Lettre C - Bouteille à l`Amer

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Lettre C - Bouteille à l`Amer
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Lettre C
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Sommaire
Carlton (affaire du) p.3
Catin p.9
Charles VII p.11
Cindy p.13
Clito (Osez le) p.17
Cocaïne p.19
Collier de la Reine (affaire du) p.21
Coral (affaire du) p.27
Corde (la, un remake SM) p.34
Cordicolisme (Qu’est-ce que le) p.36
Cordicopolis (la marche vers) p.39
Cop-Copines p.45
Cordicoles (les) p.47
Crowley Aleister p.50
Corinne et Sophie p.53
Corps (à vendre) p.56
Corps féminin (comment se refaire un) p.62
Crise (la) p.66
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Carlton (affaire du)
L’affaire du Carlton : Liminaire
C'est une affaire à tiroirs, un réseau qu'on démantèle peu à peu, et toute une ville qui
est en émoi. A Lille, les mises en examen pour « proxénétisme aggravé en bande »
tombent les unes après les autres et elles touchent des personnalités d'influence : des
chefs d'entreprise, un avocat, même des policiers (et pas des moindres !) sont dans le
collimateur de la justice, notamment un commissaire divisionnaire et certains de ses
subordonnés.
Tous ces notables auraient fait profiter leurs amis de services prodigués par des
prostituées travaillant pour le sulfureux « Dodo la saumure », dans trois établissements
de luxe de la mégapole lilloise, dont le Carlton. Ils réservaient pour eux « des chambres
avec colis ou avec dossier », à 800 euros la nuit.
René Kojfer, Dodo la Saumure et le filon DSK
Tout commence le 4 octobre, lorsque René Kojfer, le responsable des affaires publiques
de l'hôtel Carlton de Lille, est mis en examen pour proxénétisme en bande organisée.
Cet ancien indic de la police aurait participé à des parties fines en Belgique, où la
législation sur la prostitution est plus laxiste. S'offrir les services d'une prostituée n'est
pas un délit en soi, mais servir d'intermédiaire ou de rabatteur en est un. En d'autres
termes, le fait de « payer une fille à un copain ou un collègue » est un motif de
poursuites. Tolérer que des prostituées opèrent dans votre établissement quand vous
êtes propriétaire ou gérant d'hôtel, aussi. Impossible donc de plaider la naïveté ou la
bêtise, comme certains essaient actuellement de le faire. Interrogées par la police, au
moins deux jeunes femmes ont ainsi raconté par le menu aux enquêteurs leurs
escapades dans les hôtels de luxe lillois, à la demande de Kojfer. Elles ont aussi révélé
qu'elles avaient été envoyées à Paris pour participer, tous frais payés, à des parties
fines.
Et c'est là que resurgit le nom de Dominique Strauss-Kahn qui aurait selon elles
participé à ces ébats tarifés qui serait un familier des principaux protagonistes du
dossier qui les aurait même invités aux Etats-Unis en mai dernier. Ils y étaient encore la
veille de son arrestation, soi-disant pour « visiter le FMI ». Dès que son nom est apparu,
Dominique Strauss-Kahn a envoyé un communiqué à l'Agence France presse pour dire
qu'il voulait être « entendu par la justice et mettre fin aux accusations malveillantes » en
train de circuler. Il sera entendu en temps et en heure.
Le dossier de proxénétisme du Carlton commence, en février 2011, par un mystérieux
renseignement. Trois numéros de portable sont transmis à la PJ de Lille et aussitôt mis
sur écoutes, en particulier le numéro de René Kojfer, et celui de M., 36 ans, une
prostituée qui aurait participé au printemps 2010 à une partie fine tarifée avec DSK à
l'hôtel Murano à Paris.
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D'où vient ce renseignement ? Pourquoi est-il transmis à ce moment-là ? Tous les
policiers lillois entendus dans cette affaire connaissaient les rendez-vous coquins tarifés
au Carlton. Les avocats se demandent si l'on ne vise pas alors une autre cible ? "Et si
l'affaire du Carlton avait été programmée pour nuire à DSK dans sa course à la
présidentielle ?" s'interrogent-ils.
En effet, dans le répertoire téléphonique de René Kojfer, mis en examen pour
"proxénétisme aggravé en bande organisée", figurerait en bonne place le numéro de
portable de Frédéric Veaux, numéro deux de la Direction centrale du renseignement
intérieur (DCRI). Ce qu’a confirmé Me Christophe Snyckerte, l'avocat de René Kojfer.
Entre l'indic et le grand flic, les relations seraient presque amicales, selon l'avocat. Les
deux hommes se connaissent depuis longtemps. Frédéric Veaux a commencé sa
carrière de commissaire à Lille, en 1984, avant d'y revenir comme directeur de la PJ
entre août 2000 et juin 2001. À cette époque, René Kojfer s'occupait de la gestion de la
résidence Politel de Lille, un établissement réservé aux policiers en mission. Cet hôtel
appartenait à la mutuelle du ministère de l'Intérieur avant d'être cédé au Carlton. "René
Kojfer a été fourni à la direction du palace en paquet cadeau au moment de la
transaction", précise un avocat dans le dossier. En clair, selon lui, c'est la police qui
aurait intronisé René Kojfer dans l'hôtellerie de luxe, et notamment Frédéric Veaux, qui
à l'époque était patron de la PJ de Lille. Depuis, le grand flic et l'indic ne se seraient
jamais perdus de vue.
En outre, René Kojfer serait lié à un personnage trouble, « Dodo la Saumure ». Ce
proxénète, de son vrai nom Dominique Alderweireld, est incarcéré en Belgique dans la
foulée, soupçonné d'avoir employé des mineures. Il aurait proposé ses services à de
nombreux notables locaux. Jusqu’à sa chute, il possédait une dizaine d'établissements
(bars montants) dans lesquels se prostituent 160 hôtesses venues d'Angola, de
Madagascar, du Brésil, de France, d'Algérie et d'Irak. Certaines de ces filles pouvaient
participer à des parties fines dans les trois hôtels lillois.
Quoi qu'il en soit, dès le mois de mai, et l'incident du Sofitel à New York, il apparaît sur
les écoutes judiciaires que René Kojfer, le directeur des relations publiques du Carlton,
cherche à prendre contact avec Kenneth Thompson, l'avocat de Nafissatou Diallo, pour
lui vendre des informations sur le comportement sexuel de DSK. Il demande des
conseils tous azimuts. Par exemple à l'ancien chef des moeurs de la sûreté publique de
Lille. René : "Il doit y avoir du fric à gagner. Qu'est-ce que tu en penses ?" Réponse du
policier : "Oui, peut-être. Mais, moi, j'ai une carrière à faire..." Selon les écoutes, René
Kojfer en toucherait même un mot au fameux Dodo la Saumure, son ami de trente ans,
mis en examen et écroué en Belgique depuis. Ce tenancier de maisons closes qui
pourrait avoir livré certaines prostituées lors de parties fines tarifées avec DSK à Paris et
à Washington, n'est pas convaincu par la démarche : "Qu'est-ce qu'en pensent tes amis
(policiers) ?"
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L’avocat, le proprio et les flics
Selon la version commune, l'IGPN, la « police des police », dépêche des enquêteurs à
Lille afin d'entendre cinq policiers, soupçonnés d'être partie prenante de ce réseau de
prostitution.
Le 11 octobre, ce sont Emmanuel Riglaire, avocat au barreau de Lille, et Hervé
Franchois, le propriétaire du Carlton, qui sont mis en examen par la police judiciaire de
Lille pour « proxénétisme aggravé en bande organisée ». Le premier, est une figure du
barreau lillois. Cet homme d'une quarantaine d'années a notamment plaidé en octobre
2009 devant la cour d'assises du Nord pour la famille du petit Enis, enlevé, séquestré et
violé à 5 ans par le pédophile Francis Evrard. Il a également représenté la famille de
Natacha Mougel, une joggeuse violée et tuée à Marcq-en-Baroeul en septembre 2010.
Me Emmanuel Riglaire, spécialisé dans la défense de policiers, est soupçonné d'avoir
touché une enveloppe de la part de Dodo par l'intermédiaire de René. Il aurait
notamment présenté une de ses clientes à René, qui lui-même l'a présentée à Dodo
pour qu'elle se prostitue dans les bars de Dodo en Belgique et les hôtels lillois.
Parallèlement, le commissaire divisionnaire et chef de la sûreté départementale, JeanChristophe Lagarde, a été mis en examen pour les mêmes chefs d'accusation. Selon
des extraits d’interrogatoires publiés par Le Figaro, Jean-Christophe Lagarde aurait
participé à 3 voyages à New York, dont un la veille de l’interpellation de Dominique
Strauss-Kahn. Proche de celui-ci, il aurait organisé des réunions de travail sur la
politique financière en sa présence, au terme desquelles des prostituées auraient été
invité à se joindre à eux. Après le numéro deux de la PJ de Lyon, Michel Neyret, mis en
examen pour "trafic de stups", c'est donc au tour du patron de la sûreté urbaine de Lille
d'être mis en examen dans une affaire de proxénétisme. Ironie du sort, le second était
l'adjoint du premier dans les années 1990 à la brigade de recherche et d'intervention de
Lyon. S'agit-il réellement d'une histoire d'"indic" qui finit mal ?
En outre, le directeur départemental de la sécurité publique (DDSP) de Lille, numéro
deux de la police dans le Nord, Jean-Claude Menault, dont le nom a été cité par La Voix
du Nord, aurait participé en février 20011 à l'un des trois rendez-vous tarifés organisés à
Washington. Selon La Voix du Nord, officiellement, DSK souhaitait consulter le DDSP sur
les questions de sécurité intérieure, dans la perspective de la campagne présidentielle.
Toujours selon David Roquet, pour rendre cette consultation sans doute plus agréable,
le petit groupe était accompagné de deux jeunes escort girls, présentées comme des
secrétaires du groupe Eiffage.
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Un subterfuge qui, selon La Voix du Nord, n'aurait été découvert par le DDSP qu'une fois
sur place à l'hôtel. Décontenancé, le haut fonctionnaire serait monté aussitôt dans sa
chambre. Ce qui n'est pas confirmé par l'ensemble des protagonistes. Reste que le
patron de la sécurité publique du Nord aurait adressé un rapport à sa hiérarchie pour
raconter cette soirée pour le moins surprenante. D'après une source policière, JeanClaude Menault aurait rendu visite, dans la plus grande discrétion, à l'IGPN, la police des
polices, pour faire le point sur ce dossier explosif. Mais les séjours à Washington
n'auraient pas été évoqués.
René Kojfer affirme que le commissaire a réservé pour quelques-uns de ses amis des
"chambres avec cadeau", c'est-à-dire des prostituées, au Carlton et à l'hôtel des Tours à
Lille... Plus embarrassant, le policier aurait participé lui-même à des soirées tarifées,
notamment avec Dominique Strauss-Kahn quand il était patron du FMI. Voire les aurait
co-organisées avec le directeur d'une filiale d'Eiffage, l'entreprise de BTP.
Les socialistes, le BTP et les parties fines
Fabrice Paszkowski, 44 ans, qui dirige une société de matériel médical dans le Pas-deCalais et sa femme, Virginie D, à la tête d'une société d'événementiel, sont sur la
sellette. Fabrice Paszkowski est un proche du PS local et un ami de la famille Mellick,
dont le père Jacques est conseiller municipal de Béthune. Il est soupçonné d'avoir été le
« facilitateur » de rencontres entre ces prostituées et plusieurs personnalités, dont
Dominique Strauss-Kahn. C'est ce que révèle un PV de l'audition de David Roquet, révélé
par le Figaro. Ce collaborateur du groupe de BTP Eiffage, depuis mis à pied par sa
direction, a déclaré aux enquêteurs : « C'est Fabrice P. qui m'a dit qu'on avait l'occasion
de déjeuner avec monsieur Strauss-Kahn et qu'il apprécierait que je ramène des
copines, en fait des prostituées. »
La première «rencontre» aurait eu lieu en mars 2009, d'abord au restaurant L'Aventure
(un club restaurant proche de l'Étoile) où les protagonistes auraient commencé à avoir
des relations sexuelles avant de poursuivre leurs ébats dans un hôtel luxueux du
boulevard du temple, le Murano. Deux autres rendez-vous eurent lieu début et fin 2010,
toujours au Murano.
Les enquêteurs soupçonnent la société de la femme de Fabrice P. d'avoir pris en charge
des billets d'avion pour Washington, où des soirées réunissant les mêmes protagonistes
auraient aussi été organisées. La filiale d'Eiffage dirigée par David Roquet, aurait payé
pour ces soirées. "Je disais que j'allais rencontrer DSK avec quelques amis, ça valorisait
l'entreprise, a confié sur P-V David Roquet. "Vous savez, dans ce métier, pour accéder à
certaines personnes on les invite. DSK, c'était dans cet esprit." David Roquet payait ainsi
les factures couvrant des soirées coquines tarifées organisées à Lille, Paris mais aussi à
Washington.
