Jean BOURDON sieur de Saint-François et de Saint-Jean
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Jean BOURDON sieur de Saint-François et de Saint-Jean
Jean BOURDON sieur de Saint-François et de Saint-Jean On ne connaît rien des parents de Jean Bourdon qui serait né vers 1602 dans la paroisse de Saint-Candé-le-Vieil à Rouen. Marie Bourdon, sa nièce, fille de Louis Bourdon et de Madeleine Prunier, est baptisée dans la même paroisse le 5 mars 1634. Elle sera l’une des filles à marier venues en Nouvelle-France entre 1634 et 1662. Le 8 août 1634, Jean Bourdon débarque à Québec sans que l’on ne sache rien de ses antécédents. Il est accompagné par le curé de Saint-Sauveur-de-Thury (Normandie), Jean le Sueur. Leur bonne entente n’est pas antérieure à cette traversée mais tous deux ne se quitteront plus jusqu’en 1668, année commune de leur mort. Selon les Relations des Jésuites, c’est en tant qu’ « ingénieur de M. le gouverneur » que Jean Bourdon exerce ses talents. Les seigneuries sont alors en plein essor et la distribution minutieuse des terres aux censitaires requiert les compétences d’un arpenteur. Il assurera cette tâche au moins jusqu’en 1648, dressant en outre divers plans de la colonie. Plan de Ville-Marie, réalise par Jean Bourdon vers 1642-1645. Il élit domicile sur le coteau Sainte-Geneviève, où il bâtit « un grand corps de logis et un petit corps de logis dans lequel est une chapelle, deux granges et trois greniers » pour accueillir Jacqueline Potel, épousée le 9 novembre 1635 en présence de Noël Juchereau et Guillaume Hebou. On ne sait rien des origines de la mariée. Jean Bourdon et Jacqueline Potel ont huit enfants : . Jacques, baptisé le 26 mars 1637. . Geneviève, baptisée le 24 novembre 1638. . Marie, baptisée le 18 octobre 1640. . Marguerite, baptisée le 12 octobre 1642. . Anne, née le 28 août 1644 et baptisée le lendemain. . Jean-François, baptisé le 2 février 1647. . Henri, né le 11 janvier 1648 et baptisé le 28. . Jacques, baptisé le 30 septembre 1652. Le 10 septembre 1654, Jacqueline Potel meurt d’une chute, enceinte de sept mois. . Le seigneur La terre Saint-Jean où réside Jean Bourdon devient une seigneurie le 5 avril 1639, par la volonté du gouverneur Huault de Montmagny. Rapidement, Jean Bourdon fait édifier un moulin malgré le coût important de l’entreprise, et une chapelle où vient officier Jean le Sueur. Cette première seigneurie ne s’étend que sur une cinquantaine d’arpents mais peu à peu, Jean Bourdon se construit le quatrième des plus importants domaines de la colonie par l’accumulation de plusieurs concessions : . La seigneurie de la Rivière-au-Griffon, le 30 juillet 1636. Source : Joseph Trudelle. Les jubilés, églises . La seigneurie d'Auray, le 1er décembre 1637. Elle est et chapelles de la ville et de la banlieue de donnée à son fils Jacques le 20 décembre 1653. Québec de 1665 à aujourd'hui. Québec, 1901. . Concession en roture de la terre Saint-François, le 25 avril 1655, augmentée de la partie accordée à Jean Le Sueur le 3 mai 1654 et érigée en fief le 25 avril 1655. Jean Bourdon dresse un fort en bois sur cette terre, à la demande du gouverneur Montmagny. . La seigneurie de Dombourg, le 15 décembre 1653. Elle est donnée à son fils JeanFrançois le même jour. . La seigneurie de La Mal baie, le 21 décembre 1653, retirée entre le 16 décembre 1667 et le 7 novembre 1672. . L'arrière-fief Sainte-Anne de la seigneurie de Lauzon, le 30 mars 1655, augmentée et érigée en arrière-fief le 29 mai 1658. Elle est donnée aux Ursulines de Québec le 12 octobre 1660, comme dot d’Anne, la cadette des filles de Jean Bourdon. . Érection en fief de la terre Saint-Jean le 19 mars 1661. Portrait de Jean Bourdon Ce sont au total 590 687 arpents que détient la famille Bourdon en 1663 mais moins d’un pour cent seulement est exploité par des censitaires. On ne connaît d’ailleurs que huit individus engagés par Jean Bourdon : Julien Lenoble, François Lemaître et Jean Grevel en 1651 ; Jean