Autorité parentale – réponse à la procédure de consultation
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Autorité parentale – réponse à la procédure de consultation
Département fédéral de Justice et Police Madame la Conseillère fédérale Eveline Widmer-Schlumpf Office fédéral de la justice Palais fédéral 3003 Berne 25 mars 2009 Procédure de consultation Autorité parentale – révision du code civil et du code pénal Madame la Conseillère fédérale Mesdames et Messieurs Vous nous avez invité à participer à la procédure de consultation relative à la révision du code civil et du code pénal et nous vous en remercions. Notre association faîtière Pro Familia Suisse s’est penchée sur le sujet de l’autorité parentale dès 2007, suite à la prise de position du Conseil national. Les nombreuses organisations membres de notre association ont soumis leurs réflexions à notre comité directeur. Le comité directeur vous soumet donc ses réflexions. Les organisations membres de notre association faîtière et directement touchées par votre projet compléteront nos réflexions dans leurs prises de position spécifiques. Remarques générales Depuis plusieurs années déjà certaines organisations de pères ont soulevé la nécessité de revoir la question relative à l’octroi de l’autorité parentale. Suite à un postulat accepté par le 2 Autorité parentale – réponse à la procédure de consultation Conseil national, ces organisations ont présenté leurs propositions et leurs revendications. Le Conseil fédéral a repris un certain nombres des arguments pour justifier sa démarche. A la lecture du rapport nous constatons que le Conseil fédéral ne tient pas assez compte des résultats des différentes études scientifiques, études qu’il a partiellement lui-même initiées. Ainsi les résumés qu’il présente de son rapport (cf. pt. 1.3.3. et 1.3.4.) ne permettent pas une réflexion approfondie sur la question centrale dans ce débat de l’autorité parentale. Au centre de ce débat se trouvent premièrement le bien-être de l’enfant et deuxièmement la responsabilité, c’est-à-dire non seulement les droits et mais aussi les devoirs, des parents. 1. Le bien être de l’enfant Il est intéressant de relever que dans le chapitre relatif au bien-être de l’enfant, les auteurs du rapport renoncent à formuler des considérations spécifiques relatives à l’enfant et à son bien-être. Bien plus, ils soulèvent l’actuelle inégalité de traitement des parents en cas de séparation et de divorce. Or l’inégalité en tant que telle n’est pas obligatoirement contraire au bien-être de l’enfant. Sans approche conceptuelle, il n’est pas possible de dégager une solution adéquate pour régler l’autorité parentale. Or l’autorité parentale est un ensemble de droits et d’obligations qui touche les sphères très différentes de la vie d’un enfant. Les parents ont l’obligation d’accompagner l’enfant et de se mettre d’accord sur des domaines aussi variés que sont l’éducation, y compris l’éducation religieuse, la formation professionnelle, le lieu d’habitation ou l’organisation des loisirs, y compris le choix des activités sportives et musicales. En omettant d’entendre la voix de l’enfant, en omettant de placer l’enfant au centre du débat, il n’est pas possible de promouvoir une solution satisfaisante. Nous attendons du Conseil fédéral que le message qu’il formulera à l’intention des chambres fédérales contiennent une analyse spécifique et détaillée sur le bien-être de l’enfant. Ce chapitre sera d’importance, si le législateur entend donner au juge la compétence de reconnaitre ou de décider l’octroi de l’autorité parentale en fonction de l’intérêt de l’enfant. Nous vous invitons, dans ce contexte, à prendre connaissance de l’analyse détaillée présentée par trois membres de notre association faîtière, à savoir la fondation suisse pour la protection de l’enfant (Positionspapier Stiftung Kinderschutz Schweiz, février 2009), la fédération suisse des familles monoparentales (Lettre et rapport à Mme la CF WidmerSchlumpf du 19 septembre 2008 et rapport du mois de décembre de la même année) et 3 Autorité parentale – réponse à la procédure de consultation l’association Männer.ch et demandons que leurs réflexions soient intégrées dans le message au Parlement. 