lecture : le roman de renart

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lecture : le roman de renart
Roman
6Le
de Renart
Séquence
Repères
– Le Roman de Renart . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 172
Textes et images
– EXTRAIT 1 : « Un maître ès ruses » . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 174
– EXTRAIT 2 : « Renart prend le seau et le lui attache à la queue… » . . 176
– EXTRAIT 3 : « Il aperçoit une mésange perchée sur un chêne » . . . . . 179
– EXTRAIT 4 : « Sire, pitié pour mon mari » . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 182
– EXTRAIT 5 : « Il voit venir le limaçon, la lance au poing » . . . . . . . . . . 184
– LECTURE D’IMAGE : enluminure du Roman de Renart . . . . . . . . . . . . . . . 186
Prolongements : lecture, oral
. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 188
Outils de la langue
– GRAMMAIRE : les compléments circonstanciels ;
les fonctions liées au verbe : sujet, COD, COI, COS ;
les reprises nominales et pronominales . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 190
– ORTHOGRAPHE : accords sujet/verbe . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 193
– CONJUGAISON : le présent et le passé simple . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 193
– LEXIQUE : le lexique animalier . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 193
Évaluation : lecture, écriture
– LECTURE : Le Roman de Renart : Renart et l’ours Brun . . . . . . . . . . . . . 194
– ÉCRITURE : raconter une ruse de Renart . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 195
Autres lectures
– TE NIR SON CA RNET DE L E CTURE : C. Missonnier, Une saison avec les loups 196
– CHOISIR UNE AUTRE LECTURE : si vous aimez les récits animaliers… . . . . 197
– MÉTHODE : préparer un dossier sur un animal . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 197
170
∂
Le Roman de Renart, pages d’un manuscrit du XIIIe siècle (BnF, Paris).
LIRE L’IMAGE
Pour commencer
1. Qu’est-ce qu’un manuscrit ? De quand celui-ci
date-t-il ? Sous quelle forme se présente-t-il ?
2. a. Le texte est-il en vers ou en prose ?
Quels sont les caractères utilisés ?
b. Que représentent les enluminures (illustrations) ?
c. Certaines lettres sont ornées. Lesquelles ?
De quelle façon ?
3. Quel a été le travail du copiste ? de l’enlumineur ?
du relieur ?
 Le renard : qu’évoque pour vous ce t a n imal ?
 Le Roman de Re n a rt : à quel ge n re
d ’ h i s to i revous at t e n d ez-vous ? D’a p rè s
les enluminures du manuscrit ci-dessus,
quels en sont les personnages ?
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Repères
Le Roman de Renart
 Chronologie
∂ Illustration
(1909) de Benjamin Rabier
( 1 8 6 4 -1939) pour Le Roman du Re n a rd,
éd. Tallandier, 1999.
Vers 1070 : La Chanson de Roland, première chanson de geste (ra co nte les
exploits guerriers de personnages historiques).
1137-1180 : règne de Louis VII.
1147-1150 : deuxième croisade.
1170 : premières branches (épisodes) du Roman de Re n a rtpar Pierre de SaintCloud.
1180-1185 : romans de Chrétien de Troye s : Yvain, le Chevalier au lion ( ve r s
1180), Lancelot ou le Chevalier de la charrette (vers 1180)…
1180-1223 : règne de Philippe Auguste.
1250 : premiers fabliaux.
1270 : dernières branches du Roman de Renart.
Qu’est-ce que
Le Roman de Renart ?
n a ge de Re n a rt apparaît dans toutes les branches :
aucun auteur ne le fait mourir, laissant ainsi ouverte
la possibilité d’inventer une nouvelle branche.
 On appelle Roman de Renart un ensemble de
récits brefs écrits en langue romane (c’est-à-dire en
ancien français, une langue int e r m é d i a i reent re le
français et le latin) et en vers octo syllabiques (huit
syllabes).
 Les personnages principaux sont des a n i m a u x.
Le héros est un goupil nommé Re n a rt. Le mot go upil désignait au Moyen Âge l’animal que nous appelons aujourd’hui renard. Le succès de l’œuvre a été
tel que le nom pro p re Re n a rt ( é c r i t par la suite
renard) est devenu un nom commun qui a remplacé
le mot goupil.
 Le Roman de Renart est constitué de vingt- s e p t
épisodes indépendants, appelés b ranches,co m p osés par des auteurs diffé re nts à des époques différentes (de la fin du XIIe siècle à la fin du XIIIe siècle :
de 1175 à 1250). L’ensemble compte env i ron vingtcinq mille vers.
La branche la plus ancienne (branche II) date de
1175 environ; elle est l’œuvre d’un poète nommé Pierre
de Saint-Cloud. Elle conte les pièges que tend Renart
à Chantecler le coq, à la mésange (© extrait 3, p. 179),
à Tibert le chat, à Ti é celin le corbeau, et se termine
par le récit des mauvais traitements qu’il inflige à la
louve Hersent, femme d’Ysengrin et à ses louveteaux.
Cette branche est le point de départ de la « grande
guerre » qui oppose Re n a rt à sa victime privilégiée,
le loup Ysengrin (© extrait 2, p. 176).
 Les autres branches ont été composées ensuite par
des auteurs le plus souve nt a n o ny m e s.Le person-
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∂ Le Roman de Renart, Maître Renart préchant devant
les deux poules et une oie, enluminure, vers 1310-1320
(The British Library, Londres, Grande-Bretagne).
Les auteurs et le public
du Roman de Renart
 La plupart des auteurs du Roman de Re n a rt sont
probablement des c l e rc s, c’est-à-dire des hommes
d’Église cultivés qui savaient écrire en vers.
 Les épisodes du Roman de Renart é t a i e ntrécités
ou lus à haute voix par des jongleurs (acteurs ambulants). Ils allaient de château en château ou d’auberge
en auberge et se produisaient devant un public varié
composé de seigneurs, de villageois, de riches bourgeois, d’artisans…
 L’orthographe des noms n’est pas fixée. Selon les
adaptat i o n s,on t ro u ve par exemple écrits indifféremment Re n a rtou Renard ; Chanteclair, Chantecler
ou Chant e c l e rc; Hermeline ou Ermeline ; Tibert ou
Tybert ; Ysengrin, Ysangrin ou Isengrin…
Les personnages
du Roman de Renart
 Dans Le Roman de Re n a rt,le monde animal est à
l ’ i m a ge du monde féodal : au sommet de la hiéra rchie se t rouve le roi Noble, le lion qui apparaît to ujours au milieu de ses baro n s : Renart, Ysengrin le
loup, Brichemer le ce rf, Grimbert le blaire a u , Belin
le mouton…
– Le roi et la re i n e : Noble (le lion) ; Fi è re (son
épouse).
– Renart et sa famille:Renart (le goupil),Hermeline
(son épouse, © ex t ra i t 4, p. 182), Pe rcehaie, Malebranche, Rovel (ses fils).
– Les amis de Renart : Épineux (le hérisson) ; Grimbert (le blaireau).
– Les principales victimes de Renart : Ysengrin (le
loup), Hersent (son épouse), Brun (l’ours), Chantecler
(le co q) , Pinte (son épouse), Coupée (sœur de Pinte),
Co u a rd (le lièvre), Fro b e rt (le grillon), Pelé (le rat),
Chauve (la souris, son épouse), Rousseau (l’écureuil),
Tiécelin (le corbeau), Tibert (le chat).
– Au t res personnage s : B a u ce nt (le sanglier),
B e r n a rd (l’âne), Brichemer (le ce rf), Bruyant (le t a ureau), Fe r ra nt (le cheval), Petitpas (le paon), Ta rd i f
(le limaçon, © ex t rait 5, p. 1 8 4).
∂ Illustration d’Auguste Vimar (1851-1916), Renart au milieu
des siens (vers 1910), pour Le Roman de Renart, aquarelle
(collection privée, Paris).
Un extrait du Roman de Renart
 Voici quelques vers en ancien français et leur traduction en français moderne :
5
Se or vos volïez taisir,
Seignor, ja porïez oïr,
S’estïez de bone memoire,
Une partie de l’estoire
Si con Renart et Ysengrin
Guerroierent jusqu’en la fin.
Se vos me prestés vos oreilles,
Ja vos voldrai dire merveilles
De Renart qui est vis maufés […].
5
Si maintenant vous vouliez bien vous taire,
seigneurs, vous pourriez entendre,
avec un petit effort de mémoire,
une partie de l’histoire
qui conte comment Renart et Isengrin
se firent la guerre à n’en plus finir.
Si vous me prêtez une oreille attentive,
je suis prêt à vous raconter des choses extraor[dinaires
sur Renart qui est le diable en personne.
Le Roman de Renart, branche X, « Renart trompe Roënel
le chien et Brichemer le cerf », texte établi et traduit
par J. Dufournet et A. Méline © éd. Flammarion.
2 Lire et repérer
1. Qui a écrit Le Roman de Re n a rt? À quelle époque ?
2. Donnez l’origine du nom commun renard.
3. a. L i s ez le t exte en ancien français. Relevez les
mots qui riment.
b. La traduction est-elle en vers ou en pro s e ?
Présente-t-elle des rimes ?
4. a. Re l evez les mots qui ont co n s e rvé en fra nçais moderne la même forme qu’en ancien fra nçais.
b. Re t ra d u i s ez le dernier vers (en sachant que
« maufé » signifie diable, démon et que « vis »
signifie vivant).
5. Qui est le principal ennemi de Renart ?
6 Le Roman de Renart
173
La fiction animale
Préparez votre lecture
1. Cherchez dans un ouvrage documentaire les principales
caractéristiques du renard : physique, habitat, mode de vie, cri…
2. À quelles qualités ou défauts humains le renard est-il associé ?
3. Que signifie l’expression agir en catimini ?
Extrait 1 «
Un maître ès ruses »
l vaut mieux que je vous raconte une histoire qui vous fasse rire
car je sais bien qu’en vérité, vous n’avez pas la tête à écouter un
sermon1 ou une vie de saint. Ce dont vous avez envie, c’est de quelque chose de distrayant. Faites donc silence, car je suis en train et j’ai
plus d’une histoire dans mon sac. Vous allez entendre une aventure qui
en vaut la peine. On me prend souvent pour un fou, mais j’ai ouï2 dire
à l’école : la sagesse sort de la bouche du fou. Inutile d’allonger l’entrée
en matière ! je vais donc vous raconter sans plus tarder un des tours –
un seul ! – d’un maître ès ruses3 ; il s’agit de Renart, ce n’est pas moi
qui vais vous l’appre n d re. Personne n’est capable de le faire marcher
alors que, lui, il envoie paître tout le monde; depuis son enfance, il suit
le mauvais chemin. On a beau le connaître, on n’arrive jamais à échapper à ses pièges. Il est prudent, astucieux ; il agit en catimini. […]
L’autre jour, démuni de tout et tenaillé4 par la faim, il était en quête
de nourriture. À travers prés, labours et taillis 5, il va, misérable et
furieux de ne rien trouver à manger pour son souper : mais il ne voit
rien à se mettre sous la dent. Reprenant alors le trot, il gagne l’orée6 du
bois où il s’arrête, bâillant de faim, s’étirant de temps à autre, tout maigre, décharné, et ne sachant que faire : c’est que la famine règne dans
tout le pays. Ses boyaux se demandent bien dans son ventre ce que font
ses pattes et ses dents. Torturé par la faim, il ne peut retenir des gémissements de détresse et de désespoir. « Mais à quoi bon attendre, là où
il n’y a rien à pre n d re? » se dit-il. Sur ce, il parc o u rt tout un arpent7,
sans ralentir, en suivant un sentier, ce qui l’amène à un chemin de traverse. Tendant le cou, il aperçoit dans un enclos tout près d’un champ
d’avoine, une abbaye de moines blancs8 avec une ferme attenante9 qu’il
décide de prendre pour cible. Elle était solidement construite avec des
murs en pierre grise fort dure – vous pouvez m’en cro i re – et entourée
d’un fossé aux bords escarpés : impossible de s’introduire dans un lieu
si sûr pour y voler. Et pourtant, ce ne sont pas les victuailles10 qui y
manquent ni en quantité ni en qualité. Quelle ferme alléchante, et dont
I
5
1. sermon :
discours prononcé
par un prêtre.
2. ouï (verbe ouïr) :
entendu.
3. ès ruses : en
matière de ruses.
4. tenaillé :
torturé (de tenaille,
anciennement
instrument
de supplice).
5. labours
et taillis : terres
labourées et forêts
de petits arbres.
6. orée : bord.
7. arpent : un
arpent correspond
à une superficie
de 34 ares.
8. moines blancs :
moines cisterciens
(ordre de Cîteaux,
développé par
Bernard de
Clairvaux) dont la
robe était blanche.
9. attenante : qui
touche l’abbaye,
qui en fait partie.
10. victuailles :
nourriture.
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Illustration (1909) de
Benjamin Rabier (1864-1939)
pour Le Roman du Renard,
éd. Tallandier, 1999.
©
11. chapon :
jeune coq.
35
beaucoup ignorent jusqu’à l’existence. Et justement elle re g o rge des
mets préférés de Renart : poules et chapons11 engraissés à point. Il
dirige donc sa course de ce côté, s’avançant au milieu du chemin, impatient de passer à l’attaque.
Le Roman de Renart (XIIe-XIIIe siècles), branche IV, « Ysengrin dans le puits »,
traduit de l’ancien français par M. de Combarieu du Grès et J. Subrenat
© Union Générale d’Éditions.
2 Lire et analyser
L’énonciation et la visée
1. a. Relevez les indices qui montrent que l’histoire était racontée à haute voix.
b. I d e nt i f i ez le pronom par lequel le co nt e u r
désigne le public auquel il s’adresse.
c. Re l evez les ex p ressions par lesquelles le
co nteur cherche à capter l’attention de l’auditoire.
2. Quelle est la visée du ré c i t ? Justifiez vo t re
réponse en vous appuyant sur le texte.
Le cadre et la réalité médiévale
3. Re l evez les indications de lieu qui permett e nt de mettre en place le cadre dans lequel
vont se dérouler les aventures de Renart.
4. Quels sont les éléments qui mont re nt que

