Climat de doute

Transcription

Climat de doute
Climat de doute
Quand l’industrie climato-sceptique s’en prend
à la science du climat
Bref historique des attaques portées contre la science climatique,
les climatologues et le Giec
_________________________________________________
« Notre fonds de commerce, c’est le doute. Parce que c’est le meilleur
moyen de remettre en question les preuves [permettant de faire le lien
entre tabagisme et pathologies] ancrées dans l’esprit du grand public. Et
aussi parce que du doute naît la polémique. »
Document interne de la compagnie de tabac Brown and
Williamson, 19691
« Le scepticisme, c’est ne pas croire systématiquement tout ce qu’on
vous dit, et s’informer avant de tirer des conclusions. En somme, le
scepticisme est une bonne chose. Mais le climato-scepticisme, ce n’est
pas ça. C’est même tout le contraire : c’est avoir des idées préconçues
et ne relever que les informations qui les confirment. Ce genre de
scepticisme-là, ce n’est tout simplement pas du scepticisme. »
John Cook, de Skepticalscience.com2
Introduction
Ce rapport se penche sur 20 ans de « lutte organisée » contre la science du
climat, les climatologues et le Groupe d’experts intergouvernemental sur
l’évolution du climat (Giec). Il examine les moments clés de cette campagne de
déni du dérèglement climatique orchestrée par l’industrie des combustibles
fossiles, et remonte le fil rouge jusqu’à sa source.
Aux États-Unis, les campagnes de désinformation conduites par les industriels
du tabac ont atteint leur apogée alors que la législation sur le tabagisme était sur
le point d’être adoptée. De la même façon, les attaques portées à la science du
climat ont amorcé leur essor quand la possibilité de mesures pour lutter contre
les changements climatiques s’est dessinée à l’horizon. La différence, c’est
qu’aujourd’hui, la propagande est devenue « virale », rendant ainsi ce
mouvement diffus, décentralisé et totalement insensible à toute réponse
raisonnée.
Par exemple, au Royaume-Uni, Lord Christopher Monckton3 est bien connu pour
ses diatribes contre la science du climat. En revanche, ce qu’on sait moins, c’est
qu’il bénéficie du soutien financier de grandes sociétés industrielles. Lord
Monckton n’est pourtant pas un scientifique, mais ses discours climatosceptiques ont réussi à faire de lui le chouchou des groupes de réflexion
conservateurs, tel que le Heartland Institute, stipendiés par les industriels. Ainsi,
Lord Monckton s’oppose à Al Gore dans les débats, s’invite lors des négociations
internationales à Bali, Poznań et Copenhague, et plus récemment, a entrepris
une tournée de conférences en Australie. Ils sont nombreux, comme lui, à
1
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http://tobaccodocuments.org/landman/332506.html
http://news.discovery.com/earth/a-conversation-with-a-genuine-skeptic.html
http://www.globalwarmingheartland.com/expert.cfm?expertId=349
1
disséminer ce message de déni des changements climatiques, persuadés du bien-fondé de
leurs affirmations.
L’hystérie qui a accompagné la diffusion des courriels piratés des scientifiques de l’université
britannique d’East Anglia, à la veille du Sommet de Copenhague, est révélatrice de l’ampleur
de ce mouvement et de la volonté des médias à s’en faire l’écho, et ce malgré le manque de
preuves scientifiques. La campagne de déni climatique avait atteint son premier pic en 1997,
avec la publication du deuxième Rapport d’évaluation du Giec. À l’époque, le mouvement
n’était pas encore empoisonné par le même venin populiste qu’en 2009, Internet n’en étant
encore qu’à ses balbutiements.
Malgré tout, la majorité des organismes-écrans4 et des groupes de réflexion5 conservateurs
qui militent contre la science du climat continuent de bénéficier de la manne des grandes
compagnies pétrolières et énergétiques – et pas uniquement ExxonMobil, mais toute une
armada de multinationales et de fondations, dont les profits proviennent justement de
produits qui contribuent à aggraver les changements climatiques…
« Ceux qui lancent ces attaques sont extrêmement bien financés et bien
organisés. Ils s’appuient sur l’infrastructure de combat mise au point il y a
plusieurs dizaines d’années par les fabricants de cigarettes pour nier la
dangerosité de leurs produits. Depuis, ils n’ont cessé de perfectionner cette
tactique, dans l’objectif de discréditer le corpus scientifique qui va à l’encontre des
intérêts des industriels et autres sceptiques. Par conséquent, ils disposent d’une
machine bien rodée et bien huilée, qu’ils lancent aujourd’hui à l’assaut de la
science du climat. […] C’est David contre Goliath… Nous, les scientifiques, nous
ne sommes pas des experts en communication, des avocats ou des lobbyistes.
Nous sommes des scientifiques. Notre cœur de métier, c’est la science. »
Michael Mann, climatologue, février 20106
Et pendant ce temps, le climat continue de se dérégler…
Aucun fantassin de l’armée climato-sceptique n’est, hélas, parvenu à inverser ce douloureux
constat : les changements climatiques sont une réalité, et ils sont causés par l’activité
humaine. Comme le fait remarquer un scientifique américain dans une lettre ouverte, en
mars 2010 :
« Il est important de souligner qu’aucune des interventions [des climatosceptiques] n’a d’influence sur les résultats clés du quatrième Rapport d’évaluation
du Giec, selon lesquels il est fort probable que les activités anthropiques modifient
le climat, avec des conséquences profondes sur le long terme7. »
L’évaluation scientifique du Giec répond à un processus solide et rigoureux, et constitue
sans doute la plus grande initiative scientifique jamais organisée. Des milliers de
scientifiques issus de centaines d’instituts de recherche du monde entier y apportent leur
contribution. Mais comme toute entreprise humaine, elle reste imparfaite. Greenpeace
renouvelle la confiance qu’elle a toujours portée au Giec. Les rapports qu’il publie constituent
les guides plus fiables dont nous disposons actuellement sur la science du climat.
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Les « organismes-écrans », ou encore « organismes de façade », sont des institutions qui prétendent défendre une cause
ou se disent indépendantes, alors qu’en réalité, elles agissent pour des intérêts bien particuliers en l’échange de
financements souvent occultes.
Les groupes de réflexion, ou think tanks, rassemblent des spécialistes chargés de réfléchir sur des problématiques
économiques ou politiques, afin d’émettre des idées ou des conseils.
Entretien Chris Mooney, 26 février 2010.
http://www.pointofinquiry.org/michael_mann_unprecedented_attacks_on_climate_research/
Lettre ouverte des scientifiques américains sur le Giec, 10 mars 2010. http://www.openletterfromscientists.com/
2
Sommaire
Chapitre 1 : Bref historique du déni climatique ..................................................... 4
Bien que des données toujours plus solides étayent la réalité du dérèglement climatique et les
menaces qu'il représente, le Giec est la cible d'attaques répétées.
Début des années 1990 : création du réseau du déni climatique........................................... 4
La crise climatique devenant un enjeu politique, des porte-parole sont recrutés pour attaquer la
science du climat.
1990 : premier Rapport d’évaluation du Giec......................................................................... 6
Le Giec est sûr que les émissions de GES entraîneront un réchauffement ; l'industrie des
combustibles fossiles commence à semer le doute.
1995 : deuxième Rapport d’évaluation du Giec ..................................................................... 8
La publication de ce rapport marque le début des attaques visant les procédures du Giec et les
climatologues.
Milieu des années 1990 : un nouveau front venu des « antipodes »...................................... 9
À partir de 1997, les sceptiques rassemblent leurs forces pour instaurer une campagne de déni
climatique en Australie.
1998 : la stratégie de communication de l’American Petroleum Institute ..............................10
La divulgation d'un rapport interne révèle les objectifs et les tactiques de la campagne de déni
climatique.
2001 : troisième Rapport d’évaluation (RE3) ........................................................................11
La publication du RE3 suscite une nouvelle série d'attaques, avec le soutien tacite de l'administration
Bush.
2007 : quatrième Rapport d’évaluation (RE4).......................................................................14
Les sceptiques offrent 10 000 dollars aux scientifiques qui seraient disposés à critiquer le Giec.
2009-2010 : pas de scandale derrière les portes du climate-gate.........................................16
L'hystérie s'empare d'une partie des médias, et la campagne de déni climatique devient virale.
20 ans de campagne climato-sceptique ...............................................................................19
Le déni climatique est désormais profondément enraciné dans certains pays anglo-saxons.
Chapitre 2 : Les rouages de la campagne de dissémination du doute.............. 21
Analyse des tactiques employées par le mouvement climato-sceptique.
Bricolage scientifique contre crosse de hockey ....................................................................21
La science du climat malmenée par la pseudoscience.
La pseudoscience s’en prend aux ours polaires ...................................................................22
Ou comment une revue scientifique se trouve calomniée.
Conférences pseudo-scientifiques........................................................................................24
La campagne climato-sceptique fournit à ses porte-parole des conférences en kit.
Soutien scientifique truqué ...................................................................................................25
Les déboires des pétitions destinées à soutenir les climato-sceptiques.
Attaques personnelles ..........................................................................................................26
Ben Santer est le premier scientifique du Giec à être victime d'une campagne visant à détruire sa
crédibilité.
Influence politique et administration Bush.............................................................................30
La campagne climato-sceptique a désormais un allié à la Maison Blanche.
Influence politique et Parti républicain ..................................................................................32
Le Parti républicain devient un fervent défenseur des arguments climato-sceptiques.
Conclusion................................................................................................................ 33
3
Chapitre 1 : Bref historique du déni climatique
Début des années 1990 : création du réseau du déni climatique
Au début des années 1990, un certain nombre de groupes de pression sont mis en place
pour contrecarrer les perspectives d’une action politique dans le domaine des changements
climatiques. Parmi ces groupes figurent la Global Climate Coalition (GCC), le Climate
Council et le Information Council on the Environment (ICE).
La GCC se définit comme « une organisation regroupant des associations professionnelles
et des sociétés privées, établie en 1989 afin de coordonner la participation des entreprises
au débat politique et scientifique sur les changements climatiques à l’échelle mondiale8. »
Ses membres rassemblent les plus grandes compagnies américaines du pétrole, du charbon
et de l’automobile.
Le Climate Council a notamment collaboré avec Don Pearlman, poids-lourd des lobbyistes
devenu par la suite le bras droit des gouvernements saoudien, koweitien et russe9.
L’ICE a été constitué par un groupe d’entreprises d’utilité publique et de compagnies de la
filière charbon : la National Coal Association, Western Fuels et le Edison Electric Institute10.
En 1991, d’après le journaliste Ross Gelbspan, l’ICE a « lancé une campagne de
désinformation flagrante et mensongère sur les changements climatiques. Cette campagne,
mise en forme par un cabinet spécialisé dans la communication publique, […] a pour objectif
déclaré de ‘‘repositionner le réchauffement climatique comme théorie et non comme fait
avéré’’. Le cabinet a également précisé que trois climato-sceptiques – Robert Balling, Pat
Michaels et S. Fred Singer – devaient apparaître dans les programmes radiotélévisés,
s’exprimer dans les pages d’opinion et répondre à des interviews11. »
Dans les journaux, le titre d’un encart publicitaire de l’ICE interpellait ainsi les citoyens
américains : « Si la Terre se réchauffe, pourquoi fait-il si froid à Minneapolis ? » Par ailleurs,
les présentateurs de la chaîne Fox News ont tous laissé entendre que les tempêtes de neige
qui avaient frappé la côte-est des États-Unis début 2010 remettaient en cause le consensus
scientifique sur les changements climatiques. Ces commentaires ont été rejetés par les
scientifiques eux-mêmes12. Plus, tard, les relevés de températures confirmaient qu’à l’échelle
mondiale, janvier 2010 était l’un des plus chauds jamais enregistrés13.
Ces groupes de pression ont apporté leur soutien à une phalange de « têtes d’affiche » qui
s’est donné pour objectif de désinformer le monde. Remettant en question la science
climatique, leurs noms apparaissent fréquemment dans les médias : Fred Singer14, Sallie
Baliunas15, Willie Soon16, Richard Lindzen17, Patrick Michaels18, pour n’en citer que quelques
uns.
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http://www.epa.gov/earlink1/earthlink/97novdec.htm
http://www.medialens.org/articles/book_reviews/dc_carbon_war.html
James Hoggan, Climate Cover Up, Greystone books, 2009, p. 32.
Ross Gelbspan, The Heat is On, Addison-Wesley Publishing Co. Inc, 1997, p. 34.
http://mediamatters.org/research/200903030006
Pour consulter un aperçu du relevé des températures du mois de janvier 2010, consulter le site :
http://www.bbc.co.uk/blogs/paulhudson/2010/02/january-2010-warmest-onrecord.shtml
http://www.desmogblog.com/s-fred-singer et http://sourcewatch.org/index.php?title=S._Fred_Singer
http://www.desmogblog.com/sallie-baliunas
http://www.desmogblog.com/willie-soon
http://www.desmogblog.com/richard-lindzen et http://sourcewatch.org/index.php?title=Richard_Lindzen
http://sourcewatch.org/index.php?title=Patrick_Michaels ; http://www.desmogblog.com/patrick-michaels et
http://www.exxonsecrets.org/index.php?mapid=1527
4
La construction de ce réseau a été financée par les entreprises des combustibles fossiles, en
particulier Exxon. Depuis 1998, la multinationale a versé 23 millions de dollars pour soutenir
la campagne de déni climatique. Après que ses politiques de financement eurent fait les frais
de mauvaise publicité, ExxonMobil décide en 2008 de couper les vivres qu’elle faisait
jusqu’ici parvenir à neuf groupes, affirmant que leurs « positions vis-à-vis des changements
climatiques contribuent à détourner l’attention d’un débat important : comment le monde
parviendra-t-il à garantir l’approvisionnement énergétique nécessaire à sa croissance
économique, tout en adoptant une démarche responsable du point de vue
environnemental19. » Toutefois, la société pétrolière continue aujourd’hui de financer pas
moins de 28 organismes climato-sceptiques.
Le schéma ci-dessous illustre les liens qui existent entre ExxonMobil, les différents porteparole, organismes-écrans et groupes de réflexion conservateurs. Pour plus de détails,
veuillez consulter la version interactive du schéma sur :
http://www.exxonsecrets.org/index.php?mapid=1530
Version complète et interactive en ligne sur :
http://www.exxonsecrets.org/index.php?mapid=1539
19
http://www.exxonmobil.com/Corporate/energy_climate_views.aspx, p. 41, sous le titre : Public policy research contributions.
