de la peinture dorée. Le reliquaire est entouré d'un cloître qui abrite de nombreux « autels » et lieux
de culte.
La fête qui a lieu mi novembre rassemble pendant 5 jours des bonzes venus de tout le pays, qui
reçoivent les offrandes des fidèles . A l'extérieur du temple, c'est la foire, avec montreurs d'animaux
et attractions diverses.
Après le déjeuner dans un restaurant de quartier, en face de l'opéra, (le café au goût d'orge grillé
nous surprend un peu), nous faisons un tour au centre commercial à l'architecture contemporaine,
très fréquenté par les familles et les jeunes. Le marché jouxte cet immeuble, on y trouve toutes
sortes de plantes médicinales et remèdes traditionnels, dont des cornes de rhino (?) , autres
massacres d'animaux, serpents embouteillés .
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Avant de quitter Vientiane, nous grimpons sur la terrasse au sommet de Patuxai, curieux arc de
triomphe construit en béton dans les années 60, à l'image de celui de Paris, mais avec un décor peint
inspiré de la mythologie laotienne. Très belle vue panoramique sur la ville, l'esplanade fleurie et la
résidence du premier ministre .
Nous quittons M. Boun et Vientiane en milieu d'après midi pour Luang Prabang, cité classée au
patrimoine mondial de l'humanité. La très jolie hôtesse de Lao Airlines a un franc succès auprès des
passagers japonais : ses moindres faits et gestes sont filmés avec beaucoup de zèle !
Notre hôtel se situe en lisière de la ville, c'est un bel ensemble de petits bâtiments d'un étage, dans
un jardin luxuriant. Belle piscine à débordements, qui va tenter les plus « méditerranéens » de la
bande. La campagne est proche, d'ailleurs nous entendrons les coqs célébrer le lever du jour.
Pour ce premier soir, nous dînons chez … « des belges », installés ici depuis 10 ans . Il y a de la
recherche dans la présentation des plats et, même si elle est un peu chère, on va apprécier la bière
blanche …
Nous allons peu à peu découvrir cette ville totalement horizontale (pas de menaces d'immeubles de
grande hauteur), royale et fluviale, au confluent du fleuve Mékong et de la rivière Nam Khan,
nichée dans un cadre verdoyant. Et nous laisser complètement séduire ...
« Hey », 24 ans, professeur de français, en formation pour être guide francophone (c'est mieux
rémunéré), nous conduit au marché du matin : il déborde de fruits, de légumes, de poissons dans
tous leurs états et même vivants dans de grandes bassines alimentées en eau courante… les gens
nous paraissent discrets,« tranquilles » et conviviaux. Coiffeurs et pédicures tiennent échoppe en
plein air, au coin des étals...
L'ancien palais royal, construit en 1904, est devenu musée. Il abrite dans une sorte d'alcôve visible
de l'extérieur, le bouddha d'or, précieuse relique protégeant le Laos (83 cm 50 kg d'or). La statue est
entourée de tambours en bronze, de défenses d'éléphant sculptées, de paravents brodés par la reine.
Nous ne verrons pas la salle de réception du roi, en cours de réfection. Dans la salle du protocole,
le trône du chef religieux (le patriarche suprême) est placé devant celui du roi, on rappelle ainsi
l'ordre protocolaire. De beaux bouddhas des 15et 16 émes s. sont exposés dans des vitrines.
La salle du trône a été richement décorée en 1960 par des artistes japonais : délicats motifs en
mosaique de verre, représentant la vie quotidienne et l'histoire du Laos. Le trône est en bois doré à
la feuille, entouré de très beaux coffres.
Le couloir des tambours de bronze ( 11ème s.-ils rassemblaient les soldats et amenaient la pluie ,
décor de grenouilles symbolisant la fertilité de la mousson ) nous mène à la bibliothèque ( portrait
de la dernière famille royale) et aux appartements privés qui font penser davantage à une « maison
de la grande bourgeoisie » qu' à un palais. Les vitrines de la salle de réception du secrétaire du roi
exposent les cadeaux offerts par les chefs d'état étrangers.
Avant de quitter l'enceinte du palais royal, un regard à la statue du roi Sisavong Vong, artisan de la
réunification au moment de l'indépendance du pays ; et visite du nouveau temple, destiné à abriter
prochainement le bouddha d'or : grande débauche de sculptures et ciselages dorés.
Construit entre la fin du 18ème et le début du 19ème s., le très beau temple Wat Mai est celui du
patriarche suprême. Restauré en 1970, il est coiffé d'une toiture à 5 pans. Les colonnes et le plafond
du portique sont décorés de motifs dorés sur fond rouge ou noir. En façade, des bas reliefs en ciment
doré représentent des scènes de la vie quotidienne.
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Lors de notre première venue, se déroule une cérémonie d'offrandes en l'honneur d'une personne
précédemment décédée. Des camionnettes stationnent dans la cour, chargées de présents divers (jus
d'orange, thermos, couvertures, billets de banque …) La famille et les invités sont assis autour du
temple et se partagent café et gâteaux pendant que les bonzes officient. Nous en profitons pour
observer la vie du monastère qui jouxte le temple : il est bientôt 11h, les moines se préparent au
repas de la mi journée … Nous reviendrons dans l'après midi pour mieux éprouver la sérénité de ce
haut lieu et nous approcher du sanctuaire.
L'ensemble d'édifices sacrés Wat Xieng Thong est le plus riche de la ville. Il fut construit en 1560
par le roi Setthathirat, pour commémorer un riche commerçant de bétel, venu du Vietnam et élu roi
de Luang Prabang (légende?) .
