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PRÉPAREZ VOTRE VISITE !
DOCUMENT D’AIDE
À LA VISITE POUR
LES RELAIS DU
CHAMP SOCIAL
LES COLLECTIONS CONTEMPORAINES
BIENVENUE AU CENTRE POMPIDOU !
CRÉDITS
Textes rédigés par Catherine Lascault
en couverture :
Martial Raysse, Made in Japan - La Grande Odalisque, 1969
Peinture acrylique, verre, mouche, passementerie en fibre
synthétique, sur photographie marouflée sur toile.
œuvres n° 1, 3, 7, 9, 13 et couverture :
Coll. Centre Pompidou / P. Migeat / Dist. RMN-GP
© Adagp, Paris 2012
œuvre n° 2 :
Coll. Centre Pompidou / A. Rzepka / Dist. RMN-GP
© Adagp, Paris 2012
œuvre n° 4, 8 :
Coll. Centre Pompidou / J. Hyde / Dist. RMN-GP
© Adagp, Paris 2012
œuvre n° 5 :
© Adagp, Paris 2012
2
œuvre n° 6 :
Coll. Centre Pompidou / J. Faujour / Dist. RMN-GP
© Marianne Filliou
œuvre n°10 :
© Visuel fourni par l’artiste / 12 écrans vidéo, photomontage
© droits réservés
œuvre n°11 :
Coll. Centre Pompidou / G. Meguerditchian /Dist. RMN-GP
© Yto Barrada
œuvre n°12 :
© Visuel fourni par l’artiste / Installation à Vienne
© droits réservés
© Centre Pompidou, Direction des publics, Service du développement
des publics et Service de l’information des publics et de la médiation,
2012
SOMMAIRE
BIENVENUE AU CENTRE POMPIDOU !
pages 4 à 5 : bienvenue
pages 6 à 7 : repères | le Centre Pompidou et son quartier
page 8 : repères | quelques pistes sur l’histoire
des arts du 20e siècle
pages 9 à 21 : treize œuvres à découvrir
page 22 : en dehors des sentiers battus
page 23 : pour en savoir plus
page 24 : localisation des œuvres au niveau 4
3
BIENVENUE
UN LIEU DE CULTURE OUVERT À TOUS
Le Centre Pompidou a, depuis sa création en 1977,
la volonté d’accueillir tous les publics et de rendre la
culture accessible à chacun. Nous vous y souhaitons
donc la bienvenue !
Communication. Celle-ci vise à initier des formes
d’accueil et de médiation innovantes à destination
des publics qui ne fréquentent pas habituellement
les institutions culturelles.
Depuis 2004, le Centre Pompidou s’est engagé, avec
une vingtaine d’autres établissements culturels
nationaux, dans la mission « Vivre ensemble »,
lancée par le ministère de la Culture et de la
Le Centre Pompidou propose ainsi une tarification
adaptée, ainsi qu’un accompagnement spécifique
aux travailleurs sociaux, professionnels et
bénévoles, tout au long de l’organisation de leurs
visites.
PRÉPAREZ VOTRE VISITE
Dans le cadre de ce partenariat avec vous, « relais
culturels » du champ social, nous souhaitons que
vos futures visites de groupes vous donnent entière
satisfaction afin de mener à bien cette mission qui
nous est chère : échanger, partager, découvrir et
s’épanouir par le biais de l’art et de la culture.
Dans cet objectif, nous avons conçu ce dossier d’aide
à la visite en prenant en compte un ensemble de
suggestions recueillies auprès de certains d’entre
vous.
Si vous souhaitez accompagner votre groupe de
façon autonome, ce qui peut demander un certain
investissement de votre part, nous vous proposons
ce dossier afin de vous aider à préparer au mieux
votre visite. Vous y trouverez : une présentation du
Centre Pompidou, des repères dans les collections,
des éclairages sur une sélection d’œuvres, ainsi que
des ressources et des informations pratiques.
LES VISITES
VISITES-CONFÉRENCES
Le Centre Pompidou propose aux groupes du champ social des visites pour tous les âges, avec des
conférenciers et animateurs expérimentés, qui assurent une médiation adaptée, où l’échange et le partage
autour du ressenti sensible face aux œuvres ont une large place. Il peut s’agir de visites générales du musée
ou des expositions temporaires, de visites thématiques ou même de visites sur mesure, faisant écho à des
sujets intéressant votre groupe.
> Tarif : 30 € par groupe (25 pers. max.).
