Télécharger le PDF (103 Ko)

Transcription

Télécharger le PDF (103 Ko)
1
Séquences en arts plastiques. Promenade littéraire dans la lande
du Cotentin
Par Cécile Carpéna.
Inscription de la séquence dans le cadre du programme de première
Spécialité arts plastiques : L’œuvre et le lieu
1- Le lieu imaginé
Mes collègues de français et de géographie m’ont proposé le projet interdisciplinaire autour de la
lande de Barbey d’Aurevilly car une majorité des élèves de la classe étaient en spécialité arts
plastiques. En relation avec les programmes d’arts plastiques de première « L’œuvre et le lieu », j’ai
choisi d’aborder un travail sur le lieu imaginé, avant la promenade dans la lande, en m’appuyant
sur les premières lectures des élèves.
J’ai choisi l’expérimentation du cliché-verre, selon la technique de Jean-Baptiste Camille Corot
(1796-1875), dans le laboratoire photo de la salle d’arts plastiques, afin de faire découvrir aux élèves
une technique peu connue datant du XIXe siècle.
Une définition de cette technique
La technique du cliché-verre est un procédé d’impression par les moyens photographiques. Elle
consiste à tracer un dessin sur une plaque de verre recouverte de peinture ou d’encre à l’aide d’une
pointe, d’un chiffon ou de tout autre outil. On pose ensuite la plaque comme une sorte de négatif
sur une feuille papier photosensible qui, après exposition, sera développée comme une
photographie ordinaire. Le tirage est obtenu par l’action de la lumière qui passe à travers le verre et
marque le papier sensible, qui est ensuite révélé et fixé.
L’invention du cliché-verre est liée à la découverte de la photographie dans les années 1840. Corot
découvrit ce procédé lors d’un voyage à Arras en 1853, et il réalisa plus de soixante clichés-verre sur
une vingtaine d’années. Cette technique, qui permet une grande variété d’effets, est assez proche de
l’estampe et de la gravure, plus difficile à contrôler mais aussi plus surprenante et plus riche.
Les élèves ont donc expérimenté et découvert les richesses de cette technique, à l’heure où les
photos numériques commencent à faire oublier le développement en laboratoire des photos
argentiques.
________________________________________________________________________________________
Site Présence de la littérature - Dossier Barbey d’Aurevilly © SCÉRÉN-CNDP, 2009
2
2- Le lieu figuré
Suite à ce premier travail sur « le lieu imaginé » a eu lieu la promenade littéraire dans la lande de
Saint-Sauveur-le-Vicomte, sous la houlette de Marie-Odile Laisné. J’ai exploité une autre
technique, elle aussi menacée de tomber en désuétude : le carnet de voyage, le croquis et
l’aquarelle. Lors de la promenade, chaque élève avait son carnet, un crayon et une petite boîte
d’aquarelle et, tout en prenant des notes à l’écoute de Marie-Odile Laisné, croquait au hasard
quelques détails du paysage, flore, ruine, silhouettes. À la pose de midi, les élèves ont expérimenté
le travail in situ : croquis, dessins, aquarelles, photographies, observation du site, notes sur le motif
et sur la manière de représenter le paysage en perspective et la technique de l’aquarelle.
Cette étape a pu être mise en relation avec le travail mené en géographie pour faire percevoir aux
élèves les différents types d’approche d’un paysage : le lieu figuré et ses multiples représentations
bidimensionnelles, graphiques, picturales et photographiques, le lieu représenté par des
géographes et par des artistes.
3- Découverte des gravures de Félix Buhot et de la technique de la gravure au musée
des Beaux-Arts de Caen
Cette troisième étape constituait l’approche culturelle fondée sur la pratique artistique (l’approche
artistique nourrit la pratique par la prise en compte de repères culturels examinés sous l’angle de la
continuité, de l’évolution, de la rupture, de la citation).