La chapelle du bouddha sacré est l'édifice principal : les pans de toit descendent presque jusqu'à
terre. La décoration extérieure et intérieure est réalisée au pochoir, dorée sur fond noir ou rouge
(scènes de l'enfer ou du paradis). La longue gouttière de bois pour l'eau lustrale sert à asperger le
grand bouddha pour la fête du nouvel An.
Sur la façade arrière : une belle décoration en mosaique de verre contemporaine, représentant l'arbre
de l'illumination (la bodhi)
Construite en 1957, à l'occasion du 2500 ème anniversaire du Bouddha, l'élégante « chapelle
rouge » ou chapelle du Bouddha couché, est ornée de mosaique de verre d'inspiration japonaise. Ce
très ancien bouddha a été montré à l'exposition universelle de Paris en 1931.
Au fond de l'enceinte, la chapelle du char funéraire du roi Sisavang Vong : construite en 1960 après
la mort du souverain, elle abrite un étrange véhicule funéraire, haut d'une dizaine de mètres, monté
sur pneus et décoré de têtes de dragons. Tout autour : des bouddhas en bois, de toutes tailles, des
stèles votives.
A l'étage d' une jolie maison de bois traditionnelle, nous déjeunons, avec pour voisins des japonais
très pressés et un groupe de nonnes coréennes silencieuses.
Nous poursuivons notre découverte des temples par Wat Visounnarat, le plus ancien, datant du
16ème s. , détruit et pillé par les pavillons noirs. Il hébergeait le bouddah sacré. Il a été reconstruit
en 1898. Belle porte du 19ème retraçant le ramayana , grand nombre de statues et stèles anciennes ,
dont une copie du Bouddha d'émeraude. Le Stupa de pierre, en forme de pastèque, contenait les
bouddhas en cristal de roche désormais exposés au palais royal. N'ayant pas échappé au pillage, le
stupa est définitivement « fermé ».
Après un temps de repos bien mérité dans notre bel hôtel, la grimpette du mont Phousi met les
mollets et le souffle à rude épreuve. 320 marches plus haut, c'est un peu la tour de Babel, on y
entend toutes les langues, on est un peu serrés sur la plate-forme, mais la découverte de Luang
Prabang sur 360° est tout simplement sublime … les collines verdoyantes, la végétation luxuriante,
les toits des temples ... le Mékong. Le coucher de soleil nous retiendra presqu' une heure, malgré les
attaques de moustiques. En bas des marches, un tour au marché de nuit s'impose : artisanat très
varié, beaux tissus, ambiance familiale et bon enfant … on marchande à l'aide de la calculatrice
…Le quartier dans lequel nous dînons est très populaire : la place est occupée par des familles
confectionnant leur repas sur barbecue, en se servant des braises d'un grand feu « collectif » allumé
sur le trottoir...
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Ce mardi, dès potron-minet, nous remontons la rue principale de Luang Prabang pour assister au
Tak Bat, l'aumône faite aux moines, rite immuable depuis la nuit des temps. Chaque matin, au lever
du soleil, les jeunes bonzes, pensionnaires des monastère, vêtus de la robe safran, pieds nus, portant
leur large sébile en bandoulière, marchent en silence dans les rues de la ville, pour mendier leur
nourriture, yeux baissés, comme le Bouddha. Les habitants, hommes debout, femmes à genoux,
déposent des boulettes de riz dans les grands bols et remettent des sachets contenant visiblement des
fruits … Impressionnant silence … les bonzes rentrent dans leur monastère pour commencer la
journée d'étude, de travail, de prière …
Et nous, nous embarquons à 8h 30 pour une croisière de 25 kms sur le Mékong, jusqu' à son
confluent avec la rivière Nam Ou. Cette belle balade en bateau nous permet d'observer la vie au
bord du fleuve : jardins bien organisés sur les terres fertilisées par les alluvions, des buffles noirs et
blancs qui paissent paisiblement ou se rafraîchissent dans l'eau, des pêcheurs à l'épervier, des
orpailleuses … nous faisons une halte au village de Ban Xang Hai, où nous visitons une distillerie
artisanale d'alcool de riz, traversons le monastère très kitch et le village, qui est en fait une longue
rue de boutiques, dont les produits ressemblent à ceux du marché de nuit de Luang Prabang .
Les grottes de Pak Ou sont l'étape suivante. Ouvertes à flanc de falaise, en aplomb du fleuve, elles
ont été longtemps habitées par des ermites. Elles restent un lieu de pélerinage très fréquenté. La
première déborde de bouddhas de toutes tailles, apportés lors des fêtes du nouvel an . La grotte Wat
Tham Poum est située 220 marches plus haut, elle s'enfonce dans le roc sur une cinquantaine de
mètres. Lampe de poche obligatoire pour découvrir, dans les anfractuosités, des centaines de
bouddhas...on peut voir aussi une belle frise à la feuille d'or, les vestiges d'un petit aqueduc en bois
qui amenait l'eau pour laver les bouddhas, dont les extrémités sont ornées d'un dragon et d'un cygne.
Nous déjeunons dans un restaurant pour touristes, sur la rive opposée, sur-élévée du Mékong. Une
photo retient notre attention : elle témoigne du niveau de la crue en 2008 …nous aurions été
submergés ! Le poisson grillé est fort bon , ainsi que les divers légumes et les algues au sésame.
