le droit des marques chinois a l`aube d`une nouvelle reforme

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le droit des marques chinois a l`aube d`une nouvelle reforme
NEWSLETTER CHINE 06 - OCTOBRE 2009
Lefèvre Pelletier & associés est l’un des premiers cabinet en France, avec plus de 150 avocats.
LE DROIT DES MARQUES CHINOIS A L’AUBE D’UNE NOUVELLE
REFORME ?
Si la Chine est bien devenue une terre d’élection pour les investisseurs étrangers, ces derniers restent préoccupés par
la protection de leurs marques dans l’Empire du Milieu. Du faux sac Vuitton aux stylos Bic contrefaits, la Chine est
aujourd’hui le premier producteur mondial de contrefaçons. Cette industrie représenterait de 8 à 10% de son produit
intérieur brut. Corrélativement, l’industrie de la contrefaçon chinoise serait responsable d’environ 6 milliards d’euros
de pertes pour les seules entreprises françaises chaque année, et serait à l’origine de la suppression d’environ 30.000
emplois sur son territoire.
Véritable fléau qui pour certains tirerait son origine d’une valorisation de la copie dans la culture chinoise, la contrefaçon est néanmoins de plus en plus combattue par les autorités, soucieuses de stimuler également l’innovation sur leur
territoire et de voir émerger de grandes marques chinoises. Le Haut Commissaire du State Intellectual Property Office
(SIPO), a ainsi émis récemment le souhait de passer du « Made in China » au « Invented in China » et le gouvernement
affiche sa volonté de compter des marques chinoises parmi les cent premières marques mondiales.
Au regard de la législation adoptée depuis une vingtaine d’années, il est d’ailleurs désormais impossible de qualifier
la Chine de zone de non-droit en matière de droit des marques, et même, de manière plus générale, en matière de
propriété intellectuelle. Celle-ci dispose au contraire d’un arsenal juridique complet lequel reste cependant à mettre
suffisamment en œuvre pour protéger au mieux les marques des sociétés tant étrangères que chinoises. Une réforme
imminente du droit des marques en Chine devrait accentuer cette tendance.
Une législation protectrice des marques
La Chine a franchi un grand pas en matière de protection des droits de propriété intellectuelle en adhérant à
l’Organisation Mondiale du Commerce (OMC) en 2001. Elle doit en effet depuis respecter l’Accord sur les Aspects
des Droits de Propriété Intellectuelle qui touchent au Commerce (ADPIC ou TRIPS en anglais). Cet accord, dit également accord de Marrakech, datant du 15 avril 1994, énumère les droits de propriété intellectuelle protégés, définit des
standards pour une harmonisation internationale des législations et prévoit des sanctions commerciales multilatérales
envers les Etats ne respectant pas leurs engagements.
Toutefois, il est à noter que même avant son adhésion à l’OMC, la Chine était déjà partie à la plupart des conventions
internationales relatives à la propriété intellectuelle : la Convention de Paris sur la protection de la propriété industrielle, ratifiée par la Chine le 19 mars 1985, qui prévoit notamment la protection des marques notoires ; la Convention
de Berne pour la protection des œuvres littéraires et artistiques, à laquelle la Chine est partie depuis le 15 octobre 1992;
L’Arrangement et le Protocole de Madrid en matière d’enregistrement des marques, approuvés par la Chine respectivement le 4 octobre 1989 et le 1er décembre 1995. Les cours de justice chinoises se fondent régulièrement sur ces textes
internationaux pour motiver leurs décisions.
Par ailleurs, la législation chinoise nationale ne peut être qualifiée de lacunaire. La première loi sur les marques date du
23 août 1982, et a depuis été amendée à deux reprises, en 1993 et 2001. Il est aujourd’hui possible aux entrepreneurs
de protéger leurs marques efficacement, y compris avec le seul droit national chinois.
Concrètement, la protection d’une marque passe par un enregistrement de celle-ci auprès de l’Office des Marques de
la State Administration of Industry and Commerce (SAIC). La marque doit, pour pouvoir être enregistrée, remplir un
certain nombre de conditions, à savoir être disponible et être distinctive. La marque peut être représentée par des mots,
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une image ou même être en trois dimensions : c’est ainsi que la marque Ferrero Rocher a enregistré sa marque sous
la forme d’une image du chocolat en 3D. Il est recommandé d’enregistrer également sa marque sous un nom chinois,
c’est-à-dire d’être traduite en caractère chinois en privilégiant soit une translittération, soit une traduction sémantique.
Les consommateurs chinois ne connaissent en effet pour la plupart que les marques étrangères sous leur nom chinois.
La protection de ladite marque dure pendant 10 ans à compter de l’enregistrement.
