La communication dans les établissements scolaires

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La communication dans les établissements scolaires
La communication dans les établissements scolaires
LA COMMUNICATION DANS LES ÉTABLISSEMENTS
SCOLAIRES
ÉTUDE EXPLORATOIRE
par
Dominique LECLERCQ
Marcelo OSSANDON
Muriel DELFORGE
Direction : Professeur Pol Dupont
Institut d’Administration Scolaire
Informations Pédagogiques n°NN - xxxx 1998
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La communication dans les établissements scolaires
Université de Mons-Hainaut
Introduction
La communication est devenue un thème de réflexion incontournable de notre société. Quelle que soit sa forme, quels que soient ses supports, chacun s’interroge à
son sujet : pourquoi tant d’obstacles aux échanges entre individus, entre groupes, à
l’intérieur des organisations ? Comment favoriser les interactions ? Comment accroître les chances d’une communication réussie ? Chacun étudie la question dans
son propre champ théorique, et on voit fleurir articles et ouvrages prodiguant modèles explicatifs et conseils en tout genre.
Thème d’actualité s’il en est, la communication n’en n’est pas moins d’une grande
complexité. Son fonctionnement paraît bien souvent paradoxal (1) au point qu’il
semble admis que la communication aime tout... et son contraire ! (Etienne, Amiel,
1995).
En fait, la communication dans les groupements humains ne va pas de soi. Et, pour
tenter d’y voir plus clair, il n’est pas inutile de s’éloigner un temps des théories communicationnelles et de se pencher sur l’analyse de son fonctionnement au quotidien
au sein d’une organisation.
Aller à la rencontre de quelques acteurs scolaires, investiguer avec eux, grâce à
eux, le champ communicationnel de leur établissement, sortir de la sorte de tout cadre de référence théorique pour rencontrer le vécu de chacun, tel est le travail auquel nous nous sommes attelés.
Notre recherche, signalons-le, est loin d’être terminée. Aussi, il conviendra
d’envisager les quelques réflexions développées ci-dessous avec prudence, et de
ne considérer les réponses des acteurs rencontrés à ce jour que comme un univers
des possibles, au mieux une ébauche de tendance.
Les objectifs
Les objectifs de cette recherche sont multiples. Lorsque ce travail atteindra son
terme, nous souhaitons parvenir à :
• définir les canaux de communications existant dans des écoles secondaires;
• identifier et analyser les besoins communicationnels déclarés par les acteurs
scolaires concernés par les informations circulant au sein de celles-ci;
• analyser les sources de satisfaction et d’insatisfaction de l’acte communicationnel, en vue
• (d’) élaborer certains indicateurs de la communication scolaire
1
voir à ce sujet I.Orgogozo (1990)
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La communication dans les établissements scolaires
Une première approche a d’ores et déjà permis à la recherche de rencontrer ses
trois premiers objectifs.
Méthodologie
Echantillon
A cette fin, le premier volet de ce travail s’est consacré à l’exploration des formes et
supports communicationnels de quatre établissements de la Communauté française
- choisis non sur base d’une quelconque représentativité ( qui n’avait pas sa place
dans cette approche exploratoire préliminaire ) mais des caractéristiques intrinsèques de chacun 2 et à l’analyse des sources d’(in)satisfaction des enseignants et
des équipes de direction.
Les outils utilisés (questionnaires et entretiens semi-directifs) furent multiples, le
sujet de nos investigations l’étant tout autant :
• un différentiateur sémantique 3 fut élaboré afin d’analyser le climat communicationnel des réunions; un autre se consacra au halo affectif dont les enseignants
entouraient leur propre école et la Direction Générale de l’Organisation des Études;
• la méthode des incidents critiques ( voir à ce sujet De Landsheere, G., 1985 )
fut utilisée afin de dégager avec les enseignants leurs exigences et leurs attentes
à l’égard des documents dont ils sont les destinataires 4 ;
2
Développement d’un projet d’établissement, réalisation d’activités pédagogiques ponctuelles, fusion récente de l’école, implantation géographique, voilà quelques critères qui furent pris en
considération dans la constitution de l’échantillon, en raison de leur conséquence présumée sur le
développement de la communication au sein des organisations.
