le film documentaire

Transcription

le film documentaire
Brice Lesaunier
[email protected]
www.bricelesaunier.com
SOCIOCLIP
INITIATION A LA REALISATION DE FILMS DOCUMENTAIRES
Ce module d’initiation à la réalisation de film documentaire est à l’usage de ceux qui souhaitent se lancer dans une
première aventure de réalisation de film. Il n’est que le résultat d’une expérience très personnelle qui est la mienne et
doit donc se nourrir d’autres exemples. Plus on rencontre de réalisateurs, plus on ouvre son regard et plus on affine le
sien propre. Le support écrit ci présent ne peut se passer d’accompagnement humain, mais il peut venir étayer une
réflexion et trouver quelques repères méthodologiques. Je l’ai élaboré lors d’un SOCIOCLIP, un atelier d’initiation à la
réalisation de film documentaire que j’ai animé durant 8 jours auprès d’un public d’animateurs Jeunesse dans le 93. Le
séminaire a donné naissance à 4 films d’une grande sensibilité. Une courte introduction vous présentera quelques
formats vidéos (vidéos-portraits/micros-trottoirs/confessionnal-vidéo/ reportage/ socio-fiction) avant de présenter la
démarche de documentariste. Chaque explication est agrémentée de liens vers des films que des amis ou moi-même ont
pu réaliser. Prenez ce que vous avez à prendre, transformez-le et transmettez-le à votre tour. Brice Lesaunier
VIDEOS PORTRAITS
 Le vidéo-portrait permet de valoriser une personne/un groupe de personne ou une action. Il est à mi-chemin
entre le clip et le reportage.
o Deux exemples :

Portrait
de
la
« Mission
bretonne »
(Réal :
Brice
Lesaunier)
Lien :
http://www.dailymotion.com/playlist/x1lmgc_Festivalcarpediem_portrait-festoch-2008/1#video=xcmzes
 Portrait
de
la
« Compagnie
cuanol »
((Réal :
Brice
Lesaunier)
Lien :
http://www.dailymotion.com/playlist/x1lmgc_Festivalcarpediem_portrait-festoch-2008/1#video=xcn35z

Quelques idées à retenir : La difficulté de la vidéo-portrait est d’entrer dans l’univers des personnes que l’on interview/ de
faire preuve d’empathie/ de tenter de mettre son regard au service de l’autre… Pour m’aider, je prends souvent l’image
d’un peintre face à son modèle. J’ai la technique, l’oeil et la palette de couleurs, lui à l’envie de réaliser une re-production
plus ou moins réaliste de lui-même.
o Si la commande vient de lui, il a parfois une idée de ce qu’il souhaite véhiculer comme image de lui-même, (et dans
ce cas il serait bien qu’il puisse nous montrer des exemples qui lui plaisent, de ce qu’il a déjà comme références) S’il
n’a pas d’idée, le mieux serait de lui montrer plusieurs exemples possibles pour qu’il puisse choisir ce qui lui
convient le plus.
o
Si la commande ne vient pas de lui où s’il vous laisse le champ libre, la vidéo-portrait sera à mi-chemin entre le
regard que vous portez sur lui et ce que vous avez comprit de ce à quoi pourrait servir la vidéo au final.
MICROS-TROTTOIRS/ CONFESSIONNAL
 Légère orientation du réalisateur qui propose une animation favorisant la prise de parole. Thèmes proposés aux
passants dans la rue, jeux de questions-réponses face à la caméra dans un espace confiné (confessionnal)
o Trois Exemples :
 Micro-trottoir itinérant à vélo : Le « T-SHIRT DEBAT » (Réal : Brice Lesaunier)
 Lien : http://www.youtube.com/watch?v=EezpPgH0jac
Micro-trottoir philosophique « La marche à palabres » » (Réal : Arthur Damerval et Brice Lesaunier)
Lien : http://www.youtube.com/watch?v=x8oTnDcdTlg
 Micro-trottoir philosophique « La marche à palabres 2 » » (Réal : Ali Matelo et Brice Lesaunier)
 Lien :http://www.youtube.com/watch?v=EvocHC-pI7M&list=UUtE7jl5G_YKWs5_k7tJmRg&index=5&feature=plcp
 Confessionnal : « Wiki-thionville » Lien : http://wikithionville.fr/index.php?title=Catégorie:Portraits
Itinérants ou fixes, les micros-trottoirs et le confessionnal vidéo servent à recueillir une parole. Lors d’un
temps informel (entretien de rue) ou lors d’un temps formel (lors d’un festival, d’un évènement, d’une
rencontre…) Le regard du réalisateur sur les réponses obtenues compte assez peu. L’idée ici étant surtout
de restituer la parole de personnes interviewées.
REPORTAGES
 ETYMOLOGIE :
o Reporter (anglais) « celui qui reporte, relate »
o Reportage (activité de reporter)
 LES CARACTERISTIQUES
o Démarche plus journalistique qui tend à davantage d’objectivité.
o Cherche à livrer les faits plus qu’à les interroger et est souvent en phase avec l’actualité.
o Souvent réalisés dans la précipitation sous l’Influence du diffuseur. Influence qui peut aller jusqu’au
format utilisé, souvent standardisé.
 EXEMPLES :
 Canal coquelicot. (Reportage sur les chercheurs de projets.)
Lien :http://www.youtube.com/watch?v=kwc71xl70ug&list=UUtE7j-l5G_YKWs5_k7tJmRg&index=1&feature=plcp
 « I Love You Envie d’agir » (Réalisation Arthur Damerval)
Lien :http://www.youtube.com/watch?v=fTQMyr3PjLY&list=UUtE7j-l5G_YKWs5_k7tJmRg&index=10&feature=plcp
LE FILM DOCUMENTAIRE
Le documentaire est avant tout une expérience pour son auteur et son public, comme dirait Winnicott, c’est un espace
transitionnel où l’on peut appréhender la réalité sous un nouveau regard, celui du réalisateur. Le documentariste
interroge le réel, le transforme et propose de le regarder sous un angle singulier. Il doit pouvoir embarquer le public
dans son sujet, en l’invitant à le suivre dans ses diverses interrogations, émotions, hypothèses et découvertes.
Deux grands axes :

