Le ventricule droit dans l`embolie pulmonaire

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Le ventricule droit dans l`embolie pulmonaire
Réanimation 2001 ; 10 : 225-31
© 2001 Éditions scientifiques et médicales Elsevier SAS. Tous droits réservés
S1164675601000986/SSU
MISE AU POINT
Le ventricule droit dans l’embolie pulmonaire
F. Jardin*
Service de réanimation médicale, hôpital Ambroise-Paré, 92104 Boulogne-Billancourt, France
(Reçu le 3 octobre 2000 ; accepté le 30 novembre 2000)
Résumé
La défaillance circulatoire aiguë qui complique l’embolie pulmonaire massive constitue la forme extrême du cœur
pulmonaire aigu. Ce dysfonctionnement ventriculaire droit est directement en rapport avec l’importance de l’obstruction
artérielle pulmonaire. De par son architecture originale, le ventricule droit est en effet incapable de faire face à une
augmentation brutale de postcharge. Sa présence, qui témoigne de l’importance de l’embolie pulmonaire, ne constitue
cependant pas un argument pronostique péjoratif, poussant à l’utilisation d’une thrombolyse médicamenteuse. Le seul
élément péjoratif indiscutable est l’association d’une acidose métabolique au cœur pulmonaire aigu, qui comporte un
risque élevé de décès par insuffisance circulatoire réfractaire. © 2001 Éditions scientifiques et médicales Elsevier SAS
acidose métabolique / cœur pulmonaire aigu / échocardiographie / embolie pulmonaire grave / ventricule droit
Summary – The right ventricle in pulmonary embolism.
Acute circulatory failure that complicates massive pulmonary embolism (MPE) is the major form of acute cor pulmonale
(ACP). This kind of right ventricular dysfunction results from the inability of the right ventricle to handle an acute excess
of pressure, and is directly related to the degree of pulmonary vascular obstruction. Echocardiography is the best and
more accurate means of detecting ACP. Even if finding ACP on the echocardiographic study indicates the presence of
a large obstruction, it does not necessarily imply a negative prognosis and does not require thrombolytic therapy. Only
associated metabolic acidosis indicates a high risk of death from refractory circulatory failure. © 2001 Éditions
scientifiques et médicales Elsevier SAS
cor pulmonale, acute / pulmonary embolism, massive / metabolic acidosis / echocardiography / right ventricle
Le retentissement hémodynamique de l’embolie pulmonaire massive, allant jusqu’à provoquer une insuffisance circulatoire sévère, voire réfractaire, est connu
depuis longtemps [1, 2]. Le rôle du dysfonctionnement
ventriculaire droit dans le déterminisme de cette insuffisance circulatoire est connu, lui aussi, depuis longtemps [3]. Mais ce n’est que depuis le développement
de l’utilisation clinique de l’échocardiographie que les
*Correspondance et tirés à part.
Adresse e-mail : [email protected] (F. Jardin).
conséquences précises sur le ventricule droit de l’embolie pulmonaire massive ont pu être évaluées [4, 5].
RAPPEL DE LA PHYSIOLOGIE VENTRICULAIRE
DROITE NORMALE
La forme particulière du ventricule droit, triangulaire
dans son grand axe, en forme de croissant dans son petit
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F. Jardin
axe, fait que cette cavité cardiaque possède une surface
très étendue si on la rapporte à son volume. Ceci la rend
particulièrement apte à l’éjection d’un volume important avec un raccourcissement minime. On a comparé
l’action de la pompe ventriculaire droite à celle d’un
soufflet connecté à un circuit à basse pression, ce qui
l’oppose au mécanisme de contraction concentrique du
ventricule gauche qui doit éjecter dans un circuit à
haute pression, et développer une pression beaucoup
plus élevée. Par ailleurs, le ventricule droit est plus
compliant que le ventricule gauche, ce qui le rend plus
apte à subir une augmentation de volume que de pression. Cette meilleure compliance est liée d’une part à sa
paroi fine, qui peut s’expandre ou se rétracter dans les
limites de la cavité péricardique, un peu comme un sac
en papier froissé, mais aussi à la possibilité d’inversion
de la courbure septale, qui, lorsqu’elle survient dans une
situation de surcharge ventriculaire droite, augmente
brutalement la compliance de la cavité.
