economie des dispositifs de lutte contre le telechargement illegal
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ECONOMIE DES DISPOSITIFS DE LUTTE CONTRE LE TELECHARGEMENT ILLEGAL ANNEXES ANNEE 2012 Éléments d'information sur quelques exemples étrangers de lutte contre le téléchargement illégal et les mesures techniques de gestion numérique Annexe 1 Les Etats-Unis : Jusqu’en 2008, les sociétés de perception et de répartitions des droits (SPRD) américaines (principalement la RIAA – Recording Industry Association of America – et la MPAA – Motion Picture Association of America –) avaient des stratégies divergentes entraînant des coûts financiers distincts : Alors que la MPAA menait une politique de prévention et de multiplication de l’offre légale, la RIAA, représentant l’industrie de la musique, privilégiait les recours devant les tribunaux contre les téléchargeurs de contenus protégés. Au total, sur l’année 2010, près de 100 000 internautes ont été poursuivis et seize millions de dollars d’honoraire d’avocats (12,5 millions d’euros) ont été dépensé par la RIAA en 2008 pour conduire ses procès contre les internautes indélicats. Ce chiffre est à rapprocher du montant global des compensations financières accordées par les juges à savoir trois cent quatre-vingts dix mille dollars. En 2007, les 25 millions de dollars dépensés en frais d’avocats lui avaient rapporté 516 000 dollars. Face à ces chiffres, l’opinion publique américaine n’a pas toujours compris cette stratégie notamment devant le cas de Jammie Thomas-Rasset, condamnée en première instance à payer une amende de près de 2 millions de dollars pour avoir partagé sur internet 24 chansons. Depuis 2009, les SPRD (sociétés de perception et de répartition des droits) américaines privilégient les accords à l’amiable, avant d’entamer l’arsenal répressif devant les tribunaux. Les avocats de ces sociétés envoient des courriers aux internautes qu’elles suspectent de télécharger illégalement afin de leur proposer un abandon des poursuites en échange du paiement d’une somme transactionnelle comprise entre 3 000 et 5 000 dollars (2 300 à 3 900 euros). Par ailleurs, cette lutte se concentre d’avantage sur les « uploaders » (internautes proposant un contenu protégé) que sur les « downloaders » (internautes qui téléchargent un contenu protégé) occasionnels. La RIAA a également investi un peu plus d’un million de dollars afin de soutenir le projet de loi « PIPA » et 536 000 dollars pour le « SOPA ». Par ailleurs, le Movie labs oriente ses actions sur les moyens de stopper les enregistrements des caméscopes dans les cinémas grâce à des systèmes de repérages ou à des fonctionnalités d’empêchement d’enregistrement. Il a également développé des logiciels permettant de repérer les contenus protégés sur internet. S’agissant des fonds publics, on peut ajouter que Le FBI, associé à l’IP task force, a quant à lui bénéficié d’un budget, en 2010 de 9,393 millions de dollars dans le cadre de la loi dite « pro IP act » (loi publique 110-403), spécifiquement dédié à la lutte contre les droits de propriété intellectuelle (NB : depuis 2002, le FBI dispose d’une cellule « cyber division and intellectual property rights unit » également). De son côté, le pouvoir législatif n’est pas en reste dans le domaine de la lutte contre le téléchargement illégal sur internet ; il a en effet introduit au Congrès deux projets de loi dont les votes ont été suspendus. Le premier s’intitule « Protect IP act » (S.968), introduit le 12 mai 2011 et adopté à l’unanimité par la commission judiciaire du Sénat. Le second, le « Stop Online Piracy Act » dit SOPA(H.R.3261) introduit le 26 octobre 2011 à la Chambre des 2 représentants est au moment de la rédaction de ce rapport repoussé des débats pour modifications. Actuellement, ce projet de loi contient globalement les éléments suivants : De larges pouvoirs conférés au Ministre de la justice (attorney general) contre les « foreign infringing sites ». Ce projet autoriserait le Ministre de la justice à intenter une action contre les sites internet étrangers accusés d’enfreindre ou de faciliter l’infraction de copyrights. Avant toute décision finale, une cour de justice pourrait prendre des mesures provisoires telles que des injonctions. Dès l’obtention d’un ordre de la cour, le Ministre de la justice pourra alors requérir des fournisseurs d’accès à internet (FAI), moteurs de recherche (tels que Google), services de paiement en ligne (comme mastercard, visa ou paypal) et publicitaires en ligne, de suspendre leurs relations avec les sites contrevenants et de prendre des mesures techniquement réalisables et raisonnables pour empêcher