Le cœur a ses raisons que seules les pommes comprennent

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Le cœur a ses raisons que seules les pommes comprennent
Laurent Moreau
Le cœur a ses raisons
que seules les pommes
comprennent...
ROMAN
numeriklivres.info
ISBN numérique : 978-2-89717-969-4
ISBN papier : 978-2-89717-970-0
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LAURENT MOREAU
& NUMERIKLIVRES, Paris, France 2016
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Bienvenue dans un port de pêche de
Normandie à la frontière de la Manche et du
Calvados. Un univers parallèle où 1 800 habitants se
partagent l’hiver 17 bars et un seul port. L’été la
population multipliée par 10 dans la ville et par mille
dans la région, pour cause de tourisme excessif, fait
vivre les restaurants, le tabac presse et la droguerie du
coin. Pour le début de chaque saison on ouvre une
petite école de voile, on embauche des étudiants
souriants dans les cafés pour faire moins bourru et on
installe une fête foraine des années quatre-vingt
vendant des croustillons et des pommes d’amour. Ce
petit village devient pendant 3 mois une attraction à
part entière, une grande roue estivale qui ne cesse de
tourner, prenant au fil des semaines de nouveaux
passagers tout en reposant ceux qui ont terminé leur
éphémère été.
Dans cet univers où la campagne est envahie de
pommiers, où la température de l’eau a du mal à
dépasser les 20 degrés la semaine du 15 août, on
croise toutes les classes sociales, tous les âges, toutes
les populations. Étrangement c’est un des rares lieux
où le pantacourt est quasiment toléré. Le pantacourt
cette invention infâme créée sans doute par un hippie
qui en avait marre de se faire bouffer les dessous du
genou par des moustiques en rut. Cette immondice
qui se porte principalement avec des Crocs, des
sandales usagées ou des tongs. Une sorte d’apparat
prouvant à tous que la faute de goût peut brûler une
rétine, un peu comme la gourmette de 2 kg, le teeshirt col en V trop échancré ou simplement la marque
Desigual. Eh oui, ici, pendant 15 jours, même le
parisien bien sous tout rapport osera porter cette ode
au mauvais goût, en offrant comme excuse à ses amis
venus le temps d’un week-end qu’avec sa marinière ça
lui donne un petit côté marin. Mec, désolé de te
décevoir mais du marin tu n’as même pas le pompon.
Mais à part le pantacourt, il y a peu de choses
mauvaises dans ce monde de bord de mer. Ici l’été
consiste à se reposer pour certains, faire du sport pour
d’autres, boire plus que de raison le cidre de son ami
Loïc, voir ses amis et surtout faire des rencontres. Car
oui entre le bal du 14 juillet, la fête de la crevette, les
journées plage, les régates du 15 août, les soirées-bars,
les nuits feu de camp, les happy hours décomplexés,
les après-midi pétanque, les matinées pétoncles, on a
des occasions uniques pour enfin se lancer sans détour
dans une nouvelle histoire d’amour.
Pour certains le temps d’une après-midi, au
mieux d’une nuit, pour d’autres on essaye de tenir
une semaine voire 15 jours mais en ne se voyant
qu’un jour sur deux. Et dans ce lot peut être qu’il y
aura plus qu’un baiser et un entrejambe mouillé d’un
soir de vacances.
La romance d’été peut-elle durer plus
longtemps que le jour le plus long ? Y a-t-il un âge
pour tomber amoureux de sa voisine de serviette ?
Pourquoi a-t-elle focalisé sur ce garçon alors que je
suis là en train de lui faire des signes ? Peut-on se
reconstruire comme un château de sable après un
divorce qui nous effondre ?
Le cœur a ses raisons et eux ont toujours tort ?
Découvrons ensemble 4 personnes qui ne se
connaissent pas, aux mœurs, aux cultures, aux âges et
aux passions différents. 4 personnes se retrouvant
toutes dans le même bateau amarré dans ce port, et
découvrant ou redécouvrant à leur manière ce que
certains appellent un coup de cœur, l’amour ou ce
que l’on nomme simplement la vie.
Stanislas, 17 ans
Au XXIe siècle, quand tu as 17 ans tu as déjà
tout vécu, c’est un des principes de base dictés par
Nabilla sur l’une de ses 88 apparitions télévisuelles.
Tu te branles depuis tes 12 ans, tu as fait l’amour
avant d’avoir eu ton brevet. Tu arrives au lycée en
trouvant que le héros d’American Pie, film vintage, n’est
qu’un puceau.