Sur le chemin de retour, arrêt au village Ban Xang Khong où nous visitons une fabrique de papier
de Posa, des ateliers de tissage et de sculpture sur bois. Avant de regagner notre hôtel, achat de
« baume du tigre » pour soulager nos misères articulaires …
Ce soir là, nous dînons dans le jardin d'une belle maison en bois. Nous y sommes accueillis par les
notes « aigres » d'un orchestre traditionnel. La soirée étant déjà avancée, les musiciens d'un âge
certain, ne s'attarderont pas …
Ce dernier jour à Luang Prabang commence par la visite des chutes de Kuang Si, à une trentaine de
kms, la route est agréable, traversant forêts, plantations de teks, rizières et jardins … Arrêt dans un
village Hmong. Les conditions de vie nous semblent rustiques, même si la proximité de la route
touristique favorise le commerce. Maisons de bambou à pièce unique et sol en terre battue,
beaucoup d'enfants, une école maternelle …volailles en liberté. Mais- est ce parce que le village est
une étape touristique ?- tout est rangé autour des maisons, les chemins balayés …
Les cascades de Kuang Si se nichent dans la forêt tropicale et on y accède par un sentier balisé
longeant des « piscines » naturelles . A l'entrée du parc, un grand enclos : une ONG australienne
tente d'y faire survivre les ours endémiques, longtemps décimés pour les besoins de la médecine
traditionnelle. Ce jour là, c'était séance de vaccination, filmée pour les besoins de la cause.
Cet endroit est bien agréable : lieu de pique nique et de promenade des citadins de Luang Prabang,
il est très fréquenté le week end, nous dit « Hey ». Les amateurs de fleurs (roses de porcelaine,
liserons bleus, orchidées … ) et de papillons, sont comblés.
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Après midi « libre » à Luang Prabang, ce qui permet à certains de retourner au Wat Mai, désert à
ce moment de la journée … les photographes s'en donnent à cœur joie …prendre un pot au bord du
Mékong et observer la vie sur le fleuve, poursuivre la découverte de la ville jusqu'au confluent avec
la rivière Nam Khan. Un pont de bambou l'enjambe, lesté, arrimé avec des pierres amoncelées à
chaque extrémité. Image fugace d'un bonze empruntant la passerelle, protégé par un grand parapluie
noir, son ombre projetée sur l'eau de la rivière .
Dans un monastère, le collège est en pleine activité :un coup d' oeil à la dérobée dans les salles de
classe ne laisse aucun doute ; on y croise de jeunes bonzes affairés mais souriants... Une halte
s'impose à l'institut français, installé dans une jolie maison « coloniale » et, au marché, on assiste à
la préparation des plats, qui seront proposés le soir aux chalands…
Dans l'enceinte d'un Wat, des jeunes bonzes balaient en chahutant, d'autres s'accordent une pause
en bavardant autour d'une table, sirotant un .. coca. Notre attention est attirée par la préparation
d'une « cérémonie » : un couple (40/50 ans) installe une natte derrière le sanctuaire et s'y agenouille.
Un vieux bonze, sortant visiblement de sa sieste, s'installe en face d'eux avec une bassine d'eau et
des rameaux. L'homme et la femme ont enroulé une cordelette autour d'eux, qui les relie, une volée
de marches plus bas, à un pick up flambant neuf . Notre guide nous confirmera que nous avons
assisté à la bénédiction du véhicule. L'enseignement philosophique de Bouddha ne protège donc pas
des rites superstitieux.
Nous dînons pour la dernière fois à Luang Prabang chez … DSK ! Il s'agit en fait d'une chaîne de
restaurants coréenne... « Hey » a passé brillamment ses épreuves orales de français cet après midi.
Les examens se poursuivant le lendemain, c'est une de ses jeunes collègues qui nous accompagne à
l'aéroport …
Nous ne sommes pas dépaysés à bord de l'ATR qui nous transporte vers Siem Reap ; escale à
Pakse (on est encore au Laos, il fait très chaud dans la salle d'embarquement). A l'arrivée, notre petit
groupe donne, à son insu, un spectacle curieux : nous traversons et re-traversons le grand hall,
rejetés par la police des airs, mal orientés par les agents d'accueil, peu aimablement renseignés, il
faut le reconnaître.On finit par comprendre que notre visa collectif ne nous dispense pas du
formulaire d'entrée sur le territoire cambodgien (généralement remis dans l'avion). Cette formalité
vite accomplie, nous sommes accueillis par M. Kim Houn, qui sera notre guide jusqu'au terme de
notre périple.
Dans le minibus qui nous emmène à l'hôtel, M. Kim Houn nous dit d'emblée que, pendant le
protectorat, « les cambodgiens n'aimaient pas les français, car ils leur faisaient payer des impôts ».
Mais, depuis la fin de la guerre civile, la période française est « ré appréciée » (dixit) … il précise
aussi que la population cambodgienne est constituée à 75% de jeunes de moins de 18 ans et que,
pour assurer la scolarisation de tous, le temps scolaire est scindé en demi journée, les enfants allant
en classe ou le matin ou l'après midi .
Nous déjeunons à l'hôtel Frangipani (ça ne s'invente pas), où nous devions être hébergés, mais nous
allons être transférés dans l'après midi dans un autre établissement, plus proche du centre ville. Un
grave accident de la circulation a en effet causé la chute de pilônes électriques et une coupure de
courant touche 1/3 du pays : les groupes électrogènes sont en route, mais on tente de répartir les
touristes pour « délester » la zone touchée.
Notre découverte de l'architecture khmère commence par le groupe de Roluos, site pré angkorien
du 9ème s. à une quinzaine de kms de Siem Reap.
Preah Kô (le bœuf sacré) est le premier temple construit (en 879), entouré de douves, restauré en
1932 par les français en « anostyle », sous la direction de Henri Marchal . C'est un temple funéraire
consacré à Chiva. Les six tours sanctuaires en brique sont assez bien conservées. Les portails ornés
de sculptures et certains linteaux sont remarquables.