l’accès aux sites hébergeant des contenus protégés. Contrairement à l’action d’un titulaire de droits, le Ministre de la justice pourra demander à la cour d’ordonner le blocage de l’accès à un site par les FAI et son déréférencement des moteurs de recherche. La possibilité d’action pour un titulaire de droits contre un site ayant des contenus protégés d’interrompre les soutiens financiers : Le titulaire de droits pourra au choix, soit intenter une action basée sur un ordre de la cour contre un site illégal afin d’obtenir une injonction de cesser les relations entre le site contrevenant et les services de paiement et/ou les publicitaires en ligne, soit notifier par écrit aux services de paiement ou de publicité en ligne l’identité des sites internet indélicats et prouver que leurs activités lui causent ou lui causeront un préjudice immédiat et irréparable. Ces organismes devront à leur tour notifier à leurs clients puis couper l’accès à leurs services à moins que le site en question ne fournisse une contre-notification (avant un délai de 5 jours) expliquant pourquoi il ne s’agit pas d’une infraction au copyright. Les immunités en cas d’actions volontaires : le projet de loi prévoit une immunité en matière de responsabilité pour les actions volontaires prises par les FAI, réseau et service de paiement, publicitaire en ligne, moteur de recherche ou service d’enregistrement de noms de domaines à l’encontre des sites irrespectueux des copyrights. Ces actions peuvent revêtir la forme de suspensions de service, d’affiliation financière ou de blocage des sites et ce, avant toute action judiciaire. L’activité de streaming rendue illégale : l’activité de streaming devient un délit dès lors qu’il y a une diffusion publique, pour une période d’au moins 180 jours, d’une ou plusieurs œuvres protégées par le copyright. La peine maximum encourue est de 5 ans de prison. Le secrétaire d’Etat et le secrétaire au commerce sont chargés d’assurer la protection des droits de propriété intellectuelle des américains à l’étranger. Ils devront nommer à cet effet au moins un attaché de propriété intellectuelle (PI) dans un pays de chaque région géographique où se trouve un bureau régional du département d’Etat. Au moment de la rédaction de ce rapport, aucune étude d’impact ni étude chiffrée n’a été réalisée sur ce projet de loi. Aucune donnée publique n’est disponible quant aux coûts de sa mise en œuvre. 3 Le président de la commission judiciaire de la Chambre des représentants, Lamar Smith auteur du SOPA ("Stop Online piracy Act"), le pendant du PIPA à la Chambre basse - a annoncé que sa commission allait "reporter tout examen du projet de loi jusqu'à ce qu'un consensus plus large sur une solution se dégage". S’agissant du projet de loi « PIPA », « A la lumière des événements récents, j'ai décidé de reporter le vote de mardi" sur le PIPA ("Protect Intellectual Property Act"), a annoncé, vendredi 20 janvier, le chef de la majorité démocrate du Sénat, Harry Reid, dans un communiqué. M. Reid espère un "compromis" dans les semaines qui viennent. Il a ajouté que "la contrefaçon et la piraterie coûtent à l'économie américaine des milliards de dollars et des milliers d'emplois chaque année" et qu'il revient au Congrès de légiférer sur la question. Dans un même temps, l’administration Obama a fait savoir qu’elle ne soutiendrait pas ces projets et la RIAA a annoncé qu’ils ne verraient probablement pas le jour. Par ailleurs, dans le cadre d’un livre blanc sur la propriété intellectuelle, une recommandation de l’Intellectual Property Enforcement Coordinator, propose de considérer les infractions réalisées grâce au streaming, ou tout autre moyen technologique similaire, comme des crimes au sens du droit pénal américain. Ce point est important car l’administration prend ainsi position dans le débat sur la lutte contre le piratage sur Internet. En effet, à l’heure actuelle, le streaming n’est pas encore condamné par les lois américaines car seules sont considérées comme des crimes la reproduction et la distribution d’œuvres protégées. Or la question sur le fait de savoir si le streaming constitue un acte de distribution d’œuvres protégées (relevant du crime) et/ou une représentation de l’œuvre (qui n’est pas qualifiée de crime) était jusqu’alors en débat. S’agissant de l’affaire « Megaupload », le FBI n’a pas communiqué sur les coûts engagés afin de surveiller et d’analyser la sphère Megaupload pendant plus d’un an, de faire fermer le site, en saisir les serveurs américains, faire saisir les comptes bancaires à Hong-Kong, faire procéder aux arrestations des dirigeants en Nouvelle-Zélande. Par ailleurs, alors que la France (décret