Le premier rapport du gouvernement

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Le premier rapport du gouvernement
PREMIER RAPPORT SUR LA RESTITUTION DES BIENS JUIFS (1952-2004)
Résumé et extraits du rapport rédigé par le Comité Directeur de la Restitution des Droits et
des Propriétés des Juifs, remis à Natan Sharansky, Ministre de Jérusalem et de la Diaspora,
Avril 2005, conformément à la résolution 1250 du 28 décembre 2003 du gouvernement de
l’Etat d’Israël.
Le premier rapport sur la restitution des biens juifs, initié en 1999 par Elyakim Rubinstein,
ancien conseil juridique du gouvernement israélien, a conduit l’Etat d’Israël à créer un
Comité Ministériel pour la Restitution des Droits et des Biens Juifs.
Ce rapport a été commandé et rédigé quelque 60 ans après la sortie des camps. La période
« post Shoah » a été marquée par d’autres priorités : la question du sort des survivants, la
création de l’Etat d’Israël, le travail de mémoire.
Les générations après Shoah, les héritiers des survivants sont aujourd’hui plus enclins à
aborder la question et à engager la lutte pour la restitution des propriétés des victimes de la
Shoah.
Un des facteurs principaux sont les changements opérés sur la scène internationale, la levée
du Rideau de Fer et le passage à un système démocratique dans les pays de l'Europe de l'Est
qui favorisent une économie de marché. Comme la plupart des propriétés en question sont
dans des anciens pays communistes, les perspectives de recouvrer les biens spoliés par les
nazis ou les régimes collaborationnistes et leur nationalisation par les régimes communistes
sont plus réalistes.
L’ouverture des archives des anciens pays socialistes d’Europe de l’Est et d’Europe Centrale
et le développement de la recherche sur la Shoah constituent aussi des facteurs déterminants.
Parmi les nombreux sujets qui demandent à être développés sur le thème de la restitution des
biens juifs, la priorité du Comité a été donnée aux dommages matériels et à la spoliation des
biens pendant la Shoah.
La question de la spoliation des biens des Juifs touche 9 millions de personnes au total, parmi
lesquelles 6 millions ont péri, assassinées dans le cadre de la politique d’extermination nazie.
La spoliation (dépossession et confiscation) de ces populations concerne ce que contenaient
les maisons et les appartement habités par des Juifs, les biens immobiliers, les comptes
bancaires privés ou commerciaux, les investissements, les comptes d’épargne et les polices
d’assurance, les effets personnels, les métaux précieux, les devises étrangères, les bijoux, les
œuvres d’art.
D’après Stuart Eizenstat, désigné par le Président Clinton en 1998 pour coordonner les
travaux du gouvernement américain en matière d’enquête et d’identification des biens spoliés
aux victimes de la Shoah, l’estimation du montant total des spoliations des propriétés privées
serait de 145 milliards de dollars.
Cette estimation se réfère à la propriété juive pillée seulement, ce qui ne constitue qu’une
partie des dégâts matériels subis par les Juifs pendant la Shoah. Le montant total des
préjudices matériels est quant à lui évalué à un montant allant de 230 à 320 milliards de
dollars : il comprend les propriétés pillées, les pertes de revenus, l’absence de toute forme
d’indemnisation du travail obligatoire.
D’après les évaluations de Stuart Eizenstat, moins de 20 % d'actifs juifs pillés ont été rendus
après la Shoah (dont 5% d’actifs communautaires). Bien que plus de huit milliards de dollars
ont été restitués au cours de la période 1998-2001, cette somme ne constitue qu’une petite
partie des dégâts matériels pendant la Shoah.
Beaucoup reste à faire pour restituer les biens des survivants de la Shoah. Au début de l'année
2004, plus d’un million de survivants de la Shoah sont toujours en vie, y compris des
survivants des communautés nord africaines et du Moyen-Orient : 508 100 vivent en Israël,
183 700 en Russie et dans l’Est de l'Europe, 184 700 en Amérique du Nord, 216 200 dans
d'autres pays.
Pour que la question de la restitution soit acceptée par l’opinion, il s’agira de rappeler que la
restitution des biens ayant appartenu à des Juifs est un droit et que les Juifs ont été les
principales victimes des spoliations pendant la Shoah.
La restitution pourra être conduite avec succès grâce à des mesures légales exceptionnelles.
En effet, dans la plupart des pays d’Europe de l’Est, des modifications légales simples sont
absolument nécessaires.
Plus de 20 pays sont concernés par la question de vides juridiques en matière de restitution
des biens juifs : l'Autriche, la Bosnie, la Bulgarie, la Croatie, la République tchèque, la
France, l'Allemagne, la Grèce, la Hongrie, l'Italie, la Lettonie, la Lituanie, la Pologne, la
Serbie et le Monténégro, la Slovaquie, la Roumanie, la plupart des pays de l’ancienne Union
soviétique, la Suède, l'Ukraine et Vatican.