2. La responsabilité des parents Lorsque des adultes décident de devenir parents, ils acceptent les droits et les obligations qu’impliquent leur choix. Ces obligations ne font dans notre société l’objet de discussions et de controverses que lorsque les familles font face à des problèmes spécifiques et que les autorités communales ou scolaires sont appelées à intervenir. Les parents, lors de leur choix de vie, ne sont pas systématiquement rendus attentifs à ces obligations, partiellement même non codifiées et pourtant décisives pour garantir le bien-être de l’enfant. Il est opportun de se demander si les droits et les obligations des parents à l’égard de leurs enfants ne devaient faire l’objet d’une convention entre les parents à la naissance de l’enfant. Aujourd’hui les couples consensuels ont la possibilité par voie d’une convention spécifique de préciser les engagements des parents à l’égard de leurs enfants. Une déclaration signée par les deux parents avant la naissance ou au plus tard lors de la naissance de l’enfant et renouvelée à la naissance de chaque enfant, contribue fortement à une prise de conscience des obligations et des droits des deux parents. Cette déclaration a un effet sur la situation de l’enfant, lorsque le couple se trouve confronté à la séparation ou au divorce. Nous attendons du législateur qu’il introduise l’obligation pour tout parent, indépendamment de l’état civil, de signer une déclaration à la naissance de l’enfant, déclaration précisant les engagements commun des parents pour garantir le bien-être et l’épanouissement de l’enfant. Nous sommes convaincus qu’une telle déclaration est un apport important pour l’entité familiale, les parents s’engagent en tant que parents et cela à une période radieuse de leur vie, elle renforce les liens des parents et a des répercussions positives pour la gestion de conflits ultérieurs. Les parents lorsqu’ils choisissent de se séparer restent parents et ne peuvent se défaire de leurs obligations à l’égard de leurs enfants. Il est incontestable que tout enfant à le droit de rester en étroit contact avec son père et sa mère, même si ceux-ci ne partagent plus le même domicile. Une séparation, un divorce représente pour l’enfant une rupture difficile et une remise en question de sa vie quotidienne. Afin de faciliter le changement qu’imposent les adultes à leurs enfants, il est indispensable de rappeler aux adultes les responsabilités et les obligations qu’ils ont à l’égard de leurs enfants. 4 Autorité parentale – réponse à la procédure de consultation Ces obligations sont de diverses natures: • premièrement, l’épanouissement émotionnel et affectif d’un enfant dépend de la qualité des contacts qu’il peut entretenir avec le parent séparé. Les parents ont donc l’obligation de faciliter les contacts avec leurs enfants communs. • Deuxièmement, le bien-être de l’enfant dépend de la qualité de vie quotidienne, aussi importe-t-il que les parents garantissent à l’enfant un niveau de vie lui permettant son développement. Ceci implique l’obligation d’assurer les frais d’entretien et de verser mensuellement des pensions alimentaires suffisantes pour éviter à l’enfant de devoir vivre dans la précarité. Troisièmement, le couple en cas de séparation et de divorce a l’obligation de ne pas impliquer émotionnellement l’enfant dans une rupture qui touche un conflit entre adultes. Le couple ne peut lors d’une dissolution se défaire de ses responsabilités de parents. 3. Egalité des parents Les adultes doivent pouvoir s’impliquer en tant que parents à parts égales ou selon les règles approuvées entre eux aussi après leur séparation, car ils restent parents, seul le couple est dissous. La reconnaissance de l’autorité parentale conjointe peut renforcer la responsabilité des deux parents et les obligent à se mettre d’accord sur les points indispensables garantissant à l’épanouissement de l’enfant. Toutefois ce principe ne peut valoir que pour les couples qui sont en mesure de tenir les enfants à l’écart des conflits du couple. Aussi est-il judicieux de renoncer à l’automatisme et de solliciter dans un premier temps si nécessaire l’avis du médiateur / de la médiatrice avant d’obtenir dans un deuxième temps l’aval du juge pour garantir le bien-être de l’enfant. Le couple doit pouvoir certifier qu’il s’engage • à garantir l’épanouissement physique et psychique de