n°2011-2122 du 30 décembre 2011), dans le cadre d’une suspension temporaire ou non d’accès à un site, a opté pour le blocage par DNS (c'est-à-dire par nom de domaine), les Etats-Unis, eux ont optés dans ce dossier pour un blocage par DPI (Deep Paquet Inspection) dont l’exécution semble plus coûteuse. Sur ce point, Jean-Pierre Bigot, expert près la Cour d’appel de Versailles, explique que le blocage par DNS « consiste à diriger l’internaute vers le site de l’autorité à la place de celui bloqué, et lui afficher une page lui expliquant pourquoi le site a été bloqué, par exemple, qu’il allait être victime d’un phishing et ce que c’est. Ce blocage aura le mérite de matérialiser une barrière, au-delà de laquelle la société ne tolère pas. Peu importe si le blocage est contournable, car de toutes les manières, l’internaute déterminé y parviendra toujours. Le filtrage IP est plus efficace, mais présente un risque considérable de surblocage, car on ne peut pas déterminer si une IP abrite un seul site ou des centaines (serveurs virtuels). Le corolaire sera en outre que tous les sites volontairement illicites iront se loger sur de tels serveurs impossible à bloquer sans surblocage. Enfin, les techniques de DPI (Deep Paquet Inspection) consistent à analyser les contenus des flux circulant sur le Net. [Il s’agit d’un] filtrage systématique, et non [d’un] blocage ciblé, [comportant un] risque de faux positifs » et dont la mise en œuvre demande des investissements financiers plus importants précise-t-il. (Interview de Jean-Pierre Bigot – Numerama 27 juillet 2011). 4 En complément de l’affaire « Megaupload », les douanes américaines ont annoncé que depuis deux ans elles ont saisi 758 noms de domaine de sites (URL) accusés de diffuser des contenus protégés par le droit d’auteur (Il s'agit de sites proposant des biens manufacturés contrefaits ou diffusant sur Internet des contenus piratés). Le contentieux le plus important concerne surtout des sites de retransmission de rencontres sportives en streaming n’ayant pas obtenu de droits. Parfois même, le souci de prévention a pu pousser les services secrets américains à demander la suspension temporaire d’un nom de domaine d’un site a priori légal mais dont l’un de ses utilisateurs a pu commettre une infraction. En effet, le media « Wired » rapporte que les services secrets ont obtenu, le 15 février 2012, du registrar « GoDaddy » qu’il suspende sans préavis le nom de domaine « JotForm.com ». Ce site propose un service de création de formulaires HTML, qui peuvent ensuite être importés sur les pages web d’autres sites. Et c’est probablement l’utilisation frauduleuse de l’un des deux millions de formulaires créés qui a provoqué l’intervention des services secrets américains. Cette suspension n’a été maintenue que 24 heures, mais elle reflète bien la volonté des Etats-Unis de combattre efficacement et sans délai les infractions au droit d’auteur, et plus largement à la propriété intellectuelle sur internet. Enfin, s’agissant du tout récent Center for Copyright Information (CCI), ses objectifs sont d’une part, d’informer le public sur l’offre légale de contenu et d’autre part, de renseigner le public sur la protection et la sécurisation des ordinateurs afin de ne pas mettre à disposition d’autrui des contenus protégés par le biais d’un partage sur les réseaux peer-to-peer. Ce système prévoit deux premiers avertissements par mails rappelant les dispositions légales, les moyens de sécurisation de son ordinateur ainsi que les possibilités d’offres légales. Les deux avertissements suivants se feront toujours sous la forme électronique mais chacun d’eux comportera l’obligation de confirmer la bonne réception ainsi que leur lecture. A partir du cinquième avertissement, le système de réponse graduée permet aux FAI soit de réduire fortement le débit de l’accès à Internet de l’abonné soit de conduire l’internaute vers une page d’explication pédagogique où un questionnaire sur le droit d’auteur devra être renseigné avant de pouvoir poursuivre toute navigation. Elle est érigée sous forme de partenariat privé alliant les groupements de défense des intérêts des ayants droit et les principaux fournisseurs d’accès à Internet du pays. Dans cet organisme figurent des représentants des ayants droit de la MPAA et de la RIAA mais aussi des FAI comme AT&T, Cablevision, Comcast, Time Warner cable et Verizon. Le Centre sera dirigé par Jill Lesser, experte en droit de la consommation et en copyright qui a travaillé pour AOL puis AOL-Time Warner. Le CCI sera associé à un comité consultatif composé d’experts juridiques, de techniciens et d’experts en défense de la vie privée ; il aura son Copyright Alert System (CAS), programme automatisé d’alertes. Les sociétés de défense des ayants droit qui auront repéré des adresses IP engagées dans des échanges illicites sur les réseaux P2P les transmettront aux FAI. Ces derniers ne communiqueront pas le nom de leurs abonnés, mais se chargeront euxmêmes de les « sensibiliser aux problématiques du droit d’auteur » et de leur indiquer diverses sources de contenus légaux, en leur envoyant des courriels d’avertissement. 