Une seconde particularité ventriculaire droite est
constituée par la différentiation anatomique et fonctionnelle nette entre chambre de remplissage et chambre de chasse. Il existe chez l’homme une asynergie de
contraction, qui fait que la chambre de remplissage se
contracte quelques fractions de seconde avant la chambre de chasse [6]. Pour utiliser une image chère à D.
Payen qui compare le ventricule droit à une arme à feu,
la contraction de la chambre de remplissage « place la
balle dans le barillet » et la contraction de la chambre de
chasse « percute la balle ». Dans ces conditions, la
mesure d’une fraction de contraction (ou fraction de
raccourcissement de surface) est discutable pour apprécier la contractilité globale du ventricule droit.
Une troisième particularité ventriculaire droite est le
caractère accessoire de sa fonction systolique dans les
situations physiologiques. La pression auriculaire droite
et les variations respiratoires de la pression pleurale
constituent des forces motrices suffisantes pour assurer
l’écoulement du sang dans la circulation pulmonaire
d’un sujet sain au repos. La systole ventriculaire droite
ne devient indispensable qu’au cours de l’effort, ou dans
les situations pathologiques avec augmentation de la
résistance à l’écoulement dans la circulation pulmonaire. Cette particularité explique l’absence de signification du paramètre « fraction d’éjection » pour le
ventricule droit : la fraction d’éjection peut être faible
chez un sujet normal, plus élevée en cas d’hypertension
artérielle pulmonaire. Dans cette dernière situation, le
ventricule droit se déforme et son fonctionnement systolique se calque progressivement sur celui du ventri-
cule gauche. Chez un patient présentant une surcharge
systolique du ventricule droit, la constatation, au cours
de l’évolution, d’une réduction de fraction d’éjection,
peut aussi bien signifier une aggravation des conditions
de charge qu’une évolution vers un fonctionnement
ventricule droit normal.
LE CŒUR PULMONAIRE AIGU
La survenue d’une embolie pulmonaire massive, définie
comme l’obstruction complète d’au moins deux artères
lobaires [7], provoque une augmentation brutale et
permanente de l’impédance à l’éjection du ventricule
droit et sa conséquence, le cœur pulmonaire aigu. Au
cours du cœur pulmonaire aigu, l’augmentation d’impédance à l’éjection pour le ventricule droit est responsable d’une augmentation du résidu postsystolique, et
d’une dilatation de la cavité, rapidement suivie d’un
début d’épaississement pariétal, si l’impédance reste
élevée au-delà de quelques heures. L’association impédance à l’éjection augmentée, augmentation de taille de
la cavité, épaississement pariétal, est constitutive de
l’augmentation de postcharge (augmentation de la tension pariétale pendant la phase d’éjection) encore appelée surcharge systolique. La dilatation ventriculaire
droite au cours du cœur pulmonaire aigu entraîne une
déformation de la cavité, et des conséquences mécaniques sur le ventricule gauche, situé dans la même enveloppe péricardique [5, 8]. La forme extrême du cœur
pulmonaire aigu s’accompagne d’un état de choc.
Le diagnostic du cœur pulmonaire aigu
La pratique journalière de l’échocardiographie nous a
appris que les signes cliniques classiques d’hyperpression veineuse étaient bien souvent absents chez des
patients présentant un cœur pulmonaire aigu, et ne
devenaient manifestes que dans les formes les plus
sévères avec état de choc.
À l’époque de l’hémodynamique invasive, pratiquée
par cathétérisme cardiaque droit au lit du patient, un
profil hémodynamique caractéristique de l’état de choc
par embolie pulmonaire massive, forme majeure du
cœur pulmonaire aigu, associait une tachycardie, une
baisse de pression artérielle, un bas débit cardiaque avec
élargissement de la différence artérioveineuse en oxygène, une hypertension artérielle pulmonaire précapillaire modérée, et une élévation importante de la pression
veineuse centrale, qui devenait habituellement supérieure à la pression veineuse pulmonaire [9].