VISITES EN GROUPE AUTONOME
Si vous souhaitez accompagner votre groupe pour une visite autonome du Centre Pompidou, il est
nécessaire de suivre une visite-découverte proposée aux relais du champ social. Cela vous permettra de
bénéficier du droit de parole, c’est-à-dire du droit de vous adresser « en public » à votre groupe dans le
musée.
> Tarif : gratuit pour les publics du champ social.
COMMENT RÉSERVER ?
Contactez la cellule réservation au 01 44 78 12 57, de 9h30 à 13h, du lundi au vendredi.
Identifiez-vous comme « relais » du champ social afin de bénéficier des tarifs spécifiques. Nous vous
conseillons vivement de prévoir ces visites le plus tôt possible – trois semaines avant au minimum – pour
que l’on puisse vous donner satisfaction.
Vous recevrez votre bulletin de réservation par voie postale, avec l’autocollant « Droit de parole », ainsi
que les modalités de visite et de règlement.
4
BIENVENUE
À VOTRE ARRIVÉE
Orientez-vous vers la gauche et rendez-vous
à l’accueil des groupes pour présenter
votre bulletin de réservation et éventuellement
déposer vos effets personnels au vestiaire.
Vos sacs à dos et vêtements pourront être déposés
gratuitement dans un bac réservé à votre groupe.
Le bulletin de réservation vous sera demandé pour
passer les contrôles avant votre arrivée en salle.
Gardez-le précieusement tout au long de votre visite.
LE MUSÉE
EST OUVERT
TOUS LES
JOURS DE LA
SEMAINE DE
11 H À 21 H,
SAUF LE
MARDI
INFORMATIONS PRATIQUES
• Un plan du bâtiment dans son ensemble est présenté dans le dépliant « Bienvenue ». Vous le trouverez en
libre service au point information (accueil situé au centre du Forum).
• Chaque niveau est accessible par ascenseur, n’hésitez pas à demander aux agents d’accueil où ils sont
positionnés.
• Des toilettes sont accessibles à tous les étages du centre. Un pictogramme vous indique leur
emplacement.
• Des fauteuils roulants sont mis à votre disposition au vestiaire, des poussettes sont disponibles au 4e et
au 6e étage du bâtiment.
• Afin de préserver les œuvres, les sacs à dos doivent obligatoirement être déposés au vestiaire.
Nous vous souhaitons beaucoup de plaisir dans votre découverte et nous restons à votre disposition pour de
plus amples renseignements et pour la mise en place de vos projets de visites.
VOS CONTACTS DÉDIÉS
SERVICE DU DÉVELOPPEMENT DES PUBLICS :
Delphine Rabin : 01 44 78 14 37
Clara Canis : 01 44 78 45 65
[email protected]
Retrouvez toutes les activités proposées aux relais du champ social sur :
www.centrepompidou.fr/champsocial
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REPÈRES
LE CENTRE POMPIDOU ET SON QUARTIER
Vous êtes surpris par le bâtiment ?
À son ouverture, les journalistes l’ont qualifié de
« pompidosaure », de raffinerie. On attendait 5 000
personnes par jour, et il y en a aujourd’hui 17 000 en
moyenne. C’est le troisième bâtiment le plus visité
de France après le Louvre et la tour Eiffel.
Qui a pris l’initiative de le construire ?
C’est Georges Pompidou (Président de la République
de 1969 à 1974). En 1969, il écrit dans Le Monde :
« Je voudrais passionnément que Paris possède
un centre culturel qui soit à la fois un musée et un
centre de création où les arts plastiques
voisineraient avec la musique, le cinéma, les livres,
la recherche audiovisuelle, le design. » Telle est bien
l’ambition du Centre Pompidou.
PHOTO © G. MEGUERDITCHIAN
6
Nous sommes au cœur du Paris historique, à
proximité de la rue Saint-Martin, la plus ancienne de
Paris. Non loin des Halles, le Ventre de Paris dans
les années 1970.
Qu’y avait-il avant le Centre Pompidou ?
Un quartier insalubre, rasé dans les années 1930 et
transformé en terrain vague.
La Ville de Paris avait d’abord décidé d’y construire
une bibliothèque publique. Mais il y avait aussi
d’autres besoins : l’ancien musée national d’art
moderne au Palais de Tokyo, près du Trocadéro, était
trop petit et, dès 1964, André Malraux, alors ministre
de la Culture, voulait créer à la Défense un musée du
20e siècle et en confier la construction à l’architecte
Le Corbusier, décédé en 1965. Georges Pompidou a
alors réuni les deux projets : musée et bibliothèque.