5
1990 : premier Rapport d’évaluation du Giec
En 1990, au cours de la finalisation du premier Rapport d’évaluation du Giec, Brian Flannery,
conseiller scientifique et lobbyiste climatique pour le compte d’Exxon, conteste la réduction
de 60 à 80 % des émissions de CO2 recommandée par les scientifiques, se fondant sur ce
qu’il qualifie « d’incertitudes » liées au comportement du carbone dans le système
climatique20. Conformément aux règles de l’ONU, le Giec accorde aux membres
d’associations industrielles, ainsi qu’aux ONG, un « statut d’observateur » lors de ses
réunions.
Bien que le consensus d’opinions lui reste défavorable, B. Flannery insiste pour que, dans le
Résumé exécutif du rapport, les résultats des ensembles de modèles soient qualifiés
« d’assez incertains d’un point de vue scientifique21 ». Mais le lobbyiste ne parvient pas à ses
fins : le résumé conclut que les taux actuels d’émissions de gaz à effet de serre conduiraient
certainement à un réchauffement22.
Avec une telle affirmation, le premier rapport du Giec met directement en péril les pratiques
du secteur des combustibles fossiles. L’establishment industriel n’ayant pas réussi à ébranler
le Giec de l’intérieur, il entreprend alors de le discréditer de l’extérieur, en ciblant ses
attaques sur les « certitudes » du Giec.
En février 1992, à l’occasion d’une conférence de presse organisée à New York – au cours
des négociations qui ont abouti à la création de la Convention-cadre des Nations Unies sur
les changements climatiques (CCNUCC) –, la Global Climate Coalition (GCC), par le biais
de Fred Singer, met en cause les données scientifiques du Giec en publiant un document
intitulé « La stabilisation des émissions de dioxyde de carbone présente peu d’avantages
pour l’environnement23 ». Dans ce document est notamment cité le professeur climatosceptique Richard Lindzen, du Massachusetts Institute of Technology.
F. Singer est un « négateur est série » qui, ces 20 dernières années, n’a que peu (ou pas)
publié d’articles ayant fait l’objet d’une évaluation par les pairs dans le domaine de la science
du climat24. Il s’est exprimé en tant « qu’expert scientifique » sur divers sujets tels que le
tabagisme, l’appauvrissement de la couche d’ozone, l’énergie nucléaire ou bien encore les
déchets toxiques25.
En 1992, la GCC fait appel à des climato-sceptiques de renom tels que Patrick Michaels,
Robert Balling26 and Fred Singer (tous ayant, à un moment ou un autre, bénéficié des
générosités d’Exxon ou d’autres compagnies énergétiques) pour intervenir en tant que
« spécialistes » lors de conférences de presse, tentant ainsi de saper la crédibilité de la
science du climat et des résultats du Giec27.
La même année, B. Flannery, mandaté par Exxon, est cité dans un rapport du World Coal
Institute à l’attention des négociateurs de la conférence : « Parce que les projections basées
sur des modèles sont controversées, incertaines et non confirmées, l’opinion des
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22
23
24
25
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27
Jeremy Leggett, The Carbon War: Global Warming and the End of the Oil Era, Routledge, 2000, pp. 2-3.
Ibid., p. 3.
http://www.viswiki.com/en/IPCC_First_Assessment_Report
Jeremy Leggett, A Catalogue of Carbon Club Manipulation, Distortion, Sabotage or Lying at the Climate Negotiations,
disponible sur : http://www.guardian.co.uk/commentisfree/2006/apr/25/exxonmobilslonglivedemulatio
http://research.greenpeaceusa.org/?a=view&d=3164
« L’évaluation par les pairs » correspond au processus classique par lequel passent tous les articles scientifiques, qui sont
examinés à la loupe par d'autres scientifiques avant d'être publiés.
http://research.greenpeaceusa.org/?a=view&d=3971
http://www.desmogblog.com/more-bumpf-on-balling et http://www.sourcewatch.org/index.php?title=Robert_C._Balling
Voir le communiqué de presse de la GCC : World’s Energy Policy Should Not be Based on Feelings, 27 février 1992
(conservé dans les archives de l’Unité de recherche de Greenpeace USA).
6
scientifiques reste divisée quant à la probabilité et aux conséquences des changements
climatiques28. »
En 1994, la GCC continue de mener la charge contre le Giec en ayant recours aux services
d’un cabinet spécialisé dans les relations publiques pour préparer la campagne de presse29
du Dr Sallie Baliunas, elle aussi membre du club des sceptiques30.
Le Dr Baliunas est astrophysicienne, et non climatologue. Elle a construit sa carrière de
négatrice en minimisant l’importance de la destruction de la couche d’ozone, avec la
publication d’un rapport intitulé « La crise de l’ozone », en 1994, pour le compte du
George C. Marshall Institute31. À cette époque, elle était à la tête du conseil consultatif
scientifique de ce think tank conservateur, dont le conseil d’administration était présidé par
feu Fred Seitz, engagé aux côtés des industriels du tabac32.
Par le biais du George C. Marshall Institute, le Dr Baliunas publie plusieurs rapports dans
lesquels elle tente de démontrer que les activités humaines, telles que l’utilisation des
combustibles fossiles, n’ont aucune influence sur les changements climatiques, que la
science ne soutient pas la perspective d’un emballement dangereux du climat33 et que les
résultats scientifiques n’engagent pas à une régulation des émissions à l’échelle nationale34.
Elle prête également main forte à la Greening Earth Society, un organisme-écran de la
Western Fuels Association (regroupant les acteurs de la filière charbon) qui défend l’idée
selon laquelle l’augmentation des émissions de CO2 dues à l’utilisation des combustibles
fossiles rendrait la terre plus verte en favorisant la croissance des plantes35.
Au milieu des années 1990, la GCC commençant à faire l’objet de vives critiques, ses
membres prennent peu à peu leurs distances. Les sociétés industrielles, telles qu’Exxon ou
Mobil, se tournent alors vers des organismes de façade et des groupes de réflexion
conservateurs, qui continuent de sonner la charge en leurs noms.
Ces sociétés finançaient déjà le groupe de pression The Advancement of Sound Science
Coalition (TASSC), mis en place par les industriels du tabac en 1993 pour promouvoir ce
qu’ils ont baptisé une « science solide », par opposition à la « pseudoscience »36.
D’autres groupes ont également bénéficié de subventions d’Exxon, parmi lesquels
l’American Enterprise Institute, le Competitive Enterprise Institute, le Heartland Institute,
Frontiers of Freedom et le Hoover Institute. En 1998, lors de la fusion d’Exxon et de Mobil,
leur « mécénat » portait sur 21 organismes remettant en question la science du climat. Au fil
des années, la multinationale ExxonMobil a apporté son soutien financier à 70 groupes
chargés de défendre ses intérêts37.
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Ecoal, World Coal Institute, briefing n°7, INC 5, New York, avril 1992.
Ties that Blind, Ozone Action, mars 1996 (conservé dans les archives de l’Unité de recherché de Greenpeace USA).
http://www.desmogblog.com/sallie-baliunas ; ses affiliations dans le schéma ExxonSecrets :
http://www.exxonsecrets.org/index.php?mapid=1526
The Ozone Crisis, http://www.atmos.washington.edu/~davidc/ATMS211/articles_optional/Baliunas94_ozone.pdf
http://tobaccodocuments.org/pm/2023266534.html
Are Human Activities Causing Global Warming?, George C. Marshall Institute, 1996 ; Human Activity is Not the
Cause of Global Warming, communiqué de presse du George C. Marshall Institute, 10 avril 1996.
Sallie Baliunas, Ozone and Global Warming: Are the Problems Real?, George C. Marshall Institute, décembre 1994.
Sallie Baliunas, Ozone and Global Warming: Are the Problems Real?, George C. Marshall Institute, décembre 1994 ; et
Greening Earth Society.
James Hoggan, Climate Cover Up, op. cit. n°8, p. 34.
http://research.greenpeaceusa.org/?a=view&d=4677
7
1995 : deuxième Rapport d’évaluation du Giec
La publication du deuxième Rapport d’évaluation du Giec est accueillie dans un climat tout
aussi agressif. D’après les résultats clés du rapport, l’Homme aurait une influence
« perceptible » sur le climat, le niveau des eaux pourrait monter de 15 à 95 cm et les
températures augmenter de 1 à 3,5°C d’ici à 210038.
Le Résumé à l’intention des décideurs conclut qu’« un faisceau d’éléments suggère qu’il y a
une influence perceptible de l’homme sur le climat global. » Cette phrase suffit à déchaîner
la colère dans le camp des sceptiques, l’un d’entre eux affirmant « ne pas avoir été témoin
d’une corruption aussi inquiétante du processus d’évaluation par les pairs depuis 60 ans39 ».
Charles DiBona, président du American Petroleum Institute (organisme représentant les
compagnies pétrolières américaines), qualifie le rapport de « provocateur40 », tandis que les
pays producteurs de pétroles comme le Koweït ou l’Arabie saoudite tentent de retarder sa
publication en raison de ses « propos choquants », plaidant aussi contre le remplacement de
l’adjectif « perceptible » par des équivalents tels que « appréciable », « notable »,
« mesurable » et « détectable »41.
Mais cette fois-ci, le champ de tir des climato-sceptiques ne se restreint pas à la science du
climat ou aux publications du Giec : les scientifiques eux-mêmes deviennent des cibles
légitimes. La GCC coordonne des attaques personnelles à l’encontre du Dr Ben Santer, l’un
des auteurs principaux du Rapport d’évaluation, dans l’objectif de discréditer le processus de
travail du Giec. Ces attaques personnelles seront traitées en détail dans le second chapitre.
Pendant ce temps, en 1997, Fred Singer utilise le processus des négociations sur le climat
pour donner l’assaut contre le président du Giec, Bert Bolin. Suite à un débat organisé dans
le cadre des négociations, F. Singer prête des propos à B. Bolin qu’il n’a en réalité jamais
tenus. Cherchant à faire croire que le scientifique a retourné sa veste concernant le
dérèglement climatique, F. Singer déclare : « Bolin a continué d’affirmer que les activités
humaines avaient une influence sur le climat. Mais il a reconnu que leur impact sur
l’augmentation des températures était si faible qu’il était à peine perceptible42 ».
Bert Bolin, qui a présidé la Giec mais également l’Organisation météorologique mondiale
(OMM) pendant neuf ans, est contraint de publier un démenti dans lequel il dénonce ces
déclarations « inexactes et trompeuses », rétorquant : « Concernant les déclarations
empreintes d’autosatisfaction de M. Singer, selon lesquelles ‘’les débats semblaient
décidemment aller contre les positions du Giec du Dr Bolin’’, j’avais quant à moi plutôt
l’impression que les points de vue du Dr Singer n’avaient pas convaincu les personnes
présentes43. […] Je me désole de constater le manque d’objectivité avec lequel les résultats
de la réunion de Stockholm ont été présentés44. »
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40
41
42
43
44
Giec, Seconde évaluation – Changement de climat 1995, résumés à l’intention des décideurs, 1995.
http://www.ipcc.ch/pdf/climate-changes-1995/ipcc-2nd-assessment/2nd-assessment-fr.pdf
Fred Pearce, « Climate change special: State of denial », in New Scientist, 4 novembre 2006.
http://environment.newscientist.com/article/dn10445
« Petroleum Group Disputes that Burning Fossil Fuels Warms Planet », in Thomson Energy Report, 18 mars 1996.
Id.
Communiqué de presse du SEPP, 23 juin 1997, http://www.sepp.org/Archive/Publications/pressrel/jun23.html
Communiqué de presse du Giec, Genève, 26 juin 2997, Climate Change: IPCC Chair Denies Attack on VP Gore,
Environmentalists, disponible sur :
http://www.heatisonline.org/contentserver/objecthandlers/index.cfm?id=3641&method=full
Id.
8
Milieu des années 1990 : un nouveau front venu des « antipodes »
Bénéficiant du soutien massif de l’industrie minière et charbonnière, le gouvernement du
premier ministre australien John Howard était devenu le terreau fertile idéal sur lequel faire
pousser le déni climatique. C’est ce que comprend le Comptetitive Enterprise Institute (CEI)
en 1996, lorsqu’il décide d’élaborer une stratégie pour développer la branche australienne de
sa campagne.
Le CEI est un groupe de réflexion américain ultralibéral, prônant le libre-échange et
s’opposant à toute forme de réglementation45. Il s’en prend depuis de nombreuses années à
la science du climat, et a bénéficié de plus de deux millions de dollars de subventions
d’Exxon depuis 1998. Le CEI coordonne également la Cooler Head Coalition, ainsi que le
site Internet www.globalwarming.org. Outre-Atlantique, le CEI est sans doute davantage
connu pour sa campagne publicitaire de 2006, qui avait pour slogan « CO2 is life » (le CO2
c’est la vie)46. Peu de temps après, Exxon Mobil a suspendu le soutien financier qu’il lui
accordait, notamment sous la pression de l’académie des sciences britannique, la Royal
Society47.
En novembre 1996, une réunion stratégique est organisée au siège du CEI à Washington
afin de concrétiser l’échange d’intervenants et d’idées entre l’Australie et les États-Unis48.
Lors de cette rencontre, R.J. Smith du CEI déclare que « l’Australie serait, dans la mesure
du possible, un acteur clé de la campagne », suite à quoi le CEI décide d’organiser une
conférence49.
Dans une interview accordée en 1997, R.J. Smith affirme : « Au début de l’hiver dernier,
lorsque le ministère américain des Affaires étrangères a annoncé qu’il allait demander des
contrôles obligatoires à Kyoto, nous nous sommes demandés ce que nous pouvions faire,
comment arrêter ce processus50. »
R.J. Smith rencontre alors Ray Evans, de la Western Mining Corporation (une entreprise
minière australienne), pour commencer à mettre au point une stratégie.
En 1997, ils organisent une conférence à Washington, réunissant des Australiens et
plusieurs figures clés de la sphère négatrice. PR Watch, un webzine qui analyse les
pratiques et les paroles des communicants, commente la conférence en ces termes : « Les
preuves scientifiques des changements climatiques ont été balayées d’un revers de main, et
toute politique qui viserait à limiter les émissions a été qualifiée de gouffre financier51. » Paul
O’Sullivan, chargé de mission pour l’ambassade d’Australie à Washington, était au perchoir.