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Le second temple est le plus important du groupe de Roluos :Bakong, temple d'Etat dédié à Civa ,
construit en gré en 881. Entouré de douves avec un mur d'enceinte remarquable, il a été restauré par
les français en 1936/43 par Maurice Glaize. Très photogénique, Bakong présente la disposition
pyramidale à 5 gradins qui symbolisent les 5 niveaux de la vie. La présence d'un sanctuaire au
sommet laisse supposer qu'il était le centre virtuel du royaume. La première terrasse représente le
naga (serpent), la seconde : le garuda (oiseau mythique), la troisième: le démon, puis le juge des
morts et enfin le devaraja (le roi des dieux »). La tour centrale date du 12ème, ce qui explique la
ressemblance avec Angkor Vat.
Avant de parvenir à Lolei , le troisième temple, nous assistons à une séance de « thérapie
chamanique » par un bonze sur une malade. Introduits par notre guide, nous sommes invités à nous
approcher. Plusieurs nonnes sont présentes, elles apportent pour un temps leur aide au monastère,
avant de retourner à la vie civile.
Lolei signifie « séjour de Harihara » (de Civa et Vishnou) , fondé au 9ème s., le temple formait une
île au milieu d'une pièce d'eau de 4km x 800m. Les reliefs des portails sont bien conservés : joli
décor floral et belles divinités féminines.
Notre dîner est animé par un spectacle de théâtre d'ombres, marionnettes fabriquées et manipulées
par des jeunes lycéens, narrant une épopée du Ramayana : la lutte entre Rama et Ravana, qui a
enlevé, par ruse, la femme du premier .
La promenade digestive vespérale nous fait découvrir Siem Reap, la nuit, ville submergée par les
touristes, beaucoup de bars avec ambiance musicale très « mondialisée »...
Ce vendredi matin, nous poursuivons notre approche d'Angkor en longeant le Baray occidental,
vaste réservoir d'eau, dispositif hydraulique colossal, témoin de la puissance des khmers au 9ème s.
L' habitat traditionnel aux alentours est dispersé, nous passons devant de belles demeures, dont
notre guide nous précise qu'elles appartiennent à des militaires.
Nous passons aux abords d'un monastère nommé la « citadelle des cellules », entouré de hauts
murs, de sinistre mémoire, puisque 1500 fonctionnaires y ont été anéantis par les khmers rouges.
Banteay Srei, la citadelle des femmes, fait spontanément penser à Chichen Itza. Petit bijou sculpté
dans le gré rose (pierre de sable et latérite), décoré de reliefs dont chacun s'accorde à dire qu'ils
approchent la perfection. Deux belles « bibliothèques » encadrent le sanctuaire. Selon l'archéologue
Maurice Glaize, c'est le plus joli temple khmer.
Une vingtaine de kms plus loin, par une belle piste, et après une grimpette à travers la forêt, nous
parvenons à Kbal Spean « la rivière aux 1000 lingams ». Il s'agit de carrés de pierre sculptés
tapissant le lit de la rivière et qui avaient vocation à bénir les eaux avant qu'elles ne parviennent à la
cité royale. Des bas reliefs représentant le panthéon brahmanique jalonnent le cours de la rivière.
Pas très spectaculaire, ce site est toutefois apprécié par sa sérénité, l'environnement paisible. La
belle chute d'eau en contrebas, après les baignoires naturelles dédiées au roi à la reine et à la cour,
attire de nombreux papillons qui inspirent les photographes du groupe....
Après la pause méridienne, et la traversée d'une zone d'habitations traditionnelles, nous parvenons à
Banteay Samré, autrement dit la « citadelle des ignares » ou des « culs terreux » selon M. Kim
Houn!!! élégant temple du 12ème, bien conservé, dédié à Vishnou, restauré en 1935 . On accède au
sanctuaire après une double enceinte, la seconde en galerie. Jolies décorations sculptées sur les
frontons et une très belle chaussée, bordée de lions.
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Halte en campagne pour assister à la cristallisation du sucre de palme. Un palmier à sucre peut
produire jusqu'à 400kg de sucre ...
Par la piste, la vie à la campagne se dévoile un peu : séchage du manioc, petit marché où se
vendent les légumes sauvages ... on achète des « pommes de lait » sans pouvoir résister à la photo
avec tout le village rassemblé et débonnaire ( beaucoup d'enfants dont plusieurs ont le crâne rasé invasion de poux sans doute)
Arrêt au temple funéraire brahmanique Pre Rup « le corps du seigneur dieu », d'après la
traduction de notre guide. Erigé en 961, dédié à Civa, restauré en 1936, c'est une imposante
pyramide de briques sur plusieurs niveaux, entourée de gradins. Nous nous contenterons de
l'admirer d'en bas car l'ascension paraît délicate. Mais à cette heure du jour, les ombres et la palette
des couleurs lui donnent beaucoup de charme.
En cette fin de journée,Ta Phrom , « l'ancêtre Phrom » va nous subjuguer : romantique et un peu
magique, resté en partie livré à la jungle qui l'habite réellement...même si les principaux monuments
du site ont été sauvés en 1924. Construit au 12ème s., il fut l'un des plus gigantesques temples
d'Angkor. Ce monastère abritait 260 divinités servies par plus de 12 000 personnes. Les dignitaires
mangeaient dans de la vaisselle d'or. Aujourd'hui, pierres et racines de fromager s'entrelacent et on
ne distingue plus très bien lesquelles soutiennent les autres. La conservation du site est confiée aux
indiens depuis 2004.
Nous sommes déjà samedi 2 mars : par une longue avenue bordée d'arbres, fréquentée par des 4X4
mais aussi par des éléphantes transportant des touristes, nous arrivons à la porte sud d'Angkor
Thom, « la grande ville capitale », fondée de 1181 à 1218, restaurée par les français en 1908, 1919,
puis par les japonais en 1995.
