EXCLUSIF. Johnny fossoyeur du forfait fiscal suisse

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EXCLUSIF. Johnny fossoyeur du forfait fiscal suisse
Le Point.fr - Publié le 30/04/2012
EXCLUSIF. Johnny fossoyeur du forfait fiscal suisse
Par Guy Savoy
Alors qu'il bénéficie d'une fiscalité avantageuse, le chanteur clame qu'il partage sa vie entre Los Angeles et Paris. Au grand courroux des autorités helvétiques
Johnny Hallyday. © Sipa
L'avocat genevois André Gruber se montre intransigeant avec les riches contribuables français, de
plus en plus nombreux à rêver de pouvoir poser leurs valises en Suisse. "Il faut qu'ils comprennent
que c'est une vraie délocalisation. Pour obtenir un forfait fiscal, ils doivent quitter la France avec
femme et enfants et s'intégrer localement. Plus question de louer un appartement et d'y venir de
temps en temps", insiste-t-il. Et de rappeler qu'au début des années 1990 un célèbre sportif français s'est fait expulser du canton de Vaud pour ne pas avoir respecté ses engagements.
Depuis la semaine dernière, l’annonce d’un redressement fiscal touchant Johnny Hallyday met en
émoi les avocats d'affaires et les cabinets de conseil financier chargés d'installer clés en main des
exilés fiscaux dans la Confédération. Les cantons les plus appréciés par les exilés fiscaux, comme
ceux de Berne, de Genève, de Vaud et du Valais, ne sont pas non plus indifférents aux malheurs de
la star. Ce n'est pas tant les 9 millions d'euros que le chanteur devra payer au fisc français qui les
préoccupent que les déclarations contradictoires du rockeur. Bénéficiaire depuis décembre 2006
d'un forfait fiscal à Gstaad, ce dernier ne cesse de répéter qu'il n'habite pas la Suisse...
La colère du maire de Saanen-Gstaad
Interrogé la semaine dernière sur le lancement de sa tournée 2012, Johnny Hallyday a indiqué sur
RTL qu'il partageait sa vie entre Los Angeles et Paris. Ce n'est pas sa première bourde. Même dans
la presse suisse, il affirmait en octobre 2008 : "Je vis à Los Angeles, j'y passe beaucoup de temps.
C'est pratique pour moi d'enregistrer là-bas", avant d'ajouter, "à Gstaad, je fais surtout du ski".
Changement de discours en 2010 dans Paris-Match, où le chanteur français assure que ses filles
Jade et Joy "sont en train de planter leurs racines" dans l'île française de Saint-Barthélemy.
Or, pour profiter d'un forfait fiscal à croix blanche, il faut séjourner au moins six mois et un jour
par an dans la Confédération. Et surtout y localiser ses centres d'intérêt, comme la scolarisation de
ses enfants. Or, Gstaad, station de ski située dans le canton de Berne, est de langue allemande.
Même le président (maire) de la commune de Saanen (dont dépend Gstaad) considère comme
"contre-productive" l'attitude du chanteur, qui ne passe que quelques semaines par an dans les Alpes suisses.
Des résidents très discrets
En clair, la Suisse, dans la ligne de mire de l'Union européenne et des États-Unis, craint que les
multiples déclarations de l'interprète de Que je t'aime ne mettent en péril l'imposition au forfait.
Pour mémoire, l'étranger fortuné n'est pas imposé sur sa fortune ou ses revenus, mais sur le quintuple de la valeur locative annuelle de son logement. En 2009, Johnny Hallyday avait lui-même affirmé qu'il ne payait que 900 000 francs suisses par an (ce qui représente autour de 750 000 euros). Selon Johnny Hallyday pour les nuls, l'artiste se serait installé dans l'Oberland bernois, car
"le beau-père de son fils David y exploite un restaurant très fréquenté"...
De plus, la star française ne respecte pas la sacro-sainte règle non écrite imposée aux heureux bénéficiaires des forfaits fiscaux (5 500 personnes, dont 2 000 Français) : celle de se montrer d'une
parfaite discrétion. Benjamin de Rothschild, Claude Berda, Roger Zannier ou Alain Duménil n'y
dérogent jamais. À l'intérieur même de la Suisse, ces privilèges fiscaux deviennent de plus en plus
impopulaires. Après Zurich et Schaffhouse, le demi-canton d'Appenzell Rhodes-Extérieures a supprimé en mars dernier le forfait fiscal. Toutefois, discrètement prié de quitter la Suisse, Johnny
Hallyday pourra toujours affirmer qu'il est revenu en France de son plein gré.