Fabertas, François Drouet, Pierre Drouet, Jacques Goidin et Jean Goidin en 1661. Cela n’empêche pas Jean Bourdon de jouir d’un prestige grandissant qui se traduit par divers honneurs. Tour à tour directeur ou procureur général de la communauté des habitants, marguillier, gouverneur par intérim de Trois-Rivières et finalement procureur général du roi au Conseil Souverain. Sûr de ses compétences, il envisage même avec Jean-Paul Godefroy et Louis d’Ailleboust d’organiser un commerce triangulaire entre le Canada, les Antilles et la France. Ce projet ne portera pas ses fruits mais il inspirera une quinzaine d’années plus tard Jean Talon qui songera à appliquer cette idée novatrice dont on lui attribue souvent la paternité à tort. . Le voyageur S’il ne prend guère soin de mettre en valeur ses terres, Jean Bourdon, en tant que commis général de la Communauté, a la charge de contrôler le commerce des pelleteries dans toute la colonie qu’il parcourt de long en large. Il ne se limite pas à cela et, outre trois passages en France en 1649-1650 puis 1660-1661 et 1664-1665, il prend même plaisir à aller bien au-delà. Voyage en Iroquoisie Ainsi, en 1646, la confiance que lui portent les colons est telle qu’il est choisi pour se rendre en pays iroquois : il faut réaffirmer le traité de paix signé l’année précédente. Bourdon est accompagné par le père Jogues, captif des Iroquois de 1642 à 1644 lors d’une expédition malheureuse au cours de laquelle il fut torturé, le premier de ses compagnons décapité et le second adopté par une famille indienne. Le père Jogues parvint à s’enfuir avant d’être mis à mort. Ce dernier souhaite dans une lettre adressée au père Lallemant que celui qui va l’accompagner cette fois soit « bon, vertueux, capable de conduite, courageux, [qu’il veuille] endurer quelque chose pour dieu [et qu’il puisse] faire des canots afin [d’] aller et venir indépendamment des Sauvages ». Les parlementaires partent le 16 mai sur la rivière Richelieu, effectuent plusieurs portages, traversent le lac Champlain puis le lac Saint-Sacrement et arrivent en Iroquoisie le 7 juin. L’accueil est chaleureux et la réunion avec les chefs des cinq tribus iroquoises fixée pour le 10 juin. Les présents du gouverneur transmis par Bourdon et l’assurance d’une entente prolongée satisfont les Indiens qui laissent repartir les deux hommes le 16 juin. Ils sont de retour à TroisRivières le 29 juin et à Québec le 3 juillet. Si la mission semble une réussite, ils ne peuvent savoir que, peu après leur départ, des maladies se sont déclarées chez les Iroquois qui les en tiennent responsables. Lorsque le père Jogues retourne prêcher parmi les Agniers en septembre, il est tué avec son compagnon Jean de Lalande et au cours des années suivantes, les attaques iroquoises sur la colonie reprennent de leur intensité. La méthode du portage et le type de canot employé par Bourdon et le père Jogues. Source : Louise Dechêne, « Un siècle de colonisation française au Canada », Musée national de l’Homme, 1981. Voyage à la Baie d’Hudson Au cours des négociations menées entre la France et l’Angleterre en 1687 pour savoir à qui reviendrait la possession de la Baie d’Hudson, le gouverneur de Brisay fait valoir l’antériorité de l’exploration française par le prétendu voyage de Jean Bourdon, en 1656, qui serait monté jusqu’au 63e degré de latitude. Il apporte comme preuve un acte du greffe du Conseil Souverain. Or, J-Edmond Roy, dans un article de 1896, démontre que le document invoqué ne peut-être qu’un faux destiné à tromper les négociateurs anglais. Il met en évidence plusieurs incohérences et erreurs des faussaires et fait le rappel des sources de l’époque, telles les Relations des Jésuites, qui toutes évoquent l’année 1657 et non l’année 1656 comme date du voyage. Effectivement, Jean Bourdon part le 2 mai 1657, avec un équipage d’une quinzaine d’hommes, dont Jean le Sueur et deux guides hurons ; ils remontent jusqu’au 55e degré, à l’embouchure de