REPÈRES
À ces deux organismes s’en sont ajoutés deux autres
qui allaient constituer les quatre départements du
projet Beaubourg appelé Centre national d’art et de
culture Georges Pompidou : le Centre de
création industrielle et l’Ircam. Le premier occupait
les salons du musée des Arts décoratifs. L’idée, qui
date d’avant la guerre de 1914, est que l’art
industriel fait partie intégrante de la création des
20e et 21e siècles. On associe aux artistes les
designers, les architectes et tous ceux qui contribuent
à créer les objets de la vie quotidienne. En 1909,
Marinetti affirmait, dans le Manifeste du Futurisme,
qu’une automobile rugissante était plus belle que la
Victoire de Samothrace, et donc qu’un objet
industriel était plus beau qu’une statue antique.
Le Centre Pompidou mesure 42 m de haut et,
du 6e niveau, la vue s’étend sur Paris et ses
monuments. Sa structure comprend 28 piliers dans
lesquels est enfilée la pièce maîtresse de chaque
étage, la gerberette. Le Centre Pompidou est
construit comme un immense pont suspendu. Ce
n’est pas une architecture de brique, mais une
architecture de verre, transparente ; pour les deux
architectes, la transparence est démocratique
car elle permet à tous de se rencontrer. C’est ce
qu’avaient demandé les commanditaires : un espace
libre et transformable. On a donc de gigantesques
plateaux qui ont une surface équivalente à deux
terrains de football (7 500 m²), sans murs fixes. Ce
sont des espaces, et non des pièces.
Le second organisme, l’Ircam (Institut de recherches
et de coordination acoustique-musique), se donnait
pour mission la recherche de nouveaux sons et de
nouveaux instruments de musique. Le projet
comportait également, conformément au désir du
Président, des salles de spectacle, des cinémas,
l’atelier des enfants ; en somme, le Centre Pompidou
allait être un lieu pluridisciplinaire ouvert à tous.
La façade arrière, sur la rue Beaubourg – rue du
Renard, laisse visible les tuyaux peints selon leur
fonction : bleu pour l’air, jaune pour l’électricité, vert
pour l’eau, le rouge étant réservé aux circulations,
c’est-à-dire aux ascenseurs et à la chenille qui
parcourt la façade du Centre Pompidou.
Il fallait, pour toutes ces activités, un bâtiment très
commode d’utilisation. Un concours d’architecture a
été lancé en 1971. Sur 681 projets, 30 ont été retenus.
Pour l’un avait été imaginée une gigantesque main
dont chaque doigt abriterait un organisme du Centre
Pompidou ; un autre, un œuf recouvert d’écailles
avec un escalier en colimaçon, un autre encore, une
série d’igloos reliés par des souterrains.
Le projet choisi est l’œuvre de deux architectes :
l’Italien Renzo Piano et l’Anglais Richard Rogers.
Pourquoi ce projet architectural plutôt
qu‘un autre ?
La construction a été rapide : commencé en 1972, le
Centre Pompidou ouvre le 2 février 1977, trois ans
après le décès de Georges Pompidou, son fondateur.
Peut-on lire dans ce bâtiment sa fonction
culturelle ?
Non. Dans l’esprit des architectes, le monde change
vite et l’édifice pouvait être amené à abriter d’autres
activités. Cependant, leur souhait était avant tout
de réaliser un centre culturel qui ne ressemble plus
à un temple de l’art et ce d’autant plus qu’il allait
accueillir, non des artistes passés à l‘immortalité,
mais des artistes vivants et la création au moment
même où elle se fait.
C’était en fait le seul qui respectait les 100 000 m²
de surface utile exigés dans le programme tout en
n’occupant que la moitié de la surface au sol
disponible, l’autre moitié étant aménagée en place
publique, la Piazza, libre pour des spectacles de rue.
Par ailleurs, son architecture correspondait bien à
l’air du temps (années high tech et loft).
7
REPÈRES
QUELQUES PISTES SUR L’HISTOIRE DES ARTS
AU 20E SIÈCLE
Au Centre Pompidou - Musée national d’art
moderne, les œuvres couvrent la période de 1905, le
début du fauvisme, à nos jours. La collection (toutes
disciplines : arts plastiques, photographie, nouveaux
médias, architecture, design, film) comprend plus
de 73 000 œuvres (de quelque 6 000 artistes), dont
environ 1 200 sont présentées par roulement sur
deux niveaux : l’art moderne au 5e niveau, de 1905 à
1960, l’art contemporain au 4e, de 1960 à nos jours.