De chaque côté du pont franchissant les douves de 100m de largeur, des dieux et des méchants
soutiennent le naga sacré, jusqu' à l'arche surmontée des quatre visages d'un personnage coiffé d'une
tiare de pierre . La cité est ceinte d'un quadrilatère de murs de 8 m de hauteur sur 12 kms de
longueur. Cinq portes monumentales donnent accès à la cité qui abritait autrefois 100 000
personnes.
Au centre de la cité : le Bayon , construit au 12-13ème s. , « la montagne magique » ou « des
sciences occultes » , selon M. Kim Houn. On y accède par un pont dont les balustrades sont des
nagas soutenus par des lions, le tout était recouvert d'or. Il ne reste que 37 des 54 tours qui
composaient ce temple, elles étaient incrustées de pierres précieuses. Elles sont ornées de 4 visages
(il y en avaient au total 216!!) illustrant les vertus de Bouddha :la sympathie, la pitié, l'humeur
égale, l'égalité. Construit en pyramide sur 3 niveaux, à une époque de transition entre le
brahmanisme et le bouddhisme, le Bayon est un dédale, d'abord en carré puis en cercle … avec des
allées en disposition cruciforme … conçu pour assurer l'omniprésence de Bouddha. Nous y avons
admiré des bas reliefs extraordinaires retraçant les exploits guerriers des khmers contre les chams
mais aussi la vie des angkoriens au moyen âge. Les français ont excavé ces bas reliefs et les ont fait
nettoyer par les ouvriers cambodgiens... à la brosse à dents et à l'eau. Le résultat est remarquable, on
ne peut en dire autant du travail des indiens à l'eau de javel...
Dédié au culte du linga, le Baphuon ou « le père caché », a été sans doute l'un des édifices majeurs
du Cambodge, construit en pyramide, antérieur à Angkor Thom, il est en grande partie écroulé. La
restauration arrêtée par la guerre civile, avance avec peine depuis 1995. La façade occidentale du
2ème étage a été « remontée » à l'époque moyenne en Bouddha couché de 60 m de long. Il nous a
fallu un certain temps pour le distinguer émergeant de l'amas de pierres couvertes d'herbes …
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Il fait très chaud sur la terrasse des éléphants et l'ombre végétale est bienvenue pour parcourir ces
350 m. surplombant la grande place. La terrasse du roi lépreux est moins large, elle servait sans
doute de lieu de crémation. Les bas reliefs qui ornent les murs de l'étroit déambulatoire sont de
vraies merveilles de l'art khmer, qui donnent à voir pléthore de divinités, nagas géants, apsaras,
guerriers, concubines dont certaines sont affligées de la lèpre...
Après un déjeuner rapidement servi mais excellent et au grand dam de certains, nous n'aurons pas
le temps de prendre le café ou le thé car Angkor Wat nous attend !!! « La ville-pagode », « le
temple montagne », dédié à Vishnou, où tout est symbole. La construction commence au 12ème s.,
juste avant celle de ND de Paris, et dure 37 ans. Le temple est le centre de la capitale et du royaume.
On y accède par le pont magnifique qui franchit les douves sur 200m de longueur. Notre guide
connait les bons angles pour les photos et les bons plans pour éviter la grande cohue. Il nous aide
aussi à déchiffrer les bas reliefs de la deuxième enceinte, qui se déroulent sur 800m. Un chef
d'oeuvre remarquablement conservé qui donne à voir des scènes du ramayana, des épisodes de
l'histoire khmère du 12ème S., la création de l'univers selon l'hindouisme.... figés dans le grès . Un
escalier récemment installé, abrupt mais sécurisé, conduit au sanctuaire : malgré une architecture
rigoureusement carrée, c' est un vrai labyrinthe de terrasses, d'escaliers, de petits autels dédiés à
Bouddha, de cours intérieures entourées de galeries.
En haut de la tour centrale, s'offre à nous un panorama grandiose sur la forêt et les autres tours du
temple...
En revenant vers notre bus, nous sommes brutalement tirés de notre émerveillement et plongés
dans la misère ordinaire par le désarroi d'une fillette de 6/7ans, tenant dans ses bras sa petite soeur
(2ans?) qui semble dans un état comateux (déshydratation? ) Pas de SAMU à appeler, il faut
mobiliser les ressources présentes. Finalement les efforts conjugués de la PMI française
(hydratation et ventilation) et de la médecine chinoise traditionnelle (acupuncture digitale) auront
raison de la torpeur inquiétante de la gamine. M. Kim Houn nous explique que ces enfants
ramassent, pour les revendre, les bouteilles vides laissées par les touristes, contribuant à la survie de
leur famille. Ils grossissent ainsi les rangs des enfants non scolarisés ...
Certains restent au pied de Phnom Bakheng, pour faire des emplettes ou prendre un pot (bien
mérité) ; les irréductibles s'élancent sur le chemin pentu vers le temple montagne, premier temple
d'état d'Angkor, érigé au 10ème s., au somment d'une colline naturelle. Le Phnom Bakheng est en
mauvais état, malgré les beaux portails sculptés de la tour centrale. Mais la vue sur le Baray
occidental, Angkor Wat, la forêt, vaut à elle seule la grimpette.
Ce soir, nous dînons dans le jardin intérieur d'un grand hôtel : buffet autour de la piscine et
spectacle traditionnel intéressant, notamment par la danse de l'Apsara, classée au patrimoine
mondial de l'humanité.
Certains terminent la soirée par un massage, d'autres font du magasinage avec l'aide précieuse de
M. Kim Houn .
Notre départ de Siem Reap est célébré par une averse tropicale, qui oblige les commerçants des
rues à étendre de vastes bâches bleues sur leur marchandises, mais les gens n'ont pas l'air fâché de
cette pluie. La décoration de notre bus nous étonne un peu: elle nous fait immanquablement penser
à Brassens, qui chantait « les petits corbillards de nos grands pères » et déchaine les plaisanteries,
sans doute pour exorciser l'éventuel mauvais sort.