* Leçon La fiction animale
 Les co nteurs du Roman de Renart i nt ro d u i-
sent chacune des aventures de Re n a rt par une
a d resse au public et une invitation à l’écoute.
 Le Roman de Re n a rt est un récit de fiction
animale : il met en scène des animaux personnifiés qui pensent, parlent et agissent comme
des hommes.
 Derrière la fiction animale transparaît la ré alité médiéva l e : les animaux, à l’image des
hommes du Moyen Âge , souffrent de la faim :
l’action se passe au Moyen Âge ? Re l evez le
champ lexical de l’abondance dans la description de l’abbaye. Cette abondance reflète-t-elle
la situation économique du pays? Citez le texte.
Le personnage de Renart
5. Relevez dans les lignes 1 à 13 les termes et
expressions par lesquels le conteur caractérise
Re n a rt.
6. Quelle est la motivation qui pousse Renart
à sortir de sa tanière ? Appuyez- vous sur un
champ lexical. Reconstituez son itinéraire.
7. Quels sont les éléments du personnage qui
renvoient au monde humain? Quels sont ceux
qui renvoient au monde animal ?
8. Quelle image le conteur donne-t-il de Renart?
la quête de nourriture est leur préoccupation
p re m i è re. Le cadre est celui de la campagne
de l’Île-d e - Fra n ce, avec ses pra i r i e s, ses chemins de t rave r s e , ses forê t s,ses fermes et ses
abbayes aux poulaillers garnis.
 On y t ro u ve ce rtains re p ré s e nt a nts de la
société rurale et monastique (riches pays a n s,
fe r m i e r s,moines) ainsi que des ré fé re n ces à
la vie campagnarde (salaison des jambons,
préparation des fromages…).
6 Le Roman de Renart
175
Les ruses de Renart :
Renart et Ysengrin
Préparez votre lecture
1. Recherchez l’origine et le sens des mots compère et commère
au Moyen Âge.
2. Cherchez le sens des mots : vivier , barbeau.
Extrait 2 «
Renart prend le seau et le lui attache
à la queue… »
Renart fait croire au loup Ysengrin que s’il veut avoir à manger, il doit
faire partie d’une communauté de moines et subir des épreuves : Renart
lui a déjà infligé la tonsure (en lui ébouillantant le sommet du crâne), il
le conduit ensuite juqu’à un étang gelé.
était un peu avant Noël, à l’époque où l’on sale les jambons.
Le ciel était clair et étoilé, et le vivier où Ysengrin devait pêcher
était si gelé, qu’on aurait pu danser dessus. Il n’y avait qu’un trou que
les paysans avaient fait, afin d’y mener chaque soir leurs bêtes batifoler1 et boire. Ils y avaient laissé un seau. C’est là que Renart arriva ventre à terre ; il regarda son compère :
« Seigneur, dit-il, venez par ici ! Voilà une foule de poissons et l’inst rument avec lequel nous pêchons anguilles, barbeaux et autres beaux
et bons poissons.
– Frère2 R e n a rt, dit Ysengrin, prenez-le donc par un bout et attachez-le-moi bien à la queue ! »
Renart prend le seau et le lui attache à la queue de son mieux.
« F r è re, dit-il, il vous faut maintenant rester bien tranquille, pour
faire venir les poissons. »
Il file alors près d’un buisson, et se couche, le museau entre les pattes, de manière à voir ce que fait le loup. Ysengrin est sur la glace, le
seau dans l’eau, rempli de glaçons jusqu’aux bords. L’eau commence à
geler, à immobiliser le seau attaché à la queue. La queue est gelée dans
l’eau et scellée à la glace. Le loup veut alors se relever et tirer le seau à
lui. Il s’y essaie à plusieurs reprises, ne sait plus que faire, s’inquiète et
se décide à appeler Renart. Car il ne peut plus se cacher : l’aube point3
déjà. Renart lève la tête, ouvre les yeux, regarde autour de lui :
« F r è re, dit-il, laissez ce travail ! Allons-nous-en, mon cher ami !
Nous avons pris beaucoup de poissons. »
Ysengrin lui répond alors en criant : « R e n a rt, il y en a tro p ! J’en ai
pris plus que je ne saurais dire. »
C’
5
10
1. batifoler :
s’amuser.
2. Frère :
les deux
personnages
s’appellent l’un
l’autre « frère »
parce que Renart
a fait croire à
Ysengrin qu’il était
moine. Quant à
Ysengrin, il a
l’intention de
le devenir
(voir chapeau).
3. point (verbe
poindre) : apparaît.
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4. Qui tout
convoite :
celui qui veut tout.
5. vavasseur :
seigneur de la
petite noblesse.
6. cor : sorte
de trompe pour
appeler les chiens
pendant une
chasse.
7. découplent :
détachent les
chiens (tenus
par deux en laisse).
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Renart éclate de rire et lui dit carrément : « Qui tout convoite4 perd
tout ! »
La nuit s’achève, l’aube point. C’est le matin, le soleil se lève. Les
chemins sont blancs de neige. Monseigneur Constant des Granges, un
vavasseur 5 assez riche, qui habite près de l’étang, se lève, en même
temps que sa maisonnée, de fort bonne et joyeuse humeur. Il prend un
cor6, appelle ses chiens, ordonne de seller son cheval, au milieu des
cris et des encouragements de toute sa maison. Quand Renart l’entend,
il s’enfuit et court se cacher dans sa tanière. Mais Ysengrin reste dans
une triste situation, bien qu’il fasse mille eff o rts, tire et tire encore. Il
manque même de s’arracher la peau. S’il veut se sortir d’affaire, il va lui
falloir renoncer à sa queue !
Mais voici qu’au milieu de ces tentatives désespérées, survient un
s e rviteur courant et tenant deux lévriers en laisse. Il aperçoit Ysengrin,
complètement gelé sur la glace, le crâne pelé, et se précipite vers lui.
Il le re g a rde mieux et se met à crier : « Holà ! Au loup ! À l’aide ! À
l’aide ! »
À ces cris, les chasseurs bondissent hors de la maison et franchissent la barrière avec tous leurs chiens. Ysengrin n’est pas à la fête, car
derrière eux galope le seigneur Constant, hurlant: « Pied à terre! Lâchez
les chiens ! »
Les valets découplent7 les chiens, qui sautent sur le loup. Ysengrin
en a le poil tout hérissé. Le chasseur excite et encourage violemment
ses chiens. Mais Ysengrin se défend de toutes ses forces : il les mord à
belles dents. Que peut-il faire de plus ? Il aurait bien préféré la paix !
Le seigneur Constant tire son épée, s’approche de lui pour bien frapper. Il descend de cheval et arrive près du loup sur la glace. Il l’attaque
par-derrière, cherche à l’assommer, mais rate son coup. Il vise
mal, tombe à la renverse, se blessant à la nuque. Il se relève à
grand-peine et re p a rt violemment à l’assaut. Voici un bien terrible combat !
Il croit frapper à la tête, mais
le coup tombe ailleurs: l’épée descend vers la queue, qu’elle coupe
au ras des fesses. Constant n’a pas
manqué son affaire, et Ysengrin
qui l’a bien senti, saute de côté et
détale, tout en distribuant force
∂ Illustration de Joseph Porphyre Pinchon
m o r s u res aux chiens lancés sur
(1871-1953), Ysengrin le loup a sa queue prise
ses talons. Mais ce qui le contradans la glace (1930), pour les Aventures de
Maître Renard, par G. Le Cordier, éd. Delagrave.
rie violemment, c’est de laisser sa
6 Le Roman de Renart
177
75
8. mâtins :
chiens de garde
ou de chasse.
queue en gage. Peu s’en faut que son cœur n’éclate de douleur! Il ne lui
reste plus qu’à fuir jusqu’à une colline, dont il met la pente à profit pour
se défendre. Les chiens ne cessent de le mordre, lui se démène courageusement. Cependant, arrivés au sommet de la colline, les mâtins8 épuisés
s’avouent vaincus. Ysengrin s’enfuit, sans demander son reste, mais en
regardant tout autour de lui, et il file droit vers le bois. Une fois là, il se fait
à lui-même le serment de se venger de Renart et de lui vouer une haine
éternelle.
Le Roman de Renart (XIIe-XIIIe siècles), branche III, « La pêche à la queue »,
traduit de l’ancien français par E. Charbonnier © Librairie Générale Française.
2 Lire et analyser
Le cadre et la réalité médiévale
Renart et Ysengrin
1. a. À quelle saison et à quel moment de la
journée l’action se déroule-t-elle ?
b. Précisez les conditions météorologiques.
c. Combien de temps s’é co u l e - t-il ent re le
début et la fin de l’épisode ? Justifiez votre
réponse.
2. a. Re l evez dans le t exte les éléments qui
mont re nt que cette histo i re a pour cadre la
campagne au Moyen Âge.
b. Quelle est l’activité du vavasseur ? En quoi
e s t-elle en rapport avec sa condition sociale ?
5. Re l evez les mots et ex p ressions qui montrent que Re n a rtet Ysengrin sont des animaux.
En quoi se co m p o rt e nt-ils aussi comme des
humains ? Quel est l’effet produit ?
6. a. Quelle ruse Re n a rtimagine-t-il pour tromper Ysengrin ? Quel est l’enjeu de l’épre u ve
pour Ysengrin ? Aidez-vous du hors-texte.
b. Quelle leçon lui donne Re n a rt? Citez le texte.
c. Quel est le rôle du vavasseur dans l’histoire ?
7. Quel défaut d’Ysengrin est mis en év i d e n ce
ici ? De quelle qualité fait-il preuve ?
La conduite du récit
3. Re t ro u vez l’e n c h a î n e m e nt des actions en
vous appuyant sur les étapes du schéma narrat i f : s i t u ation initiale, élément déclencheur,
enchaînement des actions, dénouement, situation finale.
4. Relevez les commentaires que fait le conteur
à propos d’Ysengrin. Sur quel ton les fait-il ?
La visée
8. Sur quels types de comique (mots, ge s t e s,
situation) cet épisode repose-t-il ?
9. En quoi ce t épisode reflète-t-il les relations
qu’entretiennent Re n a rt et Ysengrin ? Montrez
en citant le t exte que ces re l ations iro nt en se
dégradant.