3
Cet instrument, élaboré par Osgood, permet de rendre compte de la signification psychologique
attribuée par le répondant à un concept (en l’occurrence, l’école et la D.G.O.E.) En effet, chaque
concept, au delà de sa signification littérale, stable et répertoriée dans le dictionnaire, est auréolé
par chacun d’entre-nous d’une multitude de sens, retentissement subjectif de nos expériences
antérieures. Le différentiateur sémantique permet de « percer les aspects connotatifs (c’est-à-dire
affectifs) de la signification » (Osgood, cité par Menahem, 1968).
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On analysa avec les enseignants les caractéristiques de documents ayant marqués leur mémoire,
(tant positivement que négativement), dont certains traits saillants pourraient expliquer un succès
ou un échec « remarquable » de communication écrite.
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• des matériaux objectifs 5 furent analysés par les mêmes acteurs scolaires afin
d’approcher leurs besoins en termes d’informations écrites, tant dans la « forme »
( format d’un document, typographie, illustration,...) que dans le « fond » ( objets
des articles, objectifs des documents,...).
• de multiples questions ouvertes et fermées se consacrèrent à l’analyse de la
circulation des informations et de la communication au sein des écoles 6 .
Méthodes d’analyse
Alternant exploitation de matériaux objectifs, étude de faits communicationnels,
analyse des représentations des personnes interrogées, nous nous sommes attachés à laisser chaque acteur rencontré jouer un rôle actif dans nos investigations.
Nous avons ainsi récolté un matériau riche en informations, traité tantôt au moyen
de l’analyse de contenu ( ce fut le cas des entretiens et des questions ouvertes appliquées au questionnaire ); tantôt par le biais de l’analyse factorielle de correspondances multiples ( appliquée à l’ensemble du questionnaire ).
On ne saurait présenter toutes ces analyses. La triangulation méthodologique
(c’est-à-dire l’usage de multiples méthodes d’investigation pour l’analyse d’un même
sujet ) ayant guidé nos pas, on s’attachera simplement à mettre en exergue les résultats partagés invariablement par chaque outil d’investigation.
Quelques enseignements du premier volet de la recherche
1. Prégnance des variabilités individuelles
A travers les réflexions des acteurs scolaires, nous nous sommes trouvés confrontés
à la complexité de l’acte communicatif. Chaque outil d’investigation, chaque analyse, était là pour nous le rappeler, « résistant à toute réduction, échappant aux efforts les plus énergiques de simplification, la communication interpersonnelle au
sein d’une organisation ne peut être caractérisée que par sa complexité » (Etienne,
Amiel, op. cit.).
5
5 documents pédagogiques furent présentés aux enseignants : Les Nouvelles de l’Observatoire,
Informations Pédagogiques, Informations Pédagogiques : formations en cours de carrière, Le
Point sur la Recherche en Éducation, Parcours Pédagogiques Imaginaires. Édités par la D.G.O.E.,
ces documents se présentent sur des supports variés. Il en est de même pour leur contenu : les
thèmes abordés, les objectifs de ces écrits, ne sont pas identiques. (voir à ce sujet « Aperçu des
principales publications de la D.G.O.E. », CDSP, mars 1997).
6
On peut voir dans l’information un aspect de traitement de données, alors que la communication
renvoie davantage à la relation entre individus, voire la relation à l’information véhiculée. C’est le
sens que nous leur avons personnellement prêté.
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Une des raisons en est sans doute l’importance des variabilités personnelles : ce
que perçoit un individu n’est jamais vraiment ce que perçoit l’autre, et il semble bien
que dans une activité humaine il n’existe pas de réalité objective 7 : nul ne réagit
aux faits mais bien aux faits tels qu’il se les représente. A partir d’un même donné
brut, on voit surgir des divergences tant de perception que de représentation.