Une visite au musée des Beaux-Arts de Caen a permis aux élèves de découvrir les gravures de Félix
Buhot (1847-1898) :
Félix Buhot est un peintre de paysages, aquafortiste, illustrateur ; il est l’auteur d’illustrations de
romans
de
Barbey
d’Aurevilly,
dont
L’Ensorcelée,
roman
étudié
par
les
élèves.
Dès 1872, Félix Buhot montre un très fort intérêt pour la gravure originale, il défend en effet une
gravure réalisée par le peintre lui-même et non par un artisan graveur. Il sent cette technique
menacée par l’industrialisation due aux progrès de la photogravure. [Nous avons vu précédemment
la tentation de Jean-Baptiste Corot pour les nouvelles techniques !]
Félix Buhot mènera de front la gravure à l’eau-forte, le dessin, la gouache et l’aquarelle –
techniques qu’il enrichira par ses recherches techniques, avec entre autres les variations
provoquées
par
les morsures de l’acide dans
les
bacs
où il plonge ses plaques.
Le travail d’aquafortiste de Félix Buhot est avant tout un travail de peintre recherchant les nuances
et les variations infinies du noir et blanc, mais aussi les richesses de la couleur. Tel un peintre, il
s’attache aux effets de lumière, de clair-obscur, en s’exprimant directement sur la plaque et en
recherchant la liberté créative du peintre, sans essayer de transposer un dessin existant. Son travail
________________________________________________________________________________________
Site Présence de la littérature - Dossier Barbey d’Aurevilly © SCÉRÉN-CNDP, 2009
3
évolue au fur et à mesure des différents états et tirages, les expérimentations techniques avec
l’acide lui permettent d’obtenir une œuvre unique. Félix Buhot porte également une attention
particulière aux tirages qu’il effectue sur des supports variés comme des papiers anciens, des
papiers japon ou hollandais.
Il aborde la gravure avec une certaine spontanéité qui n’exclut pas une conception aboutie, c’est
pourquoi on peut situer son œuvre dans la lignée romantique, selon ses variations infinies sur un
thème dans une veine fantastique mêlée d’une expression intense, avec de violents contrastes
opposant des effets d’ombres et de lumière.
Mais Félix Buhot se situe aussi dans la lignée impressionniste par son rendu immédiat de la
lumière et son travail de coloriste à la recherche des impressions fugitives.
Dans l’atelier du musée, les différentes techniques et procédés de la gravure ont été présentés aux
élèves : gravure en taille-douce : gravure en creux sur métal (burin, pointe sèche, manière noire,
eau-forte, aquatinte, vernis mou).
Gravure en taille-douce : gravure en creux sur métal
Dans la gravure en taille-douce, le trait est creusé dans le métal. Le métal utilisé le plus souvent
pour la plaque gravée est le cuivre rouge, mais également l’acier, le zinc, le laiton et l’étain.
Pour la gravure en taille-douce, il existe deux types d’interventions différentes. La première est de
graver directement sur la plaque (burin, pointe sèche, manière noire) alors que la seconde nécessite
l’intervention d’un procédé chimique (eau-forte, aquatinte, vernis mou).
Burin
La plaque est ici directement attaquée par l’outil, une tige de métal affûtée et montée dans un
pommeau en bois que l’on pousse avec le creux de la main. Le burin extrait donc du métal de la
plaque sous forme de copeau… Tout relief (barbe) doit être éliminé par un grattoir, un brunissoir
ou par ponçage. À l’impression, le trait gravé au burin est net et précis.
Pointe sèche
La plaque est ici directement gravée avec une pointe d’acier effilée que l’on tient comme un crayon.
Le métal de la plaque n’est pas retiré ici comme avec la gravure au burin, mais soulevé en un rebord
appelé « barbe ».
À l’impression, cette barbe retient l’encre et donne au trait un aspect moelleux tandis que si on la
retire, le trait est plus franc. Avec un tirage important, les manipulations et la pression peuvent
écraser le relief de la barbe et supprimer son effet spécifique.