* Leçon Les ruses de Renart : Renart et Ysengrin
 La principale victime de Re n a rt est le loup
Ysengrin. Les deux personnages sont des ennemis jurés depuis que Re n a rt a maltra i t é
Hersent, la femme d’Ysengrin, et a humilié ses
louveteaux.Le loup incarne dans Le Roman de
Renart la fo rce et la bêtise. Re n a rt prend to ujours le dessus sur lui par la ruse.
178
 Re n a rt exploite la naïveté de ses v i ct i m e s.Il
agit par n é cessité (il est tenaillé par la faim),
mais aussi pour le plaisir de tromper.
 Re n a rt a ffiche un mépris des lois et de la
morale : Le Roman de Re n a rtn’a aucune portée
morale, la seule int e ntion des co nteurs étant
de fa i re rire. Ils utilisent à cette fin toutes les
formes du comique : m o t s, ge s t e s,situations
(personnage trompé, trompeur trompé…).
Le trompeur trompé :
Renart et la mésange
Préparez votre lecture
1. Rappelez en vous référant à l’ex t rait précédent de quelle façon
Re n a rt a triomphé de plus fort que lui. Quelle était sa vict i m e ?
2. Qu’est-ce qu’une mésange ?
Extrait 3 «
Il aperçoit une mésange
perchée sur un chêne »
Renart vient de subir un échec : il a laissé échapper le coq dont il avait
compté se régaler.
ffamé, sans force, il fuit le long d’un sentier au milieu des bro u ssailles, en bord u re d’un champ. Dans son accablement, il se
lamente d’avoir laissé échapper le coq grâce auquel il avait compté faire
bombance1.
Tandis que Renart se lamente ainsi, il aperçoit une mésange perchée
sur un chêne : l’arbre cachait un creux où elle avait installé ses œufs à
l’abri.
« Bonjour, chère amie, descendez donc m’embrasser.
– Il n’en est pas question, Renart. On ne peut être l’ami d’un brigand
de votre espèce. Vous avez fait tant de mauvais coups à tant d’oiseaux,
à tant de biches, qu’on ne sait plus que penser. Qu’allez-vous devenir ?
Le mal vous a tellement corrompu qu’il est impossible de vous faire
confiance.
– Dame, aussi vrai que votre fils est mon filleul par son saint baptême, je ne songe pas à mal, je vous assure. Savez-vous pourq u o i ? Il
est normal que je vous le dise. Monseigneur Noble le lion a fait jurer
la paix, et pour longtemps, s’il plaît à Dieu. Dans tout son royaume, il
a fait pro m e t t re à ses vassaux qu’ils la respecteraient et veilleraient à
son maintien. Voilà qui réjouit le cœur des petites gens. C’en sera fini
des disputes, des procès, des guerres meurt r i è res à droite et à gauche
et les bêtes, grandes et petites, vivront tranquilles !
– Vous cherchez à me tromper, Renart. Allez donc chercher ailleurs,
je vous en prie, car, vous aurez beau dire et beau faire, vous ne me
convaincrez pas de me laisser embrasser par vous. »
Renart, voyant que sa commère ne veut pas le cro i re, lui, son compère, ajoute :
« Écoutez, dame, puisque vous avez peur de moi, je garderai les
yeux fermés pour vous embrasser.
A
5
10
15
20
25
1. faire
bombance :
faire un festin.
6 Le Roman de Renart
179
2. trêve :
arrêt des combats.
3. frère convers :
moine qui, dans
le monastère,
s’occupe des
travaux manuels.
4. prévaloir :
triompher.
5. engeance :
catégorie
de personnes
détestables.
30
35
40
– Dans ces conditions, j’accepte. Fermez les yeux. »
Il obéit, mais la mésange qui ne veut pas se risquer à l’embrasser se
saisit d’une pleine poignée de mousse et de feuilles dont elle se met à
lui chatouiller le museau. Et Renart, croyant la saisir, n’attrape que la
feuille restée accrochée à sa moustache.
– « Eh bien ! Renart », s’écrie-t-elle, « de quel accord parliez-vous ?
Vous auriez eu vite fait de ro m p re la trêve2 si je ne m’étais écartée à
temps. Vous prétendiez que la paix était chose faite et jurée. Votre ro i
ne s’est pas entouré de garanties suffisantes. »
Mais le goupil, glapissant de rire :
– « Allons, c’était une plaisanterie pour vous faire peur. Peu importe!
Recommençons, je fermerai à nouveau les yeux.
Renart essaie encore une fois d’attraper la mésange mais en vain: la mésange
effleure Renart d’un coup d’aile et il n’attrape que le vide. Il essaie à nouveau de la convaincre quand retentit dans le lointain le son des cors : des
chasseurs arrivent avec leurs chiens…
Il détale, rien moins que rassuré, tandis que la mésange lui crie :
« La paix dont vous parliez est donc déjà rompue, Renart ? Où fuyezvous ? […] Revenez donc m’embrasser !
– Le moment me paraît mal choisi.
45
– Mais puisque votre roi a fait jurer la
paix ! »
Sans répondre, Renart s’enfuit par les
raccourcis qu’il connaissait bien, mais c’est
pour tomber sur un frère convers3 qui
50 tenait en laisse, le long du chemin, deux
chiens de chasse de belle taille. Le paysan
qui était en tête des poursuivants crie alors
au religieux de lâcher les chiens : « C’est
pour le goupil : il n’ira pas loin. » Paro l e s
55 qui arrachent un soupir à Renart car il sait
bien qu’il passera un mauvais quart d’heure
si on l’attrape. Il se voit encerclé par des
gens tout prêts, dès qu’ils le tiendront, à
l’écorcher à la pointe de leurs couteaux. Il
60 craint fort d’y laisser pelisse et peau si, tout
beau parleur qu’il est, il ne parvient pas à
f a i re prévaloir4 la ruse sur la force. Il y a
donc le moine qui flâne et Renart, en arrêt,
qui ne peut ni se cacher ni s’échapper : où
65 pourrait-il aller, on se le demande. Et le
frère, qui l’a vu, s’approche, menaçant :
∂ Illustration (1932) de Félix Lorioux (1872-1964),
– « Ha ! Ha ! sale engeance5 ! vous ne
tirée d’une édition du Roman de Renart,
éd. Hachette, 1932.
vous sauverez pas.
180
6. ermite :
religieux coupé
du monde.
7. éperonne
(verbe éperonner) :
pique avec les
éperons pour aller
plus vite.
70
75
– Au nom de Dieu, mon père, ne parlez pas ainsi. Un ermite6, un
saint homme comme vous doit se garder surtout de faire tort à personne […] »
Considérant que Renart est dans le vrai, le moine le recommande à
Dieu et à saint Julien avant de faire demi-tour. Aussitôt, le goupil éperonne7 son cheval et re p rend la fuite par un sentier qui remonte un
vallon à travers champs.
Le Roman de Renart (XIIe-XIIIe siècles), « Renart et la mésange »,
traduit de l’ancien français par M. de Combarieu du Grès
et J. Subrenat © Union Générale d’Éditions.
2 Lire et analyser
Le cadre
1. Relevez les éléments qui constituent le cadre.
Le personnage de Renart
2. Dans quelle situation Renart se t ro u ve - t-il
au début de l’épisode ? Citez le texte.
3. a. Quelle ruse Renart imagine-t-il pour tromper la mésange ?
b. Co m m e nt déjoue-t-elle la ruse ? De quelles
qualités fait-elle preuve ?
4. Pour quelle raison Renart abandonne-t-il la
partie ?
5. a. Quel danger court-il ensuite ?
b. Quelle est la seconde ruse de Re n a rt pour
échapper à ce dange r ? Quel personnage
trompe-t-il ?
6. Montrez que Renart est habile dans la manipulation du langage, qu’il ment, qu’il est hy p oc r i t e. A p p u yez- vous notamment sur les
références à Dieu.
7. Qu’advient-il de Re n a rt à la fin de l’épisode ?
Le comique
8. Re l evez dans la pré s e nt ation de Re n a rt les
éléments qui renvo i e nt au monde animal et
ceux qui re nvo i e nt au monde humain. Quel
est l’effet produit ?
9. a . M o nt rez que le comique de l’é p i s o d e
repose sur un re nve r s e m e nt de situat i o n
(comique de situation).
b. En quoi le comportement de l’ermite prêtet-il à sourire ?