l’Ashouanipi, mais l’assassinat des deux guides par des Eskimos et la progression de la banquise les contraignent à rebrousser chemin prématurément. La Baie d’Hudson se situe cinq degrés plus haut. . Le dévot Citant Marie de l’Incarnation, Jean Hamelin relève que Bourdon « avait une continuelle présence de Dieu et union avec sa divine Majesté. » La religion semble en effet être de première importance pour Jean Bourdon, comme en témoigne sa relation privilégiée avec Jean le Sueur, qu’il évoque dans son testament de 1664 : « Comme M. de Saint-Sauveur et moi, depuis trente ans, avons été liés d’une amitié très-parfaite, et que depuis vingt-deux ans ou environ il a demeuré en mon logis, ayant toujours pris soin de ce qui me regarde, ayant instruit mes enfants en la crainte de Dieu, leur ayant appris à lire et à écrire […] je lui laisse et abandonne le revenu du moulin de Saint-Jean […] et pareillement sa chambre pour logement où il est à présent, avec la chapelle ». Le testament est signé par Mgr de Laval, deux prêtres du séminaire de Québec, le supérieur des Jésuites et le confesseur de Bourdon, P. Chastelain. En outre, Jean Bourdon ne marie aucune de ses quatre filles : toutes entrent en religion. Anne et Geneviève deviennent Ursulines tandis que Marguerite et Marie se font Hospitalières à Québec. À la mort de sa première épouse, une certaine Anne Gasnier accepte de l’épouser, à condition, écrit Marie de l’Incarnation, de vivre « comme frère et sœur ». Anne Gasnier est la fille de Claude Gasnier, bourgeois de Paris, et de Marie Chaunoy. Elle a vécu un temps dans la rue Saint-Thomas-du-Louvre de la paroisse de Saint-Germainde-l’Auxerrois à Paris où elle a épousé en premières noces noble Jean Clément du Vault de Monceau, seigneur du Hamel et de Plainville. Une fille, Claire-Françoise, est née de cette union et s’est mariée à Denis-Joseph Ruette d’Auteuil, venant en Nouvelle-France en 1649 avec son époux et sa mère mais repartant définitivement dès 1657. Anne Gasnier, qui émigre dans le désir d’apporter son aide aux miséreux, va devenir célèbre dans la colonie naissante sous le nom de « Madame Bourdon ». Elle-même très croyante, c’est la compassion que lui inspire Jean Bourdon, seul avec sept enfants, qui la pousse à accepter un mariage. Rappelant cet événement du 21 août 1655, Marie de l’Incarnation précise à propos d’Anne Gasnier que « cette dame est un exemple de piété et de charité dans tout le pays. Elle et Mme d’Ailleboust sont liées ensemble pour visiter les prisonniers, assister les criminels, et les porter même en terre sur un brancard. [Elle est] continuellement occupée à ces bonnes œuvres, et à quêter pour les pauvres, ce qu’elle fait avec succès. Enfin elle est la mère des misérables et l’exemple de toutes sortes de bonnes œuvres ». Jean Bourdon décède le 12 janvier 1668 à Québec et est inhumé le lendemain à l’âge présumé de 66 ans sans avoir été anobli malgré son rôle prépondérant en Nouvelle-France. Dans son testament, il rappelle les bons soins que son épouse a pour lui dans sa maladie (la goutte) et lui laisse « entièrement la jouissance d’un appartement d’un logis de Québec » où elle va dès lors accueillir les filles seules venues se marier dans la colonie. Mme Bourdon participe même au recrutement de ces Filles du roi en France par plusieurs voyages qu’elle fait, revenant ainsi en 1669 avec près de 150 d’entre elles, selon Marie de l’Incarnation. Elle survit plus de trente ans à son époux et est inhumée le 27 juin 1698 à Québec, âgée de 84 ans environ après une vie tournée vers Dieu et les nécessiteux. Signature d’Anne Gasnier Source : Perron, Guy. "Prévôté de Québec. Tome I. transcription des volumes 1 et 2 (registres civils). 2 novembre 1666 au 26 octobre 1668.| Les Editions historiques et généalogiques Pépin, Longueuil. 2002 - XVI - 557 p. et Cd-rom, p. 356 Signature de Jean Bourdon Source : http://www.mcq.org/histoire/filles_du_roi/imgbourdon.html Thomas LACROIX mise à jour : 20/05/05