Entre l`Etat et l`Ecole : l`évaluation, bulle ou aiguillon ?1
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Entre l`Etat et l`Ecole : l`évaluation, bulle ou aiguillon ?1
Entre l'Etat et l'Ecole : l'évaluation, bulle ou aiguillon ?1 Dr. Olivier Maulini Abstract Depuis que l’Etat s’occupe et se préoccupe d’instruction publique, il a fixé des buts plus ou moins explicites aux enseignants et contrôlé plus ou moins systématiquement la conformité, la qualité et/ou les résultats de leur travail. Il l’a fait d’abord à l’intérieur de ses frontières, plaçant l’éducation au service du développement industriel, de la cohésion sociale et d’une identité collective dont l’école était censée être le chaudron. Mais il le fait de plus en plus en se comparant à ce qui se fait ailleurs, par souci de tenir son rang dans la compétition mondiale pour l’accès aux savoirs et aux moyens de communication. L’évaluation de l’école devrait lui servir d’aiguillon ; la presse exhibe surtout des écarts schématisés, le débat ne s’embarrasse guère d’explications, il alimente des inquiétudes qui alimentent à leur tour la demande d’évaluation. Voilà peut-être une bulle de plus, qui risque bien de n’éclater, à son tour, que sous sa propre pression. En Suisse, le fédéralisme a répondu en trois temps aux enquêtes internationales qui prétendent hiérarchiser les systèmes éducatifs : 1. notre pays s’est mesuré aux autres et s’est étonné de ne pas être parmi les premiers ; 2. il s’est penché sur lui-même et a constaté – soulagé ou navré – que ses scores étaient moyens parce que certains cantons les faisaient baisser ; 3. la cause devenant nationale, le peuple a demandé aux 26 ministres de l’éducation d’« harmoniser » leurs visées, de « coordonner » leurs moyens, de « standardiser » leurs critères et leurs instruments d’évaluation. 1 Communication à la table ronde Steuerung anhand von Standards und Tests ? HarmoS als bildungspolitisches Projekt, 1. Aarauer Demokratietage, 2 avril 2009, Zentrum für Demokratie Aarau. La concordat Harmos doit moins faciliter les déménagements que « développer la qualité » de l’école suisse et « conduire à un apaisement » dans les régions les plus ébranlées. Y parviendra-t-il ? Tirera-t-il tout le monde vers le haut ? Démocratisera-t-il au contraire la méfiance et l’agitation ? Cela dépend bien sûr de ce qu’il va harmoniser : le meilleur ou le pire de l’évaluation, les informations dont l’école a besoin pour s’améliorer ou la tentation de n’enseigner que ce qui peut se mesurer et de sanctionner les mauvais élèves au lieu de les aider à s’améliorer. Biographie Olivier Maulini est docteur en sciences de l'éducation et maître d’enseignement et de recherche à l’Université de Genève, Faculté de psychologie et des sciences de l’éducation. Il est coordinateur du Laboratoire de recherche Innovation-Formation-Education (LIFE). Ses travaux portent sur les savoirs, les pratiques et les institutions scolaires, l'organisation et la planification du travail dans les classes et les établissements, le métier et la formation des enseignants, les rapports entre école, familles et société. Il a entre autres publié : Questionner pour enseigner & pour apprendre ; L'entrée dans l'école : rapport au savoir et premiers apprentissages (avec Michèle Bolsterli) ; L'organisation du travail scolaire, enjeu caché des réformes ? (avec Monica Gather Thurler). [email protected].