La loi sur les marques telle qu’elle a été amendée en 2001 illustre une véritable volonté du gouvernement chinois de
mieux protéger les titulaires de marques. La loi dispose ainsi qu’il est désormais possible aux personnes physiques
d’enregistrer leurs marques, cet enregistrement n’étant jusqu’alors que réservé aux personnes morales. Elle offre également la possibilité de contester devant les tribunaux les décisions prises par l’Office des Marques de la SAIC. Enfin,
elle consacre la notion de marque notoire, ce qui signifie que ladite marque bénéficie d’une protection renforcée même
si elle n’a pas été enregistrée en Chine. A ce jour, 98 marques étrangères ont été reconnues comme notoires en Chine,
telles que Rolex, Wal-Mart, L’Oréal, Porsche, Boss, Nescafé ou encore Michelin.
Enfin, il convient de souligner que les entreprises peuvent également défendre aujourd’hui leurs marques en se fondant
sur d’autres textes de la législation chinoise, qui ne sont pas directement issus d’une réflexion en matière de protection
des droits de propriété intellectuelle : il en va ainsi de la Loi sur la concurrence déloyale du 1er octobre 1993, de la Loi
sur la qualité des produits du 1er septembre 1993, de la Loi relative à la protection des consommateurs du 31 octobre
1993 ou encore de la récente Loi sur la sécurité alimentaire entrée en vigueur le 1er juin 2009.
Il existe donc un dispositif juridique en amont, mais aussi des moyens de le faire appliquer en aval. Les entreprises victimes d’une violation de leurs marques disposent ainsi de deux types de recours : le recours administratif et le recours
judiciaire. Bien que ne permettant pas d’obtenir des dommages-intérêts, les entreprises privilégient le plus souvent la
voie administrative car cette dernière est considérée comme la plus efficace. Les administrations locales de l’industrie et
du commerce disposent de facultés d’investigations et peuvent notamment :
• ordonner la cessation immédiate de l’infraction, la confiscation ou la destruction des produits contrefaisants et du
matériel ayant servi à leur fabrication,
• confisquer les revenus issus de la vente des produits contrefaits,
• infliger des amendes dont le montant peut atteindre trois fois le profit illégal réalisé.
L’Administration générale pour le contrôle de la qualité, l’inspection et le contrôle sanitaire peut également être utilement mise à contribution lorsque par exemple les produits contrefaits mettent en danger la santé des consommateurs.
Les entreprises peuvent également faire le choix du recours judiciaire. En matière d’action civile, l’entreprise victime
peut engager une action afin d’obtenir réparation du dommage causé et la cessation des activités illicites. L’entreprise
peut demander au préalable que des mesures conservatoires soient prises afin d’éviter la destruction des preuves ou la
survenance d’un dommage irréparable. C’est ainsi que quatre sociétés du luxe (Burberry, Chanel, Prada et Vuitton)
ont obtenu gain de cause auprès d’un juge civil de Pékin en 2005 contre l’un des propriétaires du Marché de la Soie,
lieu de vente de produits contrefaits dans la capitale chinoise. Le propriétaire dudit marché ainsi que cinq revendeurs
ont été condamnés à 13.000 dollars d’indemnités. La somme reste très symbolique, lorsque l’on sait que ces sociétés
réclamaient 300.000 dollars de dommages-intérêts.
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En matière pénale, il faut noter que le droit chinois comporte une spécificité qui peut parfois être préjudiciable au
déclenchement de l’action judiciaire. En effet, le niveau de gravité est en Chine un élément de constitution du délit,
alors même que dans d’autres pays le niveau de gravité n’est pris en compte que dans la détermination de la peine. C’est
ainsi qu’une action pénale ne pourra être engagée à l’encontre d’un contrefacteur que si celui-ci a produit ou vendu de
faux produits d’une valeur supérieure à 50.000 RMB.
Toutefois, une fois l’action pénale déclenchée, de peines sévères peuvent être prononcées, avec des possibilités
d’emprisonnement pouvant atteindre 7 années.
Enfin, il convient de souligner qu’une procédure de rétention douanière a été mise en place depuis 1992 et qu’elle freine sensiblement l’expansion de la contrefaçon en Chine. Cette procédure permet d’empêcher l’exportation depuis la
Chine de produits contrefaits. Pour en bénéficier, le propriétaire des droits de propriété intellectuelle doit formuler une
« demande de protection », et fournir les preuves de l’enregistrement de ses droits en Chine auprès des douanes. Cette
demande de protection est dès lors diffusée dans tous les postes douaniers et permet ainsi aux douaniers d’identifier les
produits contrefaits. Ces derniers sont alors saisis, présentés au demandeur, puis confisqués si le demandeur confirme
que ce sont bien des produits contrefaits. La douane peut ensuite décider de détruire lesdits produits. Le nombre de
saisies douanières est en constante augmentation ces dernières années.
Le défi de la mise en adéquation des textes et de la pratique
S’il est donc faux de dire que la Chine ne dispose d’aucune législation ni d’appareil répressif sur le sujet, on ne peut
cependant que faire le constat d’insuffisances sur le terrain.