De ce point de vue, il est intéressant de relever à quel point des disparités de réponses peuvent se faire jour sur des questions pourtant purement factuelles ( il ne
s’agit donc pas d’avis ou d’appréciations sur telle ou telle pratique, où les divergences d’opinions sont tout à fait légitimes). Ainsi, interrogés sur les lieux où
l’information est mise à leur disposition, les enseignants d’un même établissement
(disposant logiquement des mêmes modalités) apportent des réponses fort différentes, voire même contradictoires.
Cet exemple, sélectionné parmi d’autres, montre à quel point la perception des faits
de communication est hautement subjective, ou plus exactement relève d’une réalité
construite qui ne dépend que parfois peu de faits tangibles.
ECOLE 1
18
17
16
15
14
12
Fardes sans classement
11
10
10
9
Fardes avec classement
9
Tableau sans classement
8
Tableau avec classement
8
6
Casier
5
4
3
2
2
1
0
1
1
0
0
Jamais
Parfois
Toujours
On voit à la lumière de ce graphique qu’il se trouve autant de personnes, au sein
d’un même établissement, pour évoquer le recours systématique à des fardes avec
classement que pour dire qu’elles ne sont pas utilisées. De semblables incohérences se retrouvent ailleurs. Deux pistes peuvent tenter d’expliquer l’exemple évoqué :
il faut avant tout envisager que certains enseignants soient mal informés quant à la
disponibilité de l’information dans leur école, ce qui, dans le cadre d’une cherche
comme la nôtre, est évidemment une hypothèse aux conséquences importantes.
7
Voir à ce sujet Abric, (1996)
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Cependant on peut aussi se demander s’il n’existe pas une « attention sélective »
(dont les origines seraient multiples et variées) ayant pour effet la
« méconnaissance » par les enseignants de telle ou telle modalité de présentation.
Quoi qu’il en soit la prudence s’impose si l’on souhaite améliorer la communication
dans une école. Et ce d’autant que les variations interindividuelles s’étendent évidemment à tout ce qui est de l’ordre des opinions. Ainsi, dans une même équipe
éducative, il s’en trouvera pour parler d’une « bonne » circulation des informations
[J’ai un jugement très positif.(...) Nous sommes toujours informés, en général à
temps, de toutes les formalités administratives, de la vie de l’école en général (...) »,
alors que d’autres développeront un point de vue opposé (« La circulation des informations s’est détériorée. Maintenant, on apprend trop tard qu’il y a des réunions,
etc. » ; « L’information circule trop lentement »]. Ceci est vrai pour la circulation des
informations, mais bien plus encore, on le comprend aisément, lorsqu’est évoquée la
communication entre pairs ou avec l’équipe de direction. Dans un même établissement certains décrivent une communication relativement aisée (Je suis satisfaite de
la communication. Nous avons un préfet qui essaie d’organiser des tas de réunions
(...) Pour moi, la communication monte et descend sans problème), alors que
d’autres évoquent une atmosphère communicationnelle davantage restreinte dont la
responsabilité incombe à la direction de l’établissement ( Le préfet croit communiquer, mais... Quelque chose qui est symptomatique, c’est qu’il est rarement en salle
des profs ! )
Au total, les acteurs communicants paraissent souvent ne pas jouer dans la même
scène, ou à tout le moins avec le même décor en arrière plan. Ainsi, il semble bien
que la satisfaction générale en matière de communication est une gageure.
Nous avons évoqué les perceptions des enseignants. Mais il ne sera pas rare que
les préfets eux-mêmes développent une perception divergente d’un même donné
brut. Ainsi si les directeurs ne contestent pas l’utilité des publications venant de la
Direction Générale de l’Organisation des Études, ils s’interrogent sur la lecture qui
en est faite par leurs enseignants. Pour d’aucuns, l’effort de lecture, entraîné par le
manque de lisibilité de certains documents, contribue à réduire l’intérêt des maîtres.