En août 1997, le CEI et l’organisme-écran Frontiers of Freedom parrainent une autre
conférence, cette fois-ci à Canberra, en Australie, en partenariat avec les Chambres du
commerce australienne et néozélandaise ainsi que la WMC. Ray Evans et Hugh Morgan,
directeurs de la Western Mining Corporation, jouent un rôle de premier plan lors de la
conférence, et les participants comptent notamment le vice-Premier ministre australien Tim
Fischer et le ministre de l’Environnement Rober Hill. T. Fischer prétend que l’adoption
d’objectifs de réduction d’émissions ambitieux serait une menace pour 90 000 emplois
australiens, et coûterait plus de 150 millions de dollars US52.
45
46
47
48
49
50
51
52
http://www.exxonsecrets.org/html/orgfactsheet.php
http://cei.org/pages/co2.cfm
http://royalsociety.org/Report_WF.aspx?pageid=8256&terms=ExxonMobil et
http://www.guardian.co.uk/environment/2006/sep/20/oilandpetrol.business
B. Burton, « WMC’s Campaign to Scuttle Binding Targets », in Mining Monitor, Vol. 2 (4), décembre 1997, p. 1.
Id.
Id. ; http://www.cei.org/gencon/005,01305.cfm ; http://www.prwatch.org/prwissues/1997Q4/warming.html.
http://www.prwatch.org/prwissues/1997Q4/warming.html
Id.
9
Parmi les intervenants figurent l’américain Patrick Michaels, des politiciens rangés du côté
des climato-sceptiques, le député américain John Dingell53, le sénateur Chuck Hagel ainsi
que le Richard Lawson, PDG de la National Mining Association (organisation qui représente
les intérêts des sociétés minières américaines), qui avait déjà participé à la dernière réunion
du CEI.
D’après R.J. Smith du CEI, la conférence de Canberra avait pour objectif de « donner du
courage au [Premier ministre australien John Howard] et de lui faire savoir que la population
américaine le soutient » dans sa politique d’obstruction54.
Plus tard cette même année, un membre australien du CEI, Hugh Morley, écrit sur le site
Internet de l’institut : « Si l’Australie tient fermement ses positions, après tout, le traité de
Kyoto ne verra peut-être jamais le jour55. »
Depuis, le mouvement de déni climatique australien, orchestré par l’Institute of Public Affairs,
un think tank conservateur, avec les financements de la WMC et d’autres grands groupes
industriels, a toujours maintenu des relations étroites avec les climato-sceptiques
américains. Ainsi, l’Australie a adopté une politique climatique peu ambitieuse, et ne s’est
ralliée au Protocole de Kyoto qu’après le départ de l’administration Howard, en 2008.
1998 : la stratégie de communication de l’American Petroleum Institute
Début 1998, un petit groupe se rassemble au sein de l’American Petroleum Institute (API)56
afin de mettre au point un programme de communication destiné à remettre en cause la
science du climat. Ce groupe comprend des représentants d’Exxon, de Chevron, de la
Southern Company (une grande entreprise charbonnière américaine), de l’API ainsi que des
individus issus de différents organismes-écrans et groupes de réflexion conservateurs qui,
aujourd’hui, continuent de mener campagne contre la science du climat, notamment le
George C Marshall Institute, Frontiers of Freedom, The Advancement of Sound Science
Coalition (TASSC) et le Committee for a Constructive Tomorrow. Tous reçoivent depuis des
années des subventions d’ExxonMobil et d’autres géants de l’industrie57.
Greenpeace s’est procuré un exemplaire de cette stratégie58, qui proposait de :
« […] mettre en place un programme de relations avec les médias nationaux afin de
les informer des incertitudes de la science du climat ; de générer des informations à
l’échelle nationale, régionale et locale sur les incertitudes scientifiques et ainsi
éduquer et informer le public, en vue de les inciter à questionner les responsables
politiques. »
Ce programme, qui devait être mis en place en amont comme en aval de la réunion de
la CCNUCC (COP4) cette même année à Buenos Aires, s’articule autour de plusieurs
piliers fondamentaux :
53
54
55
56
57
58
http://www.opensecrets.org/politicians/industries.php?cycle=Career&cid=N00001783&type=I ; le lobby des compagnies
d’électricité constitue la plus grosse source de financement de J. Dingell.
B. Burton, « WMC’s Campaign to Scuttle Binding Targets », op. cit. n°46 ;
http://www.prwatch.org/prwissues/1997Q4/warming.html
http://cei.org/gencon/005,01305.cfm
http://www.exxonsecrets.org/html/orgfactsheet.php?id=11
Liste des organismes : http://www.exxonsecrets.org/html/listorganizations.php Cliquer sur chacun d’entre eux pour faire
apparaître la liste des financements attribués par ExxonMobil, ainsi que les liens vers les documents correspondants.
Note de Joe Walker sur le Programme stratégique de communication, American Petroleum Institute, avril 1998.
http://research.greenpeaceusa.org/?a=view&d=4383
10
« Nous aurons réussi lorsque :
• le citoyen moyen aura compris / reconnu qu’il existe des incertitudes dans la
science du climat (la reconnaissance des incertitudes doit devenir partie
intégrante de la « sagesse conventionnelle ») ;
• les médias auront compris / reconnu qu’il existe des incertitudes dans la science
du climat ;
• ceux qui encouragent le Protocole de Kyoto en s’appuyant sur les données
scientifiques actuelles donneront l’impression d’avoir perdu le sens des
réalités59. »
Une partie de la stratégie consistait à coordonner une « critique scientifique exhaustive des
recherches et des conclusions du Giec », afin de permettre ainsi aux décideurs de
« entretenir un doute profond sur les fondements scientifiques du Protocole de Kyoto, si bien
que les responsables politiques américains non seulement refuseront d’y adhérer, mais
s’efforceront également de freiner son entrée en vigueur, notamment lors de la réunion de
Buenos Aires, en novembre prochain60. »
Pour mener à bien cette stratégie, cinq scientifiques « indépendants » sont recrutés et
formés – « de nouveaux visages […] qui n’ont pas été surexposés dans le débat climatique »
étaient ainsi censés faire leur percée sur la scène médiatique. L’API cherche à « optimiser
l’impact des avis scientifiques similaires aux [siens] sur le Congrès, les médias et autres
publics clés », tout en avouant sans gêne que les professeurs et les étudiants constitueraient
la cible prioritaire, afin de « de faire obstacle aux futurs efforts visant à imposer des mesures
du type Kyoto61. »
2001 : le troisième Rapport d’évaluation (RE3)
Dans son troisième Rapport d’évaluation (RE3), publié en 2001, le Giec fait état du
consensus existant sur les changements climatiques, notamment par le biais de ces
résultats :
« Globalement, il est très probable que les années 90 aient été la décennie la plus
chaude et 1998 l'année la plus chaude depuis que l'on tient des relevés, c'est-à-dire
depuis 186162. » ; « […] l'essentiel du réchauffement observé ces 50 dernières
années est probablement dû à l'augmentation des concentrations de gaz à effet de
serre63. » ; « Il est pratiquement certain que les émissions de CO2 dues à la
combustion de combustibles fossiles vont exercer une influence dominante, tout au
long du 21ème siècle, sur les tendances de la concentration de dioxyde de carbone
dans l'atmosphère64. »
Comme pour le premier Rapport d’évaluation, le Giec doit à nouveau faire face aux
contestations de l’industrie des combustibles fossiles, alors même que le rapport est encore
en cours de rédaction.
En septembre 2001, les membres du Giec se réunissent à Londres pour convenir du dernier
chapitre et du résumé du RE3. La dernière version du rapport contient l’affirmation suivante :
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61
62
63
64
Programme stratégique de communication, p. 2 du PDF.
Ibid., p. 4.
Note de Joe Walker sur le Programme stratégique de communication, American Petroleum Institute, avril 1998, p. 7 du
PDF. http://research.greenpeaceusa.org/?a=view&d=4383
Contribution du Groupe de travail I au troisième Rapport d’évaluation du Giec, Bilan 2001 des changements climatiques :
les éléments scientifiques, Résumé à l’intention des décideurs, p. 3. http://www.ipcc.ch/pdf/climate-changes-2001/scientificbasis/scientific-spm-ts-fr.pdf
Ibid., p. 12.
Id.
11
« De toute évidence, le climat de la terre a évolué à l’échelle régionale et mondiale depuis
l’époque préindustrielle, et certains aspects de cette évolution sont imputables aux activités
humaines65. » Lors de cette réunion, Brian Flannery, mandaté par ExxonMobil, suggère de
supprimer la dernière partie de la phrase (« certains aspects de cette évolution sont
imputables aux activités humaines »). Le Giec choisit d’ignorer la proposition d’amendement
d’Exxon et de maintenir son affirmation66.
L’American Petroleum Institute commandite une analyse du RE3
Au cours de l’été 2001, avant la publication du RE3, l’American Petroleum Institute fait
circuler un document interne, rédigé par Lenny Bernstein pour le compte de l’institut. Ce
document expose les principaux arguments dont l’establishment industriel est censé se
servir pour contester les conclusions de la communauté scientifique internationale67.
Lenny Bernstein est idéalement placé pour critiquer le troisième Rapport d’évaluation : il est
l’un des ses auteurs principaux68. Son analyse offre ainsi aux membres de l’API des angles
d’attaque pour critiquer le rapport du Giec, élaborant des arguments qui ont par la suite été
repris à l’envie par de nombreux industriels et climato-sceptiques, ainsi que par
l’administration Bush.
« Le Giec est lui-même composé de représentants des gouvernements […] Le Résumé à
l’intention des décideurs […] possède une posture politique bien plus marquée », écrit
L. Bernstein, oubliant de préciser que ce résumé est l’aboutissement très prudent d’un long
processus consensuel.
Mais L. Bernstein insiste surtout sur « l’argument des incertitudes », affirmant que les
sceptiques peuvent entretenir l’apparence d’un débat non tranché sur la science climatique
en faisant constamment référence aux « incertitudes considérables » qui pèsent sur ce
domaine d’études complexe. Il apprend également aux industriels à mettre en valeur les
« effets positifs » de l’augmentation des concentrations de CO2 et des températures, qui
entraînent « un allongement des périodes de végétation en Europe69 » et pourrait permettre
« d’aider à nourrir une population mondiale croissante70 ».
L’American Enterprise Institute attaque le RE3
Des exemplaires du RE3 sont divulgués bien avant la finalisation du rapport, déclenchant
une attaque « en amont » par l’industrie climato-sceptique.
Kenneth Green, de l’American Enterprise Institute for Public Policy Research71 (AEI, groupe
de pression ayant bénéficié de 2,1 millions de dollars de financements de la part
d’ExxonMobil depuis 199872), joue un rôle clé dans la stratégie d’attaque des industriels.
Avant la publication du RE3, il écrit plusieurs articles dans lesquels il incrimine les modèles
utilisés par le Giec et qualifie le processus d’élaboration des rapports de « politique »73.
En 2001, il déclare notamment que le « Giec, organisation politique, élabore des documents
d’orientation qui dominent les discussions politiques internationales. Les rapports du Giec
sont présentés comme des analyses scientifiques, alors que leurs grandes lignes sont
tracées par des représentants des gouvernements […] Le processus est bien loin des
65
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70
71
72
73
Giec, Changements climatiques 2001 : Rapport de synthèse, Résumé à l’intention des décideurs, p. 4.
http://www.ipcc.ch/pdf/climate-changes-2001/synthesis-spm/synthesis-spm-fr.pdf
D’après le rapport d’un membre de Greenpeace participant à la réunion.
http://georgewbush-whitehouse.archives.gov/ceq/foia_extreme.html, document intitulé : extreme_weather_ceq_10.pdf
http://www.exxonsecrets.org/html/personfactsheet.php?id=1012
Op. cit., n°65, p. 23.
Ibid., p. 2.
http://www.exxonsecrets.org/html/orgfactsheet.php?id=9
Id.
Kenneth Green, Politics foils objective UN Climate Change Report – again, Tech Central Station, 26 février 2001.
http://www.tcsdaily.com/printArticle.aspx?ID=022601F
12
méthodologies scientifiques et des normes de publications habituelles. Les architectes de
ces documents sont très sélectifs vis-à-vis des études qu’ils prennent en compte. La
procédure d’examen par les pairs leur sert au mieux de feuille de vigne74. »
K. Green qualifie le Résumé à l’intention des décideurs de « produit dérivé » qui condense
les résultats du groupe et les « reformule dans un langage adapté aux lecteurs
moyennement éduqués75. »
D’après K. Green, le résumé contient essentiellement des « scénarios spéculatifs » qui ne
reflètent pas le rapport dans son ensemble. Il affirme également : « le résumé n’est pas
soumis à l’évaluation par les pairs, ses auteurs sont anonymes, sa rédaction est
indépendante de celle du reste du rapport et, en raison de son extrême brièveté, certains
enjeux sont simplifiés à l’excès76. »
En octobre 2000, en tant que directeur des programmes environnementaux d’un autre
organisme-écran, le Reason Public Policy Institute77, Kenneth Green résume dans un
briefing ce que nous identifions comme étant les « commandements de base » des
détracteurs du Giec78 : attaquez les modèles, attaquez l’objectivité, prétendez que le Giec est
un organisme politique et non scientifique, attaquez les données et attaquez les
scientifiques.