5 Si l’abonné Internet veut contester ces sanctions, il devra passer par une procédure d’arbitrage moyennant la somme de 35 dollars afin de saisir un organisme privé d’arbitrage : l’American Arbitration Association.. L’internaute conserve cependant le droit de saisir la justice. Le CCI assure que la téléphonie (en particulier les numéros d’urgence) et les services Internet de surveillance ou de santé ne risquent pas d’être interrompus. Annexe 2 la Corée : La KCC emploie 70 personnes et ses principales attributions sont les suivantes : - Monitoring des violations de droits d’auteur via les reproductions illégales sur internet et émission d’avis aux FAI. - Médiation et conciliation en cas de différends sur les droits d’auteur. - Délibération sur le montant des redevances ou royalties pour les organisations. - Promotion du « fair use » des œuvres protégées par les droits d’auteur. - Coopération internationale pour la protection des droits d’auteur. - Education du public sur les droits d’auteur. - Formation d’experts sur les droits d’auteur et recherche sur les politiques en matière de droits d’auteur. - Enregistrement des droits d’auteur. Un comité de délibération (« illegal works deliberation committee ») a été créé par la KCC en juillet 2009, en charge d’analyser les œuvres téléchargées illégalement et qui émet des recommandations. Il gère en outre un site internet baptisé CPY112 sur lequel les particuliers peuvent y dénoncer les abus (www.copy112.or.kr). Le programme d’obstruction de contenu illégal (l’ICOP) a été développé par le Copyright Protection Center (CPC) pour permettre un suivi automatique des contenus illégaux sur l’internet. La loi ne prévoit pas d’indemnisation des fournisseurs d’accès à internet (FAI) dans le cadre de l’exécution matérielle des décisions de la KCC et du ministère de la culture, du tourisme et des sports. Ces coûts d’exécution des décisions administratives restent donc à la charge des FAI. Le pragmatisme de la loi Coréenne tient principalement dans le fait que le champ d’action des interventions du ministère ou de la KCC est limité aux « web hard » ou « bulletin board », extrêmement développés en Corée du Sud et qui sont le principal lieu d’échange des œuvres piratées. Ce constat a pu être établit grâce au programme d’obstruction de contenu illégal. En effet, l’ICOP a été développé pour permettre un suivi automatique durant 24 heures des contenus illégaux sur l’internet afin de cibler là où l’infraction est la plus 6 endémique (89% des téléchargements illégaux ont été détectés à Séoul et Gyconggi-do) et de pouvoir s’adapter aux changements dans les technologies numériques et dans les environnements dans lesquels les contenus sous copyright sont utilisés. Ainsi, un suivi régulier des violations du droit d’auteur est effectué, divisé par catégories et avec un personnel spécifiquement dédié, au cœur de l’ICOP qui effectue 24 heures de surveillance automatisée le week-end de nuit et les jours fériés. Par ailleurs, une répression plus rigoureuse est prévue à l’encontre des « téléchargeurs » de contenus importants. Ils feront l’objet d’un dépôt de témoignage, de pénalités plus importantes et d’une surveillance sur l’internet continue par l’ICOP. On citera encore, basé sur ce modèle, le cas du Japon. Annexe 3 L’Allemagne : Le système juridique du droit d’auteur allemand diffère du système français sur deux points essentiels : Une conception moniste du droit d’auteur d’une part et des exceptions différentes d’autre part. La conception moniste du droit d’auteur allemand, contrairement à la conception dualiste française (où droits patrimoniaux et droits moraux ne se calquent pas), implique d’analyser celui-ci comme un tout indivisible. De cette conception découle le fait que les droits moraux cessent d’exister en même temps que les droits patrimoniaux (c'est-àdire 70 ans post mortem autoris). S’agissant de la contrefaçon commerciale, l’Allemagne avait dès le mois de juin 2011 fait interdire le site « kino.to. ». Il s’agissait d’un site de liens qui, bien que n’hébergeant pas luimême de fichiers illicites, faisait vivre différents services d’hébergement de fichiers sur lesquels il reposait. L’un