Le documentaire recherche, enquête.
o
« Je veux être » (Réal : Brice Lesaunier) :

o
« La place » de Ali Matelo (Réal du teaser Ali Matelo et Brice Lesaunier)


Voir la bande annonce :
http://www.youtube.com/watch?v=AMFG2yoR3xg&context=C4a00ee4ADvjVQa1PpcFOraQluFdyatdZRbecfJSWQoXdtPPowDvo
Voir la Bande annonce : http://www.youtube.com/watch?v=4wBNAb_TtcA&list=UUtE7j-l5G_YKWs5_k7tJmRg&index=2&feature=plcp
Le documentaire qui accompagne une expérience, une aventure.
o
« Dans les règles de l’art » (De Jerome Hugot et Brice Lesaunier Réal : Brice Lesaunier)

o
Lien vers la Bande annonce (13 minutes) :
http://www.youtube.com/watch?v=qPLJub_2IFs&context=C4283a16ADvjVQa1PpcFOraQluFdyatc0xeONys--2jUnczA2s584=
« A la croisée des rêves » (de Brice Lesaunier)

Voir le film en intégral (47 minutes) :
Lien vers le film : http://www.dailymotion.com/video/xu28px_documentaire-a-la-croisee-des-reves-de-brice-lesaunier-47minutes_shortfilms?search_algo=2