Autres attaques contre le RE3
« Le Résumé à l’intention des décideurs […] représente un consensus établi entre
les représentants des gouvernements (la plupart desquels représentent également
leur pays dans les négociations du Protocole de Kyoto), plutôt qu’entre les
scientifiques. Par conséquent, ce document a fortement tendance à masquer les
incertitudes et à présenter des scénarii terrifiants qui ne reposent sur aucune
preuve. »
Richard Lindzen79, The Wall Street Journal, 11 juin 200180
D’après Myron Ebell81, qui dirige le programme consacré au réchauffement climatique du
Competitive Enterprise Institute (un groupe de pression libéral américain), la publication du
Résumé à l’intention des décideurs s’apparente davantage à « une campagne de
communication politique qu’à une publication sur la science du climat. » Il ajoute que ce
document de 18 pages « ne permet pas de résumer de façon équitable et exacte l’ensemble
du troisième Rapport d’évaluation du Giec, qui compte plus de 1 000 pages et qui n’a pas
encore été publié dans sa version définitive82. »
74
75
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78
79
80
81
82
Kenneth Green, Science Matters – Even for the Environment, Tech Central Station, 5 février 2001.
http://www.tcsdaily.com/printArticle.aspx?ID=020501E
Kenneth Green, Mopping up After a Leak: Setting the Record Straight on the ‘New’ Findings of the Intergovernmental Panel
on Climate Change (IPCC), Reason Public Policy Institute, 29 octobre 2000. http://www.rppi.org/ebrief105.html
Kenneth Green, Playing Politics with Climate Report Hurts Science, Tech Central Station, 27 novembre 2000.
http://www.tcsdaily.com/printArticle.aspx?ID=112700H
Reason Public Policy Institute et son organisation jumelle, la Reason Foundation. Pour en savoir plus, consulter :
http://www.exxonsecrets.org/html/orgfactsheet.php?id=63
Kenneth Green, Mopping up After a Leak: Setting the Record Straight on the ‘New’ Findings of the Intergovernmental Panel
on Climate Change (IPCC), op. cit. n°73.
http://www.exxonsecrets.org/html/personfactsheet.php?id=17 et http://www.desmogblog.com/richard-lindzen
http://www.opinionjournal.com/editorial/feature.html?id=95000606
http://www.csmonitor.com/2001/0124/p2s1.html ; http://www.sourcewatch.org/index.php?title=Myron_Ebell
« Latest IPCC Summary Politics, not Science, Says Analyst », in The Electricity Daily, 25 janvier 2001.
13
2007 : le quatrième Rapport d’évaluation (RE4)
Fin 2007, dans le cadre de son quatrième Rapport d’évaluation (RE4), le Giec publie un
Rapport de synthèse, compilant les travaux des trois Groupes de travail. La synthèse
s’appuie sur les recherches précédentes et en confirme les résultats, affirmant que le
réchauffement des systèmes climatiques de la Terre est désormais « sans équivoque83 ».
« L’essentiel de l’élévation de la température moyenne du globe observée depuis le
milieu du XXe siècle est très probablement attribuable à la hausse des
concentrations de GES anthropiques. Il est probable que tous les continents, à
l’exception de l’Antarctique, ont généralement subi un réchauffement anthropique
marqué depuis cinquante ans84. »
Le Rapport de synthèse souligne également :
« Vu les politiques d’atténuation et les pratiques de développement durable déjà en
place, les émissions mondiales de GES continueront d’augmenter au cours des
prochaines décennies (large concordance, degré élevé d’évidence)85. »
Par ailleurs, le Giec renouvelle et met à jour ses « motifs de préoccupation86 » concernant la
capacité de survie des écosystèmes vulnérables face aux changements climatiques, les
risques de phénomènes météorologiques extrêmes, les coûts liés aux impacts et la montée
du niveau des eaux.
L’American Enterprise Institute propose de rémunérer les scientifiques pour
discréditer le Giec
En juillet 2006, soit six mois avant la publication du RE4, l’AEI fourbit ses armes. Dans une
lettre87 ayant filtré dans les médias88, on apprend que l’institut est à la recherche de
scientifiques reconnus qui seraient disposés à « examiner » le Rapport d’évaluation du Giec,
une fois celui-ci publié89. L’AEI espère trouver des scientifiques désireux d’effectuer une
analyse de 10 000 mots contre une rémunération de 10 000 dollars, pour « explorer
consciencieusement les limites des résultats des modélisations climatiques, dans le sens où
celles-ci relèvent du domaine du développement des politiques climatiques ».
L’idée de cette campagne de recrutement est de dénicher des scientifiques universitaires qui
ne se sont pas ou peu exprimés dans les médias au sujet des changements climatiques.
L’AEI pense être ainsi en mesure de faire taire les critiques en présentant des « états de
service » irréprochables qui donneraient plus de poids à ses arguments.
Les médias s’emparent de l’affaire au moment de la publication du premier rapport du RE4,
en février 200790. Le professeur Steve Schroeder, de l’université du Texas A&M, a refusé
l’invitation, confiant au Washington Post qu’il craint de voir sa contribution être assimilée à
des idées ‘excentriques’ qui remettent en cause l’existence du réchauffement climatique91. »
83
84
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88
89
90
91
Giec, Changements climatiques 2007, Rapport de synthèse, p. 2. http://www.ipcc.ch/pdf/assessmentreport/ar4/syr/ar4_syr_fr.pdf
Ibid., pp. 5-6.
Ibid., p. 7.
Ibid., p. 64.
http://www.desmogblog.com/sites/beta.desmogblog.com/files/AEI.pdf
AEI Seeks Scientists for Sale: $10,000 to First Taker, DeSmog Blog, 9 novembre 2006. http://www.desmogblog.com/aeiwant-ad-seeks-scientists-for-sale-10-000-to-first-taker
Id.
http://environment.guardian.co.uk/climatechange/story/0,,2004397,00.html
http://www.washingtonpost.com/wp-dyn/content/article/2007/02/04/AR2007020401213.html
14
La lettre d’invitation a été rédigée par les lobbyistes en chef de l’AEI, Kenneth Green92 et
Steven F. Hayward93, qui entretiennent tous deux des liens étroits et de longue date avec
plusieurs organismes écrans financés par les grandes compagnies industrielles.
S.F. Hayward collabore notamment avec le Pacific Research Institute for Public Policy
(subventions accordées par Exxon depuis 1998 : 530 000 dollars94), la Heritage Foundation
(subventions accordées par Exxon depuis 1998 : 585 000 dollars95), et le Reason magazine
(subventions accordées par Exxon depuis 1998 : 381 000 dollars96).
Kenneth Green officie à l’AEI en tant que « professeur invité » et contribue également à la
rédaction du site Internet Tech Central Station (95 000 dollars de financements attribués par
Exxon depuis 1998), publié par l’agence de relations publiques DCI97 (dont Exxon est l’un
des clients). Il a dirigé l’Environmental Literacy Council – organisme largement financé par
les compagnies pétrolières et l’industrie extractive pour colporter leur propagande jusque
dans les salles de classe98. Il a également occupé le poste de scientifique en chef au sein du
Fraser Institute99 (120 000 dollars de subventions de la part d’Exxon depuis 2003), et a dirigé
le programme environnemental du Reason Public Policy Institute (voir schéma p. 5).
Aujourd’hui, K. Green est une référence « indépendante » largement citée sur les questions
climatiques et énergétiques à Washington…
Le Fraser Institute lance une évaluation « indépendante »
Trois jours avant la publication du premier des quatre rapports du RE4, le groupe de
réflexion canadien Fraser Institute tient une conférence de presse à Londres, animée par l’un
de ses membres distingué, l’économiste Ross McKitrick100.
Le Fraser Institute y annonce la sortie de son « évaluation scientifique indépendante », un
document dont la présentation ressemble à s’y méprendre à celle des rapports du Giec, mais
qui remet en question les modèles et les conclusions de l’organisme scientifique.
Les ressources du Giec proviennent uniquement du système des Nations Unies, et la
majorité de ses contributeurs intervient presque entièrement bénévolement. En revanche,
l’équipe de « spécialistes » du Fraser Institute compte parmi ses membres plusieurs
scientifiques directement liés aux organismes-écrans et autres groupes de réflexion
conservateurs financés par les industriels, et aucun d’entre eux n’a publié d’article approuvé
par les pairs sur les changements climatiques101.
Les « suspects habituels » s’en mêlent
La publication du quatrième Rapport d’évaluation fait sortir du terrier la « ligne de front » des
négateurs qui, depuis le début des années 1990, fait campagne pour saper la science du
climat : Fred Singer102, Richard Lindzen103, Patrick Michaels104 et William O’Keefe105, ainsi
que des organismes tels que le George C. Marshall Institute106, le Cato Institute107
(subventions d’Exxon depuis 1998 : 125 000 dollars) et le Comptetitive Enterprise Institute108.
92
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95
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105
106
http://www.exxonsecrets.org/html/personfactsheet.php?id=511
http://www.exxonsecrets.org/html/personfactsheet.php?id=46
http://www.exxonsecrets.org/html/orgfactsheet.php?id=61 ;
http://sourcewatch.org/index.php?title=Pacific_Research_Institute
http://www.exxonsecrets.org/html/orgfactsheet.php?id=42 ; http://sourcewatch.org/index.php?title=Heritage_Foundation
http://www.exxonsecrets.org/html/orgfactsheet.php?id=63 ; http://www.exxonsecrets.org/html/orgfactsheet.php?id=64
http://www.exxonsecrets.org/html/orgfactsheet.php?id=112
Liste des bailleurs de fonds sur : http://www.enviroliteracy.org/article.php/701.html (API, Koch, XOM, GE, Georgia Pacific,
International Paper, Weyerhaeuser, etc.) Les références ont été depuis supprimées du site Internet.
http://www.exxonsecrets.org/html/orgfactsheet.php?id=107 ; http://www.desmogblog.com/fraser-institute-keeping-badcompany ; http://sourcewatch.org/index.php?title=Fraser_Institute
http://www.desmogblog.com/ross-mckitrick
http://www.realclimate.org/index.php/archives/2007/02/fraser-institute-fires-off-a-damp-squib/
http://www.exxonsecrets.org/html/personfactsheet.php?id=1
http://www.exxonsecrets.org/html/personfactsheet.php?id=17
http://www.exxonsecrets.org/html/personfactsheet.php?id=4
http://www.exxonsecrets.org/html/personfactsheet.php?id=289
http://www.exxonsecrets.org/html/orgfactsheet.php?id=36
15
Dans un article du New York Sun, Fred S. Singer109 s’en prend aux modèles et à la politique
du Giec110.
Le groupe de pression libéral Competitive Enterprise Institute (CEI) ressort des cartons un
argument familier. « Le Résumé à l’intention des décideurs est conçu comme un outil de
propagande destiné à promouvoir un alarmisme sur le réchauffement planétaire. Il n’a pas
été rédigé par les scientifiques à l’origine du rapport, mais par les gouvernements du
Giec111 », déclare Marlo Lewis112, un lobbyiste du CEI.
Depuis quelque temps déjà, le CEI se préparait à la publication du RE4. Le 15 février 2007,
lors d’un événement organisé spécialement pour l’occasion à la Heritage Fondation, un des
membres distingués du CEI, Christopher Horner, (avocat de profession, et non climatologue)
avait présenté son nouvel ouvrage intitulé en anglais « The politically incorrect guide to
global warming and environmentalism » (Guide du politiquement incorrect sur le
réchauffement planétaire et l’environnementalisme) – un livre dédié corps et âme à la
science du climat113…
2009-2010 : pas de scandale derrière les portes du climate-gate
« Le fait que les journalistes aient jugé bon de relayer le scandale du ‘climate-gate’
montre qu’ils accordent bien plus de considération aux scientifiques qu’aux climatosceptiques, même si, étant toujours en quête de polémique, ils ne voudront jamais
l’admettre. »
Mark Boslough114, physicien, laboratoires Sandia National
Fin 2009, des courriers électroniques échangés par des scientifiques de l’université
britannique d’East Anglia sont piratés puis diffusés sur Internet. Ce piratage déclenche une
véritable polémique qui fait les choux gras des médias, en particulier outre-manche. Cette
fois-ci, le club des sceptiques, d’ordinaire bien organisé, se contente de suivre le fil des
informations, ou plutôt des « non-informations » dénichées par des amateurs, et de s’en faire
l’écho, convaincu d’avoir enfin trouvé la preuve d’une conspiration planétaire ou d’un échec
scientifique.
Piratage des courriels de la CRU l’université d’East Anglia
Comme l’explique cette vidéo115, aucun élément contenu dans les courriers électroniques
provenant de l’Unité de recherche sur le climat (CRU) d’East Anglia ne remet en cause la
science du climat. Toutefois, cela n’empêche pas les négateurs de prétendre que ces
courriels sonnent le glas de la science climatique, exposant au grand jour une conspiration
monumentale – allégations que certains médias se sont empressés de propager.
Plusieurs enquêtes indépendantes sont en cours. Elles seront certainement les bienvenues,
même si certaines investigations ont déjà permis de mettre les scientifiques hors de cause. À
l’heure actuelle, il est impossible de savoir si les recherches menées par la police
permettront de démasquer les pirates et de faire la lumière sur leur mode opératoire. Rien ne
garantit non plus que la procédure donne effectivement lieu à des poursuites judiciaires.
107
http://www.exxonsecrets.org/html/orgfactsheet.php?id=21
http://www.exxonsecrets.org/html/orgfactsheet.php?id=2
109
http://www.exxonsecrets.org/html/personfactsheet.php?id=1
110
« Not so dire after all », in New York Sun, 2 février 2007, p. 8. http://www.nysun.com/opinion/not-so-dire-after-all/47920/
111
http://cei.org/gencon/003,05741.cfm
112
http://www.exxonsecrets.org/html/orgfactsheet.php?id=2
113
http://www.heritage.org/press/events/ev021507b.cfm
114
http://www.csicop.org/si/show/mann_bites_dog_why_climategate_was_newsworthy/
115
http://www.youtube.com/watch?v=7nnVQ2fROOg&feature=player_embedded
108
16
Après avoir replacé dans leur contexte, lu et relu les quelque 1 100 courriels dérobés, cinq
journalistes de l’agence de presse américaine Associated Press (AP) ont conclu que la
science du climat n’était peut-être pas toujours « belle à voir, mais pas truquée » :
« Depuis la divulgation des courriels il y a trois semaines, ceux qui s’opposent de
longue date au courant majoritaire de la science du climat n’ont cessé de citer des
extraits provenant uniquement d’une dizaine de messages. Les députés
républicains et l’ancienne candidate à la vice-présidence Sarah Palin ont demandé
la conduite d’enquêtes indépendantes, le report de la réglementation sur les gaz à
effet de serre de l’Agence américaine de protection environnementale ou bien
encore le boycott pur et simple des négociations internationales de Copenhague,
criant haro sur la ‘culture la corruption’ que ces courriers électroniques étaient
censés démontrer. Ce ne sont pas les conclusions auxquelles est parvenue l’AP.
Nous avons simplement trouvé des éléments qui montrent que des efforts ont été
réalisés pour présenter les données de la façon la plus convaincante possible116. »
Les négateurs eux-mêmes ont admis que les courriels piratés ne remettaient pas en
question le vaste corpus de la science du climat. Interrogés à ce sujet le 1er mars 2010 par le
Comité scientifique et technologique de la Chambre des Lords britannique117, les climatosceptiques Lord Lawson et Benny Peiser, membres du nouvel organisme-écran Global
Warming Policy Foundation118, ont tous deux admis que, dans le pire des cas, la
correspondance mettait en évidence un problème au niveau des procédures de l’Unité de
recherche sur le climat (CRU), mais pas au sein de la science du climat119.
