Futuribles - 30 avril 2015

Date : 30/04/2015
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Journaliste : DÉSAUNAY Cécile
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Des logements neufs dédiés à la colocation et au partage
Les pratiques de partage du logement suscitent depuis quelques années un regain d’intérêt dans certains
pays comme la France. Elles répondent en effet à de nouvelles attentes vis-à-vis du logement : en faire
un lieu de convivialité, réduire certains coûts en mutualisant des espaces et des équipements, aller vers
plus de sobriété, etc. [1]
La modalité de partage la plus répandue reste, à ce jour, la colocation. Selon la Caisse nationale des
allocations familiales, il y avait, en décembre 2014, 270 000 ménages en colocation en France, soit 4,3 %
des bénéficiaires de l’aide au logement [2].
Même si peu de données sont disponibles sur cette pratique, elle tendrait à se développer pour différentes
catégories de population : des étudiants bien sûr, mais aussi des actifs, des mères célibataires, des
personnes âgées… Selon un récent sondage réalisé par CSA pour le groupe Guy Hoquet, un Français
sur six déclare avoir déjà habité en colocation [3]. Si les colocataires sont souvent jeunes, 25 ans en
moyenne, 54 % d’entre eux sont actifs, « seuls » 45 % sont étudiants et 1 % sont retraités. Seul un quart
des colocataires affirme qu’il s’agit pour eux d’un choix de vie : dans la majorité des cas, la colocation se
justifie avant tout par des raisons économiques. Néanmoins, d’autres motivations sont aussi mises en avant,
comme le fait de ne pas vivre seul, d’avoir un logement plus grand et de trouver plus facilement à se loger.
L’une des principales contraintes mises en avant par les colocataires est le fait de partager des espaces de
vie qui sont rarement conçus pour cela. Certains promoteurs immobiliers cherchent aujourd’hui à apporter
des réponses à ce problème en concevant des logements spécialement adaptés à la colocation. Ainsi,
le groupe Nexity a récemment annoncé la construction, d’ici 2017, d’une dizaine de vastes logements
adaptés à la colocation dans des grandes villes comme Paris, Montreuil, Toulouse et Aix-en-Provence. Les
logements comporteront notamment un espace commun, de grandes chambres bénéficiant d’une isolation
renforcée et d’un cabinet de toilette, et une pièce principale spacieuse [4]. Nexity possède déjà un parc de
1 700 logements étudiants et a racheté en 2014 80 % du capital de la plate-forme de colocation Weroom,
pratique dans laquelle il souhaite donc renforcer son positionnement [5]. L’objectif est de « s’adapter à
l’évolution des modes de vie », selon Yann Doublier, le directeur général adjoint du groupe [6].
Reste à savoir si les propriétaires bailleurs seront prêts à acheter ce type de biens pour les mettre en
colocation : selon une récente enquête du site De particulier à particulier, seuls 30 % se disent prêts à mettre
leur bien en colocation. Ce taux est en hausse de 10 points en deux ans et, selon une autre enquête réalisée
par CSA pour le site Weroom, il serait même de 40 % [7].
La colocation peut en effet être une solution intéressante pour louer de grands logements, et permet de
réduire le risque de défaut de paiement grâce au principe de solidarité entre les colocataires, car un locataire
qui déménage doit trouver un remplaçant. La loi ALUR (pour l’accès au logement et un urbanisme rénové)
du 24 mars 2014 a permis de mieux encadrer la pratique de la colocation en France, et pourrait rassurer
certains propriétaires a priori réticents [8]. Elle interdit néanmoins de fixer un loyer supérieur à celui qui
aurait été requis pour une location classique.
D’autres promoteurs commercialisent des logements évolutifs, qui s’adaptent à l’évolution des besoins de
leurs occupants : accueil ponctuel d’un proche, volonté d’autonomie d’un grand enfant, hébergement d’un
parent âgé, etc. Ainsi, le groupe Brémond construit la « cité de la Méditerranée » à Marseille, un ensemble
de 300 logements qui comprendra différents espaces intérieurs et extérieurs partagés, comme des toitures
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terrasses et des pièces modulables. Certaines cloisons pourront ainsi être déplacées pour faire évoluer
la taille des pièces. Des logements pourront comprendre un studio attenant qui peut soit constituer une
extension, soit au contraire être totalement indépendant [9].
Enfin, des ensembles collectifs sont imaginés dans lesquels chaque ménage bénéficie d’un logement
indépendant, mais a aussi accès à différents espaces partagés. Ainsi, dans le 17 e arrondissement de
Paris, un ensemble de 121 logements a été imaginé, comprenant une terrasse, un studio, une buanderie
et une conciergerie mutualisés [10]. Un autre programme, Lil’Seine, en cours de construction dans l’écoquartier de l’île Saint-Denis, inclura plusieurs espaces à disposition des occupants : une terrasse sur le
toit (avec un espace de jardinage et une aire de jeu), une salle commune, une chambre d’hôtes et des
locaux pour les vélos [11]. Même principe avec le projet Îlink à Nantes, qui offrira des espaces partagés
au rez-de-chaussée, dont certains ouverts aux entreprises (espaces de coworking ) [12]. De plus en plus
de programmes proposent à nouveau des conciergeries, qui redeviennent utiles pour rendre des petits
services aux habitants mais aussi pour gérer les espaces communs. Le concept des logements individuels
avec espaces mutualisés se développe notamment pour les résidences destinées aux seniors en perte
d’autonomie (voir par exemple Les Maisons de Marianne [13]), ou aux personnes invalides (voir le projet
de la fédération Simon de Cyrène [14]).
