Galop d`essai, Avril 2012

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Galop d`essai, Avril 2012
Procédure pénale, Licence 2 Droit équipe 2 – Madame le Professeur Lepage, avril 2012.
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Galop d’essai (avril 2012) :
Procédure pénale, Licence 2 équipe 2 – Madame le Professeur Lepage
Commentaire d’arrêt : Cass. Crim, 27 janvier 2010
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Arrêt :
REPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, a rendu l'arrêt suivant :
Statuant sur le pourvoi formé par :
- X... Dominique,
contre l'arrêt de la cour d'appel de CHAMBÉRY, chambre correctionnelle, en date du 23 avril 2009, qui, pour abus de biens
sociaux, l'a condamné à 30 000 euros d'amende ;
Vu le mémoire et les observations complémentaires produits ;
Sur le premier moyen de cassation, pris de la violation des articles 460, 512, alinéa 4, 591 à 593 du code de procédure pénale, 6
de la Convention européenne des droits de l'homme, violation des droits de la défense ;
"en ce qu'il ne résulte pas des mentions de l'arrêt attaqué que la défense ait eu la parole en dernier ;
"1°) alors que, le principe selon lequel la défense doit toujours avoir la parole en dernier s'impose à peine de nullité ; que, dès
lors, l'arrêt attaqué, dont les énonciations ne font aucune référence au respect des articles 460, 515, alinéa 4, du code de
procédure pénale et n'établissent pas sans équivoque que le prévenu ou son conseil ait eu la parole en dernier, encourt la
censure ;
"2°) alors que, il résulte également des articles 460, 515, alinéa 4, du code de procédure pénale et des principes généraux des
droits de la défense, que, même dans l'hypothèse où le conseil du prévenu a eu la parole en dernier, les juges du fond ne sont
pas pour autant dispensés de donner la parole au prévenu en dernier, s'il est présent ; qu'en l'espèce, il n'est pas davantage
établi que Dominique X..., qui était présent, ait pu s'exprimer après les plaidoiries du ministère public, de sorte que la censure est
encore encourue" ;
Attendu que les mentions de l'arrêt attaqué mettent la Cour de cassation en mesure de s'assurer que les dispositions de l'article
513, alinéa 4, du code de procédure pénale ont été respectées, dès lors que l'avocat du prévenu a été entendu en dernier et que,
présent à l'audience, celui-ci n'a pas demandé à prendre la parole ;
D'où il suit que le moyen ne saurait être accueilli ;
Sur le deuxième moyen de cassation, pris de la violation des articles 427, 591 à 593 du code de procédure pénale, 7 de la
Déclaration des droits de l'homme et du citoyen, 6 et 8 de la Convention européenne des droits de l'homme, défaut de motifs,
violation du principe de la loyauté de la preuve, manque de base légale, violation des droits de la défense ;
"en ce que l'arrêt attaqué a déclaré Dominique X... coupable d'abus de biens sociaux ;
"aux motifs que, le 20 avril 2005, Pierre Y..., directeur technique à la NJD X..., en litige avec son employeur Dominique X... qui
l'avait licencié, dénonçait auprès des gendarmes les agissements de ce dernier, gérant de la SARL NJD X... ; qu'il indiquait que
celui-ci, gérant de la SCI Les Cordeliers, avait entrepris la réfection d'un bâtiment appartenant à cette dernière et dont il avait fait
sa résidence principale ; que des travaux avaient été entrepris dès l'année 2001, se poursuivaient encore, la main-d'oeuvre qui
avait travaillé sur le chantier était celle de la SARL NJD X... et rémunérée par elle, le matériel utilisé appartenait à la NJD X..., les
matériaux étaient facturés à cette même société ; que Dominique X... demande que les documents et pièces remis par Pierre Y...,
soustraits frauduleusement, soient écartés des débats ; que, cependant, le jour de sa dénonciation, Pierre Y... faisait encore
partie du personnel de la société et, à ce titre, ainsi qu'en sa qualité de directeur technique, il avait accès aux différents
documents qu'il a remis aux gendarmes ; qu'en toute hypothèse, il n'est pas démontré qu'il ait frauduleusement soustrait les
pièces qu'il a produites, en sorte que rien ne justifie qu'elles soient écartées des débats ;
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"1°) alors que, la subtilisation par un salarié à l'insu de son employeur de documents appartenant à ce dernier, tels que des états
comptables, relevés de dépenses, factures et fiches de pointage des ouvriers, communiqués à des tiers dans le but de nuire, hors
le cadre d'une défense prud'homale, est nécessairement frauduleuse et constitutive d'un vol entachant la production desdites