l’enfant, • à respecter l’avis de l’enfant (audition obligatoire de l’enfant et respect des droits établis dans la convention internationale des droits de l’enfant), • à contribuer aux frais d’entretien, à maintenir un contact régulier et librement choisi • et à régler les points cruciaux, en particulier le choix du domicile de l’enfant. Nous sommes persuadés que l’instance de médiation peut jouer un rôle important dans la formulation d’une convention. Son rôle peut de plus être renforcé en période de séparation 5 Autorité parentale – réponse à la procédure de consultation puisqu’il intervient à une période de réorganisation de la vie familiale – il lui incombera de négocier les points essentiels cités ci-dessus. Le maintien de l’autorité parentale conjointe rappelle au couple en période de séparation, que chacun d’eux reste parent. Toutefois la reconnaissance de l’égalité en tant que parent ne peut être que le résultat de l’engagement pris par les parents dès la naissance, engagement qui aura pour la communauté familiale aussi un impact positif lors de la séparation du couple, car l’enfant profitera de l’engagement des deux parents en période de séparation. 4. Révision du code civil et pénal Art. 133 et 298 du code civil L’introduction du principe de l’autorité parentale conjointe ne doit pas relever d’un automatisme. Le bien-être de l’enfant doit être pris en compte et l’enfant doit avoir la possibilité d’être représenté par un avocat pour enfant ou être directement entendu par un juge spécialisé. Nous saluons par ailleurs l’égalité de traitement entre parents non mariés et parents séparés ou divorcés. Art. 134b du code civil Le projet de loi prévoit d’instaurer le principe de l’autorité parentale conjointe comme règle, pour autant que le bien-être de l’enfant puisse être garanti par un juge. Or depuis l’instauration des tribunaux de la famille, il est indispensable de préciser dans le projet de loi qu’il incombe aux juges spécialisés dans les causes relevant du droit du mariage, du droit du divorce et du droit de la filiation de se prononcer et non pas aux juges des tribunaux ordinaires. Nous attendons donc du législateur fédéral qu’il exige des cantons que cette procédure relève d’un tribunal de la famille et non pas des tribunaux ordinaires. Par ailleurs nous ne jugeons pas opportun de conférer certaines compétences en la matière aux autorités tutélaires alors que d’autres relèvent de la compétence d’un juge. Nous estimons qu’il est indispensable de permettre à l’avenir exclusivement aux médiateurs et aux tribunaux de la famille le droit de statuer et de régler les questions relatives aux enfants. Art. 220 du code pénal Cette nouvelle norme pénale ne tient aucunement compte de l’effet que son application aurait sur le bien-être de l’enfant et sur sa capacité de maintenir un contact avec le parent irrespectueux des règles fixées lors de la séparation ou du divorce. Si un parent devait être 6 Autorité parentale – réponse à la procédure de consultation sanctionné pénalement parce qu’il empêche l’enfant d’entretenir des contacts avec son père ou sa mère, le législateur devrait également prévoir une sanction pénale conséquente pour le parent refusant d’exercer son droit de visite et empêchant par conséquent l’enfant d’entretenir des contacts avec lui. La référence faite à l’article 219 CP est en l’occurrence insuffisante, car il appartiendrait soit à l’enfant soit à son représentant légal de prouver que la violation du devoir d’assistance ou d’éducation affecte son développement physique et psychique. Or de toute évidence un parent refusant d’exercer ses obligations, plus particulièrement son droit de visite devrait être sanctionné de la même manière qu’un parent refusant à l’enfant le contact avec l’autre parent. Nous estimons toutefois qu’une sanction pénale contribue plus à la détérioration des liens familiaux qu’à l’instauration d’un climat de négociation propice au respect, raison pour laquelle nous ne pouvons souscrire à cette nouvelle norme pénale. Nous vous remercions de la bienveillante attention que vous vouez à nos remarques et vous prions d’agréer, Madame la Conseillère fédérale, Mesdames et Messieurs, nos salutations distinguées. PRO FAMILIA SUISSE Le Président Laurent Wehrli La directrice Lucrezia Meier-Schatz, CN