Parfois les deux.
o
« super size me » : Lien de la bande annonce : http://www.allocine.fr/film/fichefilm_gen_cfilm=56838.html
METHODOLOGIE POUR REALISER UN DOCUMENTAIRE
Cette méthode est artisanale, elle est le fruit de mon expérience de documentariste. Une expérience qui s’est faite sur le
terrain à travers mes différents films et au travers des échanges et partages d’expériences que j’ai pu avoir avec des
confrères. Je n’ai jamais suivi de formation, mais cette méthode est très inspirée de mon bagage de chercheur en
sciences humaines.
Documentaire : Du latin documentum qui signifie « exemple, modèle, leçon, enseignement, démonstration » du latin
docere « faire apprendre, enseigner »
1. Réflexion : Emergence de la question (problématique du film) : N’allez pas chercher votre question trop loin.
Elle est déjà là ! Partez de vous, de vos réflexions et interrogations du quotidien. De quelque chose qui nous
intrigue. Qui vous plait ou vous déplait. Quelque chose sur lequel vous aimeriez échanger avec les autres.
Voici un petit jeu de brainstorming que je vous propose :
 Les sujets qui éveillent ma curiosité sont : (listez vos idées)
 Les sujets qui m’irritent ou me déplaisent sont : (listez vos idées)
 Si j’avais un peu de temps pour creuser un sujet qui m’intrigue je ferais un film sur…
 Ce sujet m’intrigue parce que je me demande…
 ce sujet m’intrigue parce que je me demande pourquoi…
 et comment…
 Pour ça j’irais filmer
o Des personnes qui….
 par exemple, j’irais poser mes questions à…
 Si j’avais des questions à leur poser je leur demanderais… (listez toutes vos questions, une
fois toutes vos questions listées, classez les par thèmes, ceci sera votre grille d’entretien,
votre constellation de questions)
 En gros si j’avais une seule question à leur poser ça serait…. (cette question est le fil
conducteur de votre film, elle est votre étoile polaire)
o Des lieux où…
 par exemple, j’irais poser mes questions au/dans/à…
o Des moments où…
 par exemple, j’irais filmer lors de…
2. Repérage : créer un échantillon précis qui va vous permettre de répondre à votre question. Cet
échantillon vous servira d’exemple pour traiter votre sujet. (« Exemple » de exemplum : objet mis à part
pour servir de modèle)
 Les personnes que je vais interroger sont …
 Les lieux dans lesquels je souhaiterais me rendre avec eux et/ou sans eux…
 les évènements auxquels je souhaiterais participer sont…
 Les informations que je souhaiterais aller chercher (livres/histoire…) sont…
3. Réalisation :
 Se mettre dans la peau de ses sujets en entrant dans leur univers. Faire attention aux détails. Varier
les temps de tournage, les situations, pouvoir s’extraire de se qui se donne à voir pour cerner l’avant
et l’après. Par exemple, pour un boxeur, on va être proche de lui dans le ring pour se rapprocher de
ce qu’il peut voir en situation de combat et on va se mettre dans le coin de la salle pour donner
l’ambiance environnante dans laquelle il s’entraine. Le regard du réalisateur va être important car il
va pouvoir faire attention aux détails qui le touchent, et faire partager son regard à travers son film.
Il est bien de venir plusieurs fois sur un même lieu pour que les sujets s’habituent à la caméra. Il ne
faut pas avoir peur de filmer plusieurs fois la même chose sous différents angles et de poser la
caméra et s’imprégner des lieux avant de tourner. Le temps de tournage commence avant l’action et
se termine après. Pour un boxeur, le temps de la pesée, de l’échauffement, de la pose des bandes et
de la concentration font déjà partie du combat. Ses réactions à la sortie aussi. Le documentaire
s’attarde là où l’on ne l’attend pas et il nous permet de porter un nouveau regard, celui de l’auteur,
sur un sujet.
4. Dérushage / Analyses

Vous avez une trentaine de k7 sous les yeux soit à peu prêt 27 h de bandes vidéos. Il va maintenant falloir en faire un
film et vous vous dites : par où je commence ? qu’est-ce que je choisis et qu’est-ce que je laisse de côté ? Dans quel ordre
je les regarde ? est-ce que je dois écrire la trame de mon film avant ? et choisir les rushs en fonction de cette trame ? estce que je le fais après ? Si vous vous posez toutes ces questions là, tout va bien. C’est que vous avez joué le jeu du
documentaire, celui de porter une interrogation jusqu’au bout et de se laisser surprendre par les réponses des personnes
interrogées. C’est le prix de la liberté et d’une véritable création filmographique.

Alors maintenant comment procède t-on ? les méthodes sont nombreuses et je ne peux que vous faire part de ce que j’ai
artisanalement mis en place de mon côté.

Regardez vos K7 par ordre chronologique à l’aide d’une feuille de dérushage (si vous ne montez pas directement
sur le PC)
Time code d’entrée
Time code de sortie
Commentaire/nom du rush
01 minute 32 secondes
01 minute 55 seconde
Ali marche dans la rue
2, 45
3,25
Ali discute avec Marco

Prenez tout ce qui vous parait le plus intéressant dans vos entretiens et n’hésitez pas à en prendre de trop. Mieux
vaut avoir le choix lors du montage plutôt que de regarder une nouvelle fois les bandes pour y aller chercher du
contenu. N’hésitez pas à prendre vos visuels un peu avant et un peu après ce qui vous interesse, les effets de
caméra peuvent parfois être utiles au montage.