pièces d'illégalité ; qu'en se prononçant, pour refuser d'écarter ces pièces des débats, par des motifs inopérants tels que le fait
que Pierre Y... faisait encore partie du personnel de la société lorsqu'il a subtilisé ces documents ou qu'il n'était pas établi que ces
pièces produites avaient été frauduleusement soustraites, bien que ce salarié n'ait pu les photocopier ni les divulguer sans
commettre un vol, la cour d'appel n'a pas légalement justifié sa décision et a violé les textes susvisés ;
"2°) alors que, toute personne, physique ou morale, a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa
correspondance ; qu'il ne peut y avoir ingérence dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la
loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la défense de l'ordre et à la prévention
des infractions pénales ; qu'en s'abstenant de rechercher si l'examen public, devant la juridiction correctionnelle, de pièces
soustraites par le salarié d'une entreprise à l'insu de son employeur et protégées par l'article 8 de la Convention européenne des
droits de l'homme, constituait une mesure nécessaire et proportionnée au sens de l'article précité, la cour d'appel n'a pas donné
de base légale à sa décision" ;
Attendu qu'il résulte de l'arrêt que Pierre Y..., directeur technique de la société Malara, qui faisait l'objet d'une procédure de
licenciement, a dénoncé aux services de gendarmerie les agissements du gérant de cette société, Dominique X..., qui aurait
détourné des fonds sociaux pour effectuer des travaux dans sa résidence principale et leur a remis divers documents pour étayer
ses dires ; qu'à l'issue de l'enquête, Dominique X... est poursuivi du chef d'abus de biens sociaux ;
Attendu que, pour écarter l'argumentation du prévenu, qui soutenait que les pièces remises par son salarié, ayant été obtenues
frauduleusement, devaient être écartées des débats, l'arrêt prononce par les motifs repris au moyen ;
Attendu qu'en cet état, et dès lors qu'aucune disposition légale ne permet aux juges répressifs d' écarter des moyens de preuve
remis par un particulier aux services d'enquête, au seul motif qu'ils auraient été obtenus de façon illicite ou déloyale et qu'il leur
appartient seulement, en application de l'article 427 du code de procédure pénale, d'en apprécier la valeur probante, après les
avoir soumis à la discussion contradictoire, la cour d' appel a justifié sa décision ;
Que le moyen doit, dès lors, être écarté ;
Sur le troisième moyen de cassation, pris de la violation des articles L. 241-3,4°, du code de commerce, 121-1, 121-3, du code
pénal, 591 à 593 du code de procédure pénale et 6 de la Convention européenne des droits de l'homme, défaut de motifs,
manque de base légale, violation des droits de la défense ;
"en ce que l'arrêt attaqué a déclaré Dominique X... coupable d'abus de biens sociaux ;
"aux motifs que les enquêteurs n'ont trouvé dans la comptabilité de la NJD Malara aucun compte client relatif à la SCI Les
Cordeliers et jusqu'en 2004… ; qu'il a ainsi été établi que, pour la période visée à la prévention, le paiement des matériaux et des
salariés pour le chantier SCI Les Cordeliers a été entièrement supporté par la SARL NJD Malara ; que, si les travaux ont été réalisés
au grand jour et traités au sein de la NJD Malara comme n'importe quel chantier par les conducteurs de travaux, il n'en reste pas
moins que Dominique X... a omis de les payer à la SARL NJD Malara; que seule une facture a été établie le 31 décembre 2004 d'un
montant de 25 000 euros hors taxes (28 375 euros toutes taxes comprises) au nom de la SCI Les Cordeliers relative à des travaux
réalisés en 2002 ; que cette somme a été portée au débit du compte courant associé X... Dominique et, début 2005, Dominique
X... a remis à son comptable un état des chantiers en cours sur lequel figure le chantier Les Cordeliers pour une somme de 100
000 euros ; qu'entendu sur ces faits, Dominique X... a parfaitement admis que les matériaux nécessaires au chantier des
Cordeliers avaient été commandés, livrés et payés par la NJD Malara; qu'iI a même reconnu qu'un sous-traitant, Patrick Z..., avait
été payé par cette même société ; qu'il a confirmé que le matériel de NJD Malara avait été utilisé pour ce chantier et que c'est la
main d'oeuvre de la NJD Malara qui a réalisé la plus grande partie des travaux ; que la volonté de dissimulation et la mauvaise foi
que le prévenu conteste, sont tout autant établies ; qu'il ressort des témoignages de Pierre Y... et de Jean-Christophe A... que
Dominique X... a voulu faire disparaître les éléments de la comptabilité analytique de ce chantier en donnant l'ordre d'effacer le