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Figure 1. Exemple de dyskinésie septale provoquée par la surcharge systolique au cours d’un cœur pulmonaire aigu. À gauche, l’aspect normal
de la cinétique septale en petit axe, où l’épaississement systolique de la paroi ventriculaire gauche et le mouvement du septum vers le centre de
la cavité ventriculaire gauche sont parfaitement synchrones et déterminent la fin de la systole. À droite, du fait de la prolongation de la systole
ventriculaire droite, on observe au contraire un retard net du déplacement septal, qui se fait alors que la diastole ventriculaire gauche est
commencée.
Actuellement, le diagnostic de cœur pulmonaire aigu
repose sur l’examen échocardiographique au lit qui
permet de mettre en évidence l’hypertension artérielle
pulmonaire, la surcharge systolique du ventricule droit,
la surcharge diastolique du ventricule droit, l’hypertrophie ventriculaire droite, et la gêne occasionnée au
remplissage du ventricule gauche.
Lorsqu’il existe une surcharge systolique, la contraction du ventricule droit se prolonge pendant la relaxation du ventricule gauche, ce qui a pour effet d’inverser
le gradient de pression transeptal et de repousser le
septum vers la cavité ventriculaire gauche en début de
diastole [10, 11]. La surcharge systolique du ventricule
droit provoque donc une dyskinésie septale caractéristique : aplatissement ou mouvement septal paradoxal
en protodiastole (protodiastole pour le ventricule gauche, télésystole pour le ventricule droit). Dans la mesure
où une surcharge diastolique est habituellement associée, l’inversion du gradient de pression persiste pendant toute la durée de la diastole ainsi que la dyskinésie
septale. En début de systole, la contraction du ventricule gauche rétablit une pression plus élevée dans la
cavité ventriculaire gauche et le septum reprend sa
position normale. La dyskinésie septale s’observe en
grand axe et en petit axe (en échocardiographie transthoracique ou en échocardiographie transœsopha-
gienne). L’enregistrer en mode TM permet une
meilleure analyse chronologique (figure 1).
La surcharge diastolique s’accompagne d’une dilatation de la cavité ventriculaire droite avec déformation
de l’apex qui devient plus arrondi (figure 2). On peut
mesurer la surface ventriculaire droite télédiastolique en
grand axe sur une vue apicale quatre cavités obtenue par
échocardiographie transthoracique ou sur une vue quatre cavités obtenue par échocardiographie transœsophagienne. Du fait de la rigidité péricardique, toute
dilatation aiguë du ventricule droit s’accompagne d’une
réduction dans les mêmes proportions du ventricule
gauche. Le meilleur moyen de chiffrer la dilatation du
ventricule droit est donc de calculer le rapport des
surfaces télédiastoliques droite et gauche (SVDTD et
SVDTG) en grand axe : STDVD/STDVG. On peut
considérer que si ce rapport est inférieur ou égal à 0,6, la
taille du ventricule droit est normale ; que si ce rapport
est compris entre 0,6 et 1, le ventricule droit est modérément dilaté ; et que s’il est supérieur à 1, le ventricule
droit est très dilaté [11]. Au cours de l’embolie pulmonaire, il existe une relation entre l’importance de l’obstruction évaluée par angiographie et le degré de
dilatation ventriculaire droit évalué par ce rapport
(figure 3).
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Figure 2. Illustration de la dilatation des cavités droites (VD : ventricule droit, OD : oreillette droite) au cours d’une embolie pulmonaire massive
compliquée de cœur pulmonaire aigu. À gauche, à l’arrivée en réanimation, le rapport des surfaces diastoliques ventriculaires est à 2. À droite,
après guérison, ce rapport est revenu à 0,65.
Une dilatation modérée, définie par ce seuil théorique de 0,6, n’est pas obligatoirement pathologique. Elle
ne peut être reconnue comme telle dans le cadre du
cœur pulmonaire aigu que si elle s’accompagne d’une
dyskinésie septale. Un rapport STDVD/STDVG supérieur à 1 est toujours pathologique et s’accompagne
toujours, dans le cadre du cœur pulmonaire aigu d’une
dyskinésie septale. La dilatation ventriculaire droite
s’accompagne d’une insuffisance tricuspidienne qui permet de mesurer la pression artérielle pulmonaire systolique [12], et d’une dilatation de l’oreillette droite
(figure 2).