* Leçon Renart, le trompeur trompé
 Les épisodes les plus anciens du Roman de
Re n a rt s o nt construits à partir de la même
structure: le texte s’ouvre sur le motif constant
e t répété de la fa i m, il se poursuit par une
tromperie de Renart.
 Il arrive que Renart se t ro u ve en mauvaise
posture et soit lui-même trompé par plus rusé
que lui : les plus faibles peuve nt ainsi espérer
prendre leur revanche. Re n a rtse retrouve alors
dans la position du t rompeur t ro m p é,le ren-
ve r s e m e nt de situat i o n crée un effe t co m iq u e. Ce p e n d a nt , Re n a rt s ’en sort to u j o u r s
grâce à une nouvelle ruse.
 Les personnages du Roman de Renart s o nt
mi-hommes, mi-animaux : ils ont des comportements humains mais conserve nt les caractéristiques animales pro p res à leur espèce.
L’a l t e r n a n ce ent re ces deux état s, ce l u i
d’homme et d’animal crée un effet d’é t ra ngeté et est source de comique.
6 Le Roman de Renart
181
La satire
Préparez votre lecture
1. Cherchez qui est Hermeline (voir Repères, p. 173).
2. Qu’est-ce qu’un supplice ? Citez quelques supplices du Moyen
Âge.
Extrait 4 «
Sire, pitié pour mon mari »
Le roi Noble (le lion) décide de punir Renart pour tous ses méfaits. Il convoque l’assemblée des barons qui accusent Renart, le condamnant à être pendu.
e roi dit à ses hommes : « Occupez-vous de le pendre, car je ne
veux désormais pas attendre davantage. » Renart était sur le
point d’être pendu, en dépit des lamentations de certains, quand le roi
re g a rde au loin dans la plaine, et voit venir une grande troupe à cheval, où l’on aperçoit plus d’une dame éplorée1. Parmi elles se trouve la
femme de Renart, qui arrive au galop à travers une friche2. Elle accourt
en grande hâte ; elle manifeste une douleur indescriptible, et ses trois
fils ne sont pas en reste vis-à-vis des autres : ils se tordent et se lacèrent
les mains, se tirent et s’arrachent les cheveux. Ils font un tel vacarme
et poussent de tels cris qu’on pourrait les entendre d’une lieue à la
ronde. Leur troupe est un peu désordonnée, mais ils arrivent à bride
abattue 3, et ils mènent avec eux, pour racheter Renart, une bête de
somme4 lourdement chargée de richesses. Avant même que Renart ait
reçu l’absolution5, ils ont fendu la foule et, se précipitant avec impétuosité6, ils se jettent aux pieds du roi. La dame a pris les devants et
s’élance plus vite que tous les autres : « Sire, pitié pour mon mari, pour
l’amour de Dieu, notre véritable Créateur ! Je vous donnerai toutes ces
richesses si vous consentez à lui faire grâce. » Découvrant le grand trésor d’or et d’argent étalé devant lui, le roi est très désireux de mettre la
main sur ces richesses. « Madame, dit-il, je vous prie de m’en cro i re,
Renart a commis trop de crimes vis-à-vis de moi, et tant d’outrages7
envers mes hommes qu’il me serait impossible de rétablir la paix : c’est
pour cette raison que la justice doit suivre son cours ; puisqu’il refuse
de s’amender8 pour ses crimes, il a bien mérité qu’on le pende. Tous
mes barons me demandent de faire pendre cette canaille et en toute
vérité, à moins de me rendre parjure9 à leur égard, il sera bientôt livré
L
5
1. éplorée :
en larmes.
2. friche :
terre non cultivée.
3. à bride abattue :
très vite (sans que
la bride retienne
le cheval).
4. bête de somme :
cheval utilisé
pour le transport
d’objets lourds.
5. recevoir
l’absolution :
expression
religieuse signifiant
« recevoir le
pardon ».
6. impétuosité :
fougue, vivacité.
7. outrages :
offenses, affronts,
injures.
8. s’amender :
réparer ses fautes.
9. me rendre
parjure : rompre
mon serment.
182
10
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20
25
30
au supplice. – Sire, au nom de
Dieu en qui tu crois, pard o n n e lui pour cette fois ! » Le roi lui
répond : « Pour l’amour de Dieu,
je lui pardonne par affection pour
vous. » Et il ajoute: « Il vous sera
rendu à cette condition qu’à son
premier méfait, il sera pendu. »
Le Roman de Renart (XIIe-XIIIe siècles),
branche Ia, « Pardon du roi à Renart »,
traduit de l’ancien français
par G. Bianciotto
© Librairie Générale Française.
Illustration de Joseph Porphyre Pinchon
(1871-1953), Noble le lion convoque sa cour
(1930), pour les Aventures de Maître Renard,
par G. Le Cordier, éd. Delagrave.
©
2 Lire et analyser
L’action
1. a. Dans quelle situation Re n a rtse trouve-t-il
au début de l’extrait ? De quoi est-il accusé ?
b. Qui sont les personnages qui surv i e n n e nt ?
Identifiez le cadre.
2. De quoi Hermeline ve u t-elle co nva i n c re le
roi ? Parvient-elle à ses fins ?
3. Qu’advient-il de Re n a rt à la fin de l’extrait ?
La dimension satirique
4. a. Quels personnages constituent la famille
de Renart ? Quels sentiments éprouvent-ils ?
b. Par quelles attitudes manife s t e nt-ils leurs
sentiments ? Quel est l’effet produit ?

* Leçon La satire
 Le Roman de Re n a rtest un roman de dérision
critique : derrière la fiction animale, il présente
la sat i re (une vision moqueuse) de la société
fé o d a l e du XIIIe siècle : désacco rds ent re les
barons, hypocrisie d’une partie du clergé (prêtres et moines), corruption, vengeances, justice
5. a. Sur quels arguments Hermeline s’appuiet-elle pour convaincre le roi de sauver Re n a rt?
b. Quelle est la première réaction du roi ? Pour
quelle raison revient-il sur sa décision ?
c. Quel motif invoque-t-il ?
d. Quel t ra i t de caract è re ce comportement
révèle-t-il ?
6. Dans cet ex t rait, les personnages se co mp o rt e nt-ils plutô t comme des animaux ou
comme des humains ? Justifiez votre réponse.
7. Quelle vision cet extrait donne-t-il de la justice médiévale ?
humaine… et laisse ent revoir un monde où
rè g n e ntla tromperie, l’hypocrisie, l’injustice.
 La sat i re demeure légère, re s p e ctueuse de
l’ordre établi, elle vise principalement à amuser un public où tous les milieux sont mêlés.
6 Le Roman de Renart
183
La parodie
Préparez votre lecture
1. Cherchez qui est Tardif (voir Repères, p. 173).
2. Quel sens donnez-vous au mot parodie ? Pouvez-vous citer
des exemples de parodie aujourd’hui ?
3. Donnez le sens des mots et expressions : écu, heaume,
désarçonner, ceindre l’épée.
Extrait 5 «
Il voit venir le limaçon,
la lance au poing »
Renart vient de dérober à un écuyer son faucon et un tambour (dont on
se sert à la chasse pour faire envoler les oiseaux). Il rencontre son ennemi
le limaçon.
oici Renart entré dans le bois, mais avant d’être allé très loin, il
voit venir le limaçon la lance au poing, l’écu au bras, solidement campé sur son cheval, bien armé, le heaume lacé; il arrive piquant
des deux1 à travers une friche2. Aussitôt qu’il voit Renart, il ressent
une grande joie dans son cœur, car le goupil lui avait causé bien des
préjudices, beaucoup de contrariétés et de désagréments. […] Tardif
[…] éperonne son cheval, sans plus attendre, et frappe de sa lance
Renart de telle sorte qu’il le désarçonne et le fait tomber étendu de tout
son long sur le sol. Renart se remet en selle peu rassuré et humilié, et
p rend son tambour par les lacets. Aussitôt il se précipite sur Tardif, et
il se dispose du mieux qu’il peut à le frapper. Tardif tire alors son épée
et s’apprête à son tour à frapper Renart, mais celui-ci a pris les devants,
et il le frappe d’un tel coup de son tambour qu’il l’abat de son cheval3
de combat. De si haut comme il se trouvait, Tardif tombe à la renverse
sur son écu ; et quand Renart le voit à terre, il se précipite sur lui, lui
ôte l’écu, et il le frappe de son tambour près de l’oreille avec tant de
force que la tête en devient toute rouge de sang. Il lui écorche tout le
visage ; puis il s’empare de sa lance, qui est longue, grosse et robuste,
et il la lui passe à travers le corps. Il le tue, puis il s’équipe: il ceint l’épée
de Tardif, puis il s’en va, emportant l’écu vermeil4 qui brille aux rayons
du soleil.
V
5
10
1. en piquant
des deux :
en éperonnant
sa monture.
2. friche :
terre non cultivée.
3. il l’abat de son
cheval : il le fait
tomber de son
cheval.
4. vermeil : couleur
rouge doré.
15
20
Le Roman de Renart (XIIe-XIIIe siècles), branche XXX,
traduit de l’ancien français par G. Bianciotto
© Librairie Générale Française.
184
2 Lire et analyser
L’action
1. Quels sont les deux personnage en présence ? Ra p p e l ez dans quelles circonstances
ils s’affrontent.
2. Qui prend le dessus sur l’autre à la fin de
l’extrait ?
La dimension parodique
3. Montrez que le combat est une parodie d’un
co m b at c h eva l e resque (re l i s ez l’ex t ra i t d u
Roman de Tristan et I s e u t,p. 143). Pour ré p o ndre, relevez :
a . les mots et ex p ressions qui re nvo i e nt à
l’équipement du chevalier ainsi que le champ
lexical du combat ;