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Billets de train, d'avion, boissons, déjeuners, dîners... "Au dos des factures, j'indiquais
DSK et le nombre de personnes présentes", a ajouté David Roquet, précisant que cela se
faisait "avec l'aval de [s]on patron". Le salarié a également expliqué que certaines
sociétés "dépensaient des dizaines de milliers d'euros pour manger une fois avec un
conseiller général ou un ministre", afin de promouvoir leur activité.
L'une de ces scènes est ainsi décrite par le chef d'entreprise: «Je suis allé avec Jade, une
prostituée que René (René Kojfer, chargé des relations publiques du Carlton, mis en
examen) m'avait fait connaître. Il y avait Fabrice et Jean-Christophe Lagarde. On s'est
retrouvés à la gare et puis, à quatre, nous sommes allés sur Paris. Nous nous sommes
rendus dans un hôtel, l'hôtel Murano. Nous avons mangé dans la chambre puis nous
avons eu des relations sexuelles tarifées. Chacun était avec sa copine, moi j'étais avec
Jade, DSK avait aussi sa copine et il y avait d'autres personnes.»
Question policière : «Est-ce que M. Strauss-Kahn a payé quelque chose?»
-«Non, il était invité.»
- «Il était invité mais il venait avec une copine?»
- «Oui.»
Sur P-V, David Roquet a affirmé que les billets d'avion ont été réservés à chaque fois par
son ami Fabrice Paszkowski, via l'agence événementielle de sa compagne, Virginie D...
"C'est sa société qui avançait l'argent, et ensuite elle établissait une facture ; c'est pareil
avec Fabrice : il organisait, il prenait la moitié des frais et me disait ce qu'il me restait à
charge." Soit entre 12 000 et 15 000 euros pour chacun. "Je tiens à préciser que le prix
de chaque nuit était de 1 200 euros la nuit, et cinq chambres étaient réservées".
Économe sur les deniers de son entreprise, David Roquet prenait, dit-il, des billets
ordinaires et non business.
Si les faits étaient établis, ils pourraient constituer de un abus de bien social (ABS), et
donc du recel d'ABS pour les bénéficiaires. Trois voyages ont été relevés par les
enquêteurs: en décembre 2010, février 2011 et du 11 au 13 mai 2011, soit la veille du
samedi 14 lorsque le patron du FMI fut arrêté à New York.
Rue 89/ Le Point/Le Figaro/ Reuters/RFI
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Catin
Dans ce pays, on ne manque jamais de respect à des putains. On
peut mal parler du gouvernement, du président, des patrons, des
religions : tout cela n’est rien. Mais une putain, ventrebleu !... Une
putain, il faut bien se garder de l’offenser. D’ailleurs si vous avez
une sœur, une nièce, une fille, conseillez lui d’être putain ; je lui
défie de trouver un plus beau métier.
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Charles VII
Voluptueux, Charles VII choisit ses proies parmi les
demoiselles de la suite de la Reine. En premier lieu,
Madame de Bothéon, fille de Louvet qui trouve le
moyen de coucher sa progéniture dans le lit de
l’homme qui le fait vivre. A celle-ci succède,
Mademoiselle de Pau. Toutes seront pensionnées,
comme un gage de leurs faveurs et de leur
dépucelage.
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Cindy
Basile, viens ça te changera les idées, c’est comme ça que commencent les nuits, c’est
souvent comme ça qu’elles finissent, Cindy me demandait de venir, un truc incroyable,
« je t’assure que tu seras surpris », une autre soirée où je devais découvrir la lune. En
guise de lunes, ce sont quelques moments qui surgissent, mis bouts à bouts, ça fait
combien de jours dis moi dans une vie, ça fait combien de palpitations dans le coffre
engourdi, combien de nuées vicieuses et corrosives à détrousser les fondements de la
vie contemporaine, pleine de projets, pleine de plans, pleine de combines, pleine
d’avenir, pleine de promesses. Plein de tout, sauf de carcasse.
Je me rendais bien compte, le bilan était tiré, j’allai au gré du vent, au gré d’un mot,
d’une jupe, d’un sein, d’un bar, de pleurs, de rires, j’allai au gré. Colette me l’avait assez
reproché, tu seras jamais un bon père, non jamais, tu seras jamais un bon mari, non
jamais, tu seras jamais vraiment un bon amant, t’aimes trop la picole et la défonce et
puis les apartés et les sourires de nuit, je te connais qu’elle me disait Colette avec ce
sourire là, c’est le plus dégueulasse en toi, ce sourire.
J’ai dit à Cindy, je partirai pas sans Lucien, il est trop mal tu comprends, on peut pas le
laisser seul à se morfondre en faisant défiler la bande son de Meetic. Il me dégoûte tu
sais, je lui ai dit t’es trop puritaine Cindy, tu devrais essayer la théologie, ça délivre.
Je l’ai emmené le Lucien, quand on est arrivé aux quatre chemins, il a regardé par la
fenêtre, un vrai souk, ça circulait de partout, des basanés sur les trottoirs, des basanés
dans les boutiques, des basanés aux fenêtres, des basanés accoudés aux voitures, des
djellabas longues, d’autres raccourcies, des femmes à hidjab, ovales découverts,
éructant dans le guttural, d’autres grillagées, soupesant de longs pans de tissus qu’on
dirait reprisés d’un rideau, à faire pitié, toutes noires avec ça et sans rien que des yeux
engourdis.
Il était comme rêveur de ces odeurs de safran et de friture, de ces langues écornées à
n’y rien comprendre, de ces yeux rouges et de ces milliers de piétons venus là terminer
la course de pèlerin qui tient sur la Terre l’immensité de la marmaille née des entrailles
de chaque femme. Parler de Justice dans ce tourbillon, j’ai jamais bien compris ce
qu’on voulait dire, sinon qu’on accusait le hasard ou Dieu ou la Société d’être un sacré
salaud et qu’on préparait sa vengeance en secret, bien au chaud dans le ventre. Mais se
venger de tout ça, comment on fait, on dit j’arrête, j’y crois plus, tu m’auras pas, on
gagne quoi ?
L’air du tout est permis, on finit rafiot à la dérive dans la bibine ou les sièges en
contreplaqué des tribunaux, on finit dans son palais de neurones en mode silencieux, on
attend jour après jour de finir et on n’en finit pas, entubé, biberonné, couché sur son lit
blanc d’hôpital avec des Walkyries qu’on sonne et qui ne viennent jamais, comme un
fait exprès, on s’est vengé de Dieu, on est content, on l’a eu, le créateur.
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J’ai dit à Lucien, attends-moi, je vais voir les gars sur l’escalier. Tu veux pas que je
vienne qu’il a insisté le Lucien, non, je t’assure. Momo quand il m’a vu, il a tout de suite
sorti l’artillerie du parano, c’est pas un kisdé ton gars, arrête Momo, envoie les doses,
j’ai pas le temps d’attendre. Il a envoyé les petits frères sous le compteur à gaz, derrière
la grande porte de la chaufferie qui battait la chamade, l’hiver, poussée par le courant
d’air qui venait la frapper. Ils sont revenus chargés du souterrain, avec bonnets de
péruviens en goguette, y avait plus qu’à entendre el condor pasa, j’ai siffloté l’air, les
types m’ont regardé à travers les nuances jaunes de leurs iris miroitants, ils ont ri
comme on hocquète puis ils ont repris leur discussion.
Demain c’est Ramadan, sur le Coran, jure. Bon Momo je te laisse, demain tu manges
pas, arrête de charrier Basile, tu crois même pas en Dieu, pas au tien en tout cas, je me
suis dit celui de mes pères, Abraham, Isaac et Jacob, j’ai pensé à Pascal, à l’arpenteur
venu saisir les mystères du Vide avec ses appareillages biscornus et finissant alité. J’ai
pensé, ça éveillait cette nuit d’Aubervilliers, dans les tons mauves de la prairie urbaine,
je regardais les carcasses métalliques et les poubelles décrochées, c’était de l’autre
côté, la fête. Cindy avait dit près d’ici, tu verras Zingaro et le tour est joué.
C’était l’ambiance artistes en folie, des carcasses de jeeps reconverties en salles de
projection, de vieilles citernes avec échelle transformées en diaporama entrechoqué, la
ligne de basse percutait les poumons, personne ne s’entendait mais se toisait, dans de
vieilles bennes, des reportages passaient en boucles, sur les favelas brésiliennes, les
faubourgs noyés de Caracas, les aérations encrassées de Hong-Kong, les bas-fonds d’ici
et de là, ils pensaient tous, le monde est dans mon objectif et ils étaient l’objectif, le
monde plein et juste de la rédemption terminale.
Ils allaient sauver le monde par la culture et le pixel, l’amitié entre les peuples et
l’humilité de l’Occident, leurs reportages n’avaient pas de fins, tout se suivait, se
percutait, le choc aboulique des pellicules électroniques infinies ne rencontrerait jamais
l’intervention chimique qui clôt le celluloïd dans la réaction qui décompose et défait, ils
avaient l’éternité à portée de main, ils trouvaient ça beau.
Lucien avait fini la nuit avec Lola, un travelo argentin qui lui avait fait du gringue. Me
jamo Lola y yo Luciano et les voilà partis en tournée fumigène dans le dédale qui
traverse en silence les desseins de Dieu qui ont les signes pour stations et l’asile pour
recours.
Car la tristesse de notre condition est de confondre les signes et les symptômes, nous
apaisons les visions trop acérées avec du lexomil et du zyprexa, nous délions nos raisons
avec des rêves diurnes, nous ordonnons nos élans dans le flot moutonnier des passants,
nous ne croyons aux morales que dans les cercles du voisinage, nous fuyons le vide
central autour duquel s’enfonce le trou noir que décrit notre chute dans le temps.
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Dans le sofa, Lucien se tenait auprès de Lola un bédeau entre l’index et le majeur
consumé dans ses grandes largeurs mais toujours listo pour une taffe, il tira une
dernière fois, j’aime que la nuit s’évanouisse, puis il se mit à hurler, Don Giovanni m’ai
invitato…
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Clito (Osez le)
Cette campagne est partie d’un constat : en matière de sexualités, l’égalité femmes hommes reste à construire et l’intimité reste un lieu de pouvoir masculin. Qu’il s’agisse
de livres scolaires ou médicaux, d’expositions, de littérature ou tout simplement de
rapports humains, le clitoris est très souvent oublié, considéré comme mineur ou
cantonné aux préliminaires.
Les batailles des nos aînées pour la libération sexuelle ont été fondamentales pour
l’émancipation des femmes. Ces batailles ne sont pas terminées. Nous revendiquons
pour toutes et tous la possibilité de connaître notre corps, d’en jouir librement et de
choisir nos sexualités hors de normes préétablies.
Nous lançons la campagne Osez le clito
Parce que, lorsque l’on parle de sexualité, le clitoris est souvent oublié,
Parce que très peu de gens savent à quoi il ressemble ou comment il fonctionne,
Parce qu’encore trop peu de personnes ont la chance d’en profiter,
Parce que donner du plaisir aux femmes est la seule utilité de cet organe méconnu,
Parce qu’il est objet d’ignorances, de dénigrements voire de mutilations.
Mais aussi et surtout parce que le clitoris, c’est bon !
Nous voulons affirmer par cette campagne que les sexualités des femmes sont
multiples, se vivent indépendamment de la reproduction et ne sont pas forcément
complémentaires du sexe masculin. Le clitoris et les sexualités des femmes sont aussi
des sujets de société : le fait qu’on les oublie, qu’on les nie, qu’on les enferme dans des
normes ou qu’on les mutile a des conséquences importantes sur nos vies quotidiennes.
Les sexualités des femmes ne sont pas en creux, passives ou anecdotiques : au
contraire, elles enveloppent, enserrent, prennent, diffusent, vibrent, jaillissent et sont
multiples…, pour notre plus grand plaisir !
Les plaisirs sexuels des femmes sont importants : il est fondamental que chaque
femme ait les moyens de connaître ce qui fait vibrer son propre corps. Il est doux de
vivre, seule, avec son, sa ou ses partenaires les délices du clitoris comme il est
enthousiasmant de sentir l’orgasme d’une femme au bout de sa langue.
Faites-vous plaisir, osez le clitoris !
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Cocaïne
Associée à l’alcool, la cocaïne produit une molécule,
le cocaéthylène qui prolonge les effets combinés des
deux substances. Associé aux sexualités libérées, il
inhibe l’érection mais libère le désir mégalomane de
mettre et de se faire mettre. Certains l’associent au
Viagra, d’autres aux sex-toys géants et aux autres
introductions gargantuesques, les plus raffinés au
parcours de Sacher Masoch mais sans Vénus à la
fourrure. Bilan, les urgences sont inondées de
perforations anales et vaginales et le corps
enregistre comme un sismographe l’avant-première
de l’infarctus qu’on ne comprend pas.
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Collier de la Reine (affaire du)
L’Ancien Régime était hanté par le problème des subsistances. Que les
blés poussent, que la farine soit moulue, que les marchés soient
approvisionnés, c’était là, le pivot du pacte qui unissait gouvernants et
gouvernés, c’était là, le centre névralgique où la souveraineté affirmait sa
sollicitude envers le peuple et son rôle de guide et de protecteur.