Il existe au cours du cœur pulmonaire aigu un certain
degré d’épaississement de la paroi libre du ventricule
droit. Il est difficile de dire s’il s’agit d’une hypertrophie
véritable, ou bien d’un simple œdème pariétal. Un
élément qui permettrait de trancher est la mesure de
l’accélération moyenne du sang dans l’artère pulmo-
naire. La valeur physiologique moyenne est de l’ordre
de 6 m/sec2 [13]. L’analyse du flux Doppler à l’origine
de l’artère pulmonaire au cours de l’embolie pulmonaire massive montre un temps d’accélération très raccourci avec pic de vélocité anormalement précoce [11],
mais le calcul de l’accélération moyenne donne des
valeurs qui restent dans des limites physiologiques,
dépassant rarement 10 m/sec2. De telle sorte qu’il est
difficile de conclure au développement rapide d’une
hypertrophie ventriculaire droite au cours de l’embolie
pulmonaire massive. En tout cas, si hypertrophie ventriculaire droite il y a, elle reste très modérée et facile à
distinguer de celle de cœur pulmonaire chronique.
Un dernier élément caractéristique du cœur pulmonaire aigu est la réduction de taille de la cavité ventriculaire gauche, responsable d’un sérieux déficit de
précharge, qui conduit à l’insuffisance circulatoire. Deux
éléments concourent à créer ce déficit de précharge : la
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plus sévère est représentée par l’état de choc avec acidose lactique. Dans notre expérience, seule cette forme
sévère peut s’avérer réfractaire au traitement et conduire
à un décès rapide, en moins de trois heures.
Le traitement du cœur pulmonaire aigu
Figure 3. À la phase aiguë de l’embolie pulmonaire, il existe une
relation entre le degré de dilatation ventriculaire droite, estimé par le
rapport des surfaces télédiastoliques des deux ventricules, et le degré
d’obstruction artérielle, estimé par l’indice de Walsh (cet indice, qui
cote l’obstruction de 0 à 18, avec trois points au maximum par lobe
pulmonaire, est détaillé dans la référence [7]). Mais cette relation est
lâche. Incidemment, on constate que six patients sur les 50 ont une
embolie pulmonaire massive (indice de Walsh supérieur ou égal à 6)
sans cœur pulmonaire aigu (rapport surface télédiastolique ventriculaire droite [STDVD]/surface télédiastolique ventriculaire gauche
[STDVG] inférieur ou égal à 0,6), et que deux patients sur les 50 ont
un cœur pulmonaire aigu (STDVD/STDVG inférieur ou égal à 0,6)
sans embolie pulmonaire massive (indice de Walsh inférieur à 6).
difficulté d’écoulement dans la circulation pulmonaire
et la gêne mécanique à la relaxation du ventricule
gauche produite par la distension ventriculaire droite.
Ce deuxième élément est confirmé par un profil typique
du flux Doppler mitral, où la systole auriculaire devient
prédominante [11].
Les conséquences circulatoires générales du cœur
pulmonaire aigu
La survenue d’un cœur pulmonaire aigu à titre de
complication d’une embolie pulmonaire massive
s’accompagne d’une insuffisance circulatoire [9]. Dans
les formes modérées, elle se réduit à une accélération de
fréquence cardiaque qui permet de compenser les effets
négatifs du déficit de précharge. À un stade de plus la
tachycardie s’accompagne d’une chute de la pression
artérielle systémique qui rend nécessaire un soutien
hémodynamique, sans lequel les perfusions cérébrales
et coronaires peuvent être compromises. La forme la
La désobstruction artérielle ne s’envisage plus actuellement que par une thrombolyse médicamenteuse. Ce
traitement prend largement de vitesse la thrombolyse
physiologique, puisqu’il entraîne une reperméabilisation notable au bout de quelques heures, alors que les
effets de la thrombolyse physiologique ne sont perceptibles qu’au bout de 24 heures [7]. La rapidité d’action
de la thrombolyse thérapeutique n’est cependant pas
suffisante au cours des insuffisances circulatoires réfractaires où elle n’empêche habituellement pas le décès
[14]. Ce sont pourtant les seules situations où elle est
indiscutablement indiquée.
Le ventricule droit, lorsque sa défaillance a pour
conséquence une baisse la pression artérielle systolique
(inférieure à 90 mmHg), peut bénéficier d’un soutien
inotrope par la dobutamine [15]. Ce médicament peut
suffire à améliorer la situation hémodynamique. Mais
dans les formes les plus sévères, seule la perfusion d’adrénaline [16] permet de maintenir quelque temps la
perfusion cérébrale et coronaire.
Une précaution à prendre avant de décider d’utiliser
une drogue vasoactive au cours du cœur pulmonaire
aigu de l’embolie pulmonaire est de vérifier la pression
veineuse centrale. Certains patients, chez qui l’embolie
pulmonaire actuelle fait suite à des épisodes antérieurs
passés inaperçus, peuvent souffrir d’un certain degré
d’hypovolémie. Une hyperpression veineuse prolongée
provoque en effet une fuite de fluide plasmatique dans
le secteur extracellulaire. Ces patients bénéficieront donc
d’une expansion volémique préalable à tout autre traitement de leur état de choc [9, 17, 18]. Cependant, ce
traitement ne doit pas être systématique, car l’expansion volémique peut aggraver la distension ventriculaire
droite [19]. Nous avons établi dans les années 1980, à
partir de données invasives, une courbe moyenne de
retour veineux qui montre que l’expansion volémique
n’est réellement bénéfique que lorsque la pression veineuse centrale est inférieure à 10mmHg, et ne l’est plus
du tout lorsque la pression veineuse centrale est supérieure à 20 mmHg (figure 4).
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F. Jardin
Figure 4. À partir de mesures invasives de la pression auriculaire
droite (POD) et de l’index systolique (IS, mesuré par thermodilution)
obtenues chez 15 patients présentant une embolie pulmonaire massive, on a construit une courbe théorique de retour veineux. On note
que la pression moyenne systémique, définie par l’intersection de la
courbe avec l’axe des pressions (point de débit nul), qui est de l’ordre
de 10–15 mmHg dans la physiologie normale, est ici très augmentée, proche de 40 mmHg. Une expansion volémique augmente encore
cette pression moyenne systémique, et déplace la courbe de retour
veineux en haut et à droite. Le gain en terme d’index systolique et net
dans la situation du patient A-A’, dont la pression auriculaire droite
initiale est relativement faible pour une embolie pulmonaire massive.
Ce gain devient insignifiant pour le patient B-B’, qui a déjà une
pression auriculaire très élevée.
Le devenir évolutif du cœur pulmonaire aigu
de l’embolie pulmonaire
L’évolution du cœur pulmonaire aigu de l’embolie
pulmonaire est le plus souvent favorable. Dans notre
série de 100 cœurs pulmonaire aigus nous avons observé
une mortalité de 23 %, le décès survenant alors en
quelques heures, par ICA réfractaire au soutien hémodynamique et à la thrombolyse, ou moins souvent du
fait d’une complication neurologique (anoxie cérébrale
pré-hospitalière, embolie cérébrale paradoxale, accident
cérébral hémorragique iatrogène). La majorité des
patients guérit donc, et l’on assiste à une disparition
progressive des signes de cœur pulmonaire aigu [5]. La
thrombolyse médicamenteuse accélère la normalisation
échographique dans les 24 premières heures [20], mais
cet effet s’estompe ultérieurement. Ce traitement, qui
améliore le confort du patient dans les premiers jours,
ne réduit pas la mortalité globale, car le bénéfice hémodynamique est neutralisé par l’augmentation de fré-
quence des complications hémorragiques graves [20,
21]. Le principal risque évolutif théorique dans les
premiers jours de traitement est la récidive. En fait,
nous avons constaté qu’une héparinothérapie à dose
efficace, permettant de maintenir le temps de coagulation activé à une valeur comprise entre deux et trois fois
le témoin, constituait une prévention parfaitement efficace des récidives. Dans notre série de 100 cœur pulmonaire aigu, nous n’avons observé qu’une récidive
pendant le séjour en réanimation, chez une patiente
chez qui une hémorragie digestive active avait du faire
interrompre le traitement héparinique.
Alors que les processus physiologiques de lyse permettent une re-perméabilisation progressive et complète de la circulation pulmonaire [22-24], chez de rares
patients qui souffrent d’une anomalie du système coagulolytique, ce processus de reperméabilisation est inefficace. Ces patients finissent par développer, après des
années d’embolie pulmonaire récidivantes, un cœur
pulmonaire chronique postembolique [25].
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