* Leçon La parodie
 Les conteurs du Roman de Re n a rt parodient
les autres genres littéra i res en les imitant et
en les to u r n a nt en dérision : p a rodie des p rocédés épiques présents dans les récits de combats des romans de cheva l e r i e ; p a rodie du
chevalier à travers le personnage de Renart.
∂
b. un ou deux exemples d’accumulations ve rbales et d’ex p ressions qui marq u e nt l’intensité (si, tant, tellement…).
4. Quels codes du co m b at c h eva l e re s q u e
Renart enfreint-il (voir L’essentiel, p. 159) ?
5. a. En quoi le nom de Ta rdif est-il amusant ?
Quelle caractéristique de l’animal met-il en
valeur ?
b. En quoi le choix de ce t adversaire donne-t-il
une dimension comique au combat ?
 Re n a rt transgresse en effet toutes les règles
du code cheva l e re s q u e, il use de la ruse et de
la violence à l’éga rd de tous ; il n’est motivé ni
par la re c h e rche de la gloire, ni par l’amour,
mais par la faim et la quête de nourriture.
Illustration de Roland Garrigue.
6 Le Roman de Renart
185
Lecture d’image
2 Observer et analyser
La nature de l’image et la technique
Le texte
1. De quelle époque ce manuscrit d at e - t- i l ?
Quel en est le support ?
2. Repérez la miniature (image ) , la lettrine (lettre initiale ornée), le texte.
3. a. Quelle est la technique utilisée ? À quoi
le quadrillage des lignes sert-il ?
b. En quoi s’agit-il d’une enluminure ? Quelles
sont les couleurs dominantes ? Quelle utilisation est faite du doré ?
6. L i s ez le t exte en vous aidant de la retra n scription qui figure en bas de la page 173 (extrait
en ancien français et traduction).
7. De quel type d’écriture s’agit-il ?
La miniature
4. Quelle est la scène représentée ? Ident i f i ez
les personnage s . N o m m ez-les (aidez-vous de
la liste des personnages dans les Re p è re s,
p. 173). Décrivez leur attitude.
5. Lesquels sont re p ré s e ntés comme des animaux ? Lequel pré s e nte des caractéristiques
humaines ? Précisez en quoi. Quelle est sa fonction sociale ?
La lettrine
8. La lettrine repré s e nte un s. Quelles sont les
deux fa çons d’écrire le s dans le manuscrit ?
Co m p a rez ce s avec celui de h i s to i re (dernier
mot) et avec le s des mots vo u s (l. 1) et taisir
(l. 2) Dans la lettrine, repérez la barre d’appui
(barre verticale à droite qui ferme la lettre).
9. M o nt rez qu’il y a une unité ent re la miniature et le tex t e.Appuyez-vous sur les couleurs,
les bordures et les ornementations.
La fonction
10. Quelle est la fonction de cette enluminure?

* Leçon Le manuscrit et l’enluminure
 Au Moyen Âge , un manuscrit est un texte
copié à la main par un moine co p i s t e.Le support est un p a rc h e m i n ( fabriqué à partir de
peau de chèvre ou de mouton).
 Le t exte est calligraphié (écrit avec soin) en
écriture go t h i q u e.Cette écriture apparaît dès
le XIIe siècle : les moines brisent le tra cé arrondi
des lettres romanes et introduisent des lignes
verticales. Pour composer la page , ils utilisent
des règles et des compas : ils t ra ce nt des marges, des lignes et des colonnes qui leur perm e t t e nt d’aligner les lettres et de délimiter
les espaces ré s e rvées à l’e n l u m i n u re. Po u r
écrire, ils se serve nt d’une plume d’oie taillée
ou d’un pinceau.
186
 L’e n l u m i n u re (du latin illuminare : re n d re
plus lumineux) est une ornement ation qui
illustre et d é co re le t exte manuscrit (l e t t re
ornée, m i n i at u repeinte). L’enlumineur co mpose la miniature seulement après que le texte
a été écrit. Il ne dispose donc que d’un petit
espace, celui que lui a laissé le copiste.
 La m i n i at u reest une peint u re délicate de
petit format. La lettrine est une grande initiale
ornée en début de chapitre ou de paragraphe.
Elle assure la liaison ent re le t exte et l ’ i m a ge.
La page co m p o rte ainsi une unité,bien qu’elle
soit composée par deux artistes (le copiste et
l’enlumineur).Les manuscrits sont pliés et reliés
pour former un co d ex(c’est-à-dire un livre).
∂
Le lion sur son trône, enluminure extraite du Roman de Renart, manuscrit sur parchemin du XIVe siècle (BnF, Paris).
6 Le Roman de Renart
187
TEXTES 1 ET 2
1. Ident i f i ez l’époque de chacun des t ex t e s . Dans
quelle langue la fable d’Ésope a-t-elle été écrite ?
2. En quoi la ruse du re n a rd co n s i s t e - t-elle dans
chacun des deux textes ? Quel est l’objet de convoitise ? Qui est la victime ? La ruse réussit-elle ?
3. Quel est le t i t re de la fable de La Fo ntaine qui
ra co nte la même ruse ? Combien de siècles séparent La Fontaine d’Ésope ?
4. Quelle image est donnée du renard ?
LECTURE
1 LE PERSONNAGE DU RENARD
DANS LA LITTÉRATURE
5
10
TEXTE 1
Le corbeau et le renard
Un corbeau déroba un morceau de viande et
alla se percher sur un arbre. Un re n a rd, l’ayant
aperçu, voulut se rendre maître du morceau.
Posté au pied de l’arbre, il se mit à louer la
beauté et la grâce du corbeau : « À qui mieux
qu’à toi convient-il d’être ro i ? En vérité, tu le
serais si tu avais de la voix. » Le corbeau, voulant lui montrer qu’il n’en était pas dépourvu,
laissa tomber la viande et poussa de grands cris.
L’autre se précipita, s’empara de la viande et dit:
« Ô, corbeau, si tu avais aussi de l’intelligence,
il ne te manquerait rien pour être le roi de tous
les animaux. »
Avis aux sots.
TEXTE 3
5
10
Ésope (VIe siècle av. J.-C.), Fables,
traduit du grec par C. Terreaux © éd. Arléa.
T EXTE 2 Le corbeau Tiécelin a volé un fromage
dans une ferme. Renart se trouve sous l’arbre où il
s’est réfugié…
5
10
15
Il aperçoit alors son vieux compère Tiécelin,
perché dans l’arbre, le bon fromage entre les pattes. Il l’interpelle familièrement :
« Par les saints du Paradis, qui vois-je là ? Estce vous, mon compère ? Paix à l’âme de votre
père, sire Rohart qui savait si bien chanter !
Souvent je l’ai entendu proclamer meilleur chanteur de France. Vous-même, dans votre enfance,
aviez l’habitude de vous exercer courageusement. Savez-vous toujours chanter ? Chantezmoi donc une ritournelle ! »
À cet éloge, Tiécelin ouvre le bec et pousse un
cri. […] L’oiseau s’égosille de tout son souff l e ,
et dans son eff o rt, il ne s’aperçoit pas qu’il desserre la patte droite. Le fromage tombe à terre
juste aux pieds de Renart. Celui-ci, bien que
dévoré de gourmandise, se garde d’y toucher,
car il voudrait bien, s’il le peut, s’emparer de
Tiécelin.
Le Roman de Renart (XIIe-XIIIe siècles), branche II,
« Renart et Tiécelin », traduit de l’ancien français
par É. Charbonnier © Librairie Générale Française.
188
15
20
25
30
Le Coq et le Renard
Sur la branche d’un arbre était en sentinelle
Un vieux Coq adroit et matois1.
« Frère, dit un Renard, adoucissant sa voix,
Nous ne sommes plus en querelle :
Paix générale cette fois.
Je viens te l’annoncer ; descends que je t’embrasse.
Ne me retarde point, de grâce :
Je dois faire aujourd’hui vingt postes2 sans manquer3.
Les tiens et toi pouvez vaquer
Sans nulle crainte à vos affaires4 ;
Nous vous y servirons en frères.
Faites-en les feux5 dès ce soir.
Et cependant viens recevoir
Le baiser d’amour fraternelle6.
– Ami, reprit le Coq, je ne pouvais jamais
Apprendre une plus douce et meilleure nouvelle
Que celle
De cette paix ;
Et ce m’est une double joie
De la tenir de toi. Je vois deux Lévriers,
Qui, je m’assure7, sont courriers8
Que pour ce sujet on envoie.
Ils vont vite, et seront dans un moment à nous.
Je descends: nous pourrons nous entre-baiser9 tous.
– Adieu, dit le Renard, ma traite10 est longue à faire:
Nous nous réjouirons du succès de l’affaire
Une autre fois. » Le galant11 aussitôt
Tire ses grègues12, gagne au haut13,
Mal content de son stratagème.
Et notre vieux Coq en soi-même
Se mit à rire de sa peur ;
Car c’est double plaisir de tromper le trompeur.
J. de La Fontaine, Fables (1693), livre II, XV.
1. matois : rusé. 2. poste : distance qui séparait deux relais
de postes (deux lieues environ = 8 kilomètres), donc vingt
fois cette distance. 3. sans manquer: sans faute. 4. vaquer à
ses affaires: s’occuper sans crainte d’être dérangé. 5. les feux:
des feux de joie pour célébrer la paix. 6. le mot amour était
féminin au XVIIe siècle.7. je m’assure: j’en suis certain. 8. courriers: messagers. 9. nous entre-baiser: nous donner mutuellement le baiser de paix. 10. traite: course. 11. Le galant: le
coquin. 12. Tire ses grègues: retrousse ses chausses (pantalon). 13. gagne au haut: s’enfuit.
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bons fumés et cinquante flèches de lard.
– Quel régal pour les yeux ! s’écria Maître
Renard, sautant et dansant. Qu’est-ce que vous
en dites, hein ? Plutôt pas mal comme bouffe !
Soudain, comme mus par des ressorts, les trois
renardeaux affamés et Blaireau, qui aurait mangé
un éléphant, se jetèrent sur la succulente nourriture.
Roald Dahl, Fantastique Maître Renard (1980), traduit de
l’anglais par M. Saint-Dizier et R. Farré.© éd. Gallimard.
Illustration de Armand Rapeno (XIXe-XXe siècle), « Le coq
et le renard » (1947), pour les Fables de La Fontaine.
∂
TEXTE 4 Décidés à en finir avec Renard, les trois
fermiers Boggis, Bean, et Bunce assiègent sa
tanière. Renard et sa famille sont vite aff a m é s .
Renard, accompagné de ses renardeaux, creuse un
tunnel pour trouver à manger. Sur le chemin ils
rencontrent leur cousin Blaireau.
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Bientôt, ils se re t ro u v è rent au-dessous d’un
autre plancher.
Maître Renard sourit d’un air rusé, montrant
ses dents blanches et pointues.
– Si je ne me suis pas trompé, mon cher
Blaireau, dit-il, nous sommes maintenant sous
la ferme qui appartient à Bunce […].
Ils s’arr ê t è rent, les yeux écarquillés. Ils re staient bouche bée. Ils étaient si comblés qu’ils
ne pouvaient plus parler ; car ce qu’ils voyaient
maintenant était en quelque sorte le rêve de tout
renard, le rêve de tout blaireau, un paradis pour
les animaux affamés.
– Ceci, mon cher vieux Blaireau, déclara
Maître Renard, c’est l’entrepôt géant de Bunce.
Toutes ses provisions sont stockées ici en attendant de partir au marché.
C o n t re les quatre murs de l’immense pièce,
entassés dans des arm o i res et empilés sur des
é t a g è res qui allaient du sol jusqu’au plafond, il
y avait des milliers et des milliers de canards et
d’oies, les plus beaux, les plus gras, plumés et
prêts à cuire ! et au-dessus, pendus au plafond,
il devait y avoir au moins une centaine de jam-
TEXTES 3 ET 4
1. Pour chaque t exte : i d e nt i f i ezl’époque, l’auteur
et le cadre ; re l evez les éléments qui mont rent que
le renard est personnifié.
2. Dans quel texte le renard est-il le trompeur ? Qui
sont les victimes (animaux, humains) ? Dans quel
cas le renard est-il le trompé ?
3. La ruse utilisée par le renard avec le coq est-e l l e
la même que celle utilisée avec la mésange (p. 179)?
A-t-elle réussi ?
4. D’où vient le comique de l’extrait de Roald Dahl ?