Au fur et à mesure du montage, tentez de dégager les thèmes (petits et grand thèmes) qui se dégagent des
entretiens.

Revenez à votre question de départ et posez vous la question : quelle réponse je pourrais donner à ma question à
partir des thèmes qui ressortent des entretiens ? essayer de répondre en une seule phrase à cette question. « si
j’avais une réponse à donner à ma question de départ ça serait… » « Si je devais donner cette réponse à un enfant,
je lui dirais… »
 Ca y est vous avez le fil conducteur de votre film ! reste à savoir maintenant dans quel ordre et de quelle façon
vous allez le construire.
5. Inspirations/construction du squelette du film.
La forme doit faire sens et les possibilités de formes sont infinies. Il y a autant de formes que d’auteur,
reste à savoir comment vous allez élaborer la votre. Et pour cela, rien de mieux que de retourner vers ses
maîtres pour qu’ils nous donnent des repères. La consigne est simple : regardez les films qui vous ont plu,
et tenter de comprendre comment leur réalisateur s’y est prit pour construire la narration de son film.
Comment s’y est-il prit pour vous toucher ? quelle structure ? quelle dynamique a-t-il utilisé ? Après avoir
dessiner le canevas des films qui vous ont plu, tenté de cerner les similitudes et les différences de chacun.
Vous verrez alors que bon nombre de film répondent souvent à un mode de construction similaire
(présentation des personnages, tournant du film, rencontre de personnages ressources qui vont aider le
héros…) , tout en y apportant leur touche d’originalité. A vous de jouer, vous pouvez désormais vous
inspirer de ces grandes phases de construction de scénario en tentant d’apporter votre touche personnelle
pour répondre aux besoins de votre film.
6. Transformation
Phase la plus angoissante et la plus créative pour un documentariste : comment est-ce que je vais donner
un sens à mon contenu ? La réalisation d’un film est une création subjective, où l’on met de soi, de ses
idées, de sa compréhension du thème. Notre montage sera unique au monde. Et l’on se confronte à la
critique, à la peur de se sentir différent. C’est un temps dans lequel on peut avoir peur que les autres
voient nos imperfections, et celles de notre film. Il y a de l’œuvre dans l’auteur et de l’auteur dans l’œuvre,
quand on permet aux autres de porter un regard critique sur notre œuvre, on s’expose à prendre la critique
pour soi-même. On ne produit pas de la réalité, mais une représentation de notre réalité, et les autres ne
vont pas tarder à vouloir nous exposer la leur.
 Exprimez votre subjectivité : La subjectivité de l’auteur peut s’exprimer à travers des outils
différents : dans le traitement du thème dès le synopsis, dans la scénarisation du film, dans le travail
de montage (image, son), dans l’utilisation de la B.O du film, dans ce que l’on garde et ce que l’on
laisse.
 Soyez descriptif mais pas trop. Penser à être suffisamment descriptif pour ne pas tomber dans la
fiction et ne pas l’être trop pour ne pas enfermer le spectateur dans notre vision des choses. Il faut
pouvoir lui laisser des espaces de réflexions, de doutes, d’imagination, de laisser des questions en
suspend. De ne pas trop expliquer les choses et préférer lui donner des pistes de compréhension. Le
documentariste est comme un guide en terre inconnue, il connait déjà le parcours, sait comment
l’histoire se finit car il l’a déjà écrite. Il peut parfois passer devant le public pour le rassurer sur des
sujets sensibles (mouvements de caméra, présence de l’auteur dans le film), passer derrière le groupe
pour lui permettre d’avancer seul dans sa reflexion (plan fixe de « irréversible », sans aucun effet de
caméra) et parfois se mettre à ses côtés pour l’accompagner dans ses découvertes.
Quelques Docus à voir et à revoir
Faites le mur de Banksy
Women are heroes de JR
De la servitude moderne de Jean-François Brient
Le syndrome du titanic de Nicolas Hulot
Le glaneur et la glaneuse de Agnès Varda
On est pas que des marques de vélos de Jean-Pierre THORN
Ni putes ni soumises de Margherita Caron