En cas d’action civile contre un contrefacteur, il est souvent par exemple très difficile au demandeur de prouver
l’existence de ses droits s’il n’a pas enregistré sa marque en Chine. Les tribunaux chinois exigent souvent que tous les
documents en provenance de l’étranger soient non seulement notariés, mais également authentifiés par l’ambassade de
Chine du pays du demandeur.
Les entreprises étrangères dénoncent ainsi régulièrement les lacunes de la législation chinoise, se jugeant insuffisamment protégées. En avril 2007, les Etats-Unis ont déposé une plainte contre la Chine auprès de l’OMC, concernant le
non-respect par celle-ci de l’accord ADPIC. Un panel d’experts a publié récemment, en janvier 2009, sa décision sur
le sujet. Le panel a donné raison à certaines plaintes des Etats-Unis mais en a également rejeté d’autres. En matière de
droit des marques, les Etats-Unis souhaitaient notamment que les seuils à partir duquel la production et la vente de
contrefaçons sont considérées comme criminelles soient baissés. Selon eux, les seuils excessivement hauts prévus par la
loi chinoise créent une véritable incitation à la production de biens contrefaits à grande échelle. Le panel n’a pas retenu
ces arguments pour manque de preuves.
Enfin, les entreprises étrangères sont désormais fréquemment confrontées à un problème à la fois difficile à détecter et
à réprimer, à savoir lorsque leur partenaire chinois distribue de manière illégale, via d’autres circuits que celui résultant
de leur accord ou même de leur joint-venture, leurs produits. La marque est dans ce cas détournée sans pour autant être
contrefaite, ce qui pose des difficultés en matière de preuve. C’est précisément l’objet du différend qui a opposé Danone
à son partenaire chinois Wahaha, le premier reprochant au second d’avoir utilisé leur marque commune « Wahaha »
pour distribuer des produits en dehors de leurs joint-ventures.
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Toutefois, il serait hâtif de conclure à une mauvaise volonté du gouvernement chinois en matière de protection des
marques : la plupart des litiges oppose en effet les sociétés chinoises entre elles, et l’Etat a donc tout intérêt à véritablement faire appliquer la législation qu’il édicte.
Le gouvernement chinois s’est d’ailleurs clairement engagé à remédier à la situation, publiant en juin 2008 sa « National
IP Strategy » visant à faire de la Chine l’un des pays les plus innovants d’ici 2020. C’est ainsi que ce plan prévoit une
aggravation des sanctions pénales à l’encontre des contrefacteurs avec des peines d’emprisonnement plus fréquentes et
proches du maximum légal.
La Cour Suprême chinoise a quant à elle rendu une opinion juridique le 30 mars 2009 relatif à l’exécution des réformes en matière de propriété intellectuelle. Cette dernière demande ainsi aux cours locales d’accorder des dommages
et intérêts plus dissuasifs, de relever le montant des amendes prononcées et de confisquer plus systématiquement les
biens des entreprises prises en faute. La Cour demande en outre d’être plus clémente envers les demandeurs quant à
l’administration de la preuve, cette dernière pouvant être difficile à apporter en matière de propriété intellectuelle.
Enfin, une révision de la Loi sur les marques est imminente. Amendée deux fois depuis sa promulgation en 1982 (en
1993 et 2001), de nouveaux amendements sont à l’étude pour renforcer la protection des marques. L’actuelle loi sur les
marques définit aujourd’hui une marque comme un signe visuel. Le champ de la protection devrait être étendu avec la
nouvelle loi, englobant désormais des signes non visuels (des sons par exemple). La nouvelle loi instaurerait également
une durée d’enregistrement maximale de 12 mois, limitant considérablement le risque d’absence de protection efficace
entre le moment du dépôt de la marque et son enregistrement effectif. Les amendes devraient également devenir plus
dissuasives. Actuellement, l’amende pour contrefaçon se situe entre 1 à 3 fois le montant du profit réalisé illégalement avec un maximum de RMB 100.000 s’il est impossible d’évaluer le montant du profit. Un nouvel amendement
prévoirait une amende pouvant aller jusqu’à 5 fois le montant du profit réalisé ou un maximum de RMB 1.000.000 en
cas de profit indéterminé.
S’il n’est plus évident de considérer la Chine comme le paradis de la contrefaçon, un arsenal juridique ayant véritablement été mis en place, force est de constater que des progrès sont encore à faire. Les autorités chinoises communiquent
régulièrement dans la presse qu’une réforme est imminente mais le calendrier de son adoption reste flou.
Dès lors, il convient aux entreprises souhaitant s’établir en Chine d’adopter une démarche réfléchie dans la protection
de leurs marques. Cette protection passe à la fois par un enregistrement systématique de leurs marques auprès des autorités chinoises, par la vigilance dans les choix de leurs partenaires chinois, mais aussi par la coopération avec les agences
chinoises responsables de la lutte anti-contrefaçon.
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