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En cours de route, M. Kim Houn évoque l'histoire mouvementée de son pays, qui fut jusqu'au
19ème s. la proie d'invasions successives menées par ses voisins belliqueux. Le protectorat français
ne fut pas de tout repos, même s'il permit au Cambodge de recouvrer sa souveraineté territoriale et à
Angkor de sortir de la forêt. A l'issue de la seconde guerre mondiale, la France opte pour une
autonomie accrue du Cambodge dans le cadre d'une monarchie constitutionnelle. Le roi Sihanouk
obtient la reconnaissance officielle de son royaume souverain, après bien des tractations, en 1954.
Ensuite, il faudrait évoquer le piège américano-vietnamien, le rôle de la CIA, l'infiltration vietcong et les opérations américaines de « nettoyage au napalm » sur le territoire cambodgien, jusqu'à
la destitution de Sihanouk par son propre parlement et l'installation au pouvoir, par les américains,
de Lon Nol . En 1970/72 les B52 américains vont effectuer 3600 raids sur le Cambodge, déverser
des milliers de tonnes de bombes pour chasser les révolutionnaires vietnamiens. Le régime de Lon
Nol, rongé par la corruption, tombe le 17 avril 1975, pour laisser la place aux Khmers rouges et à
leur horreurs. Notre guide nous confie que le « régime Khmer rouge » l'a fait passer de 65 à 38 kg
en un peu moins de 4 années.
Pour détendre l'atmosphère, nous goûtons les gâteaux de bambou (du riz cuit à l'intérieur de
morceaux de bambou évidés) que les paysans préparent et vendent au bord de la route.
Nous passons au large (en fait à 40kms) du lac Tonlé Sap, dont la superficie égale, à la saison des
pluies, celle de l'Aveyron et du Tarn et Garonne réunis !!! La route que nous empruntons est alors
bordée d'étendues d'eau et les paysans se déplacent en barque. On comprend mieux pourquoi les
constructions sont sur pilotis. Pour l'instant, on moissonne et décortique le riz avec une « rizerie
mobile », une mini moissonneuse batteuse adaptée aux rizières et au riz.
Le pont millénaire Kampont Kdei mérite un arrêt : 22 arches, construit en latérite, il arbore aux
extrémités des nagas à 9 têtes, auxquels on présente des offrandes contre les maladies. Le pont
faisait office de barrage contre les bateaux siams. Lors des inondations de 2011, il fut submergé par
la crue.
Dans les parages, une fabrique de meubles en bois béng: mobilier un peu lourd (il se vend au poids)
mais une belle couleur chaude ...et des plateaux de table « solides ».
Dans un hameau en bord de route : une fête de mariage. C'est le jour des offrandes à la mariée,
notre guide nous introduit auprès des familles et nous sommes invités très simplement à nous
joindre aux invités. Avant de grimper à l'étage de la maison de bois où sont installés les mariés, nous
circulons entre des monceaux de ferrailles bâchés : les deux ferrailleurs voisins marient leurs
enfants.
Nous sommes accueillis chaleureusement. L'officiant interrompt la cérémonie en cours pour nous
faire place auprès des mariés, assis à même le plancher. Les vêtements traditionnels, les coiffures et
le maquillage des dames sont magnifiques . M. Kim Houn traduit nos voeux de bonheur et de
prospérité, nous participons aux cadeaux en argent. La séance de photos est très prisée par nos
hôtes: M. Kim Houn nous assure qu'ils sont « tellement contents » ... Vraies et belles images à
garder en mémoire, d'un moment d'authentique partage, pourtant sans parole.
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En pleine forêt tropicale, les temples de Sambor Prei Kuk sont un remarquable exemple de l'art
pré angkorien (7ème S.) en mauvais état et mal restaurés ( portes renforcées par du béton) . Nous
sommes accompagnés par un groupe d'enfants qui connaissent par coeur certains commentaires du
guide et devancent ses mises en garde sur les obstacles du chemin. Cette région a été arrosée de
bombes par les avions américains, le déminage a été long et meurtrier. Les enfants nous montrent
des cratères de bombes et, plus loin, des termitières ... et des nids de cobras
Nous sommes dans ce qui fut la capitale du royaume indianisé de Chenla dont les temples étaient
dédiés au culte de Hari Hara (unissant Vishnou à Civa). L'architecture de briques est semblable à
celle de l'Inde du sud : une tour centrale (la montagne sacrée ou meru) entourée de sanctuaires plus
petits, de murs d'enceinte et de fossés. Le plan octogonal est souvent utilisé. Une belle balade en
forêt va nous mener de Prasat Sambor (groupe nord : bas reliefs assez bien conservés montrant des
Garoudas, bassin pour ablutions de la famille royale), à Prasat Tor ( groupe central où seul le temple
du lion émerge des éboulis et des lianes, murs de 4m. d'épaisseur, construit en 798, en briques
crues) et à Prasat Yeay Peau (groupe sud : tour centrale octogonale, vestiges de hauts reliefs,
notamment un singe offrant une ruche à une divinité). Leur patience est récompensée: les enfants
réussissent à nous vendre quelques écharpes tissées ...
Nous déjeunons dans un « restaurant paillotte », sans eau courante : lavage des mains dans une
bassine où flottent des morceaux de citron. Très bon repas de poulet grillé, de poissons du lac
aperçu en arrivant (et qui fut la fosse commune de centaines de fonctionnaires liquidés par le
Khmers rouges, d'où des plaisanteries peu ragoutantes),de légumes divers, mangue et bananes.