Manière noire
________________________________________________________________________________________
Site Présence de la littérature - Dossier Barbey d’Aurevilly © SCÉRÉN-CNDP, 2009
4
À l’inverse de la pointe sèche où le tracé du dessin va du blanc au noir, la manière noire va du noir
au blanc. Sur une plaque dépolie, le graveur fait pénétrer les dents du berceau (instrument semicirculaire dont la lame rainurée se termine par de nombreuses petites dents). La surface irritée de
petits creux et reliefs retient alors l’encre… ce qui donnera un noir profond, velouté.
Eau-forte
L’eau-forte est un procédé chimique. Après avoir recouvert la planche de métal (zinc, cuivre ou
acier) d’un vernis dur résistant à l’acide, l’artiste trace son dessin à l’aide d’une pointe qui enlève ce
vernis et met le métal à nu.
La planche est ensuite plongée dans un bain d’acide qui mord le métal partout où la pointe l’a mis à
nu. La profondeur de la morsure est contrôlée par la durée de l’immersion dans l’acide, cette
profondeur déterminera le trait et, avec l’encre, donnera des noirs ou des gris selon ces creux.
La morsure terminée, la plaque est encrée, dégrossie avec de la tarlatane, puis nettoyée avec la
paume de la main afin que l’encre ne reste que dans les creux.
L’artiste pose ensuite la plaque sur le plateau de la presse, pose une feuille humidifiée (pour rendre
le papier plus souple) et fait passer le tout sous le rouleau de la presse (pression 300 kg/cm2).
Aquatinte
Ce procédé de gravure en taille-douce à l’acide est utilisé pour créer des gammes de tons et rendre
les teintes par surfaces.
L’essentiel du dessin est préalablement gravé à l’eau-forte. La plaque est recouverte d’une fine
poudre de résine de pin (colophane) que l’on fait adhérer à la plaque en la chauffant. L’acide
attaque la plaque entre les grains de résine qui eux résistent à la morsure. Avant l’ancrage, la résine
est enlevée avec de l’alcool. C’est la finesse de cette granulation qui donnera la finesse des nuances.
Ce procédé est fréquemment employé pour la gravure en couleur.
Vernis mou
Procédé de gravure à l’acide qui ne durcit jamais grâce au suif et à la vaseline qui entrent dans sa
composition. Cette technique permet d’obtenir aussi bien la trace du geste que l’empreinte d’une
matière ou texture.
Sur une plaque dégraissée, chauffée à 60°, le vernis fond et s’étale à l’aide d’un rouleau ou d’un
tampon.
Le dessin peut être direct avec un outil (crayon ou craie), ou indirect avec un papier sur lequel on
dessine.
La méthode de l’empreinte est possible en appliquant certaines textures (feuilles, plumes,
dentelles, textiles…). La plaque ainsi dessinée sera plongée dans un bain d’acide faible pour éviter
de faire fondre le vernis.
________________________________________________________________________________________
Site Présence de la littérature - Dossier Barbey d’Aurevilly © SCÉRÉN-CNDP, 2009
5
Dans l’atelier de gravure du musée, les élèves ont réalisé une gravure à la pointe sèche sur Rhodoïd,
puis encré la plaque avec de la tarlatane, placé la plaque sur le plateau de la presse, positionné pardessus une feuille humidifiée (pour rendre le papier plus souple) et fait passer le tout sous le
rouleau de la presse.
Cette expérience pluridisciplinaire s’inscrivait donc parfaitement dans les programmes de
l’enseignement des arts plastiques en classe de première, spécialité, ainsi qu’ils sont définis dans
les programmes du BO n° 3 du 30 août 2001.
Extraits du BO Hors série n° 3 du 30 août 2001
L’enseignement des arts plastiques a pour principe, en première comme en seconde, l’articulation de la
pratique plastique à la culture artistique. Il se fonde sur les formes artistiques léguées par l’histoire et
enrichies par celles qui sont apparues au XXe siècle.