fichier sur l'ordinateur ; qu'il se dégage de l'audition de plusieurs témoins l'intention délibérée du prévenu de ne pas faire
apparaître en comptabilité l'existence de ce chantier ; qu'ainsi, s'agissant de la main-d'oeuvre, les enquêteurs ont comparé les
copies de fiches de présence des ouvriers de la SARL NJD Malara sur lesquelles est inscrit le chantier des Cordeliers avec les
dossiers salaires de ces mêmes ouvriers et ont constaté que le chantier inscrit était tout autre ; qu'interrogée sur cette
discordance, Denise B... en a convenu et a déclaré avoir agi suivant les ordres donnés par Dominique X... et le conducteur de
travaux quand elle leur demandait où elle devait situer les ouvriers pour leurs frais de déplacement ; que, de même, André C...,
qui a réalisé des travaux de charpente pour le chantier des Cordeliers, a englobé, à la demande de Dominique X..., la facture de
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ces travaux avec celle de travaux réalisés pour une autre opération commandée par la NJD Malara ; qu'enfin, les factures des
matériaux commandés aux fournisseurs Point P et SAMSEE ne portent aucune mention du chantier des Cordeliers auquel elles se
rapportent ; que ces dissimulations, ainsi que l'absence de toute mention des travaux réalisés pour la SCI Les Cordeliers dans la
comptabilité de la NJD Malara avant la fin de l'année 2004, démontrent la mauvaise foi du prévenu ; que ce n'est que
postérieurement à la période de prévention et en raison de la situation financière alors fragile de la SARL NJD Malara que
Dominique X... a décidé de faire apparaître en comptabilité l'existence du client SCI Les Cordeliers en le mentionnant dans un
document intitulé "Travaux en cours année 2004" remis au début de l'année 2005 au comptable et en émettant une facture, en
date du 31 décembre 2004 ; qu'ainsi, en faisant prendre en charge par la SARL NJD Malara, dont il était le gérant, l'intégralité des
travaux qu'elle a réalisés pour le compte de la SCI Les Cordeliers, dont il est aussi le gérant, entre le 1er janvier 2001 et le 31
décembre 2004, Dominique X..., qui a dissimulé en comptabilité l'existence de ce chantier et qui a ainsi fragilisé la situation
financière de la NJD Malara puisqu'un dépôt de bilan a été envisagé fin 2004, a nécessairement fait, de mauvaise foi, des biens ou
du crédit de cette société, un usage contraire à l'intérêt de celle-ci et ce, à des fins personnelles ;
"alors que Dominique X... faisait valoir dans ses écritures d'appel, 1°) - qu'il disposait d'un compte courant d'associé
constamment créditeur depuis 2000, pièce à l'appui, 2°) - que le coût définitif des matériaux et fournitures relatifs au chantier de
la SCI Les Cordeliers n'avait pas été supporté par la SARL NJD Malara, 3°) – que, outre des règlements effectués par lui
personnellement pour les matériaux et fournitures, il avait spontanément établi une facture de 28 375 euros le 31 décembre
2004 émanant de la société NJD Malara à l'attention de la SCI Cordelier, somme qui a été immédiatement réglée par le débit de
son compte courant associé, et, en outre, remis à son expert-comptable, dès le début de l'année 2005, un état du chantier pour
un montant de 100 000 euros, le tout antérieurement à la dénonciation effectuée par Pierre Y... le 20 avril 2005 ; 4°) – que sa
société n'avait jamais été en difficulté financière, bien au contraire, bilans à l'appui ; qu'en déclarant néanmoins ce dernier
coupable des faits reprochés sans répondre à ces moyens péremptoires susceptibles d'exonérer Dominique X... de toute
responsabilité pénale et d'exclure toute intention frauduleuse, la cour d'appel a privé sa décision de base légale" ;
Attendu que les énonciations de l'arrêt attaqué mettent la Cour de cassation en mesure de s'assurer que la cour d'appel a, sans
insuffisance ni contradiction, répondu aux chefs péremptoires des conclusions dont elle était saisie et caractérisé en tous ses
éléments, tant matériels qu'intentionnel, le délit dont elle a déclaré le prévenu coupable ;
D'où il suit que le moyen, qui se borne à remettre en question l'appréciation souveraine, par les juges du fond, des faits et
circonstances de la cause, ainsi que des éléments de preuve contradictoirement débattus, ne saurait être admis ;
Et attendu que l'arrêt est régulier en la forme ;
REJETTE le pourvoi
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Note : 14,5/20
Appréciations du correcteur : De très bonnes idées dans votre travail et l’arrêt est bien compris. Manquent certains
points qui auraient pu être développés en II.A. (exemple : jurisprudence antérieure sur les preuves issues d’une
infraction, responsabilité pénales de l’auteur du vol). Bon travail.