d’entre eux (« SkyLoad.net ») vient récemment de faire l’objet d’une interdiction. En effet, le site a été fermé le 14 février 2012 par la police allemande, qui a arrêté son propriétaire. Dans cette opération, la police a également interpellé le dirigeant de la société qui fournissait les serveurs et la bande passante utilisée par le site « SkyLoad ». Pour la justice allemande, ce dirigeant est accusé d’avoir sciemment fourni des serveurs aux groupes pirates qui délivrent les premières copies des œuvres illicites ainsi qu’à des sites de streaming de films protégés. Dans un cas similaire (celui de juin 2011 sur un délit de contrefaçon), l’administrateur du site « kino.to a été condamné à une peine de trois ans de prison. En mai 2011, le ministre de la culture allemand, a envisagé de mettre en place un système de riposte graduée, similaire à celui instauré par l’HADOPI en France, pour lutter contre le téléchargement illégal. S'exprimant lors d'une convention de la CDU (conservateurs), le ministre a estimé que les fournisseurs d'accès à Internet devaient "prendre leurs responsabilités" et il s’est dit favorable à la mise en place d’un système d’avertissement avant toute sanction judiciaire. Enfin, selon la fédération allemande de l’internet eco, les fournisseurs d’accès à internet transmettraient chaque mois, sur la base d’une décision de justice, aux industries détentrices des droits d’auteur, près de 300 000 adresses d’utilisateurs. Cette traçabilité et une offre de contenus légaux en hausse auraient permis, d’après eco, de diminuer de plus de 20% le piratage en ligne depuis 2008. Mais parallèlement, un tribunal dispense l’hébergeur YouTube de fournir les données concernant un utilisateur : YouTube avait retiré un contenu illégal (vidéos « captées » en salle de cinéma) après notification de l’ayant droit. En revanche, le site a refusé de transmettre les données personnelles de l’utilisateur. Le tribunal lui a donné raison, en 7 estimant que la dimension commerciale du délit, telle qu’elle est requise par l’article 101 de la loi sur le droit d’auteur pour justifier une requête d’information, fait défaut. Il est à noter que le transfert d’adresses IP, dont les titulaires sont soupçonnés de téléchargement illégal, aux détenteurs de droits d’auteurs de films ou de morceaux de musique est légal en Allemagne selon la législation sur la protection des données. Un tribunal hambourgeois (l’Oberlandesgericht de Hamburg) a rendu une décision en ce sens le 3 novembre 2010 (5 W 126/10 approbation des méthodes du fournisseur de solutions d’antipiratage Logistep). Annexe 4 Le Royaume Uni : Le gouvernement britannique a pris la décision de ne pas édicter à ce stade de réglementation visant à permettre des injonctions judiciaires ordonnant aux FAI le blocage des sites illégaux sur la base d’un rapport de l’OFCOM. En parallèle, les ayants droit et les FAI ont engagé des négociations visant à définir les conditions dans lesquelles des sites de streaming ou de pair à pair (ou peer to peer) pourraient faire l’objet de mesures de blocage sur une base volontaire. Toutefois, et l’on ne sait s’il s’agit d’une mesure exceptionnelle ou non, l’agence britannique de lutte contre le crime organisé (SOCA), rattachée au ministère de l’intérieur, vient de saisir le site internet « RnBxclusive.com » qui proposait des morceaux de musique en téléchargement illégal, souvent inédits (en date du 15 février 2012). Ainsi, en l’absence d’injonction judiciaire, une autorité administrative anglaise a pu bloquer un nom de domaine en .com (qui est de la compétence technique des Etats-Unis) en affichant sur la page d’accès à ce site le message suivant : « la SOCA a pris le contrôle de ce nom de domaine. Les individus derrière ce site ont été arrêtés pour escroquerie…la majorité des fichiers musicaux qui étaient mis à disposition sur ce site étaient volés à des artistes … Si vous avez téléchargé de la musique en utilisant ce site vous avez pu commettre une infraction pénale condamnée d’une peine maximale de 10 ans d’emprisonnement et d’une amende illimitée selon la loi britannique… [le site internet affiche également l’adresse IP du visiteur, le type de navigateur qu’il utilise, son système d’exploitation ainsi que l’heure de cette visite] : L’information ci-dessus peut être utilisée pour vous identifier et vous localiser ». Cette action est à rapprocher d’une précédente où, il y a quelques années, la chaîne de télévision BBC avait retransmis en direct l’arrestation de l’administrateur du site OinK qui proposait des téléchargements similaires. Au bout de trois ans de procédure, en 2010, il était relaxé par la justice. Fondés également