L’art reflète l’état du monde et de la société qui le
produit : ses avancées culturelles, scientifiques
et techniques mais aussi les espoirs, les peurs,
les doutes, les guerres. Au début du 20e siècle, le
monde change, les mentalités s’émancipent, les
sciences, notamment la physique, se développent,
mais aussi les industries et les techniques.
L’invention de la photographie et du cinéma va
révolutionner les manières de voir et faire
concurrence aux peintres qui ne vont plus se
limiter à représenter le monde. Un tourbillon
d’avant-gardes se met en place.
Les Fauves, d’abord, font exploser la couleur dans
les paysages (Matisse, Vlaminck, Derain) ; en même
temps, les peintres expressionnistes allemands
expriment, avec des personnages violemment
colorés, des sentiments brutaux et, déjà, une
critique acerbe de leur société. Puis les cubistes,
à partir de 1907, traitent la nature par la sphère, le
cube et le cylindre ; ils déconstruisent les formes
et les font éclater en multiples facettes (Braque et
Picasso, notamment). Parallèlement, les futuristes
s’intéressent à la modernité, aux machines, au bruit,
à la vitesse. Mais une autre tendance, plus poétique
et plus libre se traduit par l’abstraction : Kupka et
Kandinsky autour de 1910 pour exprimer une vision
intérieure, puis Mondrian et Malevitch pour libérer la
peinture en faveur d’un art tout à fait nouveau.
8
Avec la guerre, l’absurdité du monde moderne fait
naître un mouvement aussi absurde que provocateur :
le dadaïsme avec les collages de mots et d’objets
de Raoul Hausmann ou de Tristan Tzara, auquel il
faut adjoindre Marcel Duchamp et ses ready-made,
qui remet en cause les musées et la notion d’œuvre.
Dans les années 1920, le mouvement surréaliste
(André Breton, Ernst, Dalí, Magritte) revient, quel
paradoxe ! à la figuration, mais pour mieux la
construire à partir du rêve et de l’inconscient.
Dans le monde de l’entre-deux-guerres, les
mouvements artistiques et les tendances se
multiplient dans toute l’Europe. À l’est, notamment,
on est fasciné par l’architecture et l’industrie, avec le
constructivisme russe (Rodtchenko), et le Bauhaus
allemand qui est une école d’arts appliqués créée
par Walter Gropius.
Avec la fin de la Seconde Guerre mondiale émerge
une nouvelle scène artistique qui va renouveler
entièrement la peinture : l’Amérique, Pollock et son
action painting, Newman, Rothko, avec leur grand
champ de couleur (color field…). Cette époque est
également marquée par la production industrielle et
par les nouveaux moyens de communication.
C’est l’influence de ces médias (publicité, télévision,
cinéma) qui inspire le pop art : Andy Warhol multiplie
les images populaires (Marilyn), Roy Liechtenstein
crée à partir de la bande dessinée. Le mouvement
du Nouveau réalisme s’intéresse au monde réel et à
sa poésie, au vide (Yves Klein), ou au plein (Arman,
César). La télévision, le cinéma, le mouvement des
images stimulent l’Op Art (Optical Art) : Vasarely,
Agam, Soto jouent sur le mouvement du
spectateur face à l’œuvre. Au même moment
naissent de nouveaux médias et la photographie
considérée comme de l’art à part entière. Citons
encore parmi les courants incontournables de ces
années-là : l’art conceptuel et l’art minimal aux
États-Unis, l’Arte povera en Italie. En même temps,
la prise de conscience de l’impact de l’homme sur
la nature est sensible dans le Land art (Richard
Long, Christo) et dans le mouvement Fluxus (Beuys,
Filliou).
Un aspect propre à la fin du 20e siècle consiste à
échapper aux formes traditionnelles de l’art :
tableaux et sculptures obéissent à des règles
précises qui ne correspondent plus à la volonté des
artistes contemporains ; pour faire éclater les
frontières entre l’art et la vie, certains préfèrent
proposer des installations éphémères (Buren,
Boltanski), ou même rapprocher arts plastiques,
théâtre et danse, comme les performances d’Orlan
ou de Yoko Ono. C’est aussi ce qui fait l’intérêt d’un
musée où ces actions peuvent être présentées
publiquement.