Pas plus de 10% ne liraient les informations pédagogiques transmises. Cependant,
les documents auraient plus de chance d’être lus s’ils arrivaient en plusieurs exemplaires. A l’opposé, d’autres directeurs indiquent que même si la présentation des
documents changeait, si leur lisibilité était meilleure, s’ils étaient disponibles en plus
grand nombre à la salle des professeurs, cela ne changerait que peu de choses. Les
enseignants ne seraient pas facilement enclins à la lecture
Sur un autre plan, les conseils de classe sont diversement appréciés selon les écoles. Comme nous l’a fait remarquer un répondant, un conseil de classe, c’est ce
qu’on veut bien en faire. Cela dépend du chef d’établissement, c’est à lui d’arriver,
avec ses directeurs de classe, à mettre au point une certaine conception. La réussite d’une communication serait ainsi liée aux compétences personnelles.
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Au total, la perception des faits de communication montrant sa nature hautement
individuelle, il apparaît d’ores et déjà qu’aucun canal, aucun support, aucune technique, ne pourra se prétendre sans faille. Cependant, il n’en reste pas moins vrai que
les avis des uns et des autres convergent sur certains critères d’importance d’une
communication réussie.
2. Le primat relationnel
S’il ne fallait en retenir qu’un, ce serait sans conteste la primauté des interactions
individuelles dans la qualité des actes communicatifs. Cela semble vrai tant au sein
des établissements que dans un contexte plus vaste. Ainsi ayant interrogé les enseignants sur des cas précis d’« échec de la communication » (absence, retard,
confusion sur un lieu,...), nous avons tenté de voir si certaines modalités de transfert
de l’information étaient plus génératrices que d’autres de ce type d’incidents.
L’analyse factorielle nous apprend que ce n’est pas tant l’aspect formalisé et structuré de la communication qui entraîne inéluctablement son efficacité mais plutôt son
caractère individualisé. Ce sont en effet les communications de personne à personne dans un cadre restreint (la lettre et l’échange verbal dans le bureau du directeur) qui semblent avoir le plus de poids.
Mais notre recherche n’était pas consacrée à l’analyse des seuls échanges au sein
même de l’établissement. On souhaitait recueillir des informations quant à la perception du champ interactionnel à divers échelons du système scolaire. Aussi, une
partie de ce travail concernait l’étude des communications entre enseignants, préfets, et membres de la D.G.O.E. Ce fut l’occasion pour nombre de répondants
d’évoquer leur manque de familiarité, voire leur méconnaissance, des autres
« maillons » de la chaîne éducative ( « La Direction Générale de l’Organisation des
Études, on ne la connaît pas finalement » ; « On connaît le nom; mais ça s’arrête
là » ). Le champ communicationnel est alors fantasmé : dès lors que les occasions
d’interaction sont rares, les enseignants n’évoquent pas tant ce qu’elles sont réellement que ce qu’ils imaginent qu’elles puissent être. Dans l’imaginaire des uns et
des autres, les possibilités de contacts semblent peu perceptibles; cependant, on
remarque que, dès lors que la D.G.O.E. est perçue à travers des individus, dès lors,
donc, qu’elle se personnalise et que la représentation, sans doute, devient moins
fantasmée, les distances entre les acteurs scolaires semblent s’estomper, le
« halo » communicationnel s’accroître. A nouveau, les analyses attestent de
l’importance des contacts interpersonnels, de la primauté des interactions versus
des relations lointaines.
Une meilleure perception des communications dont l’émetteur est connu, et non
anonyme, jonche aussi l’analyse des questionnaires : les documents produits en
interne sont globalement mieux reçus que ceux provenant de l’extérieur.