* L’essentiel
Le renard dans la littérature
 Le personnage du re n a rd re p ré s e nte dans
de nombreuses t raditions populaires le sy mbole de la ruse et de l’intelligence.
 Il est présent dans la littérat u re animalière
depuis l’Antiquité grecque : on le trouve dans
des t extes de ge n res différents et d’époques
différentes, d’Ésope au XXe siècle.
 Sa couleur rousse rappelle celle du feu et
l’assimile au diable. Tantôt t ro m p e u r,t a ntôt
t ro m p é, le re n a rd suscite la sy m p athie par
son habileté. Il montre aussi que la ruse peut
l’emporter sur la force.
ORAL
2 FAIRE UNE LECTURE À HAUTE VOIX
1. Parmi les textes étudiés, choisissez-en un.
2. Préparez la lect u re en repérant les passages narratifs et les dialogues s’il y en a.
3. L i s ez l’histo i re aux autres en variant le to n : l’a uditoire doit entendre la différence ent re la voix du
narrateur et celle des personnages.
6 Le Roman de Renart
189

* L’essentiel
GRAMMAIRE
Les compléments circonstanciels
 On trouve dans Le Roman de Re n a rtde nomb reux co m p l é m e nts circonstanciels qui permettent au public d’imaginer les circonstances
des aventures : cadre spatio-temporel (compléments circonstanciels de lieu et de temps), comportement et m o t i vations des personnage s
(compléments circonstanciels de m a n i è reet
de cause),but poursuivi (complément c i rconstanciel de but), m oyens utilisés (complément
c i rconstanciel de m oye n), hypothèse émise
(complément circonstanciel de condition)…
2 LEÇON COMPLÈTE : fiche 29, p. 353
Voici t rois notions gra m m aticales que vous devez
maîtriser pour lire des ex t raits du Roman de Re n a rt
et écrire vous-même une aventure de Renart :
– les compléments circonstanciels ;
– les fonctions liées au verbe : sujet, COD, COI, COS ;
– les reprises nominales et pronominales.
Les compléments circonstanciels

* Texte d’observation 1
5
10
15
20
A c c roupi dans le chemin, il se démène, tendant le cou pour mieux voir mais se dit que, s’il
saute, les poules le verront et se mettront à l’abri
de la haie. Il risquerait aussi de se faire surpre nd re avant d’avoir rien gagné. En somme, il se
demandait bien comment il allait pouvoir s’app rocher des poules qu’il voit picorer sous ses
yeux. Il avance donc en dodelinant de la tête
jusqu’à l’angle de la clôture où un pieu brisé lui
p e rmet de s’intro d u i redans l’enclos. Le paysan
avait planté des choux devant la brèche. Renart,
après s’être faufilé à l’intérieur, s’y dissimule
afin de n’être pas aperçu. Mais les poules qui
ont remarqué son mouvement se dépêchent de
prendre la fuite en gloussant. Pendant ce temps,
Monseigneur Chantecler le coq, se glissant entre
deux pieux, avait marché jusqu’à un tas de
fumier, en suivant l’ornière d’un sentier qui longeait le bois. Et le voici qui revient fièrement à
la rencontre des poules, paré de plumes jusqu’au
bout des ongles et se rengorgeant […].

* Exercices
1 ANALYSER LES COMPLÉMENTS
CIRCONSTANCIELS
5
Le Roman du Renard (XIIe-XIIIe siècles),
adapté par J. Leroy-Allais © éd. Tallandier.
1. Quelle est la scène racontée ? Relevez les compléments circonstanciels qui en précisent les circo n stances : un de temps, cinq de lieu, trois de manière.
2. Vous préciserez leur classe grammaticale : groupe
nominal, pronom, adverbe.
Le Roman de Renart (XIIe-XIIIe siècles), branche II, traduit
de l’ancien français par M. de Combarieu du Grès
et J. Subrenat © Union Générale d’Éditions.
1. En vous appuya nt sur les co u l e u r s, classez les
compléments circonstanciels :
– CC de lieu
– CC de temps
– CC de manière
– CC de but
– CC de condition
2. I d e nt i f i ez leur classe gra m m at i c a l e : g ro u p e
nominal prépositionnel (précédé d’une préposition), g roupe infinitif, proposition subord o n n é e ,
gérondif, adverbe.
3. Quelle est la scène évoquée ? Pré c i s ez le rôle des
compléments circonstanciels.
190
La nuit suivante, [Renart] revient de son pas
velouté à la demeure d’Ysengrin. Il grimpe sur
le toit et, sans faire de bruit, y creuse un grand
trou à l’endroit où les jambons sont suspendus ;
il les décroche l’un après l’autre et les emport e
chez lui, où sa femme, Ermeline, et ses enfants,
Malebranche et Percehaye, attendent impatiemment le résultat de son expédition.
2 PRÉPOSITIONS
Replacez dans le t exte les prépositions int ro d u isant les co m p l é m e nts circonstanciels : p o u r,sans
(2 fois), par, en, dans, sur.
5
Renart pénètre …… la cour en quête d’une
proie …… calmer sa faim. Il cherche …… tout
le jardin …… oublier le moindre recoin, mais
…… rien trouver à manger. Il se glisse alors
…… se dissimulant …… le re b o rd de la fenêtre […].
D’après Le Roman de Renart (XIIe-XIIIe siècles), branche Ib,
traduit de l’ancien français par M. de Combarieu du Grès
et J. Subrenat © Union Générale d’Éditions.
3 PROPOSITIONS SUBORDONNÉES
Relevez les propositions subordonnées co n j o n ct ives et précisez leur fonction : complément circo n stanciel de temps, de cause, de conséquence.
a. L’hiver était très froid si bien que le gibier
se faisait rare. b. Lorsque Renart voit arriver la
c h a rrette des marchands, remplie d’anguilles, il
imagine une ruse. c. Comme il avait plus d’un
tour dans son sac, Renart dispose les anguilles
autour de son cou. d. Avant que les marchands
aient eu le temps de le rattraper, Renart était
dans la futaie. e. Une fois que les tisons sont
t r a n s f o rmés en braise, Renart y met les anguilles à griller.
Les fonctions liées au verbe :
sujet, COD, COI, COS
b. Quels différents personnages occupent le devant
de l’a ction par leur fo n ction de sujet ? Agissent- i l s
ou subissent-ils l’action ?
c. Quel personnage est le plus souvent placé dans
la position d’objet ? Dans quelle situation se trouvet-il par rapport au sujet ?
2. O b s e rvez les expressions : lui déchire les oreilles
(l. 7 -8 ) ; quand une chance lui survint (l. 15-16). Dans
laquelle le pronom lui est-il COI ? Dans laquelle estil COS (accompagné d’un autre complément d’o bjet) ? Pour quelle raison ces compléments sont-ils
construits ici sans préposition (à ou de) ?
3. Relevez dans la première phrase une proposition
subordonnée conjonctive complément d’objet.De
quel verbe dépend-elle ?

* L’essentiel
Les fonctions liées au verbe
 Le sujet désigne celui qui fait l’a ction ex p r i-
mée par le verbe (a ge nt) ou celui qui la subit
(p at i e nt) . Le complément d’objet désigne ce
sur quoi ou celui sur qui porte l’a ct i o n.Renart
passe d’une fonction à l’a u t re selon qu’il est
trompeur ou victime.
 On distingue les co m p l é m e nts d’o b j e t
directs, indirects, seconds.
2 LEÇON COMPLÈTE : fiche 26, p. 350
fiche 28, p. 352

* Texte d’observation 2
Renard, « le méchant roux », a mangé Pinçart le
héron et les petits du moineau Drouineau. Ce dernier demande au chien (le dogue) de le venger.
5
10
15
Au bout d’un instant, Drouineau revint dire
au dogue que le méchant roux dormait à l’omb re des roseaux où l’infortuné Pinçart avait
trouvé la mort.
Le mâtin1 s’y rend en toute hâte et, sans donner à Renard le temps de se reconnaître, il l’att a q u e, le mord, le secoue, le piétine, lui déchire
les oreilles, met sa fourrure en guenilles, le roule
p a rmi les pierres aiguës, et le laisse immobile,
ne formant plus qu’une masse de chairs sanglantes et d’os brisés.
Renard pourtant ne succomba point.
Blessé, agonisant, souffrant mille tortures,
privé des consolations de sa chère Ermeline, il
semblait a rrivé au tréfonds du malheur, quand
une chance lui survint. La chèvre Metbé le
recueillit, le pansa et, à l’aide de drogues et de
philtres dont elle avait le secret, le guérit.
Le Roman du Renard (XIIe-XIIIe siècles),
adapté par J. Leroy-Allais © éd. Tallandier.
1. le mâtin : le chien.
1. a. Relevez les sujets et les co m p l é m e nts d’objet
d i re cts des verbes en ve rt et p ré c i s ez leur classe
gra m m at i c a l e. Re l evez un exemple de sujet co mmun à plusieurs verbes.
Illustration (1909) de Benjamin Rabier (1864-1939) pour Le
Roman du Renard, éd. Tallandier, 1999.
∂

* Exercices
4 LES FONCTIONS LIÉES AU VERBE
Ident i f i ez les différentes fonctions grammaticales
du mot Renart : sujet, COD, COI, COS.
a. Renart est torturé par la faim. b. Tibert aperçoit Renart. c. À un détour du chemin, paraît
Renart, maigre et efflanqué. d. Tibert le chat ne
fait pas confiance à Renart. e. Ti b e rt tend un
piège à Renart. f. « Ti b e rt, dit Renart, j’aurai
d’autres occasions de te prendre au piège ».
6 Le Roman de Renart
191
5 COMPLÉMENT D’OBJET, COMPLÉMENT
1. Observez les groupes en orange puis ceux en ve rt.
Quel mot reprennent-ils respectivement ? Citez une
ex p ression qui constitue une reprise partielle du
mot poules et une autre qui en constitue une reprise
to t a l e.
2. Classez les termes de reprise selon leur classe
grammaticale (groupe nominal ou pronom).
3. M o nt rez que les groupes nominaux de reprise
permettentde préciser les re l ations ent re les personnages.
CIRCONSTANCIEL
C l a s s ez les compléments int roduits par les prépositions à ou de selon qu’ils sont compléments d’objet indirect, s e cond ou circonstanciel (pré c i s ez la
circonstance).
a. Renart arrive à l’orée du bois. b. Renart
meurt de faim. c. Il avance d’une allure rapide.
d. La ferme de Constant du Marais re g o rg e a i t
de chapons, de viandes fraîches et salées, de
blé. e. Renart s’empare d’une poule.
f. Chanteclerc se sauve à tire - d ’ a i l e. g. Renart
apporte son butin à Herm e l i n e. h. Après avoir
demandé son chemin aux biches, aux lièvre s ,
aux oiseaux, Brun se trouva, au crépuscule,
devant Maupertuis.

