La stratégie de communication de l`extrême-droite

Transcription

La stratégie de communication de l`extrême-droite
Toutelaculture
Soyez libre, Cultivez-vous !
http://toutelaculture.com
La stratégie de communication de l'extrême-droite face à la
télévision française
Le cache-cache médiatique de certains protagonistes de l'extrême droite depuis six mois a
suscité une nouvelle forme de communication au sein de ce mouvement politique. Dissidents et
membres du Front National utilisent de façon de plus en plus récurrente les réseaux sociaux
pour contourner les chaînes de télévision hertzienne et exposer leur programme politique.
[gallery ids="474568"]
La scène est désormais connue de tous. Bruno Gollnisch attrape un parapluie et tente de
s'emparer de la perche-son des journalistes du « Petit Journal » lors d'un rassemblement
organisé par le Front National en mai 2015. L'altercation continue. Le député européen assène
de coups le cameraman et l'ingénieur son. Ces images ont fait le tour des télévisions françaises
et montre le rapport si particulier du FN avec le paysage audiovisuel hexagonal. Le Parisien
révélait d'ailleurs en juin que le parti refusait régulièrement les différentes invitations dans des
émissions de télévision. Pourtant, ses dirigeants se plaignent de pas être conviés dans les
talkshows diffusés par les chaînes hertziennes: paradoxal.
Selon le professeur à l'Université Panthéon-Assas et à l'institut français de presse (IFP)
Arnaud Mercier, que nous avons joint par téléphone, « le FN se dit maltraité par les médias ».
1/3
Toutelaculture
Soyez libre, Cultivez-vous !
http://toutelaculture.com
Les dirigeants du parti pensent être « ostracisés par les chaînes de la télévision publique et les
journalistes ». Un discours servant leur « fond de commerce qui est la victimisation ». Pas
anodin selon le chercheur de l'IFP. Il s'agit d'une stratégie « de l'identification victimaire ».
Cela permet aux « responsables du Front National de dire implicitement aux électeurs se
sentant lésés par le système et les politiques français, "on est victime du système comme
vous" ».
Pour s'adresser à leurs électeurs, certaines grandes figures de l'extrême-droite ont décidé de
créer leur propre support multimédia de communication sur les réseaux sociaux. Cette stratégie
permet d'éviter les contraintes rencontrées dans des chaînes de télévision classiques. « Le
Journal de Bord » de Jean-Marie Le Pen en est un bon exemple. Ce programme diffusé sur
son site internet aborde les thèmes d'actualité. La mécanique est simple. Les vidéos
commencent par un composite d'images du Président d'honneur du Front national sur une
musique digne des meilleurs journaux télévisés. Marie d'Herbais de Thun pose des questions
sur les grandes questions économiques, politiques et sociales du moment. L'octogénaire
répond en axant son argumentation sur les principales thématiques de l'extrême-droite:
l'immigration, l'Europe et la glorification du sentiment national. « Le Journal de Bord » offre à
Jean-Marie Le Pen deux avantages. La première est la liberté de ton. La deuxième est de
pouvoir parler des sujets qu'il veut lorsqu'il le souhaite. Pour le professeur à l'Université
Panthéon-Assas que nous avons contacté, l'utilisation « d'internet permet une désintermédiation
médiatique ». Il faut alors faire la différence entre les « médias d'informations et de
communication ». « Le Journal de Bord » de Jean-Marie Le Pen devient alors « un outil de
propagande » car « ce type d'émission ne le met pas face à ses contradictions ». Ce système a
été repris par certains proches du député européen et notamment sa fille, Marine le Pen.