Une ultime halte avant Phnom Penh nous permet de découvrir un marché local, très fréquenté, en
plein après midi, où nous sommes subjugués par les étals d'insectes et autres batraciens rôtis, farcis,
frits... Claude arbore fièrement sur sa chemise une migale bien velue, qui explore activement ce
nouveau territoire, Nicole croque hardiment un grillon frit, les moins intrépides goûtent les reinettes
fourrées aux piments doux. Personne n' a envisagé déguster une migale, pourtant joliment
présentées en pyramides ...
Notre hôtel à Phnom Penh relève de la chaîne Frangipani; ouvert depuis quelques semaines, il
surplombe la place où vient de se dérouler la cérémonie de crémation du roi Sihanouk, les
installations sont en cours de déconstruction.
L'incident des chambres de Siem Reap, géré de main de maître par Liliane, nous vaut un accueil
attentif et une installation très accompagnée ...Certains disposent même d'un jacusi sur la terrasse de
leur chambre (?), la piscine sur le toit va vite attirer les amateurs ... on y jouit d'une vue à 360° sur
la ville: les toitures du palais royal, les vieux quartiers qui le jouxtent, (en cours de démolition pour
certains), les tours géantes construites par les chinois, le monastère où les moines font sécher leurs
antaravasakas, uttarasangas et sanghatis (autrement dit : leurs robes de dessous, de dessus et leurs
manteaux, portés pliés sur l'épaule ).
Après le dîner dans un agréable et grand restaurant-bateau amarré sur le fleuve, l'averse tropicale
nous fait quitter le marché de nuit plus vite qu'on ne l'aurait souhaité: belle ambiance et grand
succès pour le karaoké . Nous faisons sensation en reprenant en choeur le refrain d'un « tube » des
années 80, visiblement re -découvert ici. Les jeunes gens qui nous entourent rient beaucoup d'
entendre chanter des françaises d'âge certain.
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Nous commençons la visite de Phnom Penh, ce lundi matin, par le Wat Phnom. Petit rappel
historique : selon une jolie légende, une certaine Mme Penh découvre des statues de bronze dans un
tronc d'arbre flottant sur le Mékong. Pour abriter ce trésor, elle élève une colline (30m.), le phnom
en khmer, et un stupa. Phnom Penh devient la capitale des rois khmers au 15ème s. En ce début de
matinée, l'endroit est agréable, pas encore envahi par les touristes et les marchands du temple,
seulement quelques vendeurs d' hirondelles en cage, qu'on libère en les achetant, ce qui est sensé
porter bonheur... Au sommet : la pagode, le plus ancien sanctuaire de la ville, décorée de belles
fresques et déjà fréquentée par des fidèles. A l'arrière de la pagode, d'autres petits temples, des
statues naives, dont celle de Mme Penh. Le jardin est bien agréable, on y trouve un monument en
céramique commémorant l'accord franco cambodgien de 1954.
Nous poursuivons notre circuit par le quartier dit « colonial »: il faut bien reconnaître que ces
belles maisons ont gardé tout leur charme. Un coup d'oeil au monument de l'indépendance, en grès
rose, sur une large avenue très végétalisée, avec une belle perspective.
Pour un sourire d'enfant est une des nombreuses ONG qui oeuvrent ici depuis la fin du génocide,
fondée par un couple d'ingénieurs français, grands voyageurs assez connus par le biais de plusieurs
reportages télévisuels et auteurs d'un livre remarqué « quatre enfants et un rêve ». L'association est
installée sur un vaste campus qui accueille et accompagne 6500 enfants issus de familles très
démunies, ou orphelins. Education, enseignement, formation professionnelle, hébergement, de la
petite enfance à l'entrée à l'université, sont assurés essentiellement par des cambodgiens, sur toute la
palette des métiers concernés. Nous sommes guidés dans notre visite par une toute jeune fille,
pensionnaire de PSE depuis sa plus tendre enfance et qui a pour projet d'être guide en langue
française. Les installations peuvent paraître rustiques au regard de nos critères européens, elles sont
bien entretenues et fonctionnelles. Les enfants et adolescents croisés dans leurs activités nous
semblent totalement à l'aise face aux touristes venus en visite. C'est l'heure du déjeuner et la cohue,
sans être bruyante, est bien « animée ». La fondation fonctionne à 99% avec des fonds privés (dons
de particuliers, pour un budget annuel de 5 millions €) et entretient des relations complexes avec les
décideurs locaux : la formation dispensée à PSE a été, après bien des négociations, reconnue par le
gouvernement, pour l'entrée dans diverses facultés royales et autres écoles d'ingénieurs.
Nous déjeunons dans le restaurant d'application où le chef de rang est italien et où nous rencontrons
le trésorier de l'association, bordelais (il nous a repérés à notre accent) et cousin du fondateur. Il
nous précise que le réseau des bénévoles est tel que les frais de gestion sont réduits a minima.
Il fallait consacrer un moment à la visite de Tuol Sleng, le musée du crime génocidaire. L'horreur
du lieu est encore aggravée par la proximité immédiate du centre ville et sa destination première: un
lycée construit par les français et de facture totalement classique. La réconciliation du peuple
cambodgien avec lui même passe par l'acceptation de la « reconversion » sociale et professionnelle
des ex-jeunes khmers rouges, en considérant que les bourreaux et leurs victimes ont été emportés
ensemble dans une idéologie aveugle et sanguinaire. Faut il rappeler que des « intellectuels »
français portaient au pinacle cette utopie meurtrière?