sur ce modèle, on citera également des pays comme la Suède, la Nouvelle-Zélande, la Finlande (la direction des droits sur la propriété intellectuelle au ministère de l’éducation - M. Jukka Liedes – estime à 1 million d’euros le total des dépenses publiques faites en faveur du droit d’auteur) et parallèlement l’Australie. Annexe 5 Le Danemark : Le problème de la lutte contre le piratage face au développement de la technique, et notamment des réseaux en Wi-Fi, a donné lieu à des décisions de justice relaxant très majoritairement les internautes incriminés. En effet, le fait d’accuser le détenteur d’un point d’accès de connexion à Internet de contrefaçon et/ou de piratage est au cœur de nombreux 8 procès intentés par les ayants droit au Danemark. En septembre 2008, la justice danoise a relaxé deux femmes accusées d’avoir mis à disposition sur Internet des fichiers de musique protégés par le droit d’auteur. Leur système de défense fut de déclarer que leur connexion Internet a été utilisée par des inconnus. La loi danoise sur le piratage internet ne prévoit, contrairement au droit français sur ce point, aucune obligation de sécurisation de son accès internet. L’Antipiratgruppen, une branche de l’IFPI, avait accusé ces deux danoises d’avoir mis à disposition (uploadé) des morceaux de musique illégaux sur le net. Les plaignants avaient estimé le préjudice à 30 000 dollars et 32 000 dollars pour l’autre. Les deux femmes ont reconnu avoir des logiciels de P2P sur leur ordinateur. Surtout elles n’ont pas nié que des téléchargements illégaux avaient eu lieu via leur connexion Internet. Mais elles ont indiqué qu’elles n’en étaient pas responsables et ont fait valoir que leur ligne Wi-Fi avait été utilisée par des personnes inconnues. De leur côté, les plaignants ont réaffirmé que l’utilisateur d’une ligne Internet est responsable de ce qui est fait de sa connexion, et que c’était aux contrevenantes de prouver qu’elles n’avaient pas partagé des fichiers illégaux. Mais la Haute Cour en a décidé autrement, et a relaxé les deux accusées. Ce jugement suivit une décision similaire prise par la cour d’appel de Frankfurt début juillet 2008. Pour l’avocat de l’époque des deux danoises, cette décision « claire et nette » rappelle que « c’est aux plaignants d’apporter les preuves. » Il poursuivit : Beaucoup de gens ont reçu des courriers qui leur ont donné l’impression qu’ils devaient payer. Mais, on a maintenant une réponse de la cour : ils n’ont pas à payer. Il ne suffit pas de dire que vous êtes coupable de piratage simplement parce que vous avez un point d’accès à Internet. " L’antipirategruppen a décidé d’abandonner tout contentieux face aux relaxes quasi systématiques des tribunaux en matière de poursuites individuelles. En effet, ces derniers considèrent que concrètement, le niveau de preuve de la contrefaçon requit ne peut s’obtenir que par des aveux. En revanche, et s’agissant de la contrefaçon commerciale, la loi danoise semble tout à fait adaptée. En effet, un groupement représentant une trentaine de titulaires de droits d’auteur musicaux vient de faire interdire le site de streaming « Grooveshark ». La Cour de justice du Danemark a donc enjoint l’opérateur « 3 » de bloquer l’accès au site Grooveshark. Le FAI dispose dès lors d’un délai de quatre semaines avant de décider d’exécuter ou non la mesure ordonnée par la Cour. Si l’opérateur faisait le choix de ne pas suivre l’avis de la justice, il lui appartiendrait dès lors de saisir la Haute Cour de Justice du Danemark. Annexe 6 L’Espagne : A l’origine, le gouvernement espagnol avait inséré dans le projet de loi sur l’économie durable, présenté en mars 2010, certaines mesures modifiant la loi 34/2002 sur les services de la société d’information et le décret législatif 1/1996 qui établit le cadre général de la loi de propriété intellectuelle. Cette disposition est connue sous le nom de « loi Sinde », du nom de la ministre de la culture, Angeles Gonzalez-Sinde. Après de nombreux aléas législatifs, la loi 2/2011 dite « sinde » adoptée le 4 mars 2011, contient des dispositions pouvant permettre, en cas de coopération, de bloquer ou suspendre l’accès aux sites web depuis lesquels des contenus protégés sont susceptibles d’être téléchargés. La commission de propriété intellectuelle du ministère de la culture est saisie par les ayants droit qui invoquent la présence de contenus illicites sur un site. Si la commission juge recevable la demande, elle 9 demande au responsable du site internet de retirer le contenu ou de faire valoir ses observations dans un délai de 48 heures. En l’absence de retrait volontaire, la commission peut prendre une décision