L’arrêt ici soumis à notre appréciation a été rendue le 27 janvier 2010 par la chambre criminelle de la Cour de
Cassation et aborde la loyauté des preuves apportées par les particuliers1.
En l’espèce, un homme, directeur technique d’une société est en conflit avec son supérieur, lequel ayant engagé une
procédure de licenciement contre lui. S’étant procuré divers documents comptables à l’insu du dirigeant, l’individu le
dénonce alors comme coupable d’abus de biens sociaux, lesdits documents prouvant que des biens de la société
avaient permis la réfection de la résidence principale de son dirigeant.
Celui-ci dénonce l’illégalité des preuves puisqu’elles résulteraient d’un vol mais la chambre correctionnelle de la Cour
d’appel écarte l’argument, retenant que la dénonciateur avait pu obtenir les documents litigieux alors qu’il travaillait
encore pour la société. Que dès lors, rien ne prouvait le vol et donc rien ne justifiait qu’on écartât les preuves. La
chambre le condamnant alors pour abus de biens sociaux.
Le dirigeant social forme un pourvoi en cassation dans le but de faire reconnaître l’illégalité2 des modes de preuve. Il
avance que la subtilisation par un employé de document appartenant à son employeur dans le but de les
communiquer à des tiers, dans le but de nuire, est nécessairement frauduleuse, constitue un vol et entache
d’illégalité les éléments de preuve ainsi obtenus. Il avance également une violation de sa vie privée.
Les éléments de preuve, rapportés par des particuliers, entachés de déloyauté3 sont ils recevables ?
La Cour de cassation répond par l’affirmative en énonçant « qu’aucune disposition légale ne permet aux juges
répressifs d’écarter des moyens de preuve remis par un particulier aux services d’enquête, au seul motif qu’ils
auraient été obtenus de façon illicite ou déloyale », les juges devant apprécier la valeur probante de ses preuves.
Dès lors pour étudier cet arrêt, il convier d’étudier comment la loyauté des modes de preuve est ignorée vis à vis des
particulier (I) avant de voir comment ce régime se justifie (II).
I.
Une déloyauté ignorée au profit des parties privées4
Au cours de ces développements, nous verrons que bien que la loyauté5 des preuves laisse à désirer en l’espèce (A),
la Cour choisit de l’ignorer (B).
A. La légalité douteuse des éléments de preuve
Dans notre procédure pénale, bien que « les infractions (puissent) être établies par tout mode de preuve » (Article
427 CPP) la liberté n’est pas totale. Avec la pratique s’est faite l’idée de la légalité des modes de preuve, cette notion
englobant la loyauté et la responsabilité de la dignité humaine. C’est sur la loyauté que porte l’arrêt6. L’obligation de
loyauté rend irrecevables les preuves issues de « machination de nature à déterminer les agissements délictueux »,
de « stratagème ayant vicié la rechercher et l’établissement de la vérité » (Cass. Crim. 1996). Cette idée renforce la
1
Allez plus directement à l’intérêt de l’arrêt
Très bien
3
Remplacer par : « obtenus suite à la commission d’une infraction ».
4
Votre titre de B est plus pertinent au vu de l’arrêt, votre I reste trop général.
5
Remplacer par « légalité »
6
Attention, il est question de preuves obtenues de façon illicite et pas seulement déloyal.
2
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moralisation de la procédure et prouve que la fin ne justifie pas toujours les moyens.
C’est d’ailleurs sur cette idée de légalité que repose l’argumentation du coupable d’abus de biens sociaux. Celui-ci
avance en effet que puisque les documents ont été obtenus par vol, il ne pouvait être reçus. D’autres éléments
peuvent avancer la thèse de l’illégalité. Il y a bien ici « machination », l’individu s’étant procuré les documents à l’insu
de son patron, pour lui nuire, pour se venger en dénonçant une infraction dont il n’est même pas victime. La Cour
d’appel statue d’ailleurs sur la loyauté des preuves, les acceptant car le vol n’était pas prouvé. A contrario, si le vol
avait été caractérisé, on peut déduire des formulations de l’arrêt que les preuves auraient été écartées7.