Le marché russe , ainsi dénommé parce que fréquenté par les russes pendant la période
vietnamienne, est typique, vieillot et bondé. Bien achalandé, il nous permet de nous vider la tête des
horreurs entrevues à Tuol Sleng et de faire des emplettes : beaux tissus, vraies et/ou fausses
antiquités, artisanat divers, quincaillerie, pièces détachées pour motos. On y croise des touristes
mais aussi des « gens d'ici « qui font leurs achats et déjeunent dans des gargotes.
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Cette journée de découverte de la capitale cambodgienne se termine par la visite du palais
royal. Il a des airs de pagode ancienne mais fut construit au début du 20ème s. L'ensemble,
d'inspiration khmer, a beaucoup d'allure : toits étagés aux tuiles vernissées, frontispices sculptés,
cours fleuries et longues galeries. Il est ceint de hautes murailles gardées par des guérites. A l'entrée,
le jardin nous délivre une leçon de botanique. L'arbre de sala est une curiosité: c'est un arbre sacré
dont les fleurs émergent du tronc.
Le pavillon Chan Chaya abrite les discours officiels, les banquets et grandes cérémonies.
Au centre du domaine, la salle du trône, surmontée de sa flèche, bel édifice qui servait au
couronnement : on n' y rentre pas mais on peut voir le trône d'apparat en or, les fresques du plafond,
le gong sacré pour appeler la pluie ...
En sortant, on découvre un pavillon en fer qui rappelle... mais oui, c'est un cadeau de Napoléon 3
au roi Norodom. Ce pavillon a été rapporté de Suez où il avait été construit pour accueillir Eugénie
lors de l'inauguration du canal en 1869.
A l'écart, on peut apercevoir la résidence du roi.
Erigée à la fin du 19 ème et reconstruite en 1962, la pagode d'argent est la plus luxueuse de la
capitale. A l'extérieur, deux stupas contiennent les cendres des aieux du roi.
Le sol de la pagode est recouvert de 5000 pavés d'argent d'1 kg chacun, la plupart recouverts de
tapis. L'intérieur fut saccagé par les khmers rouges mais l'édifice ne fut pas détruit. On y trouve
encore une centaine de bouddhas, dont le bouddha d'émeraude (en fait de jade) sous un luxueux
baldaquin, le bouddha d'or incrusté de diamants, de très beaux objets dans les vitrines. A l'extérieur
des stupas royaux du début du 20 ème et une statue équestre du roi Norodom, fondateur de la
dynastie, on dit qu'elle est une statue de Napoléon 3 dont on aurait changé la tête.
Pour notre dernier dîner à Phnom Penh, nous sommes accueillis par un couple charmant de
restaurateurs ayant séjourné et travaillé à Paris et Neuchâtel. Nous nous laissons tenter par les vins
chiliens rosé et rouge, qui accompagneront des mets bien préparés et joliment présentés, dans une
ambiance karaoké que nous aurions souhaité plus feutrée...(les messieurs apprécieront la plastique
des jeunes chanteuses)
Nous avons bouclé nos valises ce mardi matin, mais nous avons encore le temps de visiter le
musée national. Ce magnifique bâtiment a été construit par les français dans les années 1920, dans
le respect de l'architecture Khmer traditionnelle. Notre guide, qui nous dit d'emblée avoir survécu
au génocide alors que sa famille a été décimée, parle français de façon remarquable. Embauchée
comme agent d'entretien, elle a appris le français … avec les touristes ! Les salles d'exposition
s'ordonnent autour d'un patio très agréable où on trouve la statue en grés du roi lépreux (13 ème s.).
Ici, sont exposés des chefs d'oeuvre de l'art khmer dont la plupart proviennent d'Angkor. Ce
panorama, qui embrasse plusieurs périodes ( les plus anciennes pièces datent du 6ème s.) fait une
synthèse fort intéressante de ce que nous avons pu découvrir au cours de notre voyage.
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Avant de quitter Phnom Penh, un dernier détour s'impose par le lieu d'échanges le plus important de
la ville : le marché central. Cette grande halle jaune, fraîchement repeinte, a été construite en 1937
par des architectes français, dans un style colonialo-art déco. Sa grande coupole se prolonge par
quatre ailes. C'est encore aujourd'hui l'un des marchés couverts les plus grands d'Asie, posé au
milieu d'une place où la circulation est, pour le moins, très dense . 2000 stands sont répartis en 5
secteurs, les bijoux en or occupant le centre . On y trouve tout, y compris des fleurs exotiques
magnifiquement arrangées et les kramas, foulards ou plutôt, selon l'usage qu'on en fait, « pareos »
khmers.
M Kim Houn partage notre dernier déjeuner à Phnom Penh, dans un restaurant de quartier très
agréable, avant de nous accompagner à l'aéroport. Nous y croisons Patrick Devedjan, en transit vers
Angkor!!!
Et nous, nous rentrons. Le long voyage de retour s'effectue sans encombre, avec escales à
Vientiane, Hanoi et Paris pour les provinciaux. Nous rentrons avec nos appareils photo pleins
d'images, chacun de nous avec son propre ressenti, ses souvenirs personnels et ses impressions
contrastées . Comment trier, sérier, résumer ?
Le Laos offre des paysages somptueux. C'est l' un des pays les plus pauvres de la planète et
pourtant aucune misère ostentatoire, des gens dignes, tranquilles, fiers de la splendeur passée de
leur pays. Combien de temps ce pays enclavé résistera t il aux sirènes de la tapageuse civilisation de
consommation? A cet égard, les chantiers gigantesques des entreprises chinoises ne sont pas de bon
augure.
Le Cambodge résume à lui seul le paradoxe de notre condition humaine : il porte le pire avec le
génocide, qui hante encore le présent, et le plus grandiose, avec Angkor. Il se donne à voir par le
spectacle permanent de la rue, dans une frénésie de vivre qui semble vouloir exorciser le passé.
Annie MARTY
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