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En effet, nous avons soumis aux personnes de notre échantillon une liste de documents ( circulaires administratives, directives pédagogiques, documents remis lors
de journées pédagogiques, informations sur le projet d’école, ...) et leur avons demandé de formuler des appréciations en regard d’un certain nombre de critères liés
tant au contenant qu’au contenu ( intérêt, complétude, facilité de lecture, ciblage de
l’information, objet facilement identifiable, aspect agréable de la lecture et facilité de
manipulation). Lorsqu’on examine les taux de satisfaction liés aux différents documents, on voit que ceux dont le destinateur est perçu comme proche (la direction,
les collègues, ...) sont globalement mieux évalués que les documents émanant
d’entités moins personnalisables, d’ailleurs nommées en termes flous (
l’Administration, On, ...).
En fait, quelle que soit la méthode d’investigation utilisée, les résultats plaident souvent pour une plus grande proximité, une plus grande connaissance des interlocuteurs. Ainsi, il est apparu qu’un crédit particulier était accordé par les répondants
aux gens de terrain, aux autres enseignants ( fussent-ils détachés ), aux inspecteurs, car, proches d’eux, partageant le même répertoire expérientiel, ces interlocuteurs ont également recours, en outre, à un code de communication plus accessible.
Parmi les reproches le plus souvent formulés par les enseignants à l’égard de documents (pédagogiques ou autres) dont ils sont les destinataires, il n’est pas rare de
les entendre évoquer des difficultés d’application faute d’une prise en compte du
contexte professionnel qui les voit évoluer ( Les problèmes des documents pédagogiques, c’est qu’il y en a qui paraissent très positifs, mais on n’a pas les moyens de
les appliquer. C’est ça que je soupire. Même si le document en lui-même est positif,
on n’a pas les moyens de l’appliquer ).
Or, les chances sont plus grandes que l’émetteur du document tienne compte du
contexte du récepteur s’ils ont des référents communs. C’est la raison pour laquelle
les enseignants attendent de lui qu’il partage avec eux une connaissance du terrain.
La présentation du document n’est cependant pas à négliger. Ainsi, parmi les publications soumises aux enseignants durant la recherche, certaines furent préférentiellement choisies sur base de leurs seules caractéristiques formelles. Une présentation agréable, le recours aux illustrations, la longueur des articles, l’usage d’un
vocabulaire adapté aux pratiques de l’enseignant,... sont autant de critères qui favoriseront ou pas le premier contact avec une revue. L’attention portée par
l’enseignant sera toute autre sur base de ces critères formels.
3. Perspectives d’amélioration de la communication écrite
Puisque sont évoquées les attentes des enseignants à l’égard des documents, signalons encore que les personnes rencontrées ont largement fait transparaître leur
désir de soutien pédagogique à travers le médium écrit. Le contenu des documents
particulièrement apprécié par les répondants est variable, mais tous sont plus ou
moins directement liés à ce désir : « partager les expériences vécues par d’autres
enseignants » rencontre la satisfaction de certains; d’autres évoquent leur souhait
d’être informé avec précision et clarté des programmes à respecter ( que convient-il
d’aborder avec les élèves ? Comment s’y atteler ?), d’aucuns parlent de l’importance
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de disposer de banques de données où aller puiser des idées de cours, ou qui relatent des innovations pédagogiques; d’autres réponses, enfin, dans un tout autre registre mais avec le même besoin de soutien, renvoient à la satisfaction des documents informant des formations continuées ( documents qui semblent parfois parvenir plus aléatoirement aux enseignants, nous aurons l’occasion d’en reparler ).