1. JEAN DUBUFFET
SALLE 6
Quelle porte ! Voulez-vous entrer ou préférez-vous
rester à l’extérieur ? Avez-vous déjà pénétré à
l’intérieur d’une œuvre d’art ? Qu’est-ce que cette pièce
évoque pour vous ? Un igloo ? L’intérieur du ventre d’une
baleine ? D’un corps ? Un jardin, peut-être ? Mais
pourquoi d’hiver ?
Dubuffet qui peint depuis 1947 fait, en téléphonant, de
petits dessins au bic rouge et bleu sur du papier blanc.
En 1962, il réutilise, en les agrandissant, ces formes
sinueuses et emboîtées qu’il appelle l’Hourloupe pour
créer des sculptures, des meubles, des environnements
et même un tableau animé (Coucou Bazar).
En entrant dans le jardin d’hiver, vous pénétrez dans une
grotte ; il n’y a pas de coupure ni de différence entre le
sol, les murs, le plafond ; aucune
surface n’est plane, il n’y a pas
d’angle droit, la surface est bosselée, cabossée. Les lignes noires
soulignent parfois les arêtes, parfois
elles sont en décalage. Vous êtes
dans un univers mouvant, sans
point de repère, sans certitude, sans
échelle. Vous êtes perdu, comme
dans un labyrinthe, et pourtant
l’espace est relativement petit :
un monde inconnu, nouveau,
instable, à déchiffrer, que Jean
Dubuffet qualifie de peinture en
trois dimensions.
C’est un jardin, mais il n’évoque pas directement la
nature. Peut-être pensez-vous à une cabane construite
par des enfants, à un abri pour se protéger des grandes
personnes.
Dubuffet dit : « J’aspire à un art qui soit directement
branché sur notre vie courante », ou encore : « L’art
doit un peu faire rire, et un peu faire pleurer ; tout sauf
ennuyer. »
Essayez de suivre une ligne noire
avec le doigt : elle n’a pas de fin, elle
ne dessine rien, et pourtant vous
pourrez y voir des choses selon votre
fantaisie.
JEAN DUBUFFET
Le Havre, 1901 - Paris,1985
Le Jardin d’hiver, 1968 - 1970
Environnement
Polyuréthane sur epoxy
5x10x6 m
9
2. ANDY WARHOL
ALLÉE CENTRALE
La connaissez-vous ? Est-elle toujours semblable ? Ces
visages expriment-ils un sentiment ? Donnent-ils une
impression de beauté ? Les actrices seraient-elles des
produits?
Andy Warhol a longtemps travaillé pour la publicité
(Vogue). Cet artiste américain est le plus célèbre
représentant du pop art. Les images qui l’inspirent sont
toujours des images populaires, qui parlent à tout le
monde. Répétées, standardisées, elles envahissent les
villes : ce sont des amoncellements de marchandises, ou
la prolifératon des billets de banque, qui caractérisent
l’Amérique et le monde moderne. Face à ces images
fortes, quelle est, alors, la place de l’artiste ?
Le portrait de Liz Taylor est tiré d’une photographie
réalisée pour la promotion d’un film de Mankiewicz. Le
grand format de la toile évoque un écran de cinéma ; en
noir et blanc, les dix visages sont reproduits mécaniquement
à la sérigraphie, technique qui utilise des écrans de soie.
Les portraits présentent de petites différences de lumière
et d’ombre ; ils se superposent légèrement, comme s’ils
étaient imprimés au tampon. Le visage est plus grand que
nature ; il finit par être impersonnel, et sa beauté
disparaît du fait de la répétition. Vu de près, on aperçoit le
grain de la toile.
ANDY WARHOL
Pittsburgh (U.S.A.), 1928 - New York (U.S.A.), 1987
Ten Lizes,1963
Encre sérigraphique et peinture à la bombe sur toile
201x564,5 cm
10
« Si vous voulez tout savoir sur Andy Warhol, vous n’avez
qu’à regarder la surface de mes peintures, de mes films,
de moi. Me voilà, il n’y a rien dessous », écrit-il dans
Ma philosophie de A à B.
Avec cette peinture, composée sur le modèle d’un
photogramme (l’image cinématographique est composée
de 24 photogrammes par seconde), Warhol s’achemine
vers le cinéma, qu’il va pratiquer peu de temps après la
réalisation de Ten Lizes.