De ce problème central, Quesnay et les physiocrates firent une équation, «
Laissez faire, laissez passer » et dans la France des disettes réelles et des
disettes d’opinion, ce libéralisme originaire ne devint fatum et évidence
qu’avec la force destructrice de la Révolution.
Les jacobins liquidés avec leur spectre des complots de famine, des
accapareurs et du maximum, les spéculateurs et les littérateurs purent
renouer une alliance que des gouvernants corrompus et citoyens
appuyaient avec la verve des déclarations des droits et le caractère sacré
de la propriété, même assise sur la spoliation des biens d’Eglise et de ceux
des émigrés.
C’est sur cet horizon que surgit en août 1785, l’affaire du collier de la
Reine, où s’agite, comme dans une pièce de Beaumarchais, des nobliaux et
des valets de comédie, la reine Marie-Antoinette, le cardinal de Rohan,
Jeanne de la Motte, descendante d’un bâtard des Valois, un joailler juif du
nom de Charles-Auguste Böhmer, le fantôme de Madame du Barry, l’abbé
Georgel vicaire strasbourgeois, le comte de Cagliostro, maçon et spirite,
soit un monde de spectres lustrant le parquet d’une salle de ballet.
En août 1785, la reine a 30 ans, elle règne depuis mai 1774, obtenant,
incontinente, la tête du duc d’Aiguillon, alors ministre des affaires
étrangères et celle du prince de Rohan, ambassadeur à Vienne. Celle qui
disait n’aimer que les jeunes, s’entoure d’hétaïres choisies dans la petite et
la moyenne noblesse, brise la règle de l’étiquette qui était une garantie de
respect pour tous les courtisans. A ce titre, la noblesse avait pour tâche de
servir, de distraire, de contrôler le Roi qui, en échange, octroyait charges et
honneurs. Pour que ce système perdure, il fallait au souverain de la virilité
et à la Reine un effacement et une hauteur symbolique qui la tenait à
l’écart des lois changeantes de la mode et de l’opinion. Avec MarieAntoinette, le roi perdit sa virilité pour des parties de chasse muettes qui
ressemblaient à des hécatombes et les courtisans apprirent la trahison à la
faveur des escapades de l’Autrichienne avec son beau-frère le comte
d’Artois, futur Charles X.
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La Reine avait le goût putréfié des actrices et la morgue des Habsbourg,
l’opinion lui répondit par l’arasement égalitaire de la pornographie et cette
réputation de lesbienne que Madame de la Motte résuma parfaitement
dans ses mémoires d’exil londonien où elle accusait la Reine de l’avoir
pervertie par ses « impures caresses », lui enseignant « la pratique de ces
plaisirs obscènes et révoltants » puis la récompensant « d’avoir partagé ses
brûlants transports en la faisant punir ». On ne sait que peu de choses des
mœurs véritables de la Reine mais ce qui est sûr, c’est que ses favorites
eurent à faire à Madame de la Motte, l’une, Madame de Polignac, la
visitant dans sa cellule de la Salpêtrière, l’autre, la princesse de Lamballe,
tentant d’acheter son silence avec 200 mille livres dans ses bagages.
Cette Reine qui avait pu imposer à son mari de laisser Beaumarchais se
pavaner sur la scène du Théâtre français après que celui-ci l’avait couvert
de boue lui et sa femme sous un pseudonyme, cette femme qui obtint de
vivre dans le Petit Trianon conçu à la demande de la Pompadour puis
d’acheter en pleine propriété le château de Saint-Cloud jusqu’alors
possession du duc d’Orléans, cette femme qui jouait la simplicité en robe
de mousseline et en chapeau de paille, après s’être produite dans les
accoutrements les plus délirants sur le pavé parisien, cette femme avait
littéralement castré Louis XVI, incapable de prodiguer sa faveur, ni de
résister au caprice d’une épouse qui passa directement de la femmeenfant à la Virago sans jamais daigner adresser la parole au grand
aumônier du Royaume, ce cardinal de Rohan qu’avait excommunié et
honni de lettre en lettre, l’impératrice Marie-Thérèse.
Ce dernier avait 50 ans, joyau d’une famille qui avait pour devise, Roy ne
puis, prince ne daigne, Rohan suis. Cet homme qui croyait en tout sauf en
Dieu, qui avait pu se montrer perspicace lors de son ambassade de Vienne,
qui vivait en prince de l’Eglise dans son évêché de Strasbourg, dépêchant
ses émissaires auprès des usuriers juifs qui avançaient par là-même les
sommes nécessaires à la grandiloquente réfection du château de Saverne,
cet homme donc avait un protecteur auprès de son vicaire, l’abbé Georgel,
et rencontra son point de bêtise, chez Cagliostro, alias Giuseppe Balsamo.
De ce génial histrion sicilien acoquiné avec la très belle Serafina,
alchimiste et versé dans les mystères égyptiens et spirites, on peut se faire
une idée précise à l’occasion de cette déclaration qu’il fit aux juges du
Parlement, « je ne suis d’aucune époque, ni d’aucun lieu, en dehors du
temps, de l’espace, mon être spirituel vit son éternelle existence, et si je
plonge dans ma pensée en remontant le cours des âges, si j’étends mon
esprit vers un mode d’existence éloigné de celui que vous percevez, je
deviens celui que je désire ». Et ce je, avait su reconnaître son alter-ego
dans la charmante Madame de la Motte.
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Descendante du baron de Saint-Rémy, bâtard d’Henri II, établie à
Fontenette (Champagne), elle avait connu la misère et la mendicité puis le
couvent lorsque la marquise de Boulainvilliers, femme du prévôt de Paris,
la prit en pitié. Placée comme camériste auprès d’une grande dame, elle
apprit les usages du monde mais aussi la volonté de le rejoindre à sa place,
celle des grands. En 1780, elle avait épousé un officier sans le sou qui lui
donna son nom, puis à l’automne 1781, elle rencontre et circonvient par
ses charmes certains le libertin superstitieux en soutane.
Elle comprend sa tragédie : la Reine le boude.
Elle embarqua son mari et son amant, Rétaux de Villette, dans la
supercherie puis une certaine Marie-Nicole Leguay qui vendait son joli
corps, à l’occasion, dans les jardins du Palais-Royal. Ce quatuor entra en
action lorsque la cupidité des associés Böhmer-Bessanges mit en branle le
mécanisme.
Ces derniers avaient conçu pour la Du Barry un pectoral de 2800 carats,
sorte de monstruosité d’une valeur d’1,8 millions de livres. Louis XV ad
patres et Marie-Antoinette dédaigneuse contraignirent les deux associés à
chercher avec une avidité craintive toutes les solutions possibles afin
d’éviter la banqueroute.
Il fallait vendre à tout prix, Jeanne de la Motte leur offrit sa médiation.
Rohan, comme les joaillers, s’oublièrent devant un contrat d’achat signé
Marie-Antoinette de France, ce qui était contre tous les usages, les reines
signant de leur nom de baptême. Un financier, Baudard de Saint-James
promit d’avancer la première traite. Pendant ce temps, le collier dépecé,
Monsieur de la Motte, signalé à la police par un joailler juif, partit pour
Londres où il obtint 600 mille livres des pierres vendues à l’unité. La
richesse souriait aux audacieux, le sourire allait durer trois semaines.
Ce furent les joaillers Böhmer et Bessanges inquiets pour leurs traites qui
avertirent Marie-Antoinette. Ce fut elle qui voulut y voir une machination du
cardinal de Rohan pour se renflouer sur son dos. Même Joseph II, son frère,
n’y croyait pas, mais qu’importe.
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Louis XVI trouva opportun d’arrêter le grand aumônier de France en habit
sacerdotal, un 15 août, dans les couloirs de Versailles, la noblesse prit feu,
l’opinion suivit. Le cardinal écarta toute clémence du Roi et demanda un
procès devant le Parlement. L’abbé Georgel se démena pour sauver son
évêque en négociant avec les joaillers et en lançant des poursuites contre
les complices évadés de la comtesse Jeanne. Auparavant, le cardinal avait
eu la bonne idée de brûler les lettres de Marie-Antoinette calligraphiée par
Rétaux de Villette.
On estime qu’entre le 15 août 1785 et le 31 mai 1786, 100 mille lecteurs
suivirent le déroulement du procès. Le mémoire d’avocat en défense de
Cagliostro se vendit à 10 mille exemplaires, celui de la petite Leguay, dite
baronne d’Oliva, à 20 mille. On ne comptait plus les feuilles volantes, les
satires, les faux mémoires, les chroniques vaguement pornographiques,
toute cette industrie clandestine de la haine mise en musique qui permit à
un prélat hautain, irresponsable et corrompu de se présenter aux yeux du
tribunal de la Raison des Lumières comme la victime expiatoire de
l’arbitraire royal.
Le pouvoir souverain ne bégayait même plus, il était aphasique. Necker
l’avait réduit à une liste de prébendiers.
Le 21 juin 1786, Jeanne de la Motte fut fouettée et marquée au fer rouge
de la lettre V. Les enquêtes avaient évité d’approfondir les véritables
agissements de la comtesse, comme elles ne disaient rien de cette kyrielle
de juifs d’argent qui gravitaient autour du cardinal et que nomme Stefan
Zweig dans sa biographie de Marie-Antoinette, comme elles avaient tenu à
l’écart l’aimable comte de Cagliostro dont la loge parisienne attirait les
grandes dames. Reste que le 5 juin 1787, Jeanne s’évadait en Angleterre,
une voiture à sa disposition et de l’argent dans la besace, elle se suicidera
le 12 juin 1791, se jetant par la fenêtre de sa mansarde londonienne.
26
Goethe, comme d’autres, pensait que c’était là le début de la fin de la
monarchie absolue, on y voit juste la preuve de l’absence de virilité du Roi
et la nature capricieuse d’une Reine qui pleura le jour du verdict acquittant
Rohan.
La Reine comme le Roi ne réussirent qu’une seule chose, mourir
dignement.
Pour le reste ils avaient assisté en spectateurs à la défection de la haute
noblesse de France, à l’humiliation de l’Eglise gallicane perçue comme un
immense lupanar, au goût de la « société » pour les tarés, les perclus,
l’occultisme et la philanthropie des cimes, au triomphe des folliculaires et
des spéculateurs, petits agioteurs en opinion et en billets à ordre dont
Beaumarchais incarne pour la postérité la face de Janus rigolarde et
opulente. La monarchie absolue trébucha sur cette coalition qui croyait
tenir sa Glorious Revolution un jour de juin 1789 et découvrit avec
effarement en octobre qu’elle avait accouché d’un incendie, l’entrée du
nombre sur la scène politique, qu’on allait appeler masses ou foules un
siècle plus tard. La souveraineté royale détrônée, on sut bientôt qu’il n’y
avait que le Nombre, l’esprit de corps, l’humour et la morgue hautaine des
artistes pour résister au règne ploutocratique des niveleurs poussés sur le
fumier des assignats.
Contrairement à ce qu’avance Marx dans son opuscule sur le coup d’Etat de
Louis Napoléon Bonaparte, la farce avait ouvert la tragédie et celle-ci eut
un nom qui était bien au-dessus des Louis XVI, Marie-Antoinette, Rohan et
Polignac, bien au-dessus de ce vieil obsédé de bon roi Henri dont les
sectionnaires gardaient la moustache en relique, les noms propres qui
allaient émailler l’époque étaient ceux d’inconnus, phénomène que saisit
parfaitement un autre autrichien, Metternich, quand il déclara « j’ai dû
affronter le plus grand condottiere ; je suis parvenu à mettre d’accord des
empereurs, un roi, un tsar, un sultan et un pape. Mais personne sur la Terre
ne m’a donné de plus grandes peines qu’une canaille d’Italien, émacié,
pâle, miséreux, mais tumultueux comme un ouragan, fervent comme un
apôtre, fourbe comme un voleur, effronté comme un comédien, infatigable
comme un amoureux : son nom est Giuseppe Mazzini ».
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28
Coral (affaire du)
Le Coral était un « lieu de vie » dit éducatif installé dans une ancienne
exploitation agricole à Aimargues, dans le Gard, à une quinzaine de
kilomètres de Nîmes. En effet, dans les années postérieures à Mai 68 se
développent en France, à l'initiative d'éducateurs ou d'enseignants, des
dispositifs visant à appliquer des pratiques prétendument alternatives ;
certains agissent selon les méthodes de l'antipsychiatrie, courant pour
lequel le fou n’existe pas, puisqu’il est une projection de l’institution et une
production asilaire ou sociétale. Dans certains de ces centres éducatifs, des
affaires de pédophilie éclatent, les abuseurs usant, comme prétexte, de
discours reposant sur une pseudo-philosophie du consentement de l’enfant
aux attouchements des adultes.
Le Coral est fondé en 1976, à partir d’un don de la Fondation de France et
d’un prêt consenti par le Crédit agricole. Ce sont Fernand Deligny et Maud
Mannoni, deux piliers de l’antipsychiatrie hexagonale, qui lui envoient ses
premiers pensionnaires. Le Coral est autogéré mais son guide est
l'éducateur Claude Sigala, adepte du pantalon velours côtelé. Comme dans
toutes les bonnes tyrannies, le Coral est aussi une affaire familiale puisque
Marie, la femme de Claude, est de la partie.