* L’essentiel
Les reprises
 Les reprises ou substituts sont des noms ou
pronoms dont on se sert pour désigner d’une
autre façon un être ou un élément déjà nommé
dans la phra s e.
 Les co nteurs du Roman de Renart u t i l i s e nt
de nombreux termes de reprise, notamment
pour désigner Re n a rt: ils mettent en avant ses
mauvais tours mais ex p r i m e nt aussi la sy mp athie qu’ils lui acco rd e nt. On t ro u ve par
exemple : Ce maître ès ruses (diplômé en ruse) ;
notre chasseur, le rouquin, le fourbe…
2 LEÇON COMPLÈTE : fiche 19, p. 343
6 CONSTRUCTION DES VERBES
Classez les verbes selon qu’ils acceptent un ou deux
complément(s) d’objet direct(s) ou indirect(s).
a. Ysengrin secoue la tête. b. R e n a rt lui jette
de l’eau bouillante sur la nuque. c. Tibert mont re à Renart le chemin. d. Renart vole un chapon dodu. e. Renart échappe à ses poursuivants.
f. Renart se joue de tous.

* Exercices
Les reprises nominales
et pronominales
7 REPÉRER LES REPRISES
 Texte d’observation 3
*Renart s’introduit donc dans l’enclos et s’ap-
5
10
15
proche des poules tout en tendant l’oreille par
peur d’être surpris […]. En voici trois, perchées
sur une poutre qui n’ont plus longtemps à vivre.
Notre chasseur grimpe sur un tas de paille pour
saisir ses victimes entre ses dents, mais ces dern i è re s, sentant bouger la paille, sautent et vont
se tapir dans un coin. Renart les y poursuit, les
accule une par une dans l’encoignure et les
étrangle toutes les tro i s. Les deux pre m i è re s
lui p e rmettent d’avoir sujet de se lécher les babines sur-le-champ, quant à la troisième, il a l’intention de la f a i re cuire. Aussi, comme, après
avoir mangé, il se sent mieux, il entreprend de
sortir de la ferme en l’emportant.
Le Roman de Renart (XIIe-XIIIe siècles), branche IV,
traduit de l’ancien français par M. de Combarieu du Grès
et J. Subrenat © Union Générale d’Éditions.
192
5
Pendant ce temps, Ysengrin menait grand
deuil de ce que1, encore une fois, Renard lui
avait échappé. Jamais sûrement il ne retro u v erait pareille occasion de se débarrasser de lui
sans courir aucun risque. Il se répand en injures et en menaces contre Grimbert2 qui a préparé et favorisé la fuite de ce maudit roux.
Le Roman du Renard (XIIe-XIIIe siècles),
adapté par J. Leroy-Allais © éd. Tallandier.
1. menait grand deuil de ce que : était très mécontent
parce que. 2. Grimbert : le blaireau ami de Renart.
1. À qui les pronoms en vert renvoient-ils ?
2. Relevez le groupe nominal utilisé comme reprise
du mot Re n a rd. Justifiez le choix de cette ex p re ssion.
8 RETROUVER LES REPRISES
Re p l a cez les reprises nominales dans le t ex t e :
Renart, L’ h o m m e, un pays a n, le go u p i l, un énorme
chien, son chien, au mâtin.
5
10
Mais voilà qu’apparaît…… occupé à couper
du bois pour chauffer son four. Il avait avec
l u i…… – un vrai molosse – maigre et famélique, qu’il tenait par une laisse attachée à la
chaîne garnie de petits clous qui lui servait de
collier.……, voyant appro c h e r……, lâche… …
et l’excite de ses cris – spectacle qui est loin de
plaire à… … . […]. Il n’ose ni faire face… …, ni
affronter les représentants du roi qui le serrent
de près, Ta rdif en tête, brandissant l’étendard
royal.
LEXIQUE
11 LE LEXIQUE ANIMALIER
1. Complétez avec le nom de la femelle et des petits.
– La basse-cour était pleine de coqs, de ……
et de …… ; de jars, d’…… et d’…… ; de canards,
de …… et de …… ; de dindons, de …… et de
…….
2. Associez à chaque animal son comportement.
– a. Le coq Chanteclair. b. Le chat Tibert.
c. Beaudoin l’âne du meunier. d. Drouin le moineau. e. Renart. f. Le chien Roonel.
– sautille de branche en branche ; fléchissant
sous sa charge ; s’est tapi dans un coin; se campe
sur ses ergots ; découvre ses crocs ; dort voluptueusement au soleil.
D’après Le Roman de Renart (XIIe-XIIIe siècles), traduit de
l’ancien français par M. de Combarieu du Grès
et J. Subrenat © Union Générale d’Éditions.
ORTHOGRAPHE
12 UNE FIGURE DE STYLE :
2 RÈGLES : fiche 33, p. 359
LA PERSONNIFICATION
9 ACCORDS SUJET/VERBE
2 Fiche 34, p. 362
Ident i f i ez les sujets des verbes puis écrivez les verbes à l’indicatif présent en effe ct u a nt les acco rd s .
a. Voici qu’(arriver) à vive allure des marchands qui (transporter) un chargement de
poissons de mer. b. Noble ordonne à Renart de
comparaître devant le tribunal pour y répondre
des crimes dont l’(a c c u s e r) Brun et Ysengrin.
c. Brun, Ysengrin, Ti b e rt, Tiécelin le corbeau,
Pinte la poule (c r i e r) à tue-tête contre Renart.
d. Renart se dépêche de gagner son château où
l’(attendre) son épouse Hermeline ainsi que ses
trois renardeaux.
CONJUGAISON
2 Fiche 32, p. 358
5
10
C’était au printemps, un matin de mai; Renart
tenait sur ses genoux son fils Rovel que la faim
faisait pleurer à gros sanglots. Alors, son père,
pour le calmer: « Mon cher trésor, je vais chasser dans la forêt de Veneroy pour te chercher à
manger. » Sitôt dit, sitôt fait, le voilà en quête
dans la campagne, reniflant une piste pour attraper de quoi apaiser la faim de son fils, coq, poule
ou oison. C’est toute sa maisonnée qui en a
besoin car le garde-manger est vide et sa femme
est en train d’accoucher.
Le Roman de Renart (XIIe-XIIIe siècles), branche XII, traduit
de l’ancien français par M. de Combarieu du Grès et
J. Subrenat © Union Générale d’Éditions.
1. Relevez les cara ctéristiques humaines de Renart
et de sa famille.
2. Quels éléments permettent de dire qu’il demeure
un animal ? Quel est l’effet produit ?
10 PRÉSENT, PASSÉ SIMPLE
Conjuguez à la troisième personne du singulier et
du pluriel de l’indicatif pré s e nt et passé simple les
verbes ci-dessous. Les sujets en seront : Renart, puis
Renart et Tibert.
– Détaler à l’arrivée des chiens; courir rapidement; s’élancer; faire le guet; apercevoir un paysan au loin; voir une mésange s’envoler; prendre
une andouille ; suivre la lisière du bois.
∂ Illustration (1909) de Benjamin Rabier (1864-1939)
pour Le Roman du Renard, éd. Tallandier, 1999.
6 Le Roman de Renart
193
Évaluation
LECTURE
« Quelle souffrance ! »
25
R e n a rt propose à l’ours Brun de le conduire chez
le charpentier Lanfroi pour y chercher du miel…
5
10
15
20
Ils galopent à bride abattue1 jusqu’au bois de
L a n f roi, où leurs destriers2 s ’ a rrêtent. Lanfroi,
qui vendait du bois, avait commencé à fendre
un chêne, en y enfonçant deux coins3.
« B run, dit Renart, mon cher ami, voici ce que
je t’ai promis. La ruche est là-dedans. Vas-y,
mange ! Après nous irons boire. Tu peux y aller,
tu as trouvé ton bonheur ! »
B run l’ours met son museau et ses deux pattes
de devant dans le chêne, tandis que Renart le
soulève et le pousse. Puis le goupil se re t i re et
l’exhorte4 : « Vilain, dit-il, ouvre la gueule ! Ton
museau y touche presque ! Ouvre la gueule ! »
Il se moque de lui et le roule. Maudit soit-il
toute sa vie, pour la bonne raison que jamais
l’ours n’aurait tiré une goutte de miel de l’arbre,
où il n’y avait ni miel ni rayon5 ! Et pendant que
Brun ouvre la gueule de toutes ses forces, Renart
a empoigné les coins et les a arrachés à grandpeine. Aussitôt la tête et les flancs de Brun re stent coincés dans le chêne. Voilà le malheureux
30
35
40
dans une triste posture : Renart l’a mis dans de
sales draps ! […]
Sur ces entrefaites, survient Lanfroi le fore stier, et Renart détale aussitôt. Quand le vilain
voit l’ours pendu au chêne qu’il devait fendre, il
se précipite vers le village : « H a ro! haro ! criet-il, sus à l’ours! Nous allons pouvoir l’attraper! »
Il aurait fallu que vous voyiez les vilains arr iver, aussi nombreux que des fourmis. L’un porte
un gourdin, l’autre une hache, l’autre un fléau,
l’autre un bâton d’épine. Brun a très peur pour
son échine.
Il entend cet orage approcher et pense qu’il vaut
mieux perdre le museau que se laisser attraper
par Lanfroi, qui arrive en tête avec une hache. Il
tire, tire encore – son cuir se tend, ses veines se
rompent – si fort que le cuir finit par se fendre .
Quelle souffrance! Il en a la tête en bouillie ! Il a
perdu des flots de sang et y a laissé le cuir des pattes et de la tête: jamais on ne vit un tel monstre !
Le sang coule de son museau, et il n’a plus sur le
visage assez de peau pour faire une bourse! Voilà
dans quel état s’enfuit le fils de l’ourse !
Le Roman de Renart (XIIe-XIIIe siècles), branche II, « Renart
et Tiécelin », traduit de l’ancien français
par É. Charbonnier © Librairie Générale Française.
1. à bride abattue: très vite. 2 . destrier : cheval.
3. deux coins : deux pièces de bois qui permettent
de le tenir écarté (voir l’illustration, p. 195).
4. l’exhorte : l’encourage. 5 . rayon: gâteau de cire.
2 Questionnaire
L’action et les circonstances
1. De quelle fa çon Re n a rt t ro m p e - t-il Brun ?
Qu’arrive-t-il à Brun ? (2 points)
2. Relevez :
– deux compléments circonstanciels de lieu liés
au cadre ; (1 point)
– un co m p l é m e nt circonstanciel de manière et
un de moyen, liés à l’action. À quels personnage s
s’appliquent-ils ? (1,5 point)
– deux co m p l é m e nts circonstanciels de t e m p s
liés à la chronologie des actions. (1 point)
Les personnages
3. a. Qui les pronoms personnels en ro u ge (l. 14)
désignent-ils respectivement ? (1,5 point) ?
b. Identifiez la fo n ction de ces pronoms. (3 point s)
En quoi les fo n ctions grammaticales t raduisentelles les relations entre les personnages ? (1 point)