constatant l’atteinte aux droits d’auteur et ordonnant la fermeture du site. L’exécution de cette décision est subordonnée à une autorisation du juge judiciaire qui vérifie que la mesure souhaitée ne se heurte pas de façon disproportionnée à d’autres droits fondamentaux. En revanche, rien n’est prévu pour les utilisateurs de l’internet. Aucun internaute ne peut être poursuivi. On notera au passage que bien que même si certains pays (comme les Etats Unis) saluent la progression de la loi espagnole permettant aux détenteurs de droits d’auteur de faire enlever ou bloquer l’accès à des contenus illégaux en ligne, ils rappellent que des problèmes persistent : les titulaires de droits n’ont toujours pas la possibilité d’obtenir les informations nécessaires leur permettant d’identifier les personnes violant leurs droits et de facto ne peuvent pas exercer de poursuites à leur encontre ; une circulaire émise par le Procureur Général en 2006 semble décriminaliser le partage de données en peer-to-peer ; enfin, les juges espagnols n’imposent que très peu de sanctions pénales en cas d’atteinte aux droits de propriété intellectuelle. S’agissant de l’application du droit d’auteur sur internet, la jurisprudence espagnole fait la distinction entre les sites qui proposent des liens directs de téléchargement vers des plateformes de direct download, qui eux sont responsables du contenu offerts, et les sites qui se contentent de proposer des liens de peer-to-peer dont la responsabilité ne peut être retenue (En appel, Cour provinciale de Barcelone à propos du site « Elrincondejesus.com » qui proposait des liens eMule et Bit Torrent pout télécharger des films, séries TV, albums de musique et logiciels. Responsabilité retenue). En mars 2010, la justice espagnole avait estimé que le détenteur d’un site n’était pas responsable du contenu mis en partage grâce à des liens, notamment lorsque l’on n’héberge pas soi-même les contenus référencés et que l’on n’en tire pas de bénéfice pécuniaire. En ce sens, la Cour provinciale de Barcelone semble depuis peu (mars 2012) opérer une distinction entre l’hébergement de liens de P2P, non condamnable (jurisprudence constante depuis 2006), et l’hébergement de liens menant vers des sites de téléchargement direct devant faire l’objet d’une condamnation (affaire « elrincondejesus »). Un pourvoi a été formé et la Cour suprême espagnole aura à se prononcer sur cette différence de régime entre les liens de téléchargement lorsque les contenus sont partagés par les utilisateurs (P2P) ou selon qu’ils renvoient vers des plateformes de DDL. Un mois après la mise en œuvre de la loi anti-piratage, selon le quotidien El Mundo, la Commission de la Propriété Intellectuelle a reçu 213 plaintes et 79 demandes de blocages. Pour chaque dossier, elle doit en premier lieu tenter une conciliation avec les responsables des sites visés par la demande. Au terme de celle-ci, et en cas d’échec, la Commission pourra ensuite transmettre le dossier à la justice, qui statuera alors sur le retrait des contenus protégés ou sur le blocage du site, pouvant aller jusqu’à un an. Fondés également sur ce modèle, on citera également les cas de l’Italie (l’Agcom ordonne au FAI le retrait de l’œuvre si celui-ci n’a rien fait suite à la demande du titulaire de droits) du Chili (simples envois de mails aux internautes), de la Hongrie (pas de contrefaçon pour un téléchargement d’œuvre protégée à des fins personnelles ; seul le partage est interdit), de la Roumanie et de la Turquie. 10 Annexe 7 L’absence de loi spécifique ou de résultats opérants : Enfin, les pays développés ne respectant pas ou peu le droit d’auteur ou le copyright sur l’Internet sont (voir en ce sens également la liste noire du Congrès américain « Congressional International Anti-Piracy Caucus » 2011), la Chine, la Russie, l’Ukraine et le Canada. A noter le cas de l’Irlande qui n’a pas de loi spécifique et ce, en contravention avec le droit européen sur la question (un projet de révision à minima est toujours en cours dans le cadre d’un « statutory instrument »). 