Le Coral, qui en castillan désigne la porcherie, accueille des personnes en
difficulté (enfants, adolescents, adultes, personnes autistes ou souffrant
d'un retard mental léger, psychotiques, cas sociaux, pré-délinquants). Ces
êtres désocialisés sont confiés au centre par la DDASS ou diverses
structures. Le lieu de vie fait partie, avec d'autres centres, du
réseau Collectif Réseau Alternative, créé en 1982 par le même Sigala qui
fait office de théoricien des relations corporelles entre adultes et enfants
(dixit Jean-Claude Polack).
Avec l’arrivée à la présidence de François Mitterrand, Sigala se sent
pousser des ailes du fait de ses contacts avec Jean-Pierre Rosencszeig qui
appartient au cabinet de Georgina Dufoix, alors secrétaire d’Etat à la
famille, et bientôt responsable mais pas coupable lors de l’affaire du sang
contaminé qui fut le crime matriciel du progressisme de gouvernement.
Pour Sigala, la DDASS doit reconnaître, officiellement, les 40 centres de
type Coral.
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A l'automne 1982, des enfants venus du Coral sont recueillis par une
voisine et évoquent des actes pédophiles. Une plainte est déposée à la
gendarmerie par certains parents. Le juge d'instruction, Michel Salzmann,
inculpe tout d'abord Claude Sigala, 39 ans, directeur du centre, le médecin
psychiatre Alain Chiapello, 35 ans et un éducateur, Jean-Noël Bardy, 26
ans.
Le 13 octobre, le centre est passé au peigne fin par la police. Le 16, le juge
défère dans son bureau parisien trois des prévenus. Selon, les enquêteurs,
Sigala a réintégré dans le centre, un ancien pensionnaire, Jean-Pierre
Lannez qui, à 17 ans, avait tué un autre pensionnaire, alors âgé de 11 ans,
après l’avoir préalablement sodomisé. On avait retrouvé l’enfant, la tête
dans un seau d’eau. Or, Lannez, déclaré irresponsable par les experts
psychiatriques de l’époque n’avait pas été incarcéré. Le dénommé Lannez,
dont s’étaient plaints d’autres enfants par la suite, disparaît du centre
avant les premières arrestations de l’année 1982.
Des grèves de la faim sont entamées, des comités de soutien pro-Sigala se
forment à Montpellier, Lyon et Paris, voire à l’étranger. Félix Guattari sert
alors de caution morale au mouvement des indignés façon eighties.
Néanmoins, l'un des accusés, Jean-Noël Bardy, reconnaît quant à lui avoir
eu une « relation amoureuse » avec un pensionnaire du Coral, et
des « activités sexuelles », précisant que « cette liberté sexuelle faisait partie
d’une thérapeutique nouvelle ». Le 19 octobre, le philosophe René Schérer,
professeur à l'Université Paris VIII, est inculpé, en compagnie d’un
professeur de flûte à bec et d’un chômeur de 21 ans, pour « excitation de
mineurs à la débauche ».
Parallèlement, à la fin de l’année 1981, un nommé Jean-Claude Krief, âgé
de 21 ans, découvre les coordonnées du Coral dans la revue Possible, organe
de liaison et d'information de la mouvance des lieux de vie, et demande à
faire un stage d'éducation sur place. Pour le Crapouillot, la revue Possible est
aussi un organe de prosélytisme pour les partisans de la pédophilie. Or
Krief est, pour beaucoup d’inculpés, témoins et journalistes, un débile
léger, sachant à peine lire et écrire. Il n’a donc pas découvert le Coral mais
on le lui a découvert. D’autant plus, qu’il prétendra avoir saisi les
coordonnées du centre et les adresses d’autres pédophiles parisiens dans
un kibboutz israélien. Il y a fort à parier que les deux frères Krief, passés à
la moulinette de la DDASS, soient les deux fragments d’un Lee Harvey
Oswald à la française car il est bien connu que les idiots sont toujours
utiles.
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Parallèlement aux commissions rogatoires du juge Salzmann, Jean-Claude
Krief est arrêté et inculpé par le juge Guilbaud pour « violations des
dispositions du contrôle judiciaire » suite à une affaire de chèques falsifiés.
Preuve que le débile supposé sait, du moins, compter.
Le 20, son frère, Michel, est inculpé pour tentative de chantage sur un
ministre en exercice. Alors que des journalistes continuent à prétendre que
Jean-Claude en avait après un attaché du ministère. Ce ministre est, en
l’occurrence, Jack Lang. Le 22 octobre, Salzmann cuisine dans son bureau
Jean-Claude qu’il tire d’une cellule de la prison de la Santé. Krief dit alors
posséder des éléments sur l'affaire dont les médias se sont emparés. Selon
lui, la pédophilie y serait largement admise, mais le centre accueillerait
également des pervers venus de divers horizons.
Une longue liste de 340 noms circule. Affirmation très crédible, pour un
type qui débarque d’un kibboutz et n’a pas vu la France, depuis plus d’une
décennie.
Krief accuse Claude Sigala et deux autres éducateurs de pratiques
sexuelles sur des mineurs séjournant au Coral. Selon ses dénonciations, un
trafic de photos pédopornographiques y transiterait ou y serait organisé. La
rumeur parle bientôt d'abus sexuels commis en particulier sur des
mineurs trisomiques. Témoignage Chrétien publie les prétendus témoignages
d’enfants malmenés. Le 29 octobre, sous la férule de Maître Vergès, JeanClaude Krief se rétracte dénonçant une machination politique destinée à
salir un membre du nouveau gouvernement.
Le 7 novembre, Roger Auffran, directeur de la revue Possible, est inculpé.
Un lot de clichés pédopornographiques est saisi à son domicile. Or Possible
sert de diffuseur à certains articles du CRA, organisme qui regroupe
nombre de centres de type Coral. Sigala en est le président. Le 18
novembre, Krief est inculpé pour avoir dérobé un procès-verbal
d’interrogatoire et avoir tenté d’en vendre un faux dans lequel figure,
notamment, le nom de Jack Lang.
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Selon le Crapouillot, la main de certains membres des forces de l’ordre est
derrière le faux-procès verbal. A contrario, les rédacteurs
de Minute expliquent qu’ils ont été approchés par Krief qui réclamait, dans
un premier temps, une forte somme d’argent en échange du faux procèsverbal avant de supplier les journalistes d’extrême-droite de le publier brut
de décoffrage et sans un seul centime de récompense si bien que le
complot aurait visé à absoudre Jack Lang et à disqualifier la publication.
L’enfumage était donc, pour le moins, à double détente. Patrick Buisson
pourrait l’éclairer mais il rédige des fiches pratiques sur les mésaventures
de la vertu sous Vichy
Krief accuse une sorte de réseau de notables de gauche de se servir du
Coral comme on va au safari. Il aurait pour souteneurs, des flics de la
Brigade des stupéfiants et du proxénétisme. Donc Minute accuse Defferre,
ministre de l'Intérieur, de monter une opération afin de discréditer les
accusateurs. Mais, en dernier lieu, Vergès prétend qu’on se sert de Krief,
qui aura, entretemps, abandonné Vergès, pour déstabiliser le
gouvernement socialiste en place.
Ce qu’on oublie, ce sont les faits.
Il y eut bien un crime attesté au Coral et un des éducateurs a reconnu que
des attouchements ou des caresses sur des mineurs de moins de 15 ans
étaient considérés comme une action thérapeutique par le personnel
soignant. Personne n’a cherché à aller au-delà. Comme si les enfants en
question n’étaient déjà plus dignes d’attention.
Gabriel Matzneff est interrogé et le célèbre « intellectuel philopède », selon
sa propre définition, y perd sa chronique du Monde. Il y verra un complot
universel contre sa personne. Le 23 novembre, trois « victimes » dont les
déclarations forment la substance du dossier d’accusation contre Sigala
sont interrogées par le juge Salzmann. Le 10 février 1983, Maître
Auerbacher et Jean Lapeyrie, du comité actions prisons justice, sont
inculpés de violations du secret de l’instruction et d’outrage à magistrat.
Des pièces du dossier ont disparu. Ils prennent pour avocat, Vergès. Le 23
février, Sigala est libéré. On retrouvera le frère de Jean-Claude Krief, mort.
On conclura à un accident.
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Le 6 mars 1986, Sigala est condamné à 3 ans de réclusion, dont un avec
sursis, pour attentat à la pudeur sur des mineurs de moins de 15 ans, de
même que Jean-Noël Bardy, le thérapeute à l’attouchement. La cour
d’appel permit, un an plus tard, à tout ce beau monde d’échapper,
entièrement, à un séjour derrière les barreaux.
Selon François Dosse, le cireur de pompes attitré de tous les bonzes de la
scène intellectuelle française, Guattari aurait prévenu Sigala des dangers
contenus dans la promotion des relations corporelles entre adultes et
enfants mais le dossier d’accusation serait vide et ne reposerait que sur le
témoignage d’un enfant fugueur, un peu violeur et pyromane (in Gilles
Deleuze/Félix Guattari biographie croisée).
En bon historien sans méthode, Dosse ne s’appuie que sur les missives de
Sigala au cher Guattari pour asserter que le dossier du juge Salzmann était
nul et non avenu. Après Outreau, cela n’étonne guère. Seulement, même si
les juges sont toujours aussi médiocres et imbus de leur autorité, le
contexte diffère radicalement.
En effet, François Dosse cite une lettre du 4 février 1983 dans lequel Sigala
s’exprime sur ce qu’il entend par pédophilie « voir dans la pédophilie
l’individu qui traque l’enfant pour se le payer est une image réductrice peu
ancrée et qui ne correspond qu’à un cas de figure que je crois extrêmement
rare. Je ne suis d’aucune manière défenseur de ces pervers-là. Ce qui me
semble le plus fréquent, ce sont des personnes qui aiment les enfants, en
leur donnant la dimension de la liberté. L’enfant a besoin d’Amour. Aimer,
faut-il le redire, n’est pas posséder, c’est au contraire rendre l’autre
heureux ». Derrière ce vocabulaire de chrétien déluré c’est donc un bon
usage de la pédophilie que défend Sigala.
Voici comment Guy Hocquenghem résumait l’affaire dans son
pamphlet, Lettre ouverte à ceux qui sont passés du col Mao au Rotary :
« Dans l’affaire dite du Coral, par exemple, tu [Jack Lang] as su dès le début
que c’était une machination policière, où nos amis arrêtés (René Scherer,
Gabriel Matzneff, Claude Sigala) étaient parfaitement innocents, et qu’à
travers les ‘’personnalités parisiennes’’ c’était leur amitié avec le ministre
qui était visée. Tu aurais pu porter plainte contre l’invraisemblable Krieff,
qui prétendait t’avoir vu enculer de petits garçons ». Et l’éditeur d’ajouter,
en note, que Sigala avait été condamné à la prison en 1987 alors même
qu’il n’allait pas passer un jour derrière les barreaux compte tenu des mois
de préventive qui avaient été les siens en 1982-1983.
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En 1992, Sigala pourra réunir au Coral des états généraux où défileront
Guattari, Maud Mannoni, Edgar Morin, Tony Lainé et Cornelius Castoriadis.
Il sera de nouveau du sérail, blanchi, prêt à reprendre la caméra et à se
regarder s’aimer en toute fausseté.
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Corde (la, un remake SM)
Cinq hommes soupçonnés d'avoir participé à des soirées sadomasochistes
homosexuelles au cours de laquelle un homme a été blessé ont été mis en
examen pour "violences accompagnées d'actes de torture et de barbarie".
L'enquête a démarré à la suite d'un dépôt de plainte d'un homme de 49
ans au début du mois de février. Ce dernier a révélé avoir été blessé à
l'occasion d’une soirée "sado-maso", organisée dans son appartement du
XXe arrondissement, soirée qui aurait dégénéré. Six personnes ont ensuite
été interpellées par les enquêteurs du Deuxième district de police judiciaire
(DPJ) et placées en garde à vue. Lorsque cet homme de 49 ans a franchi la
porte du commissariat, son corps était presque entièrement mutilé. Des
hématomes, des traces de brûlures, la peau cisaillée à coups de cutter...
Les enquêteurs, qui ont mis la main sur des photos prises dans
l'appartement où avait lieu cette soirée, évoquent des jeux sexuels
traversés d’un degré inouï de cruauté et de perversité. Parmi les personnes
déférées au parquet figurent un médecin militaire, colonel dans l’armée
française, un gestionnaire de patrimoine, un psychanalyste et un
commercial. En garde-à-vue, les accusés ont minimisé les faits en
expliquant laborieusement que la victime était totalement consentante.
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Cordicolisme (Qu’est-ce que le)
Cordicole, de cor, cordis, cœur, et colo, j’honore. Terme exhumé de l’ancien vocabulaire
catholique : on appelait cordicoles au XVIIème siècle, les membres d’une association de
jésuites qui cherchaient à introduire en France l’adoration du cœur de Jésus et la fête du
Sacré-Cœur. On disait aussi cordicolâtres.