194
4. Relevez deux groupes nominaux par lesquels
le narrateur désigne Brun. Quelle image donnet-il de lui ? (1,5 point)
5. a. Relevez les trois reprises du mot vilain. S’agitil de reprises totales ou partielles ? (1,5 point)
b. À quoi le groupe nominal ce t ora ge (l. 34) re nvo i e - t-il ? Dans quelle situation Brun se trouvet-il ? (1 point)
La visée
6. Concernant le personnage de Brun, relevez les
éléments qui se ré fè re nt au monde animal et
ceux qui se réfèrent au monde humain. Quel est
l’effet produit ? (2 points)
7. Relevez trois commentaires du narrateur. Quel
re ga rd porte-t-il sur Renart ? sur Brun ? À qui sa
sympathie va-t-elle ? (3 points)
ÉCRITURE
SUJET Vous allez raconter une ruse de Renart dont voici la trame que vous devrez étoffer.
Consignes d’écriture
 Situation initiale : Ysengrin est affamé. Re n a rt lui
p ropose d’aller à la ferme : le paysan vient de t u e r
un cochon.
 Lieu : le lardier (pièce où les paysans entreposent
les viandes).
 Actions : Renart pousse Ysengrin à se gaver (luimême ne mange pas car il vient de festoyer). Re n a rt
espère qu’il aura la panse pleine et ne pourra plus
passer sous la palissade (clôture).
Au matin,Ysengrin est coincé. Renart feint de l’aider ;
il le martyrise puis s’en va.
Le paysan survient avec un bâton; il frappe; sa femme
arrive. Apeurée, elle ouvre la porte du lardier.
 Dénouement et situation finale : fuite d’Ysengrin
et fureur de Renart.
Vous introduirez les éléments suivants :
– co m m e nt a i res du narrateur (effets d’annonce,
interventions…) ;
– ident i f i c ation du cadre (de Maupertuis, château
de Renart, à la ferme) ;
– personnification animale ;
– circonstances ;
– dialogue.
Critères de réussite
Vous aurez réussi si :
– la trame de l’histoire a été respectée et étoffée ;
– les reprises nominales et pronominales sont p e rtinentes ;
– le dialogue est correctement introduit ;
– les temps du récit et du dialogue sont co r re ctement utilisés ;
– la visée est respectée.
Quelques mots et expressions…
… pour vous aider à réussir votre rédaction
Le cadre spatio-temporel
Le lexique de la faim et de la nourriture
 Le mois de mai, le début de la belle saison, l’é p o-  Tenaillé, pressé par la faim, efflanqué, a ffaibli,
que où l’on sale les jambons, le jour point (se lève),
au point du jour…
 La tanière, Maupertuis, la lisière de la fo rê t , les
prés, la futaie, un champ labouré sous les ronciers,
le ve rger, le courtil, sous la clôture , le lard i e r, la
ferme.
torturé par la famine.
 Apaiser sa faim, se rassasier, se régaler, être repu,
festoyer, faire bombance.
 Re go rger de vict u a i l l e s,j a m b o n s,h u re (tête),
é c h i n e , pieds de co c h o n s, q u a rtier de porc ,
andouille.
Désignations et caractérisation
des personnages
 Les compères, le vilain.
 Renart le fo u r b e , le ro u é , Renart qui a t a nt de
tours dans son sac, Re n a rt le rouquin, ce diable
de Renart, le glouto n , notre trompeur, Re n a rt qui
n’a pas son pareil pour t romper les ge n s, n o t re
maître ès ruses…
Les interventions du narrateur
 Seigneurs,é co u t ez la triste mésave nt u re arri∂ Illustration (1909) de Benjamin Rabier (1864-1939)
pour Le Roman du Renard, éd. Tallandier, 1999.
vée à Ysengrin ! Écoutez la bonne farce de Re n a rt!
Voici Ysengrin dans de beaux draps !
6 Le Roman de Renart
195
Autres lectures
Catherine Missonnier,
Une saison avec les loups (2002).
Voici un extrait du roman.
La mère de Clément est biologiste, elle étudie le comportement des
loups dans les Alpes de Haute-Provence. Ce jour-là, partie avec
son fils Clément, elle aperçoit à la jumelle une louve blessée.
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– Elle laisse une traînée de sang derr i è re elle. Elle doit être
mal en point pour se déplacer si lentement. Jamais elle n’aurait dû rester si près de nous lorsque nous sommes montés
jusqu’ici. Dans son état normal, elle aurait filé depuis longtemps.
– En laissant les petits ?
– Elle serait revenue les retrouver plus tard pour les déplacer vers un endroit plus sûr. Seulement là, elle n’y parv i e ndra pas.
– Elle va rester avec eux, alors ? s’inquiète Clément.
Que les agneaux de Jean-François1 se fassent dévorer par les
loups ne le dérange pas, mais que les louveteaux, encore aveugles, soient abandonnés par leur mère lui est insupportable.
– Sans doute, mais je ne sais pas si elle pourra les nourrir longtemps. Sa blessure peut s’infecter
et, surtout, elle aura du mal à descendre boire au torrent. Si elle ne boit pas, elle n’aura plus de lait.
– Ils vont mourir ?
– J’en ai peur. […]
– Si on lui apportait à boire, nous ? propose-t-il.
Catherine Missonnier, Une saison avec les loups (2002) © éd. Gallimard Jeunesse.
1. Jean-François : un éleveur de brebis, avec qui la mère de Clément s’est remariée.
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Tenir son carnet de lecture
Le narrateur, le cadre
Le récit animalier
1. À quelle personne le narrateur mène-t-il le récit ?
2. Dans quelle partie de la Fra n ce l’a ction se
déroule-t-elle ? Re l evez quelques brefs passage s
qui décrivent le cadre de l’action.
5. Re l evez des ex p ressions qui caract é r i s e nt les
loups et les louveteaux.Les loups sont-ils personnifiés ou ont-ils leur statut d’animal ?
6. Quelles info r m ations ce roman co nt i e nt- i l
concernant les loups d’une part , la vie des éleveurs
d’autre part ?
7. a. Quel problème le roman pose-t-il ?
b. Quelle image est donnée du loup ?
L’histoire, les personnages
3. Quel est le thème du roman ? Résumez en quelques phrases l’histoire racontée.
4. a. Qui est le personnage principal ? Co m m e nt
sa passion pour les loups se manifeste-t-elle ?
b. Citez quelques autres personnages. Quel rôle
jouent-ils dans l’action ?
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Votre jugement
8. S é l e ct i o n n ez un passage que vous avez particulièrement aimé. Ré s u m ez-le ou re co p i ez-le et
dites en quoi il vous a paru fort.
9. Ce roman vous a-t-il plu ? En conseilleriez-vous
la lecture ? Justifiez votre réponse.
CHOISIR UNE AUTRE LECTURE
Si vous aimez les aventures de Renart…
Il existe de multiples éditions du Roman de Renart :
co l l e ctions « Livre de poche », « Classiques Hatier »,
éditions Librio…
 « Re n a rt et Chantecler » : Renart at t rape le coq
Chantecler, il est poursuivi par les paysans.
« Re n a rt et Ti b e rt le chat » : Re n a rt tente de fa i re
tomber Tibert dans un piège.
« Renart,Tibert et l’andouille »: qui réussira à emporter l’andouille ?
« Re n a rt et le corbeau Ti é ce l i n » : Re n a rt essaie de
s’e m p a rer du fromage de Ti é ce l i n , il vo u d rait bien
prendre aussi le corbeau.
« Re n a rtet les anguilles »: Re n a rtrencontre des marchands qui t ransportent des poissons sur une charrette. Il imagine une ruse pour voler les poissons.
« Le puits » : Renart tombe dans un puits ; pour en
s o rtir il imagine une ruse
dont Ysengrin pourrait ê t re
la victime.
« Re n a rt e t les jambons » :
Renart est malade, il se rend
c h ez Ysengrin et a p e rço i t
trois jambons suspendus.
« Re n a rt teinturier » : Renart
tombe dans une cuve de
teinture jaune.
« Re n a rt médecin » : Re n a rt
se fait passer pour un médecin.
« La mort de Re n a rt»: Re n a rt
fait croire qu’il est mort.
Si vous aimez
les récits animaliers…
 Louis Pe rga u d , De Goupil à
Margo t (1910, éd. Gallimard) : Louis
Pergaud re p rend les ave nt u res de
Renart et leur invente une fin.
 James Olivier Curwood, Le Grizzly
(1916, éd. Hachette Jeunesse) : l’histoire d’un ourson orphelin, Muskwa.
 Jack London, L’Appel de la fo rê t (1903) : l’histoire du
chien Buck volé puis vendu comme chien de t ra îneau ; C roc Blanc (1906) : dans le Grand Nord sauva ge et glacé, un jeune loup apprend à lutter pour
la vie.
 Michael Morpurgo, Le Secret du renard (1984, éd.
Po c ke t Jeunesse) : Billy Bunch, e n fa nt abandonné,
prend en charge quatre renardeaux orphelins.
 Alain Surget, Le Re n a rd de Morlange (1995, éd.
Nathan Jeunesse): au Moyen Âge,le seigneur Renaud
de Morlange humilie ses pays a n s, sa fa m i l l e. Un
ermite qu’il a insulté le condamne à se t ransformer
en renard à chaque pleine lune…
 Allan W. Ec ke rt , La Renco nt re (2000, éd. Hachette
Jeunesse) : le petit Ben Donald s’est p e rdu dans la
prairie américaine, il part a ge la vie d’une femelle
blaireau à laquelle il s’attache.
 J. Kessel, Le Lion (1958) : au Ke nya, l’histo i re d’une
amitié entre un lion et une petite fille ( © ex t ra i t ,
p. 248).
MÉTHODE
Préparer un dossier sur un animal
1. Vous allez constituer un dossier sur l’animal dont
vous avez lu les avent u re s . Le dossier co nt i e n d ra
deux parties :
– une partie document a i re avec une fiche d’identité sur l’animal: physique, habitat, nourriture, mode
de vie, reproduction, comportement… ;
– une partie re nvoya nt au personnage de l’animal
tel qu’il appara î t dans la fiction : vous re co p i e rez
quelques passages qui le décrive nt puis vous ré s umerez en quelques lignes ses aventures.
2. Vous illustre rez vo t re dossier par des dessins ou
des illustrations que vous aurez photo copiées et
que vous légenderez.
3. Vous soignerez la mise en page , i nt roduirez des
encadrés.
6 Le Roman de Renart
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