J'étais ce soir en direct sur Facebook pour répondre à vos questions. Retrouvez dès
maintenant la vidéo : https://t.co/GBcVjvmxsM #DirectMLP
— Marine Le Pen (@MLP_officiel) 30 mars 2016
La chef de file du Front national est connue pour ses relations tendues avec les médias, et
notamment la télévision. Dernier fait marquant, sa décision d'annuler sa participation à
quelques heures du début de l'émission « Des paroles et des actes » le 22 octobre 2015. Cette
date marque le début d'un changement de stratégie de communication pour la présidente du
FN. D'une volonté d'omniprésence dans les médias, elle « s'est infligée une traversé du désert
médiatique » selon Arnaud Mercier. Il ajoute que « les événements actuels lui servent ». « Elle
n'a pas besoin de trop en faire. Elle crée une attente de sa parole. Cette stratégie avait déjà été
utilisé par le conseiller en communication de François Mitterrand et de Jacques Chirac,
Jacques Pilhan. Sa théorie de la " parole rare " consistait à s'imposer des silences
médiatiques pour en suite sortir du bois au moment où la parole va porter ». Par ailleurs, pour
contourner « le parti pris [des journalistes] » qui « trouve mille excuses aux gouvernements qui
se sont succédés et qui ont failli », la député européenne décide de répondre « aux questions
2/3
Toutelaculture
Soyez libre, Cultivez-vous !
http://toutelaculture.com
des internautes sur Facebook ». A la différence de son père, pas de mise en scène
pompeuse. Un fond bleu, une caméra et un ordinateur sur lequel sont marqués les différentes
questions des utilisateurs du réseau social. Mais comme papa, Marine Le Pen aborde des
sujets d'actualités. Une opportunité pour elle de mettre en avant son programme et les thèmes
centraux du FN grâce à des questions allant dans le sens de la candidate pour les élections
présidentielles de 2017. La tactique est simple et efficace. Effacer toute contradiction pour
pouvoir dérouler son argumentaire. Une sorte de meeting où l'on ne s'adresse pas simplement
à mille personnes mais plutôt à des centaines de millier. Par exemple, le deuxième épisode de
ce live sur Facebook cumule près de 455 000 vues. Cette manière d'éviter les chaînes de
télévision traditionnelle en passant par les outils que fournissent internet est inspirée des
dissidents du Front National. Ces derniers ont très vite compris les possibilités qu'offraient le
web et notamment youtube.
En 2014, Martial Bild et Jean-Yves le Gallou, deux anciennes figures du parti, fondent
« Libertés TV ». Cette webtélé est directement inspirée de la chaîne américaine « Fox news »,
connue pour ses idées réactionnaires et conservatrices, et se définit comme « la première
chaîne de réinformation ». « Bistro libertés » est l'émission phare de ce média alternatif. A
l'animation? M. Bild. Les invités de ce talkshow sont pour la plupart des personnalités
d’extrême-droite. Dans le programme du 20 mai 2016, c'est Robert Ménard qui est convié. Le
co-fondateur de « Reporters sans Frontières » y défend son bilan à la Mairie de Béziers. Il parle
d'islam et d'immigration. Lors de sa conversation avec le présentateur, ce dernier ne le mettra
presque jamais en danger. Le Maire de Béziers a alors toute la place pour se mettre en avant et
défendre ses idées sans aucune opposition. Une stratégie de communication payante puisque
ses apparitions sur les chaînes de télévisions française sont rares. Pour Arnaud Mercier,
Robert Ménard « joue une stratégie de complémentarité entre les médias traditionnels et
les médias particuliers qui leur permet de maîtriser totalement leur communication ». Il
entretient d'ailleurs des rapports conflictuels avec le paysage audiovisuel français. Dans un
tweet le 27 juillet, il déclare : « la vérité n'est plus à la télé ». Passer par des supports
médiatiques alternatifs, comme « Libertés TV », lui permet alors de parler à ses électeurs mais
aussi d'exposer son programme et ses thèses en vue de l'élection de 2017. Suffrage dans
lequel il compte bien mettre tout son poids politique.
Visuel: © Instagram
3/3
Powered by TCPDF (www.tcpdf.org)