Ni Lord Lawson ni Benny Peiser ne sont climatologues, ce que le second a reconnu devant
le Comité. Toutefois, ils continuent de faire de cette science leur principale plateforme. Bob
Ward, de l’université d’économie de Londres (London School of Economics), a relevé une
erreur dans un graphique présentant la courbe des températures du 21ème siècle, publié sur
le site Internet de la Global Warming Policy Foundation. Cette erreur n’a pas été corrigée.
« Bien qu’il s’agisse d’une erreur relativement mineure, c’est le genre d’écarts dont de
nombreux sceptiques n’hésiteraient pas à s’emparer s’ils les trouvaient sur le site Internet de
l’Unité de recherche sur le climat », signale B. Ward sur le blogue du Guardian120.
À une autre occasion, Benny Peiser a déformé les propos de Sir John Houghton, ancien
président d’un groupe de travail du Giec, attribuant au scientifique la phrase suivante : « À
moins d’annoncer une catastrophe, personne ne nous écoutera121. » « [Il] m’attribue, ainsi
qu’au Giec, un comportement excessif et de bonimenteur. Je n’ai jamais écrit ou dit une telle
chose », a confié Sir John Houghton à The Observer122.
L’un des scientifiques au cœur de la polémique du climate-gate, Michael Mann, a été « lavé
de tous soupçons » par l’université de Pennsylvanie, où il dirige le centre de science du
système terrestre, au sein du département de météorologie. « L’enquête interne a montré
que M. Mann n’avait pris part à aucune initiative, directement ou indirectement, visant de
façon manifeste à supprimer ou falsifier des données123. »
116
117
118
119
120
121
122
123
http://abcnews.go.com/Technology/wireStory?id=9319400
Réponse à la question n° 24 : « Dr Peiser : Personnellement, je ne crois pas que la divulgation de cette correspondance
change grand-chose au débat scientifique en général. »
http://www.parliament.uk/parliamentary_committees/science_technology/s_t_cru_inquiry.cfm
Les deux membres de la Global Warling Policy Foundation ont refusé de révéler leurs financements au comité spécial.
http://sourcewatch.org/index.php?title=Global_Warming_Policy_Foundation
http://www.publications.parliament.uk/pa/cm200910/cmselect/cmsctech/uc387-i/uc38702.htm
http://www.guardian.co.uk/environment/2010/mar/05/global-warming-thinktank-double-standards
http://www.guardian.co.uk/commentisfree/2010/feb/07/robin-mckie-benny-peiser-climate
http://www.guardian.co.uk/theobserver/2010/feb/14/climate-change-scepticism-robin-mckie
http://www.research.psu.edu/orp/Findings_Mann_Inquiry.pdf
17
À ce jour, une dernière enquête est toujours en cours à l’université de Pennsylvanie.
Remise en question des références du Giec
Après avoir exploité l’affaire des courriels dérobés, les négateurs rebondissent en s’efforçant
d’établir un lien entre le piratage de la CRU et leur cible favorite : le Giec. Les médias
britanniques sont aux commandes, avec le soutien de la communauté négatrice désormais
bien établie outre-manche, qualifiant la moindre accusation de véritable « scandale ».
Les accusations, qui portaient principalement sur trois références distinctes, ont été
soigneusement réfutées par les climatologues sur le blogue RealClimate124. En résumé,
deux erreurs ont été relevées dans le rapport du Giec, la troisième allégation d’erreur ayant
été pleinement démentie.
Le quatrième rapport d’évaluation (RE4) contient, dans sa version anglaise d’origine,
2 800 pages et environ 18 000 références. Les deux sources incorrectes qui ont été
identifiées soulignent légitimement la nécessité d’analyser les procédures suivies par le Giec
dans la production de ses rapports – analyse à laquelle le Giec a fait savoir qu’il procéderait.
Mais encore une fois, ces pseudo-scandales montés en épingle n’ont fait que miner le vaste
corpus qui prouve que les changements climatiques sont bel et bien une réalité, et qu’ils sont
causés par l’activité humaine.
Le Secrétaire général des Nations Unies, Ban Ki-Moon, a annoncé qu’un comité
indépendant procéderait à l’évaluation des procédures du Giec125 – ce qui est une initiative
bienvenue. Il a également précisé : « Que les choses soient claires : la menace posée par le
changement climatique est réelle. Rien de ce qui a été prétendu ou révélé dans les médias
récemment ne met en cause le consensus scientifique de base sur les changements
climatiques. Cela ne diminue pas non plus l'importance du travail du Giec.126 »
Les messages dérobés à la CRU ont servi de tremplin au mouvement climato-sceptique pour
lancer une campagne tous azimuts impliquant l’ensemble de la sphère du déni climatique,
des climato-sceptiques britanniques à la Fox News, en passant par le journaliste Marc
Morano, l’animateur radio Rush Limbaugh, jusqu’au sénateur républicain James Inhofe, aux
États-Unis127.
James Inhofe s’efforce désormais d’utiliser l’affaire du climate-gate et le non-scandale des
références du Giec pour lancer une véritable « chasse aux sorcières » contre
17 climatologues de renommée mondiale et auteurs principaux du Giec. Son objectif est non
seulement de mettre en cause les conclusions du groupe d’experts, mais aussi d’ébranler les
fondements scientifiques des nouvelles normes de régulation des émissions de gaz à effet
de serre édictées par l’Agence de protection environnementale (EPA) aux États-Unis128.
Le 16 février 2010, le Competitive Enterprise Institute (CEI), ainsi que Fred Singer, ont
déposé un recours en justice contre l’EPA, exigeant que celle-ci abandonne toutes ses
propositions de réglementation en matière de CO2 et autres gaz à effet de serre, sur la base
de la correspondance piratée de la CRU et des soi-disant « séries de données erronées » du
Giec129.
124
125
126
127
128
129
http://www.realclimate.org/index.php/archives/2010/02/ipcc-errors-facts-and-spin/
http://www.un.org/News/briefings/docs//2010/100310_IAC.doc.htm
http://www.un.org/apps/newsFr/storyF.asp?NewsID=21420&Cr=climatique&Cr1=
http://www.opensecrets.org/industries/summary.php?ind=E01&cycle=All&recipdetail=M&sortorder=U
http://www.climatesciencewatch.org/index.php/csw/details/sen._inhofe_inquisition_seeking_to_criminalize_climate_scientists/
http://cei.org/rcandtestimony/2010/02/16/late-breaking-events-trigger-new-call-epa-reconsider-its-global-warming-de
18
20 ans de campagne climato-sceptique
Au cours des 20 dernières années, l’industrie du déni climatique s’est forgé une place sur la
scène internationale, lentement mais sûrement. Bien que ce mouvement reste
essentiellement ancré dans les pays anglo-saxons, avec comme axe principal les États-Unis,
il s’étend progressivement à d’autres pays que les négateurs et les groupes de réflexion
jugent stratégiques.
Hormis les États-Unis, les pays cités ci-dessous engagent également des politiques
climatiques qui sont loin d’être à la hauteur du défi climatique que le monde doit relever.
Australie
Les événements récents qui se sont produits en Australie ont entraîné le déboulonnage du
leader de l’opposition, Malcom Turnbull. Son soutien en faveur de la création d’un système
d’échange de quotas d’émissions avait en effet déclenché la polémique130. Face à un vent de
révolte des « négateurs du climat », M. Turnbull a cédé la tête du Parti Libéral (centre-droit)
au profit du climato-sceptique Tony Abbott131.
Il existe des liens étroits entre les acteurs clés de la mouvance anti-climatique en Australie
(Bob Carter132, Ian Plimer133, David Evans), et leurs compères américains. Ainsi, l’Institute of
Public Affairs, un think tank conservateur australien, et différents groupes industriels invitent
régulièrement des figures de proue du climato-scepticisme américain à venir donner des
conférences en Australie134. Mais le projet de système d’échange de quotas d’émissions
n’est pas encore définitivement enterré.
Canada
Au Canada, les climato-sceptiques font preuve d’un dynamisme particulièrement vigoureux,
avec comme piliers du mouvement McIntyre, McKitrick ou bien encore le Fraser Institute. Le
gouvernement canadien s’avère l’un des plus réticents à mettre en place des mesures pour
lutter contre les changements climatiques, revenant même sur les engagements qu’ils
avaient pris en matière de réduction d’émissions. De plus, les autorités ont récemment
adopté un nouveau protocole qui restreint l’accès des scientifiques aux médias, entraînant
une diminution considérable de la couverture médiatique de la science du climat dans le
pays135.
Nouvelle-Zélande
La campagne des sceptiques est bien implantée en Nouvelle-Zélande, où la Business
Roundtable (organisme regroupant les dirigeants des plus grandes entreprises du pays)
organise régulièrement des séries de conférences sur le sujet, avec notamment pour invitésvedettes Fred Singer au début des années 1990 et Lord Lawson en 2007136. La position
internationale adoptée par le gouvernement sur la question des changements climatiques est
l’une des moins ambitieuses parmi les pays industrialisés.
Les négateurs néozélandais, australiens et canadiens ont uni leurs forces pour former
ensemble la International Climate Science Coalition137. La New Zealand Climate Science
130
131
132
133
134
135
136
137
http://www.timesonline.co.uk/tol/comment/columnists/guest_contributors/article6962198.ece
http://www.smh.com.au/opinion/politics/climate-sceptics-have-made-their-triumphant-return-20091201-k3xm.html
http://www.desmogblog.com/rm-bob-carter et Exxonsecrets : http://www.exxonsecrets.org/index.php?mapid=1536
http://www.desmogblog.com/ian-plimer
Voir, par exemple, la visite de Patrick Michaels en août 2009 :
http://www.ipa.org.au/events/information/year/2009/month/8/event/patrick-j.-michaels---climatologist-and-climate-changesceptic
http://www.montrealgazette.com/technology/Climate+change+scientists+feel+muzzled+Ottawa+documents/2684621/story.html
http://www.stuff.co.nz/business/20841
http://www.climatescienceinternational.org/
19
Coalition, créée en 2006, avait conféré une renommée mondiale à un petit groupe de
colonels et de scientifiques à la retraite stipendiés par le Heartland Institute pour participer à
des conférences et se rendre aux négociations sur le climat à Bali, en 2008138.
138
http://www.listener.co.nz/issue/3541/columnists/10716/some_like_it_hot.html
20
Chapitre 2 : les rouages de la campagne de dissémination du doute
Il est important d’établir une distinction claire entre d’une part, les scientifiques de bonne foi
qui contestent les théories des changements climatiques, cherchant à avancer d’autres
explications possibles pour rendre compte de l’évolution du climat, et d’autre part, les efforts
fournis par les négateurs climatiques pour saper la crédibilité des institutions scientifiques.
L’influence des taches solaires, la rotation de la Terre autour du soleil, l’exactitude des
relevés de température, l’ampleur de la gravité du réchauffement climatique et autres
questions ont toutes été abondamment traitées par la littérature scientifique de ces
20 dernières années. Les conclusions du Giec reflètent le fait que la seule théorie qui
demeure étayée par des preuves, c’est celle d’un dérèglement climatique causé par les
émissions de gaz à effet de serre, dont l’activité humaine est à l’origine.
Toutefois, une poignée de scientifiques, soutenus par la campagne climato-sceptique,
cherche à entacher le débat politique par ses interventions dans la littérature universitaire.
En permanence, ils mènent une « campagne de déni » qui consiste à présenter des
publications et des revendications auxquelles ils s’efforcent de donner une apparence
scientifique. La première partie de ce chapitre revient en détail sur ces tentatives de
détournement de la science, puis sur les attaques personnelles dont ont été victimes
plusieurs scientifiques, simplement pour avoir rendu public le fruit de leurs recherches. Enfin,
le rapport analyse comment le mouvement du déni climatique a su placer des individus clés
à des postes influents au sein de l’administration Bush, et comment le parti républicain a
manifestement repris à son compte les messages climato-sceptique.
Bricolage scientifique contre crosse de hockey
Le climatologue Michael Mann, professeur à l’université de Pennsylvanie, a été à plusieurs
reprises la cible des critiques acerbes formulées par le clan climato-sceptique, depuis la
parution, en 2001, du troisième Rapport d’évaluation du Giec. Dans ce rapport, le
scientifique publie une reconstruction des températures du dernier millénaire139. Cette courbe
en forme de crosse de hockey montre des températures relativement stables pendant
900 ans avec une brusque augmentation au cours du 20ème siècle. Ce graphique parle de luimême et constitue un élément scientifique probant.
En 2003, Sallie Baliunas et Willie Soon réussissent à faire publier dans le Climate Research
une étude140 remettant en question la « crosse de hockey ». M. Mann, récemment interrogé
à ce sujet141, a déclaré :
« Cet article est l’un des plus médiocres qui ait jamais été donné de lire à la
communauté de la recherche spécialisée en climatologie […] Certains membres du
comité éditorial sont visiblement parvenus à compromettre le processus de relations
publiques pour autoriser la publication, dans la littérature professionnelle, de cet
article entaché d’erreurs. Ceux qui, à Washington, s’opposent à toute initiative pour
faire face au dérèglement du climat, ont immédiatement présenté cet article comme
étant le coup de grâce porté à la thèse des changements climatiques – alors qu’en
réalité, il ne s’agit que d’une étude extrêmement mauvaise qui n’aurait jamais due
être publiée. »
139
140
141
Contribution du Groupe de travail I au troisième Rapport d’évaluation du Giec, op. cit. n°60, p. 4.
http://www.int-res.com/articles/cr2003/23/c023p089.pdf
http://www.pointofinquiry.org/michael_mann_unprecedented_attacks_on_climate_research/, entretien avec Chris Mooney,
26 février 2010.
21
Nombre de personnes se rallient à l’avis de M. Mann. Otto Kline, éditeur de la revue à
l’origine de l’article, finit d’ailleurs par admettre que « [les conclusions tirées par les auteurs]
ne peuvent être déduites de manière convaincante à partir des données présentées dans
l’article142. »
La rédaction de cet article a été en partie financée par l’American Petroleum Institute143. Il a
ensuite été révisé par le climato-sceptique néozélandais Chris de Freitas144, qui a décidé de
le publier malgré les réserves exprimées par au moins un des pairs participant au processus
d’évaluation145. Suite au tumulte déclenché par ce processus d’évaluation, trois membres du
comité éditorial du Climate Research démissionnent146.
D’autres climato-sceptiques tels que le canadien Ross McKitrick et Stephen McIntyre ont
également cherché à étriller les travaux de Michael Mann, sans toutefois parvenir à
empêcher la « crosse de hockey » d’être reprise dans de nombreuses analyses, ni d’illustrer
le quatrième Rapport d’évaluation du Giec, où elle retrace la courbe des températures
depuis 1 300 ans. Le site Internet RealClimate147 revient sur ce point en détail, et M. Mann
résume la situation en répondant ainsi à ses détracteurs :
« Nos opposants refusent de voir plus loin que le bout de leur nez ; ils refusent de
se demander si toutes leurs critiques, au final, contribuent à changer le fond du
problème. Ils connaissent déjà la réponse. Même s’ils étaient parvenus à discréditer
la ‘crosse de hockey’, cela n’aurait en rien changé le problème n°1 de la
science148. »
La pseudoscience s’en prend aux ours polaires
Le processus d’évaluation par les pairs s’étant avéré problématique, les sceptiques décident,
à partir de 2007, d’adopter une nouvelle approche.
En mars 2007, la revue Ecological Complexity publie un « point de vue », dans lequel on
apprend que l’ours polaires n’est pas menacé par les changements climatiques, et que la
diminution de la glace de mer arctique est moins importante que ce que veulent nous faire
croire les articles scientifiques récemment publiés sur la question – et qui ont faits, eux,
l’objet d’une révision par les pairs149. Si Ecological Complexity publie par ailleurs des
recherches « revues par les pairs », les « points de vue » ne répondent pas à cette même
exigence. Les rapports soumis à ce processus et les autres étant publiés sous un format
similaire, le lecteur non averti risque de s’y méprendre.
Parmi les auteurs de ce « point de vue », on retrouve des sceptiques entretenant des liens
privilégiés avec le monde industriel : Sallie Baliunas, Willie Soon, David Legates150 et Tim
Ball151. Ils mettent en cause la fiabilité des modélisations scientifiques utilisées pour illustrer
que les populations d’ours polaires sont menacées par les changements climatiques. Ils
réfutent également les éléments de la science du climat qui démontrent que l’Arctique se
142
143
144
145
146
147
148
149
150
151
http://www.int-res.com/articles/misc/CREditorial.pdf
http://www.int-res.com/articles/cr2003/23/c023p089.pdf, p. 17 de l’étude (p. 10t de Climate Reserach)
http://www.exxonsecrets.org/html/personfactsheet.php?id=1271
http://www.sciam.com/article.cfm?articleID=000A0746-83A1-1EF7-A6B8809EC588EEDF
http://www.sgr.org.uk/climate/StormyTimes_NL28.htm
http://www.realclimate.org/index.php/archives/2005/02/dummies-guide-to-the-latest-hockey-stick-controversy/
Op.cit., n°139.
Ecological Complexity, vol. 4, n°3, pp. 73-84.
http://www.desmogblog.com/david-legates
http://www.desmogblog.com/climate-change-denier-research-old
22
réchauffe, tout en affirmant que le tourisme, par exemple, constitue une menace bien plus
importante pour les ours polaires que la disparition de leur habitat152.
L’article était arrivé à point nommé : le gouvernement américain statuait justement sur une
éventuelle reconnaissance du statut d’espèce en voie de disparition pour les ours polaires.
Une telle décision risquait d’avoir de fortes implications sur la législation climatique
américaine. Cette publication a été largement citée dans les recours intentés par Sarah
Palin, alors gouverneur d’Alaska, pour tenter en vain de s’opposer à ce classement.
Dans l’article, Willie Soon reconnaît que sa contribution a été en partie financée par
ExxonMobil, l’American Petroleum Institute et la Charles G. Koch Foundation153. Les frères
Koch contrôlent un vaste conglomérat d’entreprises opérant principalement dans le secteur
de la pétrochimie, et dépassent même ExxonMobil dans le domaine du financement des
climato-sceptiques ces dernières années154. Le Dr Soon n’a pas tenu à révéler le montant
des fonds que lui ont accordés ces sociétés, ni leur périodicité.
Ni le Dr Soon ni ses sponsors n’ont voulu dévoiler les financements qui ont permis ce projet
de recherche. Le Dr Baliunas et le Dr Soon sont rattachés au Havard-Smithsonian
Astrophysics Observatory, institut de recherche américain auquel Exxon a versé
76 000 dollars en 2007155. Les registres fiscaux de la ExxonMobil Foundation, ainsi que
d’autres documents de la compagnie, confirment l’attribution de plusieurs subventions entre
2005 et 2008, pour un montant total de plus de 340 000 dollars.
Lors de la publication de l’article, un scientifique a fait remarquer que les références de
l’analyse n’allaient pas au-delà de 2002, date partir de laquelle l’Arctique a connu quatre
années particulièrement chaudes. L’année suivante, deux scientifiques spécialisés dans de
l’étude des ours polaires, Stirling et Derocher, réfutait cette analyse :
« [Les auteurs] suggèrent que des facteurs autres que le réchauffement du climat
sont à l’origine du déclin des populations d’ours polaires, dans l’ouest de la baie
d’Hudson. Après avoir étudié leurs explications alternatives, ainsi que les données
disponibles permettant de conforter chacune d’entre elles, nous n’avons trouvé que
peu d’éléments étayant chacune des thèses avancées156. »
Contrairement à la publication opportune de l’article du Dr Soon et du Dr Baliunas,
intervenue juste avant que le gouvernement ne statue sur l’inclusion de l’ours polaire à la
liste des espèces en danger, l’article de Stirling et Derocher n’a pas être pris en compte dans
le processus de décision. Trois ans plus tard, ce « point de vue » publié par les sceptiques
reste l’un des articles les plus téléchargés sur le site Internet de la revue Ecological
Complexity.
Suite à la parution de l’article, Brad Miller, président du sous-comité chargé des
investigations et de la surveillance pour le Congrès américain, s’est adressé par courrier à
ExxonMobil, mettant le doigt sur l’épineuse question du financement des scientifiques par les
industriels :
« Pour le lecteur non avisé, un expert en vaut un autre. Mais Exxon est sans doute
un lecteur bien averti. D’après le Dr Soon, astrophysicien de formation, ExxonMobil
a contribué au financement de la publication de ce ‘point de vue’ sur le
152
Ecological Complexity, op. cit. n°147, p. 82.
Ibid., p. 83.
154
Voir le rapport de Greenpeace sur « les rouages de la machines climato-sceptiques » : http://energieclimat.greenpeace.fr/qui-se-cache-derriere-les-climato-sceptiques-greenpeace-denonce-les-pratiques-de-koch-industries?
155
http://www.exxonmobil.com/Corporate/community_contributions_report_public.aspx
156
Ecological Complexity, vol. 5, n°3, septembre 2008, pp. 193-201.
153
23
réchauffement climatique et ses impacts potentiels sur les populations d’ours
polaires […] Les membres du Congrès, tout comme l’ensemble des citoyens, ont le
droit de savoir pourquoi ExxonMobil rémunère un scientifique pour publier un article
qui ne relève pas de son domaine de compétence et qui donne l’impression d’être
l’aboutissement d’une étude rigoureuse, conduite par des spécialistes avec la
validation de leurs pairs, et qui affirme que les menaces [des changements
climatiques] pour les ours polaires ne sont ni sérieuses, ni avérées157. »
Exxon n’a pas jugé bon de répondre au président du sous-comité.
Conférences pseudo-scientifiques
En mars 2008, le Heartland Institute158 donne le coup d’envoi d’une série de conférences à
New-York, offrant une rémunération de 1 000 dollars à tout scientifique qui se porterait
volontaire pour y participer159.
Sur le forum RealClimate, des climatologues ayant reçu des invitations de l’institut, publient
un blogue intitulé : « Qu’allez-vous faire si aucun (vrai) scientifique ne vient à votre
conférence160 ? »
« D’ordinaire, les conférences scientifiques ont pour objet le débat d’idées et
l’échange d’informations, et visent à faire progresser la compréhension scientifique.
Ce n’est pas le cas de cette conférence, ce qu’admettent sans ambages les
organisateurs dans leur lettre d’invitation161 adressée aux éventuels intervenants :
‘Cette conférence a pour objectif d’attirer l’attention des médias du monde entier sur
l’avis de nombreux scientifiques qui estiment que les prévisions d’un réchauffement
rapide et d’événements catastrophiques ne sont pas étayées par la science, et que
les mesures coûteuses destinées à réduire les émissions de gaz à effet de serre ne
sont ni nécessaires, ni rentables.’[…] Cette conférence ne vise donc pas à améliorer
la compréhension scientifique. C’est un exercice de relations publiques destiné à
faire couler de l’encre dans les médias. »
Une centaine de personnes participent à la conférence. Mais comme le souligne
Andrew Revkin dans le New York Times, « après le déjeuner, lorsqu’un organisateur
demanda à tous les scientifiques présents de se rassembler dans le hall pour prendre
une photo de groupe, seules 19 personnes se sont manifestées162. »
Assurant la couverture médiatique de l’événement, ABC News réalise une interview de Fred
Singer. Au cours de l’entretien, le climato-sceptique admet avoir reçu d’ExxonMobil un
chèque « non sollicité » de 10 000 dollars163. Cette révélation provoque une vague de
remous sur la blogosphère des négateurs. Toutefois, malgré la pression du Heartland
Institute et des autres sponsors de la conférence, le diffuseur refuse de modifier le contenu
de son programme.
Le Heartland Institute a organisé deux autres conférences, à New York et à Washington, et
Chicago devrait en accueillir une troisième courant 2010164. Aucune de ces conférences n’a
157
http://research.greenpeaceusa.org/?a=download&d=4675
http://www.exxonsecrets.org/index.php?mapid=1521
http://www.realclimate.org/docs/Heartland.pdf
160
http://www.realclimate.org/index.php/archives/2008/01/what-if-you-held-a-conference-and-no-real-scientists-came/
161
http://www.realclimate.org/docs/Heartland.pdf
162
http://www.nytimes.com/2008/03/04/science/earth/04climate.html?_r=1
163
http://abcnews.go.com/Technology/GlobalWarming/story?id=4506059&page=1
164
http://www.heartland.org/events/2010Chicago/
158
159
24
permis d’aboutir à des conclusions autres que celles qui avaient été annoncées dès le
départ : il n’y a pas de crise climatique, les changements climatiques ne sont pas une réalité.
Sur les 19 organismes ayant subventionné la conférence de 2008, seuls cinq ne font pas
partie des organismes-écrans financés par Exxon ou ne sont pas des think tanks
conservateurs participant à la campagne de déni des changements climatiques165.
Soutien scientifique truqué
Lors d’une réunion des actionnaires d’Exxon en mai 2000, Lee Raymond, alors PDG du
groupe, met en cause le consensus scientifique sur les changements climatiques en se
référant à une pétition signée par « 17 000 scientifiques » qui mettent en doute le caractère
anthropique du changement climatique166.
La crédibilité de celle pétition est, elle aussi, très vite mise en doute lorsqu’il s’avère que
parmi ses signataires figurent les Spice Girls, et qu’elle n’a pas été lancée par la National
Academy of Sciences (l’académie des sciences américaine), comme on nous l’a laissé croire
au départ.
« Le Conseil de l’Académie des sciences tient à préciser que l’Académie n’a absolument rien
à voir avec cette pétition », communique l’institution, ajoutant : « Le texte de la pétition a été
envoyé par courriel, accompagné d’un éditorial du Wall Street Journal et d’un article dont la
présentation est quasi-identique à celle des publications de notre revue scientifique,
Proceedings of the National Academy of Sciences167. »
En réalité, la pétition a été lancée par le Oregon Institute of Science and Medicine, qui
malgré une appellation pompeuse et trompeuse, se trouve être une petite bâtisse situé en
rase campagne américaine. Les pseudo-arguments de l’article joint à la pétition ont été
pleinement réfutés par trois climatologues168.
Cette tactique est ensuite recyclée en juin 2007, lorsque le Heartland Institute et un autre
think tank conservateur, le Hudson Institute, publient un article de Denis Avery, intitulé :
« 500 scientifiques dont les recherches contredisent les thèses alarmistes du réchauffement
climatique anthropique », destiné à paraître dans un ouvrage de D. Avery et de Fred Singer.
L’annexe comprend une longue liste de recherches menées par des scientifiques qui,
d’après les auteurs, soutiennent l’inexistence ou la futilité des changements climatiques.
Lorsque Kevin Grandia et les autres blogueurs du site canadien DeSmogBlog contactent des
scientifiques mentionnés sur la liste, certains d’entre eux réagissent vivement et se disent
indignés, répondant que leurs travaux ne soutiennent pas les assertions des deux auteurs :
« Je suis extrêmement choqué de voir mon nom figurer sur la liste des
‘‘500 scientifiques qui doutent des thèses alarmistes du réchauffement climatique
anthropique’’. Aucune des recherches que j’ai publiées n’indique que les
changements climatiques ne sont pas une conséquence des gaz à effet de serre
émis par l’Homme. Je considère que l’inscription de mon nom sur cette liste, sans
ma permission ou mon accord, nuit à ma réputation professionnelle en tant que
spécialiste de l’atmosphère169. »
165
http://www.heartland.org/events/NewYork08/sponsorships.html Pour consulter la liste complète des groups financés par
Exxon, voir l’onglet “Organisations” sur : http://www.exxonsecrets.org/maps.php
166
http://www.oism.org/pproject/
167
http://144.16.65.194/hpg/envis/doc97html/globalssi422.html
168
http://naturalscience.com/ns/forum/forum01b.html
169
http://www.desmogblog.com/500-scientists-with-documented-doubts-about-the-heartland-institute
25
Dr Ming Cai, Maître de conférences, département de météorologie, Université
de Floride.
« Ils ont repris nos travaux sur les carottes glaciaires dans le Wyoming et les ont
déformés pour les faire correspondre à leur point de vue. Ce n’est pas de la
science170. »
Dr Paul F.
géologiques.
Schuster,
hydrologiste,
Institut
américain
d’études
Tous les scientifiques qui se sont manifestés auprès de DeSmogBlog ne comprenaient pas
comment leurs contributions aux travaux du Giec peuvent étayer les allégations de F. Singer
et D. Avery.
Attaques personnelles
Au cours des 20 dernières années, certains scientifiques ont été victimes d’attaques
personnelles coordonnées par les tenants de « l’anti-réchauffement ». Ces attaques visaient
principalement les contributions apportées par les scientifiques aux rapports du Giec.
Dr Benjamin Santer
Le Dr Benjamin Santer, du laboratoire californien Lawrence Livermore, est l’auteur principal
du chapitre 8 du deuxième Rapport d’évaluation (1995), le premier chapitre du Giec à
confirmer l’influence humaine sur les changements climatiques. Le Résumé à l’intention des
décideurs conclut qu’un « faisceau d’éléments suggère qu’il y a une influence perceptible de
l’homme sur le climat global », phrase qui a positionné le Dr Santer dans la ligne de mire des
négateurs171. En réalité, le Dr Santer n’était à l’origine ni de cette phrase, ni de l’utilisation du
mot « perceptible » : ces décisions étaient celles du président du Giec, Bert Bolin172.
Pourtant, cette phrase devait marquer le début d’une longue série d’hostilités à l’encontre du
Dr Santer. Dans un communiqué de presse de la Global Climate Coalition (GCC) paru avant
même la sortie du Rapport d’évaluation, le scientifique est accusé de pratiquer un
« nettoyage scientifique ». On lui reproche également de se livrer à un « bidouillage
politique » du texte du résumé, et de présenter des travaux de recherche ponctués
« d’irrégularités ».
Revenant sur l’accusation de « nettoyage scientifique », le Dr Santer commente : « La GCC
m’a accusé d’avoir pratiqué un ‘nettoyage scientifique’, au moment même où un ‘nettoyage
ethnique’ était commis en Bosnie. Mes grands-parents paternels sont morts dans les camps
de concentration de la seconde Guerre mondiale, victimes du ‘nettoyage ethnique’ des nazis.
Vous comprendrez pourquoi cette accusation de ‘nettoyage scientifique’ m’a parue si
détestable173. »
Le 12 juin 2006, dans un éditorial du Wall Street Journal, Fred Seitz174, membre du George
C. Marshall Institute175 et défenseur de longue date de l’industrie du tabac, accuse le Dr
Santer de travailler « pour tromper les responsables politiques et l’opinion publique, en leur
170
171
172
173
174
175
Id.
Giec, Seconde évaluation – Changement de climat 1995, Résumés à l’intention des décideurs, 1995.
http://www.ipcc.ch/pdf/climate-changes-1995/ipcc-2nd-assessment/2nd-assessment-fr.pdf
http://www.realclimate.org/index.php/archives/2010/02/close-encounters-of-the-absurd-kind/
Paul D. Thacker, The many travails of Ben Santer, p. 5837, disponible sur : http://pubs.acs.org/doi/pdf/10.1021/es063000t
http://www.sourcewatch.org/index.php?title=Fred_Seitz
Le Marshall Institute, fondé par F. Seitz, a été l’un des tous premiers organismes écrans à voir le jour.
26
faisant croire que des preuves scientifiques étayent la thèse de l’origine humaine du
réchauffement climatique176. »
En août 2006, dans un entretien accordé à la revue scientifique Environmental Science and
Technology, le Dr Santer confie : « Je crois que j’ai passé près d’une année de ma vie à
défendre cette conclusion scientifique ainsi que ma propre réputation. […] J’ai simplement
été le messager de certaines nouvelles que des personnes très influentes ne voulaient pas
entendre. Ces personnes ont alors décidé de s’en prendre au messager – avec un certain
talent, d’ailleurs177. »
D’après un scientifique interrogé à ce sujet, l’acharnement subi par le Dr Santer est « l’une
des attaques les plus vicieuses qui aient jamais visé l’intégrité d’un scientifique.178 »
Suite à la parution d’un article dans The Guardian reprenant l’ensemble des faits179 – mais
encore une fois de façon erronée –, le Dr Santer a décidé de revenir en détail sur les
attaques personnelles dont il a été la cible et s’exprime sur le forum RealClimate180.
Kevin Trenberth
Cinq ans plus tard, le troisième Rapport d’évaluation déclenche une nouvelle série
d’offensives directement dirigées contre les scientifiques. Cette fois-ci, c’est Kevin Trenberth,
responsable de l’analyse climatique au sein du Centre national de recherche atmosphérique
américain (NCAR), qui se trouve dans le viseur des négateurs. Un classement établi entre
1991 et 2001 montre qu’au cours de cette période, K. Trenberth figurait parmi les auteurs les
plus cités pour ses recherches sur les changements climatiques181…
Suite à la publication d’une étude dont il était l’un des auteurs182, K. Trenberth est devenu la
cible d’attaques répétées de la part des climato-sceptiques. Cette étude affirme que les
changements climatiques entraînent une intensification des tempêtes et des ouragans,
comme en témoigne la violence de la saison des ouragans dans l’Atlantique en 2005, et
notamment Katrina qui a détruit la Nouvelle-Orléans.
Le météorologiste négateur William Gray183 dit alors de K. Trenberth qu’il a « vendu son âme
au diable184 », et le sénateur républicain James Inhofe demande que soit menée une
enquête sur l’employeur du scientifique185.
K. Trenberth voit clair dans leur jeu et rétorque : « Ces attaques ont clairement pour but mon
renvoi ou ma démission186. »
Fred Singer vient au renfort, signalant que K. Trenberth « n’est pas spécialiste du
domaine187 »… Une accusation qu’on peut qualifier « d’intéressante » de la part d’un individu
qui se fait passer tour à tour pour un expert scientifique du tabagisme passif, de la couche
d’ozone, de l’énergie nucléaire ou encore du climat.
176
http://www.sepp.org/Archive/controv/ipcccont/Item05.htm
Paul D. Thacker, The many travails of Ben Santer, op. cit. n°170.
178
Ibid., p. 5834.
179
http://www.guardian.co.uk/environment/2010/feb/09/ipcc-report-author-data-openness
180
http://www.realclimate.org/index.php/archives/2010/02/close-encounters-of-the-absurd-kind/#more-3041
181
http://esi-topics.com/gwarm/authors/b1a.html
182
http://www.ucar.edu/news/releases/2006/hurricanes.shtml
183
http://sourcewatch.org/index.php?title=William_Gray et http://www.exxonsecrets.org/html/personfactsheet.php?id=370
184
http://www.rockymountainnews.com/drmn/local/article/0,1299,DRMN_15_5094006,00.html
185
Fred Pearce, « Climate change special: State of denial », in New Scientist, 4 novembre 2006.
http://environment.newscientist.com/article/dn10445
186
Id.
187
http://naturalscience.com/ns/letters/ns_let06.html
177
27
Michael Mann
Les attaques ciblant les travaux de Michael Mann sur la « crosse de hockey » ont déjà été
abordées dans le chapitre précédent. Mais l’assaut le plus virulent mené contre le
scientifique est sans doute celui du député républicain Joe Barton. En 2005, il s’adresse à
plusieurs reprises par courrier à M. Mann et à certains de ses collègues pour leur demander,
en somme, de bien vouloir mettre à disposition l’ensemble de leurs travaux depuis le début
de leur carrière, afin qu’ils puissent être discrédités188.
En 2006, M. Mann doit défendre ses travaux jusque devant le Sénat. À ce sujet, le New
Scientist écrit, en novembre 2006 :
« Le député républicain Joe Barton189 (Texas), président du Comité à l’énergie et au
commerce de la Chambre des Représentants, avait ordonné à M. Mann de fournir
audit Comité les détails volumineux de ses procédures de travail, programmes
informatiques et subventions. Les exigences de J. Barton avaient été largement
condamnées par les scientifiques ainsi que par les membres du Congrès. ‘Certains
pensent qu’en détruisant M. Mann, ils détruiront le Giec’, avait déclaré B. Santer.
Depuis, les résultats de M. Mann ont été repris par de nombreuses études et seront
endossés par le nouveau rapport du Giec190. »
En juin 2005, l’Association américaine pour l’avancement de la science (AAAS), qui publie
notamment la revue Science (soumise à évaluation par les pairs), s’élève en faux contre
cette chasse aux sorcières dans une lettre adressée à J. Barton :
« En exigeant la mise à disposition d’informations détaillées non seulement sur les
études récentes, mais aussi sur l’ensemble de la carrière de ces scientifiques, vos
lettres donnent l’impression que vous êtes en quête d’un fondement à partir duquel
discréditer ces scientifiques et leurs résultats, et non en quête de
compréhension191. »
Un éditorial du Washington Post, intitulé « Chasse aux sorcières192 », accuse le député
républicain d’avoir eu un « comportement outrancier », affirmant que « le harcèlement [était]
le seul motif possible de ces lettres ». L’écrivain scientifique Chris Mooney donne plus de
détails sur cette « inquisition congressiste » dans un article publié par American Prospect en
juin 2005 sous le titre « Chasse à l’homme193 » (Mann Hunt).
Les attaques personnelles deviennent virales
Les injures proférées à l’encontre des climatologues sont l’une des conséquences les plus
abjectes de la campagne menée par les organismes-écrans pour nier les changements
climatiques. Le magazine Scientific American194, le journaliste George Monbiot dans le
Guardian195 et l’intellectuel australien Clive Hamilton à travers ses blogues sur le site Internet
d’ABC196 – tous ont récemment dénoncé les flots d’injures qui se déversent sur les
scientifiques.
188
189
190
191
192
193
194
195
196
http://www.realclimate.org/index.php?p=172
Voir également : http://www.washingtonpost.com/wpdyn/content/article/2005/07/17/AR2005071701056.html
Pour un résumé complet de la polémique, voir : http://www.realclimate.org/index.php?p=109
La carrière de Barton a été principalement financée par l’industrie gazière et pétrolière, avec près de 3,2 millions de dollars.
http://www.opensecrets.org/politicians/industries.php?cycle=Career&cid=N00005656&type=I
http://www.newscientist.com/article/mg19225765.000-climate-change-special-state-of-denial.html
http://www.aaas.org/news/releases/2005/0714letter.pdf
http://www.washingtonpost.com/wp-dyn/content/article/2005/07/22/AR2005072201658.html
http://www.prospect.org/web/page.ww?section=root&name=ViewWeb&articleId=9932
http://www.scientificamerican.com/article.cfm?id=climate-cyber-bullying&page=2
http://www.guardian.co.uk/environment/georgemonbiot/2010/jan/27/james-delingpole-climate-change-denial
http://www.abc.net.au/unleashed/stories/s2826189.htm
28
Cible des attaques sceptiques pendant plusieurs années, Kevin Trenberth, se confiait au
Scientific American : « En science, il existe de nombreux faits établis et informations de base
sur la nature des changements climatiques. Malheureusement, ils ne sont pas considérés en
tant que tels, mais en tant qu’opinions197. »
« Ces derniers mois, à chaque fois que ces scientifiques sont intervenus dans le débat public
par le biais d’un article dans un journal ou d’une interview à la radio, ils se sont trouvés
immédiatement confrontés à un torrent de courriels agressifs, insultants, voire parfois
menaçants. Quantité et cruauté de ces courriels mises à part, cette campagne se caractérise
par deux choses : elle est menée de façon quasi-anonyme, et semble avoir été orchestrée »,
peut-on lire sur le blogue de Clive Hamilton198.
Clive Hamilton a consacré un ouvrage199 à la campagne de déni climatique qui, depuis une
dizaine d’années, est menée en Australie avec le soutien financier de l’industrie du charbon,
et à ses liens étroits avec le premier ministre de l’époque, le sceptique John Howard, qui
refusait de ratifier le Protocole de Kyoto.
C. Hamilton nous fait partager certains passages de ces courriels reçus par un climatologue
respecté, le Professeur David Karoly de l’université de Melbourne : « Ce n’est probablement
pas trop extrême de suggérer que vos actions (trompeuses) sont si criminelles qu’elles
peuvent être comparées à celles d’Hitler, de Staline ou de Pol Pot. C’est de la trahison, un
génocide ». Ou encore celui-ci : « Oh, en tant que scientifique, vous avez anéanti la
confiance de l’opinion publique dans cette profession. Vous êtes un criminel. N’ayez crainte,
nous ne l’oublierons pas200. »
Sur la blogosphère, on retrouve des commentaires du même style, comme celui-ci, posté sur
un blogue du Chicago Tribune qui expliquait la solidité des conclusions de la science du
climat :
« Le réchauffement climatique n’est qu’une arnaque génocidaire pour tous nous tuer
d’ici à 2050. La science climatique n’a aucun fondement scientifique, le forçage
radioactif n’existe pas. Ce canular affaiblit le gouvernement américain et le reste
parce que cette histoire nous coûte 45 billions de dollars. Ils s’en mettent plein les
poches. Les Clinton et les Obama sont personnellement impliqués dans ce carnage
digne de l’Allemagne nazie d’Hitler. En réalité, toute cette stratégie a été ourdie par
les nazis au départ, tout comme le mouvement écologiste201. »
Stan_Lippmann (le 03/03/2010, à 4h30)
Les scientifiques sont rompus aux débats vigoureux, que ce soit dans le cadre du processus
de révision par leurs pairs ou par la publication de nouvelles recherches, qui peuvent
confirmer ou infirmer leurs travaux. Mais lorsqu’ils assistent à un déferlement d’injures de la
part de profanes à la solde de l’industrie du déni climatique, les scientifiques ont bien plus de
mal à faire face. De plus, les adresses électroniques des climatologues sont presque
toujours indiquées sur les sites Internet des universités où ils enseignent, ce qui n’est pas
pour arranger le problème.
197
198
199
200
201
http://www.scientificamerican.com/article.cfm?id=climate-cyber-bullying&page=2
Op. cit. n°193.
http://www.clivehamilton.net.au/cms/index.php?page=scorcher
http://www.abc.net.au/unleashed/stories/s2826189.htm
http://www.chicagotribune.com/news/ct-met-0228-climate-science-questions-20100302,0,4670437,full.story
29
Influence politique et administration Bush
Pendant les débats de la campagne présidentielle en 2000, le candidat George W. Bush
avait déclaré que le dérèglement climatique était une « question qu’il fallait prendre très au
sérieux202 ». Il s’était engagé à signer le Protocole de Kyoto, avant de revenir sur ses
promesses, juste après s’être installé à la Maison Blanche.
Début 2001, l’expert en communication Frank Luntz conseille en ces termes l’administration
présidentielle :
« Le débat scientifique [sur les changements climatiques] reste ouvert. Les
électeurs croient qu’il n’y a pas de consensus sur le réchauffement climatique au
sein de la communauté scientifique. Leur opinion serait tout autre s’ils étaient portés
à croire que les questions scientifiques sont tranchées. Par conséquent, vous devez
continuer de placer le manque de certitude scientifique au centre des débats203… »
Ce conseil est devenu le mot d’ordre de la Maison Blanche et du Parti républicain jusqu’à la
fin du mandat de G.W. Bush. En 2003, le Parti républicain, par l’intermédiaire de son bureau
de presse, transmet les recommandations de F. Luntz à tous les membres républicains du
Congrès. Depuis, F. Luntz s’est ravisé sur la question des changements climatiques et leur
nature anthropique204.
Les négateurs occupent les postes clés
De 2001 à 2008, l’industrie climato-sceptique bénéficie d’un accès sans encombre à la
Maison Blanche de Bush fils, essentiellement par le truchement d’anciens employés de
l’American Petroleum Institute (API). Lee Raymond, PDG d’Exxon, a siégé au Conseil
d’administration de cet institut jusqu’à sa retraite, en 2005.
Début 2001, l’avocat Phil Cooney205 quitte les fonctions de « chef d’équipe climat » qu’il
occupait depuis 15 ans à l’API pour devenir responsable du personnel au sein du Conseil sur
la qualité environnementale du cabinet Bush. Sa tâche est de conseiller le président sur les
questions scientifiques et politiques liées au dérèglement climatique. En 2005, la presse
révèle qu’il a « édulcoré » des rapports scientifiques206, et il est contraint de démissionner.
Peu de temps après, il se fait embaucher par… Exxon.
Pendant de nombreuses années, P. Cooney a travaillé à l’API sous la direction de William
O’Keefe, ancien président de la Global Climate Coalition. Par la suite, W. O’Keefe a quitté
l’API pour se consacrer pleinement à son propre organisme-écran, le George C. Marshall
Institute. De 2001 à 2005, il était employé par ExxonMobil pour faire du lobbying sur les
changements climatiques auprès de la Maison Blanche, du Sénat et des services exécutifs
du président207.
Peut-être par coïncidence, ExxonMobil met fin à ses contrats de lobbying avec W. O’Keefe
au moment où P. Cooney quitte le Conseil sur la qualité environnementale pour rejoindre
Exxon.
202
203
204
206
207
Commission des débats présidentiels, transcription du 2ème débat Gore / Bush, 11 octobre 2000.
http://www.debates.org/pages/trans2000b.html
http://www.ewg.org/files/LuntzResearch_environment.pdf
http://news.bbc.co.uk/2/hi/programmes/panorama/5005994.stm
205
http://www.sourcewatch.org/index.php?title=Philip_A._Cooney
http://www.climatesciencewatch.org/index.php/csw/details/on-editing-scientists-at-ceq/ ;
http://www.nytimes.com/2005/06/08/politics/08climate.html?_r=1 ;
http://www.nytimes.com/2005/06/15/science/14cndclimate.html?scp=1&sq=cooney%20exxon&st=cse
Exemple d’archive dans le système d’enregistrement des lobbies :
http://soprweb.senate.gov/index.cfm?event=getFilingDetails&filingID=0f80378e-d779-4ba5-87b2-8bd4d9f8b5f7
30
Dans une note de service, obtenue par l’ONG National Resource Defence Council en vertu
de la Loi américaine sur la liberté d’information (FOIA), un lobbyiste à la solde d’Exxon,
Randy Randol, suggère des remplacements auxquels l’administration Bush pourrait procéder
parmi les membres du Giec, « afin de garantir qu’aucun des partisans de Clinton ou de Gore
ne puisse prendre part aux prises de décisions208. » John Christy et Richard Lindzen209 font
partie des personnes recommandées. Le lobbyiste conseille également le recrutement du Dr
Harlan Watson qui, par la suite, a effectivement été nommé par l’administration Bush à la
tête des délégations américaines auprès du Giec et de la CCNUCC210.
La dissémination du doute devient une politique
Quelques mois plus tard, en juillet 2001, Randy Randol rencontre la secrétaire d’État Paula
Dobriansky, sur les recommandations de l’ambassadeur des États-Unis en Suède et de
Charles Heimbold, ancien membre du conseil d’administration d’Exxon. Dans des briefings
rédigés en amont de la rencontre211, il est question des incertitudes dans le domaine
scientifique. « C. Heimbold pense que nous devrions écouter les scientifiques d’ExxonMobil,
dont les perspectives sur le débat des changements climatiques ne sont pas en accord avec
le soutien que nous avons apporté à la politique climatique jusqu’à présent », conseillent les
collègues de P. Dobriansky. Elle est censée « comprendre la position d’Exxon, qui estime
qu’il ne devrait pas y avoir de décision politique précipitée tant que des incertitudes
scientifiques persistent212. »
La politique climatique de G.W. Bush, annoncée un an plus tard, devait se résumer à
quelques « recherches » qui n’ont pas permis au monde de réaliser beaucoup de progrès
dans la lutte contre les changements climatiques.
Fin 2001, dans un document de 28 pages qui fustige le Rapport de synthèse du RE3 du
Giec, le département d’État de G.W. Bush se plaint que le rapport ne « souligne pas assez
les incertitudes qu’impliquent la science et l’évaluation des changements climatiques213. » De
nombreux arguments avancés par le département d’État reprennent ceux des climatosceptiques. Ainsi, le Rapport de synthèse ne parvient pas à « refléter le même équilibre et
les mêmes nuances concernant les incertitudes qui apparaissent dans l’ensemble du rapport
[…] Nos commentaires visent particulièrement à nous assurer que l’information soit
présentée de façon à refléter les mêmes caractéristiques que dans le RE3214. »
L’industrie des combustibles fossiles était parvenue à infiltrer le gouvernement américain
pour y exercer son lobbying.
L’administration Bush pousse le président du Giec Robert Watson vers la porte
La note de service qui recommande Harlan Watson adresse également une requête plus
directe : « Est-il possible de procéder au remplacement [du président du Giec Robert]
Watson maintenant, à la demande des États-Unis ? »
Les efforts qui s’en sont suivis ont eu raison du Dr Robert Watson. Ce scientifique, spécialisé
dans l’étude de l’atmosphère, a été le fer de lance des questions climatiques pendant
20 ans, coordonnant la réaction internationale lors de la crise de la couche d’ozone, puis de
la crise climatique. Il a présidé le Giec de 1996 à 2002.
En avril 2002, l’administration Bush s’oppose à un deuxième mandat de R. Watson, et
apporte son soutien à Rajendra Pachauri, alors vice-président.
208
http://www.nrdc.org/media/pressreleases/020403.asp, p. 5 du PDF.
Id.
Id.
211
http://www.greenpeace.org/usa/press-center/reports4/exxonmobil-state-department-me ; pour consulter tous les documents
de la FOIA sur cette réunion et d’autres : http://www.greenpeace.org/usa/news/kyoto-now/read-our-foia-documents
212
http://www.greenpeace.org/usa/press-center/reports4/exxonmobil-state-department-me
213
« Bush says UN Global Warming Summary Slants Report's Findings », in Power Engineering, 1 novembre 2001.
214
Id.
209
210
31
« Ceux qui me taxent de ‘’prêcheur’’ ne veulent pas entendre ce que j’ai à dire. La terre se
réchauffe, et l'essentiel du réchauffement observé ces 50 dernières années est lié aux
activités humaines. Le dioxyde de carbone est le gaz à effet de serre anthropique à la source
du problème, et il provient essentiellement de l’utilisation des combustibles fossiles. Il est
clair que certaines personnes ne veulent pas entendre ce message, mais c’est le message
du Giec215. »
Fred Singer a commenté de façon détournée le départ de R. Watson, après la publication du
RE4 : « Comparé aux documents précédents, le quatrième Rapport d’évaluation est
vraiment assez sobre. Sans doute est-ce parce qu’un vrai scientifique, moins porté sur les
idéologies, dirige à présent les opérations216. »
Influence politique et Parti républicain
Les Républicains rassemblent également leurs troupes. Comme avec les groupes de
réflexion (think tanks) et les organismes-écrans, nombre d’entre eux utilisent la négation des
changements climatiques pour faire campagne contre toute réglementation sur le sujet.
Depuis 1990, les Républicains ont bénéficié de 75 % des subventions accordées par
l’industrie pétrolière et gazière, contre 25 % pour les Démocrates217.
La rhétorique misant sur les « incertitudes » et la politisation de la science ont été adoptées
sans réserve par le parti.
« Il est clair que la communauté scientifique a beaucoup progressé sur la compréhension
des changements climatiques. Mais cette plus grande compréhension s’accompagne aussi
de plus grandes incertitudes218 », déclare le sénateur républicain Larry Craig en 2001.
Le sénateur Chuck Hagel, qui avait mené la campagne conduisant au rejet du Protocole de
Kyoto par le Sénat (95 voix contre 0) en 1997219, prétend que le résumé du Giec est rédigé
par des « militants écologistes des Nations Unies220 », et non par les scientifiques à l’origine
de chaque chapitre.
« Ces rapports sont des documents politiques, élaborés par des représentants des
gouvernements au cours d’intenses séances de négociations », affirme C. Hagel, ajoutant
que dans certains cas, les individus qui négocient les textes des résumés du Giec sont les
mêmes que ceux qui négocient les dispositions du Protocole de Kyoto. « Ce sont donc les
mêmes personnes qui définissent un problème pour lequel ils s’efforcent par ailleurs de
trouver une solution221. »
Et le sénateur James Inhofe de déclarer, lors d’un discours le 28 juillet 2003 : « En résumé,
par certains aspects, les procédures du Giec s’apparentent à celles d’un procès soviétique,
où les faits sont prédéterminés et la pureté idéologique l’emporte sur la rigueur technique et
scientifique222. »
215
Damien Cave, Watson, Come Here, I Want to Fire You: Angry at His Predictions of Global Warming, the Bush Administration
and the Energy Industry Strive to Unseat a Prominent Scientist, Salon.com, 5 avril 2002.
http://www.salon.com/technology/feature/2002/04/05/global_warming/index.html
216
« Not so dire after all », op. cit. n°108, p. 8. ; The week that was, http://www.sepp.org
217
http://www.opensecrets.org/industries/indus.php?ind=E01
218
« GOP Trashes IPCC, Scientists Back 'No Regrets' Action’ », in Environment and Energy Daily, 7 mai 2001.
219
http://www.nationalcenter.org/KyotoSenate.html
220
New York Times, 1er mai 2001 (article sur l’audience du comité sénatorial).
221
Id.
222
http://inhofe.senate.gov/pressreleases/climate.htm
32
J. Inhofe fait partie des membres du congrès qui bénéficient des plus gros financements de
l’industrie pétrolière et gazière. Entre 2000 et 2010, il a ainsi perçu 1,7 million de dollars de la
part des industriels223. Le sénateur est l’un des porte-voix des arguments climato-sceptiques
au sein du Congrès. De 2006 à 2009, il a été assisté dans cette tâche par son assistant Marc
Morano224, qui a ensuite délaissé ces fonctions pour se consacrer au site Internet
www.climatedepot.com, un projet lancé par le Committee for a Constructive Tomorrow225. Ce
comité est l’un des organismes-écrans financés par les industriels, fondé au départ par
ExxonMobil.
Conclusion
Le dérèglement du climat est une réalité, il est induit par les activités humaines et aura des
conséquences catastrophiques. Ces trois affirmations sont soutenues par l’initiative
scientifique la plus rigoureuse jamais entreprise. Alors que nous rédigeons ce rapport, le
centre météorologique britannique vient de publier une étude rassemblant plus d’une
centaine d’articles scientifiques, dont les conclusions renforcent celles du Giec226.
Ce rapport montre jusqu’à quel point l’industrie des combustibles fossiles est prête à aller
pour empêcher ces conclusions d’être acceptées. Les quelques exemples présentés dans ce
rapport sont loin d’être exhaustifs : ils donnent un aperçu des attaques les plus virulentes qui
visent à saper la confiance des citoyens dans la science du climat, et à empêcher les
gouvernements d’adopter des mesures pour faire face à la crise climatique.
La meilleure réponse que nous pouvons apporter aux attaques climato-sceptiques, c’est
encore de garder notre scepticisme…
223
http://www.opensecrets.org/industries/summary.php?ind=E01&cycle=All&recipdetail=M&sortorder=U
http://www.desmogblog.com/marc-morano ; http://thebenshi.com/2010/03/04/18-interview-with-marc-morano-part-iinaming-namesbill-mckibben-exxon-mobil-george-monbiot-al-gore-john-kerry-joe-romm-dan-weiss-robert-murtha-mikemann-ed-begley-jr-andy-revkinan/
225
A project of CFACT, http://www.climatedepot.com/
226
Stott, Gillett, Hegerl, Karoly, Stone, Zhang, Zweirs, « Detection and attribution of climate change: a regional perspective »,
in Wiley interdisciplinary Reviews, 5 mars 2010. http://wires.wiley.com/WileyCDA/WiresArticle/wisId-WCC34.html
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Ressources
Blogues recommandés pour surmonter la pseudoscience :
RealClimate blog – un blogue sur la science écrit par des climatologues :
http://www.realclimate.org
Climate progress – de Joe Romm: http://climateprogress.org/
Skeptical science – un blogue qui répond aux principaux arguments des sceptiques, écrit par
John Cook : http://www.skepticalscience.com/
Deltoid – blogue australien du scientifique Tim Lambert qui dénonce les lacunes scientifiques
des arguments des sceptiques : http://scienceblogs.com/deltoid/
Desmogblog – blogue canadien qui dénonce la pseudoscience climato-sceptique et ses liens
avec les industries:
http://www.desmogblog.com
Hot Topic – blogue de l’écrivain scientifique néozélandais Gareth Renowden sur la science
du climat et les arguments de ses détracteurs : http://www.hottopic.co.nz
Grist – ou « comment parler à un climato-sceptique » :
http://www.grist.org/article/series/skeptics/
Le climatologue américain Rick Piltz, démissionnaire de l’administration Bush, suit les
attaques des climato-sceptiques sur : http://climatesciencewatch.org/
Pour un compte-rendu plus détaillé de la guerre menée par les négateurs contre la science :
James Hoggan, Climate Cover Up, Greystone Books 2009.
Stephen H. Schneider, Science as a Contact Sport, introduction de Tim Flannery, Random
House, 2009.
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