Au sein de la série littéraire, l’enseignement obligatoire d’arts plastiques est pensé comme un enseignement
fondamental, en étroite relation avec les lettres, les langues et les sciences humaines. Il participe à la
formation générale de l’élève, en fondant sur la pratique l’acquisition de savoirs et de savoir-faire.
Les objectifs de cet enseignement sont d’expression, de culture et de réflexion critique. L’élève est engagé
dans la série littéraire du cycle terminal : son goût, son intérêt pour les questions littéraires, culturelles et
artistiques se manifestent au lycée et hors du lycée.
Le programme vise à ce que se construisent harmonieusement et en interaction :
- une expression singulière dans une pratique gagnant en maturité, informée de l’art d’aujourd’hui et nourrie
de la connaissance et de la diversité des œuvres apparues dans l’histoire ;
- une culture artistique ouverte à l’interdisciplinarité.
L’enseignement des arts plastiques à ce niveau vise à doter l’élève des moyens :
- de comprendre le sens et la portée des œuvres ainsi que la nature et la diversité des démarches artistiques ;
- d’engager une réflexion sur le statut de la technique dans l’expression artistique ;
- de s’interroger sur les conditions et les enjeux de la création artistique dans des contextes historiques et
culturels précis.
La composante pratique
Par un développement de sa pratique, l’élève est amené à une meilleure maîtrise de ses moyens d’expression
personnels. Il repère et met en jeu différentes approches, différents codes plastiques (figuratifs ou non),
découvre leur champ de validité et leurs limites. En fonction des situations d’enseignement, le travail porte
sur :
a) les constituants plastiques et leur mise en relation :
- les différents modes de représentation et de construction de l’espace ;
________________________________________________________________________________________
Site Présence de la littérature - Dossier Barbey d’Aurevilly © SCÉRÉN-CNDP, 2009
6
- le rôle propre de la couleur : spatial, expressif, symbolique ;
- l’incidence du geste, du médium : trace, signe, facture.
b) le rapport au référent :
- les questions de la « mimesis », de l’abstraction, de la représentation/présentation ;
- l’intrusion du réel dans l’œuvre : le collage, le montage, l’assemblage.
LA PRATIQUE ARTISTIQUE
La pratique de l’élève, à travers des médiums diversifiés, porte sur les diverses acceptions et réalité du lieu :
le lieu figuré, le lieu comme espace à investir, le lieu imaginé et/ou construit.
– Le lieu figuré : représentations bidimensionnelles (graphiques, picturales, photographiques) ou
tridimensionnelles du paysage et de l’architecture (maquette, assemblage, sculpture) ; vues d’intérieur et
d’extérieur ; espaces de passage et de transition (thèmes de l’escalier, du palier, de la fenêtre…) ; avec les
incidences propres au cadrage et au point de vue choisis.
– Le lieu comme espace à investir : espace de la réalisation (support) ; espace réel troublé ou modifié par la
présence d’œuvres (espace même de l’établissement scolaire, espace privé et espace public).
– Le lieu imaginé et/ou construit : décor éphémère ; espace scénographique ; espace immatériel ou virtuel
(images vidéo et numérique).
À cette occasion, l’élève est conduit à entreprendre des réalisations individuelles ou collectives
bidimensionnelles, en volume ou dans l’espace, à explorer des techniques, des procédés traditionnels ou
récents.
L’APPROCHE CULTURELLE
Elle se fonde sur la pratique artistique qu’elle nourrit à son tour grâce à la prise en compte obligatoire de
quelques repères culturels importants, examinés sous l’angle de la continuité, de l’évolution, de la rupture, de
la citation.
Le professeur choisit d’approfondir deux questions au moins parmi les trois suivantes : le lieu figuré ; le lieu
comme espace à investir ; le lieu imaginé et/ou construit.
________________________________________________________________________________________
Site Présence de la littérature - Dossier Barbey d’Aurevilly © SCÉRÉN-CNDP, 2009

Documents pareils