En fait, indépendamment du contenu même de l’information ( qu’il s’agisse de motiver les élèves, de gérer les conflits, d’élaborer des questions d’examens, des séquences de cours,...), les enseignants rencontrés se souviennent presque unanimement d’un document qui les a soutenus, de quelle que manière que ce soit, dans
leur pratique... ou plus exactement, pour un certains nombre d’entre-eux, qui les a
guidés dans la résolution de difficultés professionnelles [ Quand j’ai débarqué, j’étais
perdue, je ne savais pas ce que je devais faire (...) C’est grâce à certains documents
pédagogiques que j’ai pu changer ma façon de donner cours ou ce que je mettais à
l’intérieur de mes leçons. Ça peut aider un « bleu » finalement, déclare ainsi une
enseignante). La triangulation des méthodes a fait apparaître combien, plus que
d’autres sujets, l’expérience des autres est un sujet de lecture convoité. Les raisons
en sont sans doute nombreuses; parmi celles-ci on peut évoquer la possibilité pour
le lecteur d’accroître de la sorte son référentiel professionnel (« (...) à partir des expériences des autres on peut enrichir les siennes (...) c’est pas pour faire comme ça;
c’est pour se dire « oui, effectivement, il y a aussi moyen de faire comme ça »), mais
aussi de se situer à travers l’existence de limites et de difficultés partagées (« A la
lecture de ces expériences, on peut se dire « oui, je suis plus ou moins dans la
norme » « un enseignant c’est un enseignant; mais un enseignant tout seul, vous
savez, ça n’est rien ! (...) Il faut rester les pieds sur terre, je pense. Il ne faut pas se
cacher des problèmes. Je pense qu’il y en a dans toutes les écoles et c’est pour ça
qu’il est bon de savoir ce qui se passe ailleurs ».]
Les préfets, pour leur part, évoquent la communication avec la D.G.O.E. et les représentations que celle-ci dégage. Il semble que la D.G.O.E. soit perçue comme se
réorganisant dans le souci de favoriser davantage la communication, la pédagogie.
Les journaux et publications pédagogiques, la création de cellules de pilotage témoignent de ce souci. Il ne serait pas inutile, déclarent les directeurs, de poursuivre
l’effort en ce sens, voire d’amplifier les possibilités de contacts. Dans leurs représentations, la D.G.O.E. est certes personnalisée plus aisément que par les enseignants, mais elle n’en reste pas moins considérée comme un vaste distributeur
d’informations multiples dont certaines sont peut-être d’un intérêt relatif.
Si la D.G.O.E. est dispensatrice d’informations et, de ce fait, établit des liens entre
les écoles, il est souligné son souci de valoriser la rapidité de transmission
d’informations par le canal informatique. Cela n’empêche que les contacts personnalisés seraient à amplifier ; de même, il semble qu’il y ait, au niveau des directions
(mais aussi des enseignants) une méconnaissance de l’organigramme de la
D.G.O.E., des compétences exactes de chacun des services.
Il apparaît donc qu’elle est encore perçue comme installée dans un grand anonymat : on la connaît, certes, mais « on ne connaît parfois que bien peu ses membres ». Ainsi, pour certains, les compétences des chargés de mission devraient être
précisées.
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En outre, si tous les écrits mentionnaient précisément la personne responsable, la
qualité des communications en serait accrue. Mais la communication médiatique ne
pourra jamais remplacer totalement la communication entre personnes. Aussi, certains préféreraient voir privilégier des relations interpersonnelles entre la D.G.O.E.
et leur école.
Évoquons encore le sort différent réservé aux documents en fonction de
leur nature, tant par l’individu que par le système lui-même. A cet égard, l’analyse
de la transmission des informations au sein des écoles paraît éclairante. Le questionnaire proposait un relevé de différents documents potentiellement adressés aux
enseignants ( outre ceux cités précédemment, indiquons encore l’organigramme du
personnel, le nom des élèves / des enseignants malades, les relations avec d’autres
écoles ou des entreprises, les notes relatives ou fonctionnement, à la discipline,...).