3. LARRY RIVERS
LARRY RIVERS
New York (U.S.A.), 1923 - Southampton (U.S.A.), 2002
I like Olympia in Black Face (J’aime Olympia en Noire), 1970
Huile sur bois, toile plastifiée, plastique et plexiglas
182x194x100 cm
SALLE 8
À quoi cette œuvre vous fait-elle penser ? Que dire des
matériaux ? Regardez bien les yeux.
Sur deux lits superposés en plastique, les figures sont
découpées et répétées deux fois. Une femme noire et
une servante blanche portant des fleurs, et vice versa ;
un chat noir et un chat blanc. Ni tableau, ni sculpture,
sans cadre ni socle, l’œuvre est un assemblage bricolé,
un peu sale, en matériaux vulgaires. Mais elle reprend
un tableau célèbre : l’Olympia de Manet (1863) qui avait
fait scandale à l’époque. En 1970, dans le contexte de la
guerre du Vietnam, l’œuvre de Rivers est mal perçue : elle
n’a pas d’actualité. Pourtant elle parle de la ségrégation
des Noirs en Amérique, très violente. Ici le double couple
(maîtresse blanche / servante noire, et l’inverse) montre
l’arbitraire de cette ségrégation : un coup c’est toi, un
coup c’est moi. Saxophoniste de jazz et proche de Miles
Davis, Rivers connaissait bien ces réalités.
C’est aussi une œuvre qui parle de l’art, du musée et du
regard du spectateur. L’Olympia de Manet choquait parce
que la prostituée regardait fixement le spectateur ; ici
chacune des figures n’a qu’un œil, seul le chat en a deux.
Le bouquet de fleurs est dans un cercueil de plexiglas
transparent ; il évoque le cimetière (mort de l’art et des
artistes) mais aussi des reliques de Saints un peu
misérables.
« Les musées sont pour moi des lieux où les œuvres du
passé devenues mythiques, dorment, vivent d’une vie
historique, en attendant que les artistes les rappellent à
une existence réelle » a dit Pontus Hulten, qui a
notamment été le premier directeur du Musée national
d’art moderne.
11
4. YAACOV AGAM
SALLE 10
Est-ce un espace habitable ? Correspond-il au style
du Palais de l’Elysée ? Que se passe-t-il quand on se
déplace ?
Les murs de cette pièce de 34 m² ne sont pas des
surfaces planes, ils sont recouverts d’éléments colorés en
biseau, la moquette est assortie, le plafond en lamelles
inclinées est coloré du vert au violet. Au centre, une
sphère en acier poli reflète, comme un œil de poisson, la
pièce et les spectateurs. Elle est surmontée d’une
structure linéaire dont la forme se modifie selon l’angle
de vue. Rien n’est fixe dans ce décor abstrait ; les murs
semblent bouger et changer ; parfois, un mur apparaît
en noir et blanc, parfois des formes géométriques surgissent. Le changement des couleurs rappelle les
modifications de la lumière en 24 heures. C’est à la fois
un jeu et un plaisir des yeux, mais aussi un vertige qui
crée le déséquilibre ; l’œil ne parvient pas à se fixer, sauf
dans la sphère qui fonctionne comme un piège du regard.
On note qu’il s’agit d’une antichambre, d’un lieu où l’on
passe, sans s’arrêter longtemps.
Dans les années 1970, l’Op Art et l’art cinétique ont
exploré les différentes manières de créer le mouvement
ou son illusion : l’œuvre peut être mue par le spectateur,
ou déplacée très doucement ou très brutalement de
manière aléatoire, mais elle peut aussi donner l’illusion
du mouvement par de simples phénomènes optiques,
c’est alors le spectateur qui se déplace.
Juif orthodoxe, Agam refuse autant la représentation que
l’image fixe, se référant en cela à ce qui est écrit dans la
Bible, au Livre de l’Exode : « Tu ne feras aucune image
sculptée, rien qui ressemble à ce qui est dans les cieux,
là-haut, ou sur la terre ici-bas, ou dans les eaux,
au-dessous de la terre ».
YAACOV AGAM
Rishon LeZion (Palestine), 1928
Aménagement de l’antichambre des appartements privés du Palais de l’Elysée pour le président Georges Pompidou, 1972 - 1974
Installation avec de la lumière
Laine, bois, transacryl, aluminium, peinture, dispositifs lumineux, métal, plexiglas
470x548x622 cm surface au sol : 34 m2.
12
5. ALIGHIERO BOETTI
ALIGHIERO BOETTI
Turin (Italie), 1940 - Rome (Italