Le poiDS DeS motS - Etchemins en forme

Transcription

Le poiDS DeS motS - Etchemins en forme
Le poids des mots
Le pouvoir d’agir !
Photo : Sylvain Lalande
Chronique de Sylvie Bernier
Sylvie Bernier
Numéro 5 / Décembre 2013
En plongeon, l’image corporelle est extrêmement importante puisque, en plus
de la qualité de la performance, l’apparence physique est constamment jugée,
notée et commentée par les entraîneurs et commentateurs sportifs de la planète.
J’ai parfois été témoin de commentaires désobligeants qui ont vraiment affecté
des plongeuses. Les mots font mal et, malgré une plus grande sensibilisation
aux conséquences de l’intimidation, cette attitude persiste encore aujourd’hui
dans le milieu.
Un esprit sain dans un corps sain
J’ai toujours maintenu qu’il n’est pas nécessaire d’être mince pour être en santé.
L’important, c’est de permettre à chacun, peu importe son gabarit, d’atteindre son plein potentiel de
santé et de bien-être. Or, pour y arriver, il faut offrir aux garçons et aux filles, des activités physiques
et sportives qui conviennent à tous les types d’intérêts et d’habiletés motrices et qui privilégient
l’inclusion de tous les enfants. Quand on se sent compétent dans une activité physique ou un sport,
on améliore son estime de soi et la confiance qui vient avec. C’est déjà un puissant antidote contre
l’intimidation et la violence.
Prendre conscience de notre influence sur les jeunes
À l’évidence, nous ne sommes pas toujours conscients de l’influence que nous avons sur les jeunes.
Et pourtant, les exemples ne manquent pas. Ce peut être par exemple un entraîneur qui pousse un
jeune à perdre ou à gagner du poids pour avoir du succès dans un sport; une éducatrice en service
de garde qui parle devant les enfants de sa diète restrictive et qui surveille la portion de dessert des
enfants ou encore une école où l’on pèse et mesure les enfants afin de déterminer leur IMC (indice
de masse corporelle).1
À la maison, mes parents ont toujours misé sur une saine alimentation et de saines habitudes
de vie, sans qu’il ne soit jamais question d’image corporelle, de diète ou d’amaigrissement. J’ai
reproduit la même chose avec mes trois filles.
L’important, encore une fois, c’est de respecter la diversité corporelle de chacune et de viser le
bien-être de l’esprit et du corps. Il me semble que ce soit possible aussi dans nos écoles. Qu’en
pensez-vous?
Sylvie Bernier BAA, MM
Ambassadrice des saines habitudes de vie, Québec en Forme
Présidente, Table intersectorielle permanente spécifique au mode de vie physiquement actif
Engagée dans la promotion des saines habitudes de vie depuis près de 30 ans
Médaillée d’or en plongeon aux Jeux olympiques de 1984
Pour twitter avec Sylvie : @BernierSylvie
1
Selon ÉquiLibre, 2012, et selon Québec en Forme, Planification stratégique 2011-2014.
www.quebecenforme.org
Intimidation : le poids des préjugés
Vivre à l’ère du plus-que-parfait
Des filles grandes et minces, des hommes musclés et
bronzés, des cheveux bien coiffés, des sourires immaculés…
voilà la façon dont sont le plus souvent représentés
la femme et l’homme dans l’univers médiatique et publicitaire.
Dans ce contexte de perfection absolue, il n’est pas toujours
évident d’être pleinement satisfait de son propre corps.
À l’adolescence, on n’échappe pas à cette pression sociale
pour être mince et musclé. De surcroît, on vit dans un
corps en constante transformation et on souhaite, plus
que tout, être un peu comme tout le monde. Résultat, 50 %
des jeunes du secondaire sont insatisfaits de leur silhouette.
Poids et intimidation
Animation d’un atelier sur le modèle unique de
beauté par Catherine Desforges, nutritionniste
animatrice pour ÉquiLibre, à la Polyvalente
St-Jérôme (mars 2013).
Un surnom donné au grand maigre, une bousculade envers la fille un peu ronde ou l’exclusion du
plus petit du groupe. Banales, les moqueries sur le poids et l’apparence? Pas du tout. Lancés ou non
dans le but de blesser, ces propos et gestes peuvent être destructeurs et miner l’estime de soi des
jeunes. Lorsqu’ils sont répétés, comme dans une cour d’école ou sur le Web par exemple, on parle alors
d’intimidation.
Une question de préjugés?
S’il est évident que la société n’encourage pas les actes d’intimidation en lien avec le poids, il est
malheureusement vrai qu’elle véhicule des préjugés sur le poids. Par exemple, bon nombre d’individus
croient à tort que la perte de poids n’est qu’une question de volonté, ou encore que les personnes
minces sont nécessairement anorexiques. Par ailleurs, de nos jours, les commentaires sur le poids sont
si fréquents et banalisés que ça envoie le message aux jeunes qu’il soit acceptable de se moquer de la
silhouette ou de l’apparence d’une personne.
Comment aider?
Tout d’abord, on peut prendre un moment pour se questionner sur ses propres valeurs et croyances
personnelles. En tant qu’intervenant, enseignant ou parent, nous jouons un rôle de modèle pour
les jeunes, et il est bien possible que malgré nos bonnes intentions, on contribue à alimenter certains
préjugés. Également, on peut inviter les jeunes à remettre en question le modèle unique de beauté
en vogue dans la société en leur faisant prendre conscience qu’il est irréaliste. On peut aussi les aider
à s’ouvrir à la différence et à apprécier la diversité corporelle. Dans ce contexte, les jeunes pourront
davantage accepter le corps qu’ils ont et apprendre à reconnaître que la valeur d’une personne va bien
au-delà de son poids.
Ce sujet vous préoccupe? Votre école souhaite agir? L’organisme ÉquiLibre met à la disposition
des jeunes, des intervenants et des parents une foule de ressources utiles sur la question de l’image
corporelle.
Pour les intervenants (www.equilibre.ca, section Intervenants et professionnels)
•Service d’animation d’un atelier sur l’intimidation et l’apparence
•Formation Intervenir sur le poids et l’image corporelle à l’adolescence
•Programme Bien dans sa tête, bien dans sa peau
Pour les parents et les intervenants (www.equilibre.ca et www.lepoidssanscommentaire.ca)
•Information sur le poids et l’image corporelle à l’adolescence
•La Semaine « Le poids? Sans commentaire! » du 10 au 14 novembre 2014
Pour les jeunes
•Site Web www.derrierelemiroir.ca
Anouk Senécal Dt.P.
Chef de campagne, ÉquiLibre
Vers une image corporelle juste et équilibrée
Depuis maintenant quatre ans, Brigitte Camden est nutritionniste pour le Programme Jeunesse
au CSSS de St-Jérôme. Il s’agit d’un nouveau poste au sein de cette équipe et le rôle de madame
Camden consiste principalement à conseiller et accompagner les familles et les écoles de la région
dans l’intégration de meilleures pratiques alimentaires. Ainsi, elle organise ou soutient diverses
activités en alimentation et conseille et forme différents intervenants du milieu scolaire.
Elle intervient entre autres à la polyvalente
St-Jérôme; une école immense qui accueille
plus de 2 287 élèves et qui compte 200
employés. La direction de cette polyvalente a
décidé d’agir en regard de l’image corporelle
en intégrant le programme Bien dans sa tête,
bien dans sa peau dans son plan de réussite.
« Cette école présente un beau défi du fait de
sa taille. La direction a donc formé un comité
jeunesse et un comité adulte auquel je
participe et, tous ensemble, nous avons
ciblé différentes activités pour arriver
à rejoindre la totalité des élèves et du
Lors du prix Image/In, une partie de comité jeunesse avec
personnel », explique Brigitte Camden. Des
la responsable du programme ainsi que Frédérique Dufort.
conférences, telles que celle du comédien
Martin Larocque sur l’intimidation, ont d’abord été présentées. Les titulaires de chaque
classe ont aussi été sensibilisés au fait que 50 % des adolescents québécois sont
insatisfaits de leur image corporelle et que ce pourcentage élevé découle souvent des perceptions
et des canons de beauté véhiculés par le milieu. Les élèves ont également participé à une série
de 12 ateliers visant à contrecarrer les mythes alimentaires tenaces. « Par exemple, la plupart
des jeunes croient encore que le fait de manger du pain, des pommes de terre ou des pâtes fait
engraisser. De plus, la plupart d’entre eux ne savent pas que 98 % des photographies de mode sont
modifiées à l’ordinateur », raconte madame Camden.
L’organisme ÉquiLibre fournit plusieurs outils au comité-école afin d’orienter les choix d’activités
et les réflexions. Afin de stimuler les échanges, les élèves sont appelés à visiter le site Web de
l’organisme au www.equilibre.ca ainsi que le site www.lepoidssanscommentaire.ca durant la
semaine du même nom et la page Facebook Ce qu’il y a derrière le miroir qui les invite à remettre
en question le modèle unique de beauté. « L’an dernier, nous avons participé à la Journée sans
maquillage en fournissant des lingettes démaquillantes à l’entrée de l’école. Durant la journée, de
petites capsules informatives ont été diffusées en classe. Cette année, nous souhaitons intégrer
les garçons au projet en faisant une journée sans maquillage ni gel pour cheveux », ajoute Brigitte
Camden. À la polyvalente St-Jérôme, des activités sportives moins traditionnelles comme le Zumba
et le shaolin kung fu sont aussi proposées afin de favoriser le plaisir de bouger. Enfin, l’agenda
scolaire contient plusieurs petites phrases portant sur les saines habitudes de vie et l’importance
de bien s’alimenter. « Ce sont plein de petites choses que l’on additionne en cours d’année et qui
finissent par avoir une véritable influence sur l’estime de soi des jeunes. Nous débuterons d’ailleurs
l’évaluation de l’impact réel sur les élèves de toutes ces actions dans un futur rapproché, mais nos
premiers indicateurs sont d’ores et déjà très encourageants », affirme la nutritionniste.
Le sport pour devenir un acteur de la société
Le sport, selon la façon dont il est abordé, peut être un outil d’inclusion sociale. Il développe un
sentiment d’appartenance à un groupe, à une communauté, à une école. Il favorise le sentiment
d’appartenance et aide à la réussite scolaire. Il invite à contribuer au projet collectif de société.
Mais participer à un projet collectif de société sous-entend de le comprendre, d’y adhérer, de sentir que
nous pouvons faire partie du groupe pour aider à l’atteinte des objectifs communs. Cela laisse supposer
que nous avons la certitude en tant qu’individu de pouvoir apporter notre pierre à l’édifice et de mériter
d’y contribuer. Et dans le cas où, comme membre de la communauté, nous avons le sentiment de ne
pas avoir toutes les compétences, il est primordial d’être convaincu de pouvoir les acquérir. La fameuse
confiance en soi!
Quels sont alors les éléments clés permettant aux jeunes, plus précisément aux jeunes vulnérables1
de participer à un projet sportif2 dans lequel ils pourront y faire des transferts de connaissances et de
compétences dans leur vie de tous les jours? Quels vont être les leviers pédagogiques qui pousseront
le jeune à aller au bout de l’aventure?
Les entrevues réalisées par l’équipe de recherche du département de sociologie de l’Université
d’Ottawa faites auprès d’une centaine de jeunes dans le cadre de la modélisation du programme
sportif Alter-Action de DesÉquilibres3 font émerger plusieurs leviers pédagogiques à considérer dans
notre intervention auprès des jeunes. En voici deux parmi d’autres.
Le sport, outil de développement humain et métaphore de la vie
Il s’agit d’approcher le sport comme un outil de développement humain sur les plans physique,
psychologique et social et non comme un outil de performance et de comparaison! La mise en
valeur de la performance et les comparaisons avec les autres membres du groupe sont des facteurs
d’exclusion, tandis que l’émulation et l’entraide seront des facteurs d’inclusion. Il s’agit d’amener le
jeune à penser : « Je réussis parce que nous sommes plusieurs ».
Cette aventure humaine sportive et collective doit être l’occasion pour le jeune de vivre des situations
dans lesquelles il pourra faire des parallèles dans la « vraie vie » en liant l’expérience vécue sur le
terrain à une situation de la vie de tous les jours. Par exemple, en mettant en place un projet sportif
qui nécessite un effort soutenu jusqu’à la réalisation finale et l’adhésion à l’esprit d’équipe. En effet,
un projet de trois mois avec plusieurs entrainements par semaine et des fins de semaine monopolisés
amène exactement les mêmes défis de persévérance et d’intégration au groupe, à l’équipe, que ceux
rencontrés dans l’école ou dans la vie active.
Favoriser la mixité sociale
Favoriser la mixité sociale doit être une priorité. Cela induit de mettre ensemble des personnes
d’origines diverses, aux capacités différentes. Cela veut dire mélanger ceux qui réussissent à l’école avec
ceux qui préfèreront le travail manuel, les favorisés économiques avec ceux en situation de pauvreté…
Cette mixité évite la stigmatisation. Elle amène des rencontres improbables, des jeunes qui a priori
1
2
3
« Jeunes vulnérables », ou « Jeunes à risque » dans le cadre de cet article signifie que les jeunes sont dans
des contextes psychologique, social et économique difficiles. Ces contextes favorisent l’émergence de problèmes
tels que la santé mentale, la toxicomanie, le décrochage scolaire, la violence… qui peuvent les amener dans des
situations de marginalisation.
Par projet sportif, l’auteur sous-entend la mise en place d’une activité sportive récurrente avec un objectif final.
Exemple, s’entrainer 2 fois/semaine pendant 3 mois pour faire une expédition de marche de 4 jours en autonomie
complète dans les Laurentides.
Pour plus d’information sur le programme Alter-Action : www.desequilibres.org
Ce qu’en disent les jeunes
« Plutôt que de se dire : ‘’Ah, c’est Stéphanie celle qui boit’’, les gens disent : ‘’c’est Stéphanie, celle qui a couru avec
les autres le projet de malade’’ », « Ces projets me donne l’impression d’être plus moi et d’exister par rapport aux
regards des autres » . – Stéphanie, 17 ans
Je traversais la porte, pis le monde venait me saluer, rapidement, comme ça là. (…) Maintenant, on ne se lâche plus.
On est vraiment des amis. Sans le projet, je ne les aurais pas connus tout ce monde là. Pis là, c’est bizarre, on est
tout le temps ensemble. (…) J’ai des amis de longue date, mais avec eux, ça s’est soudé rapidement … Ça a été plus
rapide, comme si ça faisait 5 ans que je les connaissais. – Alexander 15 ans
Les pratiques et la course m’ont permis de découvrir les gens... la première fois tu les vois tels qu’ils sont en
apparence puis là, pendant que tu t’entraînes avec eux et que tu fais la course, tu peux voir à l’intérieur d’eux !
– Julie 16 ans
Au lieu d’être sur l’ordi, tu es avec du monde. Pis, c’est bon pour le social. Pis, ça… ça te permet d’avoir des amis.
(…) Ça m’a fait connaître d’autre monde que je ne connaissais pas. Après le projet, je leur parlais plus à l’école.
– Jonathan 14 ans
n’ont rien à faire ensemble. Elle leur fait vivre une
aventure où chacun peut apporter sa contribution
et où sans l’autre, le projet ne peut aboutir. Je
pense à Maléa, immense, en surpoids, qui court
très, très, très lentement, mais qui par son
courage nous stimulait les uns les autres. Je pense
à Brigitte qui, incapable d’attraper un ballon
nous bluffait par son obstination à essayer de le
faire… Remises dans un contexte de groupe, ces
faiblesses avouées et assumées se convertissent
en force : le courage pour l’une, la détermination
pour l’autre deviennent des leviers de motivation
pour les autres membres de l’équipe. Tous
ensemble pour aller plus loin et former un
tout complémentaire pour ne faire plus qu’un :
« Tu as le courage, j’ai les jambes. Tu as la détermination, j’ai l’endurance. Nous pouvons courir 500 km
ensemble ».
Finalement, opter, à l’école pour des projets où les jeunes se rencontrent quel que soit leur milieu
d’origine est une façon de les préparer à la vie en société. Il est indéniable, selon mon expérience après
plusieurs années de pratique sur le terrain, que cette mixité est un des éléments les plus importants
pour développer le sentiment d’appartenance à un milieu où la population est variée (comme une école
par exemple). Elle est un des facteurs déterminant de la réussite ou non de ces projets sportifs en regard
de jeunes dits vulnérables.
Luc Parlavecchio
Fondateur DesÉquilibres
Directeur des programmes
Luc Parlavecchio est entrepreneur social et fondateur de DesÉquilibres un organisme qui utilise le sport
comme outil de développement psychosocial et d’engagement social notamment auprès des jeunes
âgés de 15 à 25 ans rencontrant des difficultés.
L’importance de l’engagement moteur
Depuis maintenant plus de dix ans, le Regroupement
local de partenaires Vita Sources a décidé de
faire du développement moteur chez les enfants
de 0 à 6 ans son cheval de bataille. D’abord
actif dans les CPE de la région d’Asbestos, le
Regroupement est également présent dans les
milieux scolaires. « Pour nous, c’était la meilleure
façon de rejoindre tous les enfants. Il était primordial
de créer un équilibre le plus tôt possible dans la
vie des jeunes afin de développer leur motricité,
mais aussi de rehausser leur confiance en soi
et leur estime personnelle », affirme Éric Dion,
coordonnateur de l’organisme.
Pour ce faire, Vita Sources offre des animations trois fois par semaine dans chacune des écoles
de la MRC. « Au début, notre intervenant animait deux périodes sur trois alors que le titulaire
animait la troisième période. Maintenant, les titulaires sont mieux outillés et ils animent deux des
trois périodes », raconte monsieur Dion. Les activités proposées sont adaptées selon les besoins
des écoles afin de développer toutes les sphères psychomotrices des enfants. Tout naturellement,
le Regroupement Vita Sources s’est allié la commission scolaire des Sommets afin de l’aider à
sensibiliser les directions d’écoles à l’importance de l’engagement moteur. Outre les suivis avec
les directions d’écoles, la commission scolaire assure aussi le lien avec les enseignants, libère des
locaux pour permettre aux activités d’avoir lieu et collabore à l’élaboration des formations. « C’est
un partenaire précieux qui a une véritable influence dans le milieu scolaire et qui s’assure que le
transfert des compétences se fasse de façon optimale », ajoute Éric Dion.
Lors de chaque animation, une fiche est remise à l’élève afin qu’il la transmette à ses parents
pour ainsi poursuivre son apprentissage à la maison. Vita Sources propose également des activités
parents-enfants de concert avec le milieu municipal et les maisons des familles. Pour en connaître
davantage sur les outils proposés et les activités offertes, nous vous invitons à consulter la page
Facebook de l’organisme.
Le développement moteur au quotidien
L’école primaire de la Passerelle à Asbestos
est soutenue par le Regroupement local de
partenaires Vita Sources qui l’accompagne
dans le développement moteur des enfants
de maternelle. Sa directrice Chantal Landry
croit en l’importance de l’engagement moteur
dès le plus jeune âge : « La pratique d’activités
psychomotrices a une grande influence dans
plusieurs sphères de la vie de l’enfant. Par
exemple, elle facilite la préhension du crayon,
favorise une meilleure posture en classe et
permet aux élèves de reproduire certains
jeux dans la cour d’école et donc, d’être plus
actifs et structurés ». Vita Sources offre des
animations trois fois par semaine dans les classes de maternelle de cette école. « Au début, les
enseignants n’intervenaient pas, ils laissaient l’animateur s’occuper de toutes les activités avec les
enfants. Au fil des semaines, les titulaires se sont davantage impliqués en classe et ils prennent
maintenant en charge les sessions, seuls ou avec l’aide de l’animateur Vita Sources », raconte
Chantal Landry.
Quoi qu’il en soit, l’objectif principal demeure : transmettre le plaisir de bouger aux enfants.
Jean-Éric Guillemette est titulaire d’éducation physique à l’école de la Passerelle et il a pu constater les
bénéfices du développement psychomoteur précoce chez les enfants : « Les enfants qui ont suivi
ce programme arrivent en 1ère année avec une longueur d’avance. Ils sont meilleurs pour manipuler
le ballon et ils intègrent les activités proposées plus rapidement. Cela nous permet de pousser
encore plus loin et d’accélérer le processus de développement du jeu », explique-t-il. L’équipe-école a remarqué une diminution des conflits dans la cour et une meilleure concentration
en classe pour l’ensemble des enfants et plus particulièrement pour ceux qui avaient des difficultés
motrices. De plus, les activités apprises en
maternelle se poursuivent tout naturellement
en 1ère année que ce soit dans la cour, dans
le gymnase ou en parascolaire. « En 2012,
l’Enquête québécoise sur le développement
des enfants à la maternelle a révélé que nos
élèves étaient beaucoup moins vulnérables
que la moyenne des autres enfants de la MRC
en ce qui a trait à l’activité physique et au
bien-être. Pour nous, il s’agit d’une validation
du processus dans lequel nous nous sommes
engagés et une motivation à poursuivre nos
efforts dans ce sens », ajoute Chantal Landry.
Je suis capable!
Comment le développement de la motricité chez l’enfant contribue à son parcours
scolaire et son intégration sociale.
Qui ne se souvient pas d’avoir été choisi premier ou encore dernier dans la formation des équipes
au ballon chasseur lors de la récréation. Pour l’un, ça va de soi, il est le meilleur. Pour l’autre, pas
de surprise, c’est aussi normal, il est toujours choisi dernier. Même si tous ne le vivront pas de la
même manière, n’y accorderont pas la même importance, reste que pour certains, cet épisode est
une autre preuve de leur incompétence, une source de dérision.
Il nous est plutôt facile de faire le lien entre notre niveau d’habiletés et le sentiment de
compétence, d’efficacité personnelle et d’estime de soi, que l’on peut ressentir. D’ailleurs, c’est
bien documenté, le manque d’habiletés est un facteur d’abandon de la pratique d’activité physique
contribuant à une perte de plaisir et d’intérêt.
C’est par le mouvement et les expériences motrices que l’enfant développe les habiletés motrices
fondamentales lui permettant d’affiner le contrôle qu’il exerce sur son corps, d’explorer les divers
aspects de son environnement et de s’y adapter. Mais les spécialistes reconnaissent aujourd’hui
l’importance du développement de la motricité chez l’enfant pour plusieurs autres raisons qui vont
bien au-delà de la dimension physique et des murs du gymnase.
Ses impacts sont en effet aussi perceptibles sur ses autres capacités : affective par l’autonomie,
la confiance que le contrôle de sa motricité lui confère, cognitive par l’exploration et l’adaptation à
l’environnement que sa motricité lui permet, sociale et langagière par le jeu avec ses pairs et amis.
À cet effet, le développement moteur joue un rôle important d’intégration sociale puisque l’enfant
qui possède un savoir-faire moteur est un partenaire de jeu recherché. En somme, il contribue chez
l’enfant à l’élaboration d’une image positive de soi, à son intégration dans le groupe et l’aide à
s’investir dans les apprentissages.
Plusieurs composantes du développement moteur sont également considérées comme des
prérequis importants aux apprentissages scolaires alors que l’enfant dont la motricité n’a pas
atteint un état satisfaisant de développement est susceptible de vivre des difficultés d’apprentissage
dès ses premières années de scolarisation.
La période de 2 à 9 ans est identifiée comme « charnière » pour le développement de la motricité.
L‘enfant d’âge préscolaire a un besoin de bouger et une grande curiosité. Il montre une faible
capacité de concentration, il change constamment d’activité. Sa pensée est intuitive, concrète,
pratique, étroitement liée aux expériences personnelles. Elle se développe sous l’influence
des jeux, des actions motrices, par l’expérience du mouvement en général. Vers 7 ans, l’enfant
s’engage volontiers dans des formes de comportements plus spécialisés ou techniques. Il interagit
davantage avec ses pairs et son engagement sera d’autant plus réussi s’il se sent en maîtrise,
en contrôle.
Reste que pas besoin d’être un spécialiste pour développer la motricité de l’enfant. De la classe
au service de garde en passant par la cour et le gymnase, c’est créer quotidiennement un milieu
permettant aux enfants de bouger, essayer, expérimenter, vivre afin d’apprendre constamment la
réalité, bref, un véritable laboratoire d’exploration. C’est aller jouer dehors, lui proposer des défis
à sa portée, lui permettre de se dépenser pour mieux s’« énergiser », grandir, se développer
normalement et être prêt à apprendre. Enfin, développer ses habiletés motrices c’est lui donner
les préalables essentiels à son développement global et à sa réussite éducative l’aidant à bâtir son
estime de soi dans les différentes sphères de sa vie facilitant du coup son intégration sociale.
Des passions qui mobilisent
Lors de son entrée en fonction à titre de directeur
de l’école primaire Terre-des-Jeunes en 2010,
Frédérick Urpesz constate que tous les
professeurs offrent des périodes de récupération
à leurs élèves. Le nouveau venu propose alors
aux enseignants de remplacer certaines périodes
de récupération par des activités parascolaires.
« Ils ont tous refusé. Ils ne voulaient pas brimer
les élèves qui avaient besoin de récupération et
ils croyaient également que ces périodes étaient
obligatoires selon leur convention collective »,
se souvient Frédérick Urpesz. Le directeur
décide alors de prêcher par l’exemple en
coachant l’équipe de basketball. Après six mois,
trois enseignants acceptent son offre et font
l’expérience du parascolaire. Cette nouvelle façon
de faire connaît un franc succès et en 2011-2012,
20 activités sont proposées de la maternelle à
la 6e année.
Les activités parascolaires se pratiquent avant
ou après les heures de classe et sont intégrées
à la tâche des enseignants. Bien entendu, les
périodes de récupération sont toujours
disponibles, et ce, pour chacune des disciplines.
Les activités offertes sont choisies en fonction
des passions de l’équipe-école. « Par exemple, cette année, notre secrétaire enseigne le kick boxing
alors que le technicien informatique donne le cours de hockey cosom », raconte Frédérick Urpesz.
La quasi-totalité des enfants sont inscrits à l’une ou l’autre des activités parascolaires. Moins chères
que les activités proposées au privé ou par la ville, les activités offertes par l’école primaire sont
diffusées aux parents à chaque début d’année scolaire. « Au-delà des considérations monétaires,
je crois que la grande richesse de notre offre de service est que ce sont les membres du personnel
qui donnent les cours. Cela renforce le sentiment d’appartenance à l’école et favorise un climat
harmonieux », explique le directeur.
Les élèves peuvent choisir parmi une panoplie d’activités allant du Zumba à la chasse au trésor en
passant par le soccer et le badminton. L’école fait également une place à la saine alimentation avec
le cours Comme un chef qui permet aux enfants de 5e et 6e année de découvrir le plaisir de bien
s’alimenter en cuisinant. Avec tous ces choix, le gymnase de l’école fonctionne à pleine capacité
et est occupé cinq soirs et quatre matins par semaine. « Les professeurs, les élèves et leurs
parents ont tous constaté les bénéfices que peut apporter la pratique hebdomadaire de ces
activités. Maintenant que cette façon de faire est intégrée et supportée par l’ensemble des
membres de l’équipe-école, je crois que les enseignants continueront de revendiquer ce choix dans
le futur », conclut fièrement monsieur Urpesz.
Des rénovations appétissantes!
Dominic Blanchette est à la barre de l’école secondaire CalixaLavallée depuis quatre ans. Cette école accueille 1 500
élèves et est située dans un milieu défavorisé de Montréal
à proximité de commerces de restauration rapide. Lors
de l’arrivée du nouveau directeur en 2009, une réflexion est
entamée par le comité responsable des saines habitudes
alimentaires et de l’image corporelle. « Nous cherchions
comment favoriser l’utilisation de la cafétéria par les jeunes,
se rappelle Dominic Blanchette. Nous voulions que les
élèves qui ne dînent pas à la maison aient accès à des
aliments sains et à un menu équilibré et validé par une
nutritionniste au lieu de se retrouver à la pizzéria du coin ».
Les réflexions portent fruit et le comité recommande d’entreprendre des rénovations majeures
dans la cafétéria afin de la rendre plus conviviale et d’en faire un milieu où les jeunes se sentent
bien. Une cure de jeunesse incluant la réfection des planchers, la peinture, le remplacement
des longues tables par des tables rondes favorisant les échanges et l’ajout d’écrans vidéo est
au menu pour l’été 2013. « Nous avons pris un peu de retard, car nous ne pouvons effectuer ces
travaux majeurs que durant l’été, mais nous croyons fermement que lorsque les changements
seront complétés, c’est toute l’école qui sera gagnante. Nous avons d’ailleurs constaté les
effets bénéfiques liés à des rénovations d’envergure avec notre bibliothèque. Depuis son
réaménagement, l’achalandage a grimpé de 50 % », ajoute le directeur.
Depuis le début des travaux, un comptoir à sandwich semblable à ceux disponibles chez Subway
a été aménagé afin de compléter l’offre alimentaire. De plus, le plan d’action en matière de saines
habitudes de vie comprend aussi
des activités thématiques favorisant la
découverte de nouveaux aliments.
« Cette année, nous bénéficierons
d’un partenariat avec La Tablée des
chefs qui dispensera des cours de
cuisine dans les classes. Ces cours
seront financés par les marchands
Métro et nous croyons qu’ils
permettront d’aller encore plus
loin dans l’apprentissage de saines
habitudes alimentaires », termine
Dominic Blanchette.
Aperçu de la cafétéria avant les rénovations.
Avec qui as-tu mangé ce midi?
La recherche Ados 12-14, visait à mieux
comprendre le « comment » et le « pourquoi » des
pratiques alimentaires et d’activités physiques
des adolescents. Des entrevues individuelles
semi-directives ont été menées au Québec
auprès de 50 adolescents de 12 à 14 ans, dont
28 garçons et 22 filles.
Les jeunes nous ont décrit comment se déroule
la période du repas de midi, le lieu du repas et
avec qui ils mangent. Ils ont révélé que le repas
à l’école est un espace où s’expriment des
dynamiques sociales, reflets d’une intégration
scolaire plus ou moins réussie.
Ainsi, puisque c’est en particulier le midi que
les jeunes se retrouvent entre eux, ceux dont le
réseau social est fort seront plus à l’aise dans ce
contexte et ce repas à la cafétéria sera l’occasion
de manger en compagnie d’un ou plusieurs amis
avec qui il partage des intérêts. Mais pour ceux
dont le réseau social est faible, ce repas les
expose à diverses formes de vexation ou de rejet.
Le défi pour l’ensemble des jeunes interviewés,
est donc de ne pas se retrouver à manger seul
à l’école. Si nécessaire, le jeune cherchera
plutôt des voies d’évitement, comme se
réfugier au restaurant-minute ou sortir de l’école
et consommer son repas en marchant, plutôt
que d’être vu à manger seul à la cafétéria.
Plusieurs récits des adolescents présentent
des indices d’un malaise latent autour de l’heure
du midi à l’école.
Si des jeunes sont victimes de stigmatisation
lors du repas, cela tient à des représentations et
des dynamique sociales indépendantes du repas,
mais susceptibles de se manifester à la cafétéria
scolaire. Par exemple, si des jeunes sont
généralement stigmatisés ou rejetés en raison
de leur surplus de poids, il y a de fortes chances
pour que des manifestations de cette stigmatisation
surviennent dans le contexte de la cafétéria. Selon
les explications avancées par les adolescents,
ceux susceptibles d’être stigmatisés doivent faire
en sorte de ne pas fournir aux autres un prétexte
pouvant alimenter la stigmatisation.
À l’heure du repas à l’école primaire, au-delà de ce
que contient son assiette, l’enfant a besoin qu’on
entretienne une relation constructive avec lui. Oui,
l’éducateur doit maîtriser les messages à livrer …sans
oublier qu’il est d’abord un modèle bien plus par son
attitude et par ses gestes que par ses connaissances.
Le cadre scolaire est favorable lorsqu’il permet
aux éducateurs de faire place à l’éveil sensoriel,
à la convivialité, à l’accueil de la gourmandise
occasionnelle, au respect de la satiété…bref, à tous
les plaisirs de bien manger!
Chez l’adolescent, l’adulte est moins présent à l’heure
du repas mais l’organisation des lieux a une influence
non négligeable. Offrir un menu sain et un endroit
attrayant qui respecte les différents profils - les adolescents
ne forment pas une clientèle homogène! – permet à
ses jeunes citoyens en devenir de cultiver le goût de
bien manger. Au fait, mangeriez-vous seul assis à une
grande table au restaurant...
Nicole Michaud, conseillère en alimentation,
Québec en Forme
Quant à ceux dont le réseau social est fort, il peut
arriver que cela leur permette de témoigner une
certaine empathie envers ceux qui éprouvent
plus de difficulté à s’intégrer. Certains réseaux
de jeunes seront plus ouverts que d’autres à
accueillir les laissés pour compte. Certains élèves
qui fréquentent la cafétéria sont alors dépendants
du bon vouloir de groupes constitués, quant à la
possibilité de trouver une place pour manger avec
d’autres sans se sentir « de trop ».
Ces résultats méritent définitivement l’attention
des parents et des intervenants en milieu
scolaire. Notons aussi que les adolescents
ont certainement la capacité de s’opposer à la
discrimination et de favoriser l’inclusion. Gardons
tous en mémoire cette question bien simple:
Avec qui as-tu mangé ce midi?
Marie Marquis PhD, Professeure titulaire,
Département de nutrition, Université de Montréal.
[email protected]
Données colligées dans le cadre d’une recherche
financée par le Fonds de recherche du QuébecSociété et Culture.