Stan lui est un peu de l’ancienne école. Son
premier baiser, il l’a eu à 16 ans et demi, après 6 mois
de travail acharné, de mots dans un agenda, de
desserts offerts au réfectoire, d’échanges à la nuit
tombée sur le chat Facebook. Après moult négociations
avec Valentine, il a réussi à la convaincre de faire un
ciné en tête à tête. Pas mal pour un mec qui avait des
boutons d’acné représentant la Grande Ourse sur son
front il y a à peine 6 mois. Les mauvais jours on
pouvait lire en braille sur son visage.
Et puis Stan habite dans une ville de 6 000
habitants et le ciné c’est une fois par mois dans la salle
polyvalente. Faut pas louper ton créneau mon gars.
Pendant le ciné, il lui a tenu la main, elle l’a
gardée dans la sienne. Il savait que c’était gagné, il le
savait mais ça ne l’a pas empêché de suinter du cou
pendant 1 h 47.
Ils sont rentrés à pied, et pour lui dire bonne
nuit il a tendu ses lèvres, il a frissonné, il a souri 11
heures d’affilée. Cette idylle aura duré 9 jours.
Ensuite Valentine est partie avec un mec de
terminale, un mec qui avait un scooter qui cabre et les
nouvelles Air Max. Stanislas n’avait qu’un vélo, les
vieilles Pumps de son bro et un cœur brisé.
Plus jamais il ne voudrait tomber amoureux.
Pauvre con, ça ne se décide pas.
6 mois plus tard, le voilà parti pour un séjour
d’été dans une colo sportive dans un village de
Normandie.
Allez viens gamin, on va recoller tout ça.
Sophie, 33 ans
Ça regarde Hitch en boucle, ça rêve du prince
charmant de La belle au bois dormant mais ça finit
toujours à 5 heures du matin avec un mec puant
l’alcool, souillant ses draps avec sa sueur et ses
ronflements. Sophie c’est l’indépendante woman, je
cherche l’homme parfait, en attendant je m’entraîne
avec des mecs mauvais sous tous rapports sauf sexuels.
Avec ses copines, elles sortent chaque jour non
férié en parlant fort pour qu’on les remarque. Elle est
jolie, elle le sait, elle en joue. Elle bouffe comme 4
mais ne grossit pas, elle fume quotidiennement 1
paquet et demi de Vogue Lila, le lila ce n’est pas pour
l’haleine c’est pour le style. Elle se plaint d’être
célibataire, mais quand elle en trouve un qui tient bon
la barre, elle fout des vents, hisse et ho, elle te dégage
jusqu’à Santiago.
Partagée entre sa passion enfantine de 4 filles et
un jean et sa passion d’alcoolisme de 4 gins et une fille,
cette femme enfant rêve de l’engagement la nuit mais
le dénigre le jour.
Quand arrive l’été, elle sort des jupes qui
montrent qu’après 30 ans on peut toujours avoir des
jambes sans peau d’orange, elle s’organise avec ses
copines et elle prépare des vacances dans un pays
émergent, pour payer son alcool moins cher que ses
capotes. Néanmoins cette année, pas de Thaïlande,
pas de Sri Lanka, pas de Croatie. Cette année elle
part en Normandie, dans un village qu’elle
connaissait par cœur de 8 à 19 ans.
Cette retraite au calme, 3 semaines dans le trou
du cul du monde pour s’occuper d’une grand-mère
qui ne demande l’aide de personne, a pour but initial
de cumuler des heures de repos pour le reste de
l’année. Elle a dit à ses copines que sa mamie avait
envie de la voir, mensonge éhonté, la nanny bien
qu’heureuse de voir sa petite fille, n’avait rien
demandé. Mais la vraie raison c’est qu’au fond d’elle,
elle se sent vieille et partir avec ses collègues de 25 ans
dans un pays où le chanvre ne sert pas qu’à faire des
pulls, c’était un peu trop pour elle cette année.
Tu sais Sophie, on fait des très bons cocktails
avec le calva.
Magalie, 47 ans
Un mouchoir dans la main, une haine dans les
yeux, un chat dans la gorge, une envie qu’on l’égorge.
Voilà comment nous pourrions résumer Magalie en
ce 16 février. 2 jours après la Saint Valentin, elle est
encore sous le choc. Certes, 15 ans de mariage ce
n’est pas une étape facile, mais le voir nez à nez avec
une fille 15 ans plus jeune, le soir commercial de
l’amour au rabais, ça a de quoi vous faire cracher par
les yeux une bassine de sérum physiologique.
Tout est allé très vite, l’engueulade, le rejet,
le divorce et la garde des enfants.