B. L’indifférence de la Cour à la commission d’une infraction. 8
Pourtant, c’est bien en des termes beaucoup plus large que raisonne la chambre criminelle. Elle ne cherche pas à
savoir si oui ou non les preuves étaient légales 9! Elle pose un principe selon lequel « aucune disposition légale ne
permet aux juges répressifs d’écarter des moyens de preuve remis par un particulier aux services d’enquêtes au seul
motif qu’ils auraient été obtenus de façon illicite ou déloyale ». Cette indifférence à l’égard de la loyauté de la preuve
est constante en jurisprudence. Apparu en 1993 l’attendu décisoire que nous venons de citer a été repris à de
nombreuse reprise, notamment en 2002 pour valider des méthodes de Testing.
Mais, outre l’acceptation de comportements manquant de transparence, fourbes, le principe permet aux particuliers
de commettre des infractions, ce qui est en jeu dans l’espèce10. La Cour de cassation vient dire que même si la cour
d’appel avait retenu le vol des documents, ceux ci n ‘auraient pas pu être écartés d’office ! Voilà un principe
particulièrement en faveur de la répression. Les particuliers se voient attribuer carte blanche11 pour faire avancer les
enquêtes, pouvant user de tous les moyens pour apporter les preuves.
Bien qu’extrême, ce principe peut se justifier, ce que nous verrons dans notre seconde partie.
II. Les tentatives de justification du régime probatoire appliqué aux particuliers.
Justifications qui résident en deux points : dans la nécessaire dérogation au régime stricte de la loyauté (A) et dans la
soumission au contradictoire (B)
A. Un régime dérogatoire appliqué aux particuliers12
Par opposition aux particuliers, les autorités publiques sont soumises à la rigueur de la loyauté que nous avons
exposée plus haut. Ainsi, un juge ne peut cacher ses fonctions pour obtenir des preuves (Cass. Ass. Plèn. 1888). Mais
les nuances se font sentir chez les autorités policières. Ainsi, la provocation à la preuve est autorisée. Dans ce genre
de situation, la police est passive : elle ne fait que constater une infraction en cours et en arrête la continuation (Cass.
Crim. 2003). En revanche, les provocations à la commission d’une infraction sont interdites. La police ne peut pas
pousser un délinquant en puissance à commettre des faits réprimables (Cass. Crim. 2006).
La rigueur du principe permet de justifier la dérogation accordée aux particuliers. En effet, ceux ci ne jouissent pas
des mêmes moyens que les autorités publiques, l’arrêt commenté les autorise en quelque sorte à faire « commes ils
peuvent », « avec les moyens du bord »13. De plus, ils ne sont pas regardés comme des exemples à l’inverse des juges
ou de la police. Enfin, l’arrêt facilite la répression, ce qui peut compenser les difficultés connues par les autorités
publiques. Pour ces raisons, l’indifférence à la loyauté pourtant moralement douteuse se justifie.
7
Bien
8
Très bien
Très bien
10
Très bien
11
Mal dit
12
Cette sous partie est moins pertinente puisqu’il ne s’agit pas d’une provocation à la preuve ni à l’infraction
13
Mal dit
9
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B. La soumission au contradictoire.
Deuxième partie de l’attendu décisoire, la Cour énonce qu’il revient au juge d’apprécier la valeur probante (des
preuves), après les avoir soumis à la discussion contradictoire » et renvoie à l’article 427 du Code de Procédure
Pénale. Celui ci dispose que « le juge décide d’après son intime conviction ».
Cela veut dire que les éléments seront débattus au sein du prétoire par les parties au procès chacun apportant ses
idées, débattant et défendant sa thèse afin de permettre au juge de se faire une intime conviction sur le sujet. C’est
seulement au cours de ce débat contracditoire que la déloyauté des preuves pourra être dénoncée dans le but
d’influencer le juge afin qu’au final il ne tienne pas compte des éléments déloyaux14. On ne peut plus retirer d’office
les preuves déloyales.
La discussion contradictoire permet certes de débattre, de justifier l’acceptation première du principe posé par
l’arrêt. Cependant, en y réfléchissant, on peut se demander si le débat contradictoire suffit à laver une preuve de
toute illégalité. Permet-il de rendre anodins le fait que les documents aient été obtenus par vol ?15 Une partie de la
doctrine répond par la négative à cette question, une preuve illégale ne peut pas être sauvée. Ainsi se font jour les
limites théoriques du principe d’indifférence à l’égard de la loyauté pour les preuves rapportées par les particuliers.
14
15
Non, ce n’est pas le but du contradictoire
Bien
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