Les oubliés : enfants maltraités en France et par la France
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Les oubliés : enfants maltraités en France et par la France
livre S. Depallens J.-J. Cheseaux Drs Sarah Depallens et Jean-Jacques Cheseaux Service médico-chirurgical de pédiatrie CHUV, 1011 Lausanne [email protected] [email protected] Les oubliés : enfants maltraités en France et par la France sion plutôt que de prévention chez l’enfant en difficulté. En conclusion, Anne Tursz souligne la prévalence élevée de maltraitance infantile et ses conséquences dramatiques, constituant un véritable problème de santé publi que. Elle insiste sur l’importance d’instaurer une surveillance épidémiologique coordon née entre les différents intervenants multidisciplinaires ainsi que des travaux de recher che afin de pouvoir donner de la visibilité à l’enfance maltraitée. Des stratégies de prévention ayant fait ses preuves doivent être mises en place afin de repérer les parents vulnérables, susceptibles de devenir maltraitants. Livre commenté : Anne Tursz, Les oubliés : enfants maltraités en France et par la France, édité par Ed. Seuil, Paris. Rev Med Suisse 2013 ; 9 : 432 Anne Tursz est pédiatre et épidémiologiste française. Tour à tour présidente du Club international de pédiatrie sociale (1989-1991) et présidente du Comité d’orientation du plan ministériel Violence et Santé (dès 2004), Anne Tursz est aussi directrice de recherche à l’INSERM (Institut national de la santé et de la recher che médicale). Elle a reçu jusqu’à ce jour plusieurs prix ou distinctions (Lauréate de l’Académie de médecine en 2002, Chevalier de l’Ordre national du mérite en 2007). Anne Tursz a écrit plusieurs ouvrages sur la maltraitance envers les enfants dont le dernier, paru aux Ed. Seuil, intitulé Les oubliés : enfants maltraités en France et par la France, a retenu toute notre attention. résumé Dans la 1re partie, l’auteure s’intéresse aux infanticides (morts suspectes ou violentes des nourrissons de moins d’un an) et en particulier aux néonaticides (homicide au cours des 24 premières heures de vie). Elle analyse les difficultés à recenser leur nombre, probablement beaucoup plus fréquent que rapporté, et les idées reçues sur les mères infanticides, dont la plupart ne présentaient pas de maladie mentale pouvant altérer leur capacité de discernement mais plutôt une grossesse vécue dans la clandestinité et la solitude la plus totale. L’enquête menée par Anne Tursz confirme également le fait que les principaux facteurs qui sont à l’origine de la maltraitance ne sont pas les facteurs socio-économiques, mais bien les facteurs psychoaffectifs, la maltraitance prenant sa source dans les relations interindividuelles, notamment familiales, plus que dans des situations économiques défavorables. 432 commentaire L’auteur décrit, dans la 2e partie, les nombreux biais statistiques concernant la fréquence et les caractéristiques de la maltraitance, soulignant ses conséquences dramatiques avec, en particulier, le risque plus élevé à l’âge adulte d’un mauvais état de santé global sous forme d’invalidité, de délinquance, de consommation de drogues et d’alcool, de troubles mentaux, d’anxiété majeure, de conduites antisociales et de tentatives de suicide. Une autre conséquen ce dramatique est représentée également par le cercle vicieux de la transmission transgénérationnelle de la violence. La 3e partie s’intéresse au système de santé français dans lequel tant de cas de mauvais traitements, parfois graves, sem blent rester non diagnostiqués, le phénomène de la maltraitance paraissant encore mal connu, non seulement du grand public et des politiques, mais aussi des professionnels de la santé eux-mêmes. L’auteure met l’accent sur la nécessité d’améliorer la formation des étudiants et des pédiatres, sans oublier les médecins généralistes. Enfin, dans la 4e partie, Anne Tursz s’insurge contre la mauvaise gestion des statistiques et des publications de santé publi que, contre les controverses concernant un dépistage des troubles de santé mentale chez l’enfant, regrettant que le système politique actuel ait choisi une action de répres Etat des lieux de la problématique de la maltraitance infantile en France, ce livre insiste sur les difficultés que rencontrent les professionnels de la santé, que ce soit l’urgentiste, le pédiatre installé ou le radiologue, lorsqu’ils sont confrontés à une suspicion de maltraitance. La méconnaissance de la séméiologie de la maltraitance, le refus de voir l’inacceptable, puis les démarches de signalement ignorées ou qui aboutissent à un non-lieu sont des failles importantes dans la protection de ces enfants. En s’appuyant sur divers extraits d’articles et de documents, de statistiques et de chif fres, Anne Tursz tente de donner une explication à la situation vécue aujourd’hui en France. Elle analyse les facteurs de risque, se penche sur les auteurs de maltraitance – familles et institutions – et montre comment les mesures actuelles constituent ellesmêmes une maltraitance ou anéantissent les effets des stratégies de prévention. En tant que pédiatres et médecins généralistes, nous sommes tous concernés par la prévention mais également le repérage, le signalement et la prise en charge des enfants maltraités, problématique qui touche probablement entre 5 et 10% des enfants, et ceci dans toutes les classes sociales. Afin de mieux protéger ces enfants en danger, un travail de formation doit être intensifié pour, notamment, améliorer nos connaissan ces dans ce domaine. Revue Médicale Suisse – www.revmed.ch – 20 février 2013 40_36992.indd 1 14.02.13 08:46