En trois mois, alors que lui a trouvé une
seconde vie dans les seins refaits d’une secrétaire
promotionnée, Magalie continue de bouffer des plats
Picard devant Scènes de ménage sur M6. La solitude la
ronge, quand les enfants sont là, elle fait illusion,
révisions des devoirs, maison propre, sourire de
façade. Mais dès qu’ils partent voir leur père, elle
s’effondre.
On n’avait jamais vu des toiles d’araignées se
foutre si vite dans les recoins d’un meuble.
Cette absence enfantine ne dure que le temps
d’un week-end, juste de quoi se morfondre dans les
profondeurs d’un traversin à plumes. Puis elle fait
sécher ça et Léa et Jordan reviennent avec leur
innocence pour la rappeler à la réalité du quotidien.
Heureusement d’ailleurs.
Mais ce mois de vacances du 20 juillet au 18
août, que va-t-elle faire sans son escouade de bonne
humeur ? Un mois c’est long, surtout l’été.
Tu devrais accepter la proposition de ta
meilleure amie, arrêter de te plaindre et partir te
ressourcer en bord de mer. Allez relève tes manches
Magalie, arrête de nous fatiguer avec ta théorie du
complot masculin et viens découvrir le véritable sens
de « sex on the beach ».
Alexandre, 83 ans
Voilà 10 ans qu’Alexandre vit seul, 10 ans que
sa femme est partie sur un nuage. 10 ans qu’elle
l’observe de là-haut, essayant de lui mettre des
calottes quand il met trop de sel sur ses frites.
Lui, ça fait 10 ans qu’il vit à son rythme,
solitaire et solitude. Il a appris à cuire sa viande, à
sourire de nouveau, à se lever pour récupérer son
journal. Il s’est inscrit au club de pétanque du village,
il va boire son café sur le port, face à la mer. Il ne
s’interdit rien mais ne s’autorise pas tout.
Dans son village de pêcheurs et de retraités, il
semble heureux. Il a plein de copains à l’année, des
copains, pas des amis, juste de quoi partager un ragot,
un calva, une blague et retourner se lire un bon
bouquin près du feu. Le reste du temps, il s’ennuie,
mais il n’a personne à qui le dire, dans sa solitude, la
télé ne lui répond pas.
Il a bien son fils Jacques et des petits enfants. Ils
appellent, ils passent, ils offrent du vin et des parfums
pour Noël, mais ça ne remplit pas 10 ans d’une vie.
Là, les beaux jours reviennent, l’été arrive,
comme chaque année la ville sera envahie de
touristes. À l’inverse de plein de rabat-joie, il aime
bien ça, la vie, seulement la sienne il la trouve morne.
Il aimerait bien être comme ces gens, comme
ces jeunes, comme ces rigolos. Il aimerait faire,
refaire, défaire. Ne pas avoir un programme établi qui
consiste à prendre un café, lire les news, faire une
pétanque et rentrer regarder les chiffres et les lettres.
Il aimerait rencontrer quelqu’un, la faire rire,
parler de ce mec qui présente Motus depuis plus de 15
ans, manger à deux, mais il n’y arrive pas. Pour
Alexandre, l’amour n’a qu’un visage et celui-ci est
parti depuis déjà une décennie.
Coucou Papi, tu as la santé, reprends un ticket
et viens faire un tour de manège.
Sophie
Passé la trentaine, quand on sort pour se salir la
moustache entre copines, on est regardées par la
jeunesse à la mode comme des ovnis ou des proies.
Pour les premiers, souvent des demoiselles en
manque de confiance en elles, on est des prédatrices
pathétiques qui n’ont pas trouvé le Tony Micheli
idéal. Pas d’homme pour notre ménage signifie pour
elles que nous sommes des vieilles filles dévergondées.
Jalousie ou constat défaitiste, j’aimerais les voir dans 5
ans, quand elles verront que baisser ses prétentions
c’est se retrouver avec un passionné de foot et de
missionnaires.
Tous les midis, elles allument Canal + pour
admirer Ali Badou, sans savoir qu’elles finiront
sûrement avec Ali de Badoo.
Je ne suis pas une défaitiste mais une idéaliste, le
prince charmant existe, je l’ai rencontré plusieurs fois,
il a seulement préféré se barrer discrètement avec la
grenouille de la rue d’à côté. Je suis bien seule et
j’assume ma vie de working girl.
Pour les seconds, nous sommes des proies. Cette
jeunesse-là est masculine. Éduquée par Cougar Town
et une maman de Stiffler refaite de bas en haut,

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