L’intérêt des promoteurs immobiliers envers les logements « partageables » est révélateur des évolutions
du rapport des ménages à leur logement. Plus que jamais espace de vie et de convivialité, le logement
s’ouvre aux proches, aux voisins, mais aussi à des inconnus. Pour rappel, au cours de la seule année 2014,
deux millions de voyageurs ont été hébergés chez des particuliers en France via le site Airbnb [15]. Si cette
ouverture se confirme, il deviendra effectivement indispensable de repenser la conception des logements
neufs.
Reste à savoir si les ménages oseront franchir le pas pour investir dans ces logements qui peuvent aussi
se révéler beaucoup plus coûteux à l’achat et à l’entretien (s’il y a des espaces partagés), et plus difficiles
à revendre. L’adaptation des logements anciens constituera aussi un défi majeur pour l’avenir.
[1] Désaunay Cécile, « Le logement aussi devient collaboratif », Note de veille , 28 juin 2013, Futuribles
International. URL : https://www.futuribles.com/fr/base/article/le-logement-aussi-devient-collaboratif/ .
Consulté le 20 avril 2015.
[2] Voir les données en ligne, URL : http://www.caf.fr/etudes-et-statistiques/donnees-statistiques/logement
. Consulté le 20 avril 2015 ; et Rey-Lefebvre Isabelle, « En plein essor, la colocation sort de l’amateurisme
», Le Monde , 23 mars 2015. URL : http://www.lemonde.fr/logement/article/2015/03/23/en-plein-essorla-colocation-sort-de-l-amateurisme_4599272_1653445.html#h00Dx21kxAktOxac.99 . Consulté le 20 avril
2015.
[3] « Colocation, habitat participatif : les nouvelles tendances du logement », sondage CSA pour Guy Hoquet,
16 juin 2014. URL : http://www.guy-hoquet.com/Dossier/4013/colocation-habitat-participatif-les-nouvellestendances-du-logement.aspx . Consulté le 20 avril 2015.
[4] « Colocation. Même les promoteurs s’y mettent... »,
Le Télégramme
,
21 mars 2015. URL :
http://www.letelegramme.fr/economie/colocation-meme-les-promoteurs-s-ymettent-21-03-2015-10565469.php . Consulté le 20 avril 2015.
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[5] Voir la page de Nexity consacrée aux logements étudiants. URL : http://www.nexity-studea.com/locationappartement-etudiant.html . Consulté le 20 avril 2015.
[6] Boccara Laurence, « Logements neufs : la mode des espaces partagés », Le Monde , 14
mars 2015. URL : http://www.lemonde.fr/argent/article/2015/03/14/logements-neufs-la-mode-des-espacespartages_4593556_1657007.html . Consulté le 20 avril 2015.
[7] « 40 % des propriétaires bailleurs envisagent de louer en colocation, face à la difficulté à louer leurs biens
», Weroom , 18 mars 2015. URL : http://blog.weroom.com/40-des-proprietaires-bailleurs-envisagent-delouer-en-colocation-face-a-la-difficulte-a-louer-leurs-biens/ . Consulté le 20 avril 2015.
[8] « Loi ALUR : colocation/sous-location mieux encadrées », Notaires de Paris-Île-de-France, 16 juin
2014. URL : http://www.notaires.paris-idf.fr/dossier-special-loi-alur/loi-alur-colocationsous-location-mieuxencadrees . Consulté le 20 avril 2015.
[9] Voir la présentation, par Projex ingenierie. URL :
mediterranee/586 . Consulté le 20 avril 2015.
http://www.projex.fr/habitat/projet/cite-de-la-
[10] Voir la brochure Clichy Batignolles Paris 17 e 2014 . URL : http://www.paris-batignollesamenagement.fr/pba/sites/default/files/publications/brochurecbparis17-bd-130514.pdf . Consulté le 20 avril
2015.
[11] Projet de construction « Lil’Seine », groupe Brémond. URL : http://www.groupe-bremond.com/projets/
logements/lilseine . Consulté le 20 avril 2015.
[12] Projet de construction « Îlink » à Nantes, groupe Brémond. URL : http://www.groupe-bremond.com/
projets/logements/ilink . Consulté le 20 avril 2015.
[13] http://www.maisonsdemarianne.fr/
[14] http://www.simondecyrene.org/ ; voir aussi La Taille-Rivero Marthe (de), « Simon de Cyrène, espoir et
réalité. L’innovation au profit des handicapés », Futuribles , n° 383, mars 2012, p. 149-155.
[15] Chauvot Myriam, « L’économie du partage secoue les acteurs de l’immobilier tertiaire », Les Échos ,
11 mars 2015. URL : http://www.lesechos.fr/journal20150311/lec2_industrie_et_services/0204215591842leconomie-du-partage-secoue-les-acteurs-de-limmobilier-tertiaire-1100816.php . Consulté le 20 avril 2015.
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