Plusieurs tentatives ont été menées en Israël pour établir un Fonds de restitution des disparus
de la Shoah sans héritiers. Selon la législation proposée, une organisation à but non lucratif a
été créée, mais jusqu'ici aucune de ses initiatives n'a remporté de succès, en matière de
restitution d'œuvres d’art, de biens immobiliers et le secteur des assurances. Une évaluation
des indemnisations de nature professionnelle doit être faite pour chaque pays.
Pour les auteurs des rapports remis aux gouvernements américain et israélien, la question de
la restitution des biens des Juifs doit contribuer à prendre la mesure de la politique nazie
d’extermination et empêcher d'autres crimes contre l’humanité. En outre, la question de la
restitution pose en creux d’autres questions cruciales comme le démenti de l’Holocauste,
l’antisémitisme, la commémoration et l’éducation de la Shoah.
Diverses Commissions Historiques destinées à examiner la conduite de certains pays pendant
le Shoah seront créées. Un plan de travail prévu pour cinq années touchant à la Restitution des
Droits et des Propriété juives, a été proposé en mars 2004 et soumis pour examen au World
Jewish Restitution Organization et au Centre des Organisations de Survivants de
l'Holocauste en Israël, avant son approbation par le Comité Ministériel pour la Restitution de
Droits et la Propriété juive.
Après l’approbation par le Comité Ministériel de la politique à mener sur cette question, un
plan d'action quinquennal devra être formulé, décidé et approuvé, avec les organismes
représentatifs appuyés par des organisations en Israël et la participation d’organisations juives
à l'étranger.
La restitution selon Chaïm Weizmann
Alorsqu’il était Président de l’Agence Juive, Chaim Weizmann, qui allait devenir trois ans
plus tard le premier Président de l'Etat d'Israël, déclarait aux Alliés dans une note datée de
1945 :
« Le but n'était pas la conquête et l'asservissement, mais l'extermination physique complète
des Juifs, la destruction totale de leur héritage spirituel et religieux et la confiscation de tous
leurs biens matériels. Dans l'exécution de leur déclaration de guerre, l'Allemagne, ses alliés et
ses collaborateurs ont assassiné environ six millions de Juifs, détruit toutes les institutions
communautaires juives partout où leur autorité s'est étendue, volé tous les trésors juifs et les
objets d’art qui leur appartenaient, et saisi toutes les propriétés juives ».
Pour Weizmann, la guerre menée par Hitler contre les Juifs a suscité un triple problème : celui
de la réparation, celui de la réadaptation et celui de la restitution. C’est Weizmann qui a exigé
l'indemnisation et les compensations de l'Allemagne. Il avait aussi demandé que la propriété
juive sans héritier soit restituée à l'Agence juive, puisque cette institution était le représentant
officiel des Juifs avant la création de l’Etat d’Israël.
Trois ans après sa naissance, le 12 mars 1951, l'Etat Israël, adressait une note diplomatique
aux quatre autorités d'occupation en Allemagne : les Etats-Unis, la Grande-Bretagne, la
France et l'Union soviétique, au sujet de la compensation et de la restitution des biens juifs en
Allemagne, en rappelant qu’aucune indemnité, ne saurait compenser la perte des vies
humaines et des valeurs culturelles ou expier la souffrance et l’agonie des hommes, des
femmes et des enfants mis à mort par la machine de guerre allemande à laquelle avaient
collaboré nombre d’Etats européens.
La restitution selon David Ben Gourion
Discours prononcé à la Knesset par David Ben-Gurion, premier Premier ministre de l'Etat
d'Israël, le 7 janvier 1952 :
« Six millions de Juifs ont été tués par la torture, la faim, l'abattage et la suffocation massive.
Plusieurs centaines de milliers ont été brûlés à la mort, enterrés vivant. Il n'y avait aucune
pitié pour les personnes âgées et les femmes ; les enfants et les bébés ont été arrachés aux
mains de leurs mères et jetés dans les fours. Et avant ce meurtre de masse systématique,
pendant le meurtre et après le meurtre, un vol énorme et sans précédent a été commis.
Un crime si énorme et si horrible, ne sera jamais pardonné, malgré les compensations, les
indemnisations ou les restitutions. Aucune forme de compensation ne pourra indemniser la
perte de vies humaines ou offrir le pardon de la souffrance d'hommes et de femmes, des
enfants et des bébés ».
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Les études relatives à la Deuxième Guerre mondiale montrent que si la Shoah n’avait pas eu
lieu, la population juive mondiale en l'an 2000 se situerait dans une fourchette comprise entre
20,1 millions et 32,8 millions de personnes, au lieu de 12,8 millions de personnes, chiffre
aujourd’hui avancé par l’Agence juive.
En termes de composition démographique, et à propos de sa structure d'âge, avant la
Deuxième Guerre mondiale la population juive, connaissait un processus lent de
vieillissement. La Shoah a contribué à accélérer ce processus et notamment à cause de
l’importante représentation des jeunes enfants parmi les victimes de la Shoah.