Pour chaque cas, il était demandé de préciser la fréquence de réception ( de régulièrement à jamais ). Des disparités de traitements sont apparues en fonction de la
nature du document, les pourcentages d’arrivée régulière pouvant varier du simple
au quintuple. Illustrons cette assertion au moyen de quelques chiffres :
Pourcentages d'arrivée régulière
Relations avec les
entreprises
15,8
Relations avec d'autres
écoles
23
Noms des élèves en
difficulté
35,8
64,6
Directives pédagogiques
Programmation des
journées pédagogiques
66,2
Circulaires
administratives
76,1
0
10
20
30
40
50
60
70
80
A l’examen des taux d’arrivée régulière, on s’aperçoit que, globalement, et
pour autant de rester prudent étant donné la taille et les critères de constitution de
notre échantillon, moins l’information circule dans une école, plus ce qui est communiqué est de nature administrative.
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Arrivée effective selon qu'il s'agisse
d'un document administratif ou pédagogique
70
60
50
40
64,47
55,66
56,9756,0257,92
56,75
48,3
44,5
42,02
38,85
Total
33,35
29,4
30
Administratifs
Pédagogiques
20
10
0
ECOLE 1
ECOLE 2
ECOLE 3
ECOLE 4
On voit alors le champ pédagogique organisationnel primer, et ce au détriment du
champ pédagogique pratique.
Ce qui nous apparaît à l’examen des chiffres bruts semble être confirmé par le calcul
d’un ratio confrontant les indices de satisfaction des différents types de documents
(nature pédagogique versus nature administrative). Tant en ce qui concerne la régularité de transmission que l’adéquation du moment de mise à disposition, le ratio
(P / A) 8 évolue de manière parallèle à l’indice global de satisfaction.
Le cas des notes relatives à la programmation de journées pédagogiques a retenu
notre attention puisqu’il semble que ce type de documents ait un parcours particulièrement semé d’embûches pour parvenir à leurs destinataires. Ainsi, à l’examen des
chiffres relatifs aux échecs de communication, nous voyons qu’il représente, à lui
seul, 1/3 des documents pour lesquels des problèmes se posent. Or, la littérature et
d’ailleurs le sens commun montrent à quel point les formations continuées sont
d’une importance capitale. Cela l’est d’autant plus que dans le domaine qui nous
occupe - la communication - elles revêtent un caractère particulier puisqu’elles
contribuent à « diminuer la rigidité des systèmes de références » (Albou, 1975).
8
< 1 si la satisfaction liée aux documents administratifs surpasse celle relative aux documents pédagogiques
= 1 si elles s’égalent
> 1 si les informations pédagogiques entraînent une meilleure évaluation que les administratives.
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La communication dans les établissements scolaires
Une conclusion provisoire
Le caractère hautement individuel de la perception des faits de communication que
nous avons rencontré au détour de nos analyses, plaide pour une diversité des
supports. Il est ressorti du premier volet de cette recherche que nous ne devons
pas parler de la communication mais des communications. En fait, les besoins
semblent déterminés par le profil professionnel des uns et des autres et par la
« personnalité » des institutions qui les emploient.
Cependant, si aucune pratique n’est en soi porteuse de succès, il apparaît que certaines façons de présenter l’information peuvent s’avérer plus pertinentes que
d’autres. Il reste néanmoins à vérifier ces réflexions dans un champ communicationnel davantage ciblé mais sur un échantillon moins restreint d’acteurs scolaires.
C’est à ce travail que nous allons maintenant nous attacher.
Bibliographie
• Abric,J-C. « Psychologie de la communication. Méthodes et théories », A. Colin,
Cursus, Paris, 1996.
• Albou, « Problèmes humains de l’entreprise », Bordas, 1975.
• Dupont, P. « La civilisation de l’école », Labor, 1990.
• Etienne, Amiel, « La communication dans l’établissement scolaire », Hachette,
Pédagogie pour Demain, Paris,1995.
• Menahem, R., « Le différentiateur sémantique », in L’année psychologique, 68e
année, fascicule 2, 1968,
• Mucchielli, A. « Les sciences de l’information et de la communication », Hachette,
Les Fondamentaux, Paris, 1995.
• Orgogozo,I « Les paradoxes de la communication », Edts d’organisation, 1990.
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