11 Annexes techniques Annexe A Budget Hadopi alloué à la réponse graduée : En 2012, le coût prévisionnel global de la réponse graduée est de 6,7 millions d'euros. Ce coût se répartit, pour l'essentiel, entre : - les charges d'investissement, d'amortissement et de maintenance liées au système d'information dédié à la réponse graduée (près de 40 %), - les charges de personnel (34%), - les frais postaux et de télécommunications (12 %). Le tableau suivant présente plus en détail la ventilation de ce coût : Poste Réponse graduée Libellé de la dépense Total 6 737 074,51 64 Charges de personnel 2 322 776 205 Concessions et droits similaires, brevets, licences, marques procédés, droits 1 128 131 68 Dotations aux amortissements et aux provisions 967 535 626 Frais postaux et frais de télécommunication 778 917 615 Travaux d'entretien et de réparations 546 297 613 Locations 268 172 63 Impôts, taxes et versements assimilées 193 982 604 Achats d'études et prestations de services 162 560 622 Rémunérations d'intermédiaires et honoraires 127 059 12 Ce coût prévisionnel de la réponse graduée comprend : - le développement et la maintenance du système sécurisé de traitement des données, - le traitement des saisines transmises par les ayants droit (près de 80 000 chaque jour), - les échanges avec les fournisseurs d’accès à Internet en vue de l’identification des abonnés et la transmission des recommandations, - l'élaboration des premières et des secondes recommandations aux abonnés, - la mise en place de la troisième phase. Pour calculer le coût annuel structurel de la réponse graduée (hors dépenses exceptionnelles réalisées sur l’année 2012), il convient de lisser les investissements réalisés en 2012 en les amortissant selon la règle définie dans le règlement comptable et financier de la Hadopi pour le compte 205 (Concessions et droits similaires, brevets, licences, marques, procédés, logiciels, droits et valeurs similaires), soit 3 ans. En conséquence, il convient de diviser le coût des investissements prévus en 2012 sur le compte 205 (soit 1 128 131 €) par 3. En résulte un coût annuel structurel d’investissement de 376 044 €, soit un coût annuel structurel de la réponse graduée de 5 743 342 €. Annexe B sur les mesures techniques mondiales de repérage, de protection et d’accès à l’œuvre : D’après Global industry analysts inc., le marché mondial de la gestion des droits numériques pourrait atteindre les 2,5 milliards de dollars en 2017 (San José, Californie (PRWEB) 21 Novembre, 2011). Bien entendu, sur ces 2,5 milliards attendus, tout ne sera pas consacré à l’unique protection des droits d’auteur, mais également à la sécurisation des contenus numériques stratégiques des entreprises ou à la sécurisation contre le vol de données par exemple. Mais le plus gros du budget concernera tout de même l’industrie créative. Alors que sur les marchés matures la sphère des producteurs et éditeurs de musique réduit fortement ses dépenses en matière de DRM (voir en ce sens les déclarations faites par le SNEP en France mais aussi par l’IFPI, ainsi que la plupart des majors mondiales) et tend vers une suppression partielle (ce qui a été supprimé, ce sont les mesures techniques de protection anti-copie et anti-transfert de fichiers sur les offres de téléchargement à l’acte. Mais pas sur les abonnements, et uniquement sur PC. Donc pas sur le téléchargement à l’acte sur mobile pour le moment), le marché mondial du livre numérique ainsi que des jeux vidéo sont quant à eux en hausse constante. Le rapport table même sur une croissance rapide (19%) des DRM dans la zone Asie-Pacifique où le marché est encore jeune même si la région où le marché des DRM demeure le plus élevé reste les Etats-Unis. La forte croissance de la zone Asie-Pacifique s’explique en grande partie par le développement de l’offre de services de télévisions payantes (en particulier au sein de pays émergeants comme l’Inde ou la Chine). Ainsi, la part de croissance du secteur des DRM dans la sphère des médias et du divertissement est de 15,3%. Par ailleurs, petit à petit, des reproches initiaux que l’on pouvait faire aux DRM, en matière notamment d’interopérabilité, des développeurs ont mis au point de façon concerte une nouvelle génération de DRM, plus intelligent et plus respectueux des exceptions des droits d’auteur au profit des utilisateurs. C’est le cas notamment avec le concept de DRM « Ultraviolet » qui est le fait d’un consortium de fabricants afin de rendre la lecture du bien numérique acheté compatible sur de nombreux supports tout en limitant les copies excessives. 13 Par ailleurs, on notera que « Les DRM ont des coûts d’implantation. Dans le système ouvert de Microsoft, l’encodage réalisé par le fournisseur de contenu est gratuit. Ce sont les constructeurs de matériel et les plates-formes de distribution, non les ayants droit, qui payent avec, dans certains cas, un coût répercuté sur l’utilisateur final. La plupart des fournisseurs de contenus ayant renoncé à développer en interne des solutions DRM pour s’adresser à des prestataires techniques spécialisés, ils se retrouvent très dépendants de ces firmes. » Rapport de la commission du CSPLA de 2004 dirigée par le professeur P. Sirinelli sur la distribution des contenus numériques en ligne. 14