Appelons donc Cordicopolis la partie de la planète qui a la chance de posséder la
démocratie à tous les étages et le tout aux droits de l’homme dans les villes. Par la
force des choses nous sommes tous cordicoliens, comme on est albanais. On peut, en
revanche, devenir cordicocrate avec un peu de chance, pas mal d’appuis, de l’ambition ;
mais l’espèce la plus répandue, ce sont encore les cordicolâtres ou cordicophiles,
l’immense majorité anonyme des serviteurs en oraison, la communauté des
spectateurs crédules, confiants, consommants, digérants, patientants, approuvants,
applaudissants.
Il n’y a pas d’expression plus épouvantablement vomie cent mille fois par jour, que celle
de coup de cœur qui a des raisons que la raison bancaire connaît bien. Les Archontes de
la Communication et tous les employés de maison du Show passent leur temps à
ramper de coup de cœur en coup de cœur à travers le fleuve absent des coups de sang
qu’ils ne piqueront jamais ou alors le jour où on leur dira qu’il faut avoir des coups de
cœur pour des coups de sang, des indignations disons.
Tous les cerveaux sont des kolkhozes. L’Empire du Bien reprend sans trop les changer
les traits de l’ancienne utopie, la bureaucratie, la délation, l’adoration de la jeunesse,
l’immatérialisation de toute pensée, l’effacement de l’esprit critique, le dressage
obscène des masses, l’anéantissement de l’Histoire sous ses réactualisations forcées,
l’appel au sentiment contre la raison, la haine du passé, l’uniformisation des modes de
vie. La milice des images occupe de ses sourires le territoire.
A Cordicopolis, le Consensus qui fait la guerre contre chaque individu ne peut apparaître
crédible et désirable, aux yeux de l’usager qui reçoit les coups, qu’à condition de le
convaincre que cette guerre lui est livrée pour son bien. D’où la campagne perpétuelle
d’intoxication sucre d’orge, île Mystérieuse, carrousel, parc attractif avec hominiens
dansants, merveilles et jamborees. Le véritable style de l’époque se laisse déchiffrer à
travers les manifestations que planifient inlassablement les bons apôtres des NationsUnies : « journée internationale des enfants innocents victimes d’agression ; Journée
internationale de la paix ; semaine de solidarité contre le racisme ; décennie du
développement durable en Afrique ; deuxième décade de l’eau potable pour tous ;
troisième décennie d’éradication des mines anti-personnels. La vie est courte, les
affaires sont les affaires et soulever un linceul de temps en temps fait gicler l’argent des
coffres ou des dérivés ou des produits structurés. De toute façon, l’imagination est au
pouvoir.
Tous les jours, se joue la comédie d’abolition du mauvais temps et du mal tout court.
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Le cordicolisme est une expertise qui impose le terrorisme du Bien comme ultime
valeur sur la ruine définitive du matérialisme athée. Quand la vision morale triomphe de
minute en minute et de communiqué en communiqué, celle-ci se présente comme le
prolongement lifté du grand nihilisme rageur et délirant que tout le monde s’accorde à
condamner, du moins quand il est nazi. Au milieu de ce climat de spiritualisme rose
tendance layette et mariage devant monsieur le maire de mes deux mairies,
l’épanouissement se fonde sur l’idée d’une innocence originelle et bafouée de l’être.
L’ironie est un délit, l’humour, un crime, l’équivoque, l’instabilité du jugement, la
critique, la question, le négatif, la pensée, la littérature, des activités maléfiques. La
Bienfaisance universelle a tôt fait de chasser ce que Pascal appelait les pensées de
derrière. Les ligues de vertu sont là pour encourager à avancer positivement dans la
méconnaissance absolue des illusions de l’espèce et des crimes, réels, qui en résultent.
Les « masses » réclament leur ration quotidienne de moraline en action, où Mario Monti
et Mario Draghi, les poupées russes de Goldmann Sachs, jouent les pucelles de
Francfort et de Rome pour chasser les obsédés du FMI et du Bunga-Bunga comme on
exécute un exorcisme.
Que peut un corps demandait Spinoza, Cordicopolis lui a répondu. Porno, godemichés
king size, trafics in vitro, in utero, in spermato. On a tout eu, le sentimentalisme comme
camisole, le corps sain qui se gymnastique et le président qui s’effondre dans les jardins
de Versailles, les sexy clips sans sexe, le transsexualisme comme horizon avec « par
amour pour Chloé, Jean-Pierre devient Nadine », la chasteté nouvelle et que j’en fais un
roman de ma fente fermée, l’adultère qui tue au camping-gaz, les hommes fécondables
et bientôt accouchables moyennant mutation, l’homosexualité radieuse, la fierté gay
d’être bourguignon et transgenre d’être armagnac. Carnaval comique et tragique,
trappe au récit. Que peut un corps qui se prétend sans âme. Se Muter, s’expérimenter,
jusqu’à la médicalisation terminale où nous serons tous euthanasiés. Pour notre Bien,
évidemment.
Qui se révolterait contre une dictature qui ne communique que l’ordre de s’éclater ? Qui
refuserait les prothèses du plaisir et de l’afflux d’adrénaline. Même quand nous
travaillons, c’est encore l’arôme du jouir sans entraves qui s’exhale. Les « masses » ne
réclament pas moins de travail mais plus de jouissances, elles voudraient même s’y
tuer à la tâche, plutôt que poursuivre le trait grossier de l’ennui où les souvenirs
s’arrondissent sous le plafond bas du ciel et font qu’on compte les années en millénaire.
On se suicide pour ne pas éprouver l’ennui, pour ne pas se sentir lourd, pour ne pas
ajouter les rides aux rides. Et le grand avantage de l’Islam cordicole sur le Cordicolisme
post-catholique c’est qu’il promet non pas l’Eternité mais la jouissance illimitée dans le
Jardin où toutes les vierges ont fait un stage chez Marc Dorcel. Un jour, dans 100 ans,
sur la terre d’Europe, on dira que DSK a ouvert trop tôt la porte du paradis et qu’il a été
puni pour sa transgression. On ajoutera, c’est normal, c’était un juif. On n’addentumera
pas « il sentait l’ail » parce qu’on aura oublié Apollinaire et Marizibill.
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Cordicopolis (la marche vers)
1980 : L’Administration fédérale étasunienne fait entrer la notion de
harcèlement sexuel dans le droit du travail
1986 Arrêt Meritor v/s Vinson. La Cour suprême définit le harcèlement
sexuel comme une discrimination.
Octobre 1991 : Le juge Clarence Thomas est accusé, devant le Sénat
américain, de harcèlement sexuel par Anita Hill
Juillet-décembre 1992 : Le Code pénal introduit la notion de harcèlement
sexuel. La loi le définit ainsi : « le fait de harceler autrui en donnant des
ordres, proférant des menaces, imposant des contraintes ou exerçant des
pressions graves, dans le but d’obtenir des faveurs de nature sexuelle, par
une personne abusant de l’autorité que lui confèrent ses fonctions ». En
janvier 2002, la condition liée au lien de subordination disparaît via une loi
dite de modernisation sociale.
25 novembre 1992 : Une proposition de loi est déposée à l’Assemblée
Nationale afin de créer un CUS (contrat d’union sociale). Il deviendra au fil
des propositions CUC ou CUCS.
1993 : L’Antioch College (Ohio) réglemente le consentement sexuel
1993 : Arrêt Baehr v/s Lewin. La cour suprême de Hawaï entérine la licéité
du mariage gay et non celle du mariage laïc dont la mariage gay est, en
toute logique, une conséquence.
1994 Première condamnation en justice pour harcèlement sexuel sur le
lieu de travail. Sur la période 1995-1998, 79 condamnations tomberont
sous ce motif.
1995 La Quatrième conférence mondiale sur les droits de la femme, tenue
à Pékin, invite les Etats à produire des statistiques sur les violences faites
aux femmes. La laogai n’est pas évoqué.
1996 : Par son Defense of Marriage Act, Bill Clinton autorise un Etat à ne
pas reconnaître le mariage gay sur son territoire
41
1996 Une enquête du Ministère de la Justice mélange allègrement viols,
attentats à la pudeur et outrage public à la pudeur pour mettre en valeur la
hausse du nombre de condamnations pour tous ces motifs entre 1984 et
1993 (où le total des condamnations atteint 7650).
4 mars 1998 : La Cour suprême étend la notion de harcèlement sexuel aux
personnes de même sexe (arrêt Oncale v/s Sundowner)
20 juillet 1998 Selon l’OIT, 20 % de femmes salariées en France
prétendent avoir été victimes de violences sexuelles sur leur lieu de travail.
Ce qui importe n’est donc pas la souffrance d’une personne mais la
production d’une statistique.
Septembre 1998 : le procureur spécial Kenneth Starr déballe 11 motifs
pour entamer à l’encontre du président Clinton la procédure
d’impeachment, l’accusant de parjures répétés.
9 octobre 1998 : Une première mouture du Pacs est rejetée lors d’un vote à
l’Assemblée Nationale
22 novembre 1998 : Bertrand Delanoë fait son outing sur M6.
Février 1999 : Act-up menace de dévoiler l’homosexualité d’un
parlementaire de droite hostile au Pacs réhabilitant la délation publique.
Mars 1999 : Sous la pression de Jacques Chirac, le Sénat accepte la
révision constitutionnelle instituant la parité.
8 mars 1999 : Un manifeste des chiennes de garde lance le mouvement
18 mars 1999 Les Rectorats auraient recensé en un trimestre 242 cas de
violences sexuelles à l’école.
24 mai 1999 La Cour suprême étend la législation sur le harcèlement
sexuel dans les écoles subventionnées par l’Etat fédéral
28 juin 1999 : La Révision constitutionnelle dont l’objet est l’inscription de
la parité derrière l’épais grillage de l’armoire de fer, est adoptée. Seuls 42
parlementaires s’y opposent sur 741.
42
Septembre 1999 Sous la menace d’un procès au pénal pour harcèlements
sexuel et racial intentés par deux salariées, Ford verse 7,5 millions de
dollars aux plaignants.
13 octobre 1999 : Le pacs est adopté. Le code civil étend la notion de
concubinage aux couples homosexuels.
18 octobre 1999 : François Léotard dit l’Encornet se fend d’une proposition
de loi contre l’homophobie
7 juin 2000 La commission européenne adopte une directive visant la
proscription du harcèlement sexuel sur le territoire de l’Union encore
restreint.
23 juin 2000 : François Abadie, sénateur radical de gauche et ancien
ministre du mythe errant, est exclu de son parti pour avoir tenu des propos
délirants au sujet de l’infiltration déviante-destructrice des homosexuels au
sein du genre humain, " Je ne peux pas être favorable à ceux que j’appelle
les fossoyeurs de l’humanité, ceux qui n’assurent pas l’avenir : les
homosexuels. C’est contraire à la normale et il y a un danger permanent,
pour les garçons, de pédophilie. La normale, c’est faire des gosses." Il
meurt le 2 mars 2001.
19 octobre 2000 : le magazine em@ donne Jean-Luc Romero, conseiller
régional RPR francilien pour homosexuel. La délation publique s’institue
comme une voie usuelle du débat public.
2001 La prostitution est assimilée à un esclavage moderne sur le territoire
européen au moment où celle-ci explose du fait de l’implosion du bloc
soviétique. A un pôle, on trouve les réglementaristes (Pays-Bas et
Allemagne), à un autre les prohibitionnistes (la Suède qui sanctionne les
clients). La France tangue entre les deux.
23 juin 2001 La Gay Pride réunit 500 mille participants. La logique du plusde envahit le monde dit homosexuel.
16 novembre 2001 : Une loi introduit l’orientation sexuelle comme critère
de discrimination dans les codes pénal et celui du travail
28 décembre 2001 Une doctorante, Sandrine Bertaux, porte plainte pour
harcèlement sexuel à l’encontre du démographe Hervé le Bras qui, jusqu’ici
l’avait lancée sur le marché international des sujets supposés savoir. Le 7
mars 2002, l’avocat de la plaignante, Emmanuel Pierrat, invoquera la
43
longue tradition du droit du cuissage qui comme l’avait démontré Alain
Boureau n’a jamais existé.
Janvier 2002 Le gouvernement lace une campagne de prévention des
violences sexuelles sur les mineurs. Le mois suivant, la ministre Ségolène
Royal fait littéralement le procès de l’école pédophile ou du moins
complice prenant le prétexte d’une affaire de pédophilie à l’école
maternelle de Fresnes sur Marne. En revanche, elle se montre silencieuse
sur la multiplication des cas avérés de pédophilie au sein du monde clérical
et catholique sans même évoquer le monde enchanté du Quai d’Orsay.
26 février 2002 La cour européenne des droits de l’homme qui est tout
sauf laïque ne perçoit aucune discrimination dans le fait de refuser une
adoption à un homme du fait de son homosexualité. La Gay Pride devient
marche des fiertés
4 mars 2002 : La loi socialiste sur le nom patronymique permettant de
donner à l’enfant le nom du père, de la mère ou des deux est adoptée. Le
Sénat obtient qu’en cas de litige, le nom du père prévale puis les sénateurs
vont cuver leur révolte paternocrate. Dans le même temps, sur l’initiative
de Ségolène Royal, tout client d’une prostituée mineure (entre 15 ans
révolus et 18 ans) peut être puni de trois ans d’emprisonnement sauf s’il
est footballeur. La première condamnation tombe le 11 avril.
3 octobre 2002 La notion de racolage passif est introduite. Le 21 janvier
2003, anniversaire de la décollation de Louis XVI, la notion est ainsi définie
« le fait, par tout moyen, y compris une attitude même passive, de procéder
publiquement au racolage d’autrui en vue de l’inciter à des relations
sexuelles en échange d’une rémunération ou d’une promesse de
rémunération ». Le cas des escort girls n’est pas traité.
4 février 2003 : Une tendance gay’lib s’actualise au sein de l’UMP. La
défense du fist-fucking n’est toutefois pas intégrée au programme du parti.
10 mars 2003 : Le tribunal de grande instance de Paris condamne em@, à
3 mille euros de dommages et intérêts pour atteinte à la vie privée dans le
cadre de l’affaire Romero qui s’était livré à un outing au sujet de sa
séropositivité. En décembre 2009, il deviendra socialiste.
Mai 2003 Dominique Baudis, martyre du microcosme politique français,
prétend qu’un complot de l’industrie pornographique a conduit des
prostituées toulousaines à témoigner contre lui.
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4 juin 2003 : La loi Richemont (UMP) établit que l’enfant né d’une union
libre portera le nom du parent qui l’aura reconnu en premier. La
paternocratie déserte le mariage pour se réfugier dans le concubinage. Le
nouveau mot d’ordre de la paternocratie devient : pour qu’il/elle porte votre
nom faîtes un(e) petit(e) bâtard (e).
26 juin 2003 : L’UMP délègue un représentant lors de la Marche des fiertés.
9 juillet 2003 Une mesure sur les violences conjugales permet aux victimes
de saisir le juge des affaires familiales afin de prononcer un éloignement
immédiat du domicile pour la personne réputée violente.
11 mars 2004 La Cour suprême de Californie suspend les mariages gays
prononcés par le maire de San Francisco. Le 12 août, elle les annulera.
11 mai 2004 Favorable au mariage gay, DSK donne sa définition du
mariage « une déclaration d’amour solennelle entre deux êtres qui s’aiment
et un contrat afin de protéger le patrimoine et les intérêts de chacun ». Il va
plus loin et considère comme une faute morale et un non-sens scientifique
l’idée qu’il serait « dommageable pour un enfant d’être élevé par un couple
homosexuel ». Le soir même le Bureau National du PS se prononce pour ce
type de mariage. Plus tard il utilisera le même terme de faute morale au
sujet de sa relation extrêmement brève avec Nafissatou Diallo.
17 mai 2004 Le Massachusetts, terre des pèlerins, lance la vogue des
mariages gays. Une dinde est offerte aux premiers élus.
5 juin 2004 Noël Mamère célèbre un vrai-faux mariage gay dans sa mairie
de Bègles. Il sera suspendu de ses fonctions pendant un mois. Le 22 juin, il
avait reçu 2 mille lettres d’insultes.
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Cop-Copines
Si vous êtes parisien, donc usager du métro, vous tomberez peut être sur
une affiche de cop-copine. Elle est en noir et blanc et on y voit le sosie
d’Ahmanidejab entre deux pouffes anorexiques, l’une blonde, l’autre brune.
La volonté vintage est évidente, le résultat étrange. Une sorte de
réverbération entre l’American Way of life de l’ère Eisenowher et l’ordre
post-chrétien de l’Occident. Si le terme conservateur est un mot qui
commence mal, celui de copine doit aux lois phonologiques de contenir
une syllabe qui résonne forcément avec pine. Comme le mot débute par
cop et que ce cop est passé dans le franglais courant, on voit bien que cette
affiche exprime une sorte de projection fantasmatique qu’on peut
interpréter de deux manières. Soit, on estime que la photo est l’œuvre d’un
homosexuel et on voit bien que le sosie d’Ahmani (prononcer Armani pour
les intimes), comme figure temporaire de l’homo islamicus est l’objet d’un
désir et le seul objet puisque les deux collégiennes anorexiques sont
éliminées de la course. Soit on y voit une sorte de représentation
outrancière de la masculinité, façon peplum, Ahmani servant de Phallus
islamique de transposition. Dans les deux cas, on voit bien que la virilité est
comme l’extérieur de l’Occident, sa marge, un point de fuite dans un
monde qui ne l’a pas éliminée mais rendue réflexive, spéculaire et ironique.
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Cordicoles (les)
Exilés de la maison paternelle dès leur enfance, ils sont élevés dans des écoles où ils ne
reçoivent pas une idée juste ni de leur état, ni de leur devoir, ni de l’honneur, ni de la
décence, ni du monde, ni d’aucune des situations dans lesquelles ils doivent se trouver
par la suite et auxquelles il faut être préparé pour en éviter les dangers.
La morale des cordicoles est toute fondée sur des principes arbitraires, leur honneur
n’est pas l’honneur, leur décence est une fausse décence, et tout leur mérite, toute la
bienséance de leur état consistent dans la dissimulation et le travestissement des
sentiments naturels qu’un devoir chimérique leur prescrit de transgresser et de vaincre,
et qu’avec tous leurs efforts, ils ne sauraient anéantir.
Imbus de ces principes, ils se trouvent au sortir de l’Université dans les bras d’inconnus
auquel ils apprennent que leur destinée est unie par des liens contractuels et toujours
révocables. La victime est immolée aux désirs qui, par les droits universels de cuissage,
qu’ils nomment autonomie, déchirent le voile que la décence et la délicatesse d’un
amour respectueux et tendre ordonnaient d’écarter imperceptiblement et avec une
timide défiance.
Alors le tumulte des désirs et l’incertitude des principes deviennent également grands.
Jetés dans un monde dont ils ignorent les dangers, à qui obéiront les cordicoles
abandonnés à eux-mêmes ou livrés à un dispositif pervers qui exige comme devoir ce
que le cœur peut seul accorder à l’amant soumis qui sait toucher ? Comment s’y
prendront-ils pour démêler ce qui est de l’essence de la vertu et de l’honneur d’avec les
préceptes de ces devoirs imaginaires dont on a bercé leur enfance ?
Reconnaissant bientôt la futilité de ces derniers, ne risqueront-ils pas d’étendre le
mépris qui leur est dû jusqu’aux vertus les plus indispensables ? A force d’avoir senti les
entraves, ils ne connaîtront plus de bornes ; et confondant les devoirs réels avec des
pratiques arbitraires, ou substituant ces dernières aux premiers, ils se trouveront perdus
avant que d’avoir pu faire la première réflexion sensée.
Ce n’est point l’attachement aux choses de ce monde qui les détournent de la dévotion,
c’est leur malheur. Ils semblent démentir Monsieur de la Rochefoucauld tant leurs
palabres interminables semblent indiquer que le cœur est souvent la dupe d’un esprit
réglé ou non.
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Les cordicoles passent si subitement de la plus grande véhémence à la plus grande
indifférence qu’il est aisé de démêler que, si leur âme s’émeut aisément, elle est bien
rarement affectée. Cette impétuosité donne à leurs actions un air de sentiment et de
passion qui plaît infiniment au commun du monde. Chacun croit leur inspirer un intérêt
fort vif, et ils ont acquis autant d’amis par cette qualité que par celles qui sont vraiment
aimables et estimables mais qu’il est difficile d’atteindre. Ils sont toujours sensibles à
ce genre de succès, empressés à plaire, insoumis au discernement. Ils sont exempts
des passions qui troublent la paix de l’âme, ambition, intérêt, envie, mais sujets à la
seule dépression. Ce qu’ils veulent : qu’on écoute et qu’on fasse droit au tintamarre de
leurs fantasmes sans placer de bornes ni écouter personne face à la liquéfaction de leur
ego.
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51
Crowley Aleister
Aleister Crowley se faisait appeler la Bête, il termina dans une pension de famille du
sud de l’Angleterre, petit retraité appointé au Welfare State, survivant dans les
méandres d’un Empire en décomposition dont il avait fréquenté les pépinières. Son père
avait fait fortune dans la brasserie, délivrant son élixir aux masses ouvrières pour mieux
les clouer aux poteaux d’évangile de l’armée du salut et des ligues pour la tempérance.
Il eut la bonne idée de mourir pour que son fainéant de fils, inscrit au Trinity College de
Cambridge, hérite de quoi dilapider la vie par les 36 orifices.
On le dit parti en initiation auprès des supérieurs inconnus que ses collègues de la
Golden Dawn lui présentèrent un soir dans le crépuscule du bois de Boulogne. On le
prétendit en mission auprès des yogis indiens, des moines tibétains de l’Agartha, dans
les lisières du loch ness où il accumula les cadavres et les brusques accès de folie. Le
mage traçait des pentagrammes et dilapidait son sperme, conduisait ses maîtresses à
l’asile, à la perdition, à la misère mais c’était toujours l’effet de son éveil, de son
initiation à la loi démoniaque que son père lui avait enfoncé dans le crâne à coups de
louanges quotidiennes à Jésus, de sévérité calviniste, de dédain des joies du monde, de
mépris envers le hasard des dés et des cartes.
Même quand il en vint à tapiner auprès du contre-espionnage allemand en Mata-Hari
luciférienne, il entretenait son aura de mage et de messie, groupant autour de ses
temples, tapissés de dessins obscènes tracés d’une main d’enfant, des disciples qui
s’impatientaient en trépignant devant le dernier rite, l’accouplement avec un bouc, venu
de la porte de l’enfer par le chemin des voies ferrées et des télégrammes. S’il avait pris
connaissance de ses gribouillis de grottes où des hommes enculent toutes sortes de
prédateurs ou se font sucer par des chiens, nul doute que celui qui n’avait pas Aleister
pour nom de baptême, aurait tenté la chose et ses illuminés l’auraient suivi, avec
délectation vers ce qu’ils nomment le chemin des mystères et qui n’est jamais que celui
de leur descente vers l’animalité. Mais une animalité de contrebande, bouffonne, vorace
et pitoyablement cruelle. Aleister Crowley voulait réformer le monde en Mahomet des
gnostiques, en bacille spirituel, il ne réussit qu’à affoler les paroissiens de l’église
sicilienne de Cefalù, où ses femelles s’exposaient, nues, les bras en croix face à la mer,
en guise de pénitence.
Mussolini ne l’expulsa pas comme on chasse un prophète mais à la manière dont on
prend congé d’un locataire un peu trop bruyant et exhibitionniste. Ce forcené de la
biroute, hiérophante d’une Vénus vérolée, Héliogabale d’une Angleterre victorienne
incapable d’imaginer les plaisirs autrement que sous le masque du Baphomet, s’en alla
à Paris, écumant les cercles de jeux où s’assemblaient ses compatriotes et vivant de sa
petite gloire quand les journaux à court de marronniers et de fracas financiers ou de
déroutes parlementaires en remettaient une louche sur ces gens étranges qui font la
nique aux surréalistes en éteignant des bougies à la seule force du poignet.
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Des imbéciles l’ont comparé à Hitler mais le petit caporal était le tambour et l’aimant
d’une Allemagne en furie, l’hôte clandestin de tous les complots, le nœud des énergies,
le mage soulevant son peuple jusqu’à le sacrifier, tout entier, sur l’autel d’un destin qui
avait le cimetière pour terminus, quand Aleister Crowley était la rêverie bourgeoise d’un
Samuel Smiles converti au spiritisme et au tantrisme du Chabanais. Il était l’autre face
des Public Schools dont Jack l’éventreur avait dévoilé quelques fragments mais sans
jamais se faire connaître. Finalement, le véritable hermétiste était un assassin qu’on
avait pris, un temps, pour un boucher.
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Corinne et Sophie
Le Conseil constitutionnel a entrepris mardi d'examiner la possibilité d'autoriser le
mariage homosexuel par l'audition des avocats des associations qui y sont favorables,
avant de rendre sa décision le 28 janvier. Les "Sages" ont été saisis à la mi-novembre
par la Cour de cassation d'une question prioritaire de constitutionnalité (QPC)
concernant les articles 75 et 144 du Code civil qui excluent le mariage de personnes du
même sexe. Les QPC, introduites dans la Constitution par la révision de juillet 2008,
permettent à un justiciable de saisir le Conseil constitutionnel par le biais d'une action
en justice. C'est un couple de femmes vivant en province avec quatre enfants qui est à
l'origine de cette procédure.
Elles disent se battre pour leurs enfants... Des petits, Corinne Cestino et Sophie
Hasslauer, la quarantaine, en couple depuis 13 ans, en ont quatre, dont trois qu'elles
ont eus "ensemble". L'un est né d'une première union de l'une des deux, les trois autres
furent conçus par insémination artificielle en Belgique selon un principe savant de
rotation utérine. L'une a ainsi porté deux des trois garçons, l'autre un. Et c'est un peu en
leur nom qu'elles demandent à la justice de leur donner le droit de se marier,
expliquent-elles. Ils ont aujourd'hui 6 à 10 ans, et forment une famille nombreuse avec
une fille de 16 ans.
Installées dans un village près de Reims, et conseillées par l'avocat Emmanuel
Ludot, "Elles ne sont pas dans un esprit militant ou politique", précise ce dernier, à
propos de Corinne et Sophie, qui luttent, pourtant, pour le mariage homosexuel depuis
six ans. "On voulait faire des enfants toutes les deux. Et on voulait toutes les deux en
porter", explique Corinne dans un reportage tourné par TF1 en août 2010. Corinne est
pédiatre, Sophie est professEure d'anglais, elles ont toutes deux exclu l’intercession
d’un homme en chair et en os, préférant la banque publique de sperme. "Cette famille
est bien acceptée dans le village où elles vivent, où d'ailleurs ceux qui les connaissent
sont d'accord pour le mariage homosexuel", précise Me Emmanuel Ludot à l'Union, en
septembre. On apprend donc qu’on ne leur jette pas des pierres et que les habitués de
la maison les soutiennent dans leur lutte.
Corinne et Sophie, qui ne sont pas militantes, se sont vu refuser un mariage par leur
maire ultra-réactionnaire et sans doute homophobe, il y a six ans, racontent-elle à TF1.
Elles se sont alors lancées dans une nouvelle procédure. Car la procédure, ça maintient
la luttE. Elles ont saisi le tribunal de grande instance de Reims, qui a transmis la
requête à la Cour de cassation, laquelle a demandé au Conseil constitutionnel de se
prononcer sur cette question prioritaire de constitutionnalité.
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"Elles veulent se marier parce qu'elles considèrent que c'est l'outil indispensable pour
construire une famille", insiste Me Emmanuel Ludot, pour lequel le mariage homosexuel
reste mal accepté dans l'opinion et dans les partis, ce qui est tout à fait
discriminatoire. "Elles vivent une vie calme, rangée et discrète", renchérit-il dans l'Union,
d’ailleurs tous ceux qui sont calmes et rangés dans leur vie en appellent à TF1 : pour
elles, se montrer serait le seul moyen de "faire avancer les choses" selon l’adage des
lutteurs cordicoles dont le mimétisme avec les ours béarnais d’antan confine au génie.
"Notre démarche est absolument personnelle, et pas du tout en relation avec une
quelconque association", ont précisé les deux femmes devant le Conseil constitutionnel,
un peu agacées par la présence des associations SOS Homophobie et l'Association des
parents et futurs parents gays et lesbiens (APGL) qui ont décidé de vraiment les heurter
en les accompagnant devant le Conseil Constitutionnel dans leur démarche personnelle
médiatiquement et associativement assistée.
"Cet enfant, il existe parce que j'existe. Je ne l'ai pas fait mais c'est comme pour
n'importe quel couple stérile, explique l'une des femmes sur Europe 1 inscrivant dans le
marbre des droits de l’homme, celui à la stérilité opposable en attendant celui à la
reproduction clonée. Il m'appelle 'maman' mais je ne suis rien pour lui" car l’existence
commence par son inscription sur l’état-civil, statopathie quand tu nous tiens. Au-delà
de leur statut juridique, les concubines soulignent que leur situation n'est pas facile à
vivre pour leurs enfants, notamment à l'école, ce qui tient au seul maintien de préjugés
millénaires colportés par le judéo-christianisme culpabilisateur.
Les associations craignent cependant que le Conseil constitutionnel ne renvoie la balle
au Parlement, comme il l'avait fait sur l'homoparentalité, car il est tout à fait exclu
qu’une représentation quelconque du peuple se prononce sur une question qui est déjà
résolue. L’avocat du couple, Me Ludot, utilisera des chemins détournés et défendra «la
liberté de contracter» entre deux adultes, car la famille, les enfants, la parentalité,
relèvent des seuls liens contractuels garantis par le droit, le marché et la technoscience.
L’avocate Caroline Mécary, plus politique et moins larmoyante, représentera à
l’audience l’Association des parents et futurs parents gays et lesbiens ainsi
que SOS Homophobie. Elle a choisi l’argumentaire laïc : « Je vais surtout invoquer le
principe d’égalité de traitement, protégé par l’article premier de la Constitution. C’est
simple : à situations similaires doit correspondre un traitement juridique similaire. Or,
rien dans la situation de fait d’un couple homo ne diffère de celle d’un couple hétéro […]
La reproduction n’est pas une condition de validité du mariage, sinon les ménopausées,
les personnes infertiles ne pourraient pas se marier ! Et, de plus, des enfants, les
couples homosexuels en ont. Or, aujourd’hui encore, l’homosexualité demeure un
obstacle au mariage, de manière injustifiée. D’autant que le pacs n’offre pas la même
protection »
Le Post/ Le Monde/ Libération/ BAM
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Corps (à vendre)
Le professeur Frydman a utilisé des ovocytes congelés -c'est interdit en France- pour
donner naissance à des jumeaux. Il reçoit ce dimanche, dans Le JDD, le soutien du
docteur Jean Leonetti, député UMP et rapporteur de la mission d'information
parlementaire sur la révision de ces lois, sur deux points précis :
- la recherche sur les embryons non destinés à naître,
- la congélation des ovocytes qui permet aux femmes ayant subi un traitement contre
le cancer de préserver leur fécondité.
De plus, il évoque la congélation de confort, pour les femmes soucieuses d'arrêter leur
horloge biologique qui voudraient mettre « au frais » leurs ovocytes, pour le jour où
elles seront prêtes à avoir un enfant :
« Les femmes ont des enfants plus tard, c'est une réalité sociologique. Elles ont gagné
dix ans d'espérance de vie, dix ans de vie en bonne santé, mais leurs ovaires
vieillissent aussi vite que par le passé. Je ne suis pas opposé à cette pratique à
condition qu'elle ne soit pas remboursée par la Sécurité sociale et qu'on mette une
limite d'âge (45 ans par exemple) pour l'utilisation de ces ovaires. » « Il faut en finir
avec l'obscurantisme », déclare donc celui qui fait partie des pressentis au ministère
de la Santé. Il n'avait pourtant pas fait preuve d'une grande ouverture d'esprit lors des
travaux de la mission, se montrant opposé à pratiquement toutes les avancées
possibles :
- ouverture des procréations médicalement assistées (PMA) aux femmes célibataires
et aux homosexuel(le)s,
- gestation pour autrui (mères porteuses),
- doubles dons d'embryons (PMA faite avec du sperme et des ovocytes de donneurs),
-levée de l'anonymat pour les donneurs de gamètes
Pour Jacques Testard, pionnier des bébés éprouvettes : « Les décisions législatives
résultant de ces débats sont prises par les élus. Or, ces derniers consultent
essentiellement les scientifiques qui sont directement concernés par ces nouvelles
techniques et qui trouvent un intérêt à leur développement. Sachez donc que les
professionnels de l'assistance médicale à la procréation ont organisé une réunion au
mois d'octobre 2008 afin d'élaborer une position commune aux biologistes et aux
gynécologues. L'objectif ultime de cette réunion consiste à pouvoir influencer plus
efficacement l'orientation des lois bioéthiques dans le sens qui convient à ces
professionnels. »
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Rue89 : La France est un des pays les plus restrictifs et légalistes en matière de
PMA. Pourquoi ?
Dominique Mehl (sociologue, directrice de recherches au CNRS) : Si l'on
est stérile ou infertile, il n'y a pas en France d'espace de liberté sur comment on fait
une famille. C'est l'Etat qui fixe qui a le droit à la PMA, et comment. On estime que la
filiation et l'organisation de la parentalité relèvent de l'intérêt général. Le droit
anglo-saxon, lui, reconnaît le contrat, les accords entre les gens dans ces domaines,
de l'adoption à la gestation pour autrui. En Angleterre, on ne fixe pas de règle de
conjugalité comme en France (couple stable hétéro). Le médecin regarde juste si c'est
médicalement possible. De plus, il y a en France une grande réticence à reconnaître
que la famille peut être multiple, qu'il peut y avoir plusieurs pères, plusieurs mères,
des parents du même sexe, des beaux-parents, etc. La première loi de bioéthique, en
1994, a moulé la famille PMA sur la famille naturelle, évacuant les donneurs de la
photo.
Note de BAM : Dans le dogme festiviste, la famille est un contrat, elle
n’est pas liée à la quadriplicité (père/mère ; parents/enfants) mais à un
agencement conjoncturel. De plus, elle se soutient des avancées
technologiques, l’homme est un cyborg en attente, non la résultante
d’une lignée qui se perd dans la nuit des temps. Le nom n’est rien, tout
est toujours recommencement.
La société française résiste aux évolutions ?
Les enquêtes montrent qu'aujourd'hui une majorité de Français sont favorables tant à
l'homoparentalité qu'à la gestation pour autrui. Mais comme au moment du Pacs, le
débat public se fait sous une double influence : religieuse et psy. Le catholicisme ne
gouverne plus les comportements des croyants, mais il influence encore fortement
l'establishment juridique et politique. On assiste à une sorte de transvasement de la
doctrine catholique vers la doctrine psy, des positions morales religieuses vers la
rhétorique psy. Les personnalités les plus en vue ont des positions très
conservatrices. Pour eux, la filiation n'est pas une construction de la société, mais la
réalisation d'un couple procréateur. Avec de nouveaux mots, ils reprennent une
argumentation totalement morale défendant les fondements de la famille
traditionnelle.
Note de BAM : Dans le dogme festiviste, il n’y a qu’un ennemi, le
catholicisme dont le vigilant poursuit les doubles (psys, morale, couple
procréateur). Il ne faut pas seulement que le catholicisme soit un Musée,
il faut qu’il adopte cette sorte de religion qui ne connaît aucune
profanation et rend sacré tout ce qui arrive et se fait, ce qui est
médicalement, technologiquement, industriellement possible. Car
l’homme est de part en part une construction sociale, un mythe sans
fondement. Ce qui est le propre de l’humain c’est sa malléabilité, son
caractère sécable. On peut le combiner et le vendre par appartements,
cela s’appelle la liberté.
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Y a-t-il sur ces questions une gauche libérale et une droite conservatrice ?
Non. Sur l'anonymat des dons et sur les mères porteuses, la gauche est extrêmement
divisée, avec notamment chez les Verts et au PS l'influence très importante de
certaines féministes, qui s'opposent à la gestation pour autrui. A droite, il y a des
personnalités comme Nadine Morano, favorable aux mères porteuses, ou Valérie
Pécresse, qui avait évoqué la possibilité d'un don non-anonyme. Dans les deux cas, on
brandit les menaces de marchandisation du corps humain, surtout féminin, de
trafics, de chaos psychanalytique.
Note de BAM : Dans le dogme festiviste, la marchandisation du corps
humain qu’il promeut est un mythe car le festivisme est une religion qui
n’admet dans les faits que la propriété (définie comme un droit d’user et
d’abuser) mais prétend se situer, dans les discours, dans une logique du
don et de la réciprocité.
Cette question de la gratuité est centrale en France. N'est-ce pas une bonne chose ?
La gratuité des dons est vécue comme quelque chose de positif : une garantie par
l'opinion publique. Mais on s'en sert pour fermer la porte à la gestation pour autrui et
même au dédommagement du don d'ovocytes. Pour les mères porteuses, la question
a été posée par des élues : et si c'était gratuit ? Encadré dans quelques centres, pour
des femmes souffrant de pathologies précises. Ça a été refusé. La marchandisation
n'est donc pas le problème.
Note de BAM : Dans le dogme festiviste, le raisonnement est banni.
Domique Mehl, défend la gestation pour autrui et les ventes de gamètes
et d’ovocytes sans aucune limite sinon celle des libres contrats mais
prend prétexte de ce que ses adversaires refusent de mettre le doigt dans
l’engrenage pour balayer, d’un revers de main, leurs arguments.
Comment expliquer que la gestation pour autrui déclenche autant de passions chez
nous ?
En France, on est dans l'« empire du ventre », pour reprendre le titre d'un livre de
Marcela Iacub : l'épanouissement de la grossesse, de la femme enceinte, le bonheur
de la mise au monde, etc. L'argument des opposants les plus féroces, c'est
l'instrumentalisation du corps de la femme : ils brandissent l'épouvantail américain
des agences, de la concurrence, des trafics et ventes en tout genre. Mais personne ne
parle de l'Angleterre, où la pratique est très encadrée. Pour justifier son refus de la
gestation pour autrui, un grand ponte de la PMA m'a dit : « Moi, mon métier, c'est de
poser l'enfant sur le ventre de sa mère. » On est dans la perception personnelle et
passionnelle. Les couples concernés, eux, n'arrivent pas à se faire comprendre ni
entendre.
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Note de BAM : Dans le dogme festiviste, il y a déconnexion entre le désir
d’enfant et la division sexuelle homme/femme, matrice de tout
enfantement jusqu’ici. Le désir d’enfant doit être reconnu, la division
sexuelle bannie à terme. C’est le sens de la dilection de la même Marcela
Iacub pour la mise au point d’un utérus artificiel.
Donc tout se passe à l'étranger, et ça marche. Alors où est le problème ?
Je pense que si les lois sont reconduites telles quelles, cela va générer des pratiques
illégales en France car tout le monde n'a pas les moyens d'aller en Californie ou en
Inde chercher une mère porteuse. Cela pousse aussi les moins riches à se rendre dans
des pays où l'on peut faire à peu près n'importe quoi, médicalement et éthiquement
parlant.
Note de BAM : Dans le dogme festiviste, il est nécessaire d’adopter un
vocabulaire de lutte des classes et de placer son combat sur la scène de la
démocratisation (comme processus illimité) afin d’indiquer le chemin de
l’envie à tous ceux qui n’ont pas encore adopté les rites collectifs de la
nouvelle religion
On voit sur les forums et dans les enquêtes une grande amertume des jeunes
quadragénaires, qui s'estiment laissées pour compte du système.
Elles ont raison. La législation ne s'est pas adaptée aux évolutions de la société. Ni
aux remises en couple tardives ni à la solubilité des couples. Il y a de plus en plus de
femmes qui, passé 35 ans, ne sont pas dans un couple stable et veulent malgré tout
fonder une famille -comme le dit Guillemette Faure, auteure d'un livre sur le sujet : «
Inverser l'ordre, faire un enfant d'abord et ensuite trouver le père. » En France, une
femme célibataire a le droit d'adopter, mais pas d'avoir recours à la PMA. Les
restrictions sont particulièrement injustes pour ces femmes seules et pour toutes
celles, en couple ou non, approchant la quarantaine et qui souffrent d'insuffisance
ovarienne. Ces femmes-là n'ont pas d'autre choix que d'aller à l'étranger.
Note de BAM : Le cœur de cible du festivisme est l’executive woman et le
couple homosexuel. C’est là le noyau dur d’un mouvement auquel il faut
agréger des cercles de plus en larges dans l’opinion.
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Vous êtes favorable à une totale liberté d'utiliser la médecine pour procréer ?
Je pense que ce n'est pas à la loi ou à la collectivité de fixer les règles pour devenir
parent. Toutes ces positions idéologiques et théoriques sont alimentées par la
croyance que le devenir psychologique de l'enfant dépend du type de parentalité dans
laquelle il est né ou a été élevé.
Note de BAM : Dans le dogme festiviste, la quadriplicité est une
construction mythique, dès lors, elle n’existe pas. Dans le cadre de ce
fantasme pervers, le vocabulaire libertaire masque mal une envie
déchirante de tutelle technologique marchande et étatique nécessaire
pour briser ce qui résiste et qui, comme les spectres, ne cesse de hanter la
bonne conscience du cyborg à venir.
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Corps féminin (comment se refaire un)
Le marché de la chirurgie esthétique ne s’est jamais aussi bien porté en France. Une
étude de Xerfi estime que ces actes augmenteront de 2% par an d’ici 2015, tandis que
les traitements non invasifs (toxine botulique par exemple) progresseront de 12% par
an. Le phénomène est mondial : la croissance annuelle du marché de l’esthétique
médicale devrait être de 10% et atteindre 7,1 milliards d’euros entre 2013 et 2017.
Alors que les mammoplasties verront leur progression s’essouffler, d’autres secteurs
plus lucratifs prennent déjà le relais.
Les lèvres
Les bouches pulpeuses sont à la mode. Pour les obtenir, les Américaines préfèrent désormais avoir
recours à la chirurgie plutôt qu’aux injections. Temporaires, celles-ci sont à renouveler tous les six
mois alors que les implants en silicone sont permanents. Insérés sous anesthésie locale, ils évitent les
irrégularités de surface. Un chirurgien américain confirme l’engouement de ses patientes pour ce
nouvel acte invasif : il en pratique trois par mois désormais, contre zéro les années précédentes. Une
opération qu’il facture entre 4 500 et 6 500 dollars (3 500 et 5 000 euros).
Les aisselles
Certaines stars hollywoodiennes n’hésitent pas à se faire injecter de la toxine botulique dans les
aisselles afin de s’assurer de ne pas transpirer lors d’événements importants, comme la remise des
Oscars. Coût : entre 600 et 1 000 dollars (465 et 780 euros) : 93% des femmes affirmeraient, d’après
une étude menée par Dove, que leurs aisselles ne sont pas attirantes. Pour convaincre les 7% restants,
Dove a lancé en 2011 Dove Beauty Finish, un déodorant dont la promesse était d’obtenir de jolies
aisselles hydratées et sublimées. « On sait toutes comment mettre en valeur nos cheveux, notre
silhouette, nos jambes. Et nos aisselles ? Nos aisselles aussi ont le droit d’être belles » affirmait la
publicité.
Les bras
Les Américaines sont de plus en plus nombreuses à rêver de bras fuselés, quitte à passer sur la table
d’opération pour y parvenir. Les interventions sur cette partie du corps, liposuccion ou lifting, ont ainsi
augmenté de plus de 4% depuis 2000, avec 15 000 femmes opérées l’an dernier, selon un rapport de
l’Association américaine des chirurgiens esthétiques (ASPS). Un rêve qui a un coût : entre 6 000 et
10 000 dollars (4 660 et 7 760 euros) pour une liposuccion, et entre 9 000 et 12 000 dollars (7 000 et
9 300 euros) pour un lifting.
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Les seins
Même si l’augmentation mammaire reste l’acte de chirurgie esthétique le plus pratiqué en France,
d’après une étude menée en 2011, sa croissance risque de s’essouffler, notamment à cause
des scandales récents liés aux prothèses PIP. Les chirurgiens pourront néanmoins tabler sur une
nouvelle tendance vulgaire venue du Royaume-Uni, le « titooing », tatouage des mamelons à des fins
prétendument esthétiques. La pratique fait actuellement fureur, notamment auprès des jeunes femmes
de 18 à 25 ans. L’opération sous anesthésie locale consiste à foncer et mieux définir l’aréole des seins
jugée trop rose et source de complexes pour de nombreuses femmes.
Gail Proudman, médecin indépendant dans une clinique, explique : « Beaucoup de femmes souhaitent
avoir des mamelons foncés. C’est la mode. Certaines les trouvent trop roses ou pensent que cela ferait
plaisir à leur petit ami. En feuilletant les magazines, elles subissent malheureusement la pression de
leurs pairs. Ces femmes se font donc opérer pour pouvoir être seins nus sans complexer. »
La procédure, autrefois réservée aux cas de chirurgie reconstructrice, a désormais envahi le terrain
purement esthétique. D’un coût de 1 900 dollars (1 480 euros), elle dure de douze à dix-huit mois.
Vagin et vulve
Le vagin et la vulve sont désormais soumis aux mêmes diktats esthétiques que le visage. Des produits
blanchissants aux crèmes rajeunissantes, rien n’a été oublié dans cette course effrénée vers le sous-sol.
En cinq ans, le nombre d’interventions pour réduire les grandes ou petites lèvres a été multiplié par
cinq dans les hôpitaux britanniques toujours à la pointe de la déréliction cool. Dans un article du
British Medical Journal de mai 2007, le psychologue Lih Mei Liao et la gynécologue Sara M.
Creighton résumaient ainsi les demandes des patientes :
« Elles veulent que leur vulve soit plate, sans aucune protrusion en dehors des grandes lèvres...
Certaines femmes ont apporté pour illustrer l’apparence souhaitée des images provenant
habituellement de photographies publicitaires ou pornographiques, qui peuvent avoir été retouchées
par un procédé numérique. »
L’opération, qui consiste à diminuer la taille des petites lèvres et à améliorer l’apparence des organes
génitaux, coûte environ 5 000 dollars (3 890 euros).
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Les cuisses
Le « thigh gap » est devenu la nouvelle obsession minceur des jeunes filles sur le Net et son symbole,
après les côtes saillantes et les salières apparentes. Cette scène d’exposition au regard de tous se
résume à quelques centimètres de vide : l’écart entre les cuisses, celles-ci ne devant absolument pas se
toucher une fois debout. Depuis quelques mois, les jeunes femmes inondent Twitter et Facebook de
photos d’inconnues et de célébrités arborant le fameux « gap » si convoité. Et en profitent pour
échanger de précieux conseils afin d’atteindre ce nouvel idéal esthétique : régimes, exercices de
musculation, massages. Une clinique londonienne témoigne de cette nouvelle lubie et affirme que les
demandes de liporéduction dans les cuisses ont augmenté de 240%. La « lipoglaze », cette technique
non invasive qui consiste à geler les cellules graisseuses afin de le faire disparaître, cartonne. Un
business juteux quand on sait que le prix d’une séance oscille entre 900 et 1 500 dollars (700 et
1 170 euros).
Les pieds
Le « Loub job » (abréviation de « Louboutin ») fait désormais fureur au Royaume-Uni. Une opération
qui consiste à injecter du collagène (ou sa propre graisse) dans le talon et les coussinets des pieds afin
de rendre le port des stilettos plus agréable. Symbole de ce succès, les demandes de « Loub jobs »
ont augmenté de 21% en 2011. L’intervention, qui coûte 550 dollars, doit être renouvelée tous les six
mois.
Rue 89 / BAM
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Crise (la)
Après qu’on a dépassé Villeneuve-Saint-Georges, en direction de Melun, on se retrouve
en lisière de la forêt de Sénart. A chaque entrée ou presque, à l’orée du sous-bois, des
jeunes femmes fluo plutôt minces et des voitures et des camions garés. Leur silhouette
ressemble à celle des lycéennes voire à celle des collégiennes, des filles de l’Est, pas
une seule africaine, l’antithèse de certaines avenues du bois de Vincennes avec leurs
camionnettes détrempées et ces gitans bulgares qui, de bon matin, sortent prendre l’air
près du chantier du zoo en pissant et en chiant où ils peuvent avant de partir faire la
tournée des poubelles.
Il s’est passé quelque chose en France. Il y avait des pauvres, désormais la misère s’est
invitée.
Des types attendent derrière d’autres poubelles, ce ne sont pas des gitans, ce sont des
gens d’ailleurs mais pas des gitans, ils viennent têter le rêve européen, le rêve français,
le cauchemar climatisé. Ils attendent qu’on jette le surplus puis ils iront vendre ce qui
peut l’être Boulevard Barbès. Les clients ne se demandent pas si c’est de la viande de
cheval dans les lasagnes, ils regardent le prix, ils ont les yeux et les neurones fixés sur le
prix. Les dates de péremption, connais pas.
Toi, tu te demandes si tu seras éligible chez SFR, que t’as choisi pour ses trois lettres,
pour son radical, pour les sefirot. Tu regardes tes remboursements de mutuelles, tu
t’inquiètes des plafonds. Des gars te disent, « c’est la crise », tu sais bien que tes
demandes sont virtuellement insatiables et qu’il faudra te restreindre mais bon, la crise
pour un valet contemporain du capital, et nous le sommes tous plus ou moins quand
nous sommes liés à la vie, intervient quand tu n’as plus accès au crédit, quand tu ne
peux plus mettre à gauche, quand tu n’as pas de cash, quand tu ne sais pas faire du
black et du gris ou quand tout ce cirque te fatigue. Tout le monde n’est pas malin, tout
le monde n’est pas moderne, tout le monde ne veut pas l’être.
A moins que tu refuses d’obtempérer mais cela aussi, on te le fera payer.
Porte de la Chapelle, entrée du périphérique. Si on s’attarde un peu on voit surgir de
nulle part le peuple des fumeurs de crack, un remake de Romero ou de Shawn of the
dead, entre inquiétude et comédie sociale. Ils ne savent plus les distances, ils n’ont plus
de regard, leurs phrases se perdent et ils rejoignent Saint-Denis, à pied, tous les soirs
jusqu’à la catatonie finale.
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Tu inscris ton enfant à l’école. Il y aura des cours de vivre-ensemble, la philosophie de
l’équipe n’est pas élitiste c’est un grand échalas de directeur qui te le dit, il a le visage
poupon du type qu’a jamais quitté l’école, jamais laissé sa défroque. Les cours finissent
à 15 h 45 et ensuite il y aura des activités, découverte de la nature, théâtre, échec,
macramé, papier crépon et tours de potier. La gauche aura réussi la mère des réformes,
la destruction méthodique de l’école publique qui n’est plus républicaine que pour la
forme et les discours.
Des mères de famille « de souche » dans un jardin d’enfants aménagé entre les quatre
murs d’un ancien verger. Au milieu, un homme perdu, l’air extatique, il trique dur dans
son pantalon simili-flanelle. Un rassemblement de blondeurs et de tâches de rousseur.
Les plus grosses des mères s’enfagotent dans des vêtements artistes ou néo-ruraux,
elles assument leurs seins tombants et leurs bourrelets. Elles ne sont pas
appétissantes, elles pachydermisent. Les autres piaillent, lunettes de soleil sur le nez,
un appendice, un organe de plus. Tous photophobes dans le coin. Parfois, elles jouent
l’insouciance, l’adulescence et se lancent des salopes, ou des madame la salope, elles
rient, les enfants jouent.
C’est ainsi que vivent les hommes avait dit le même poète qui avait proclamé la femme
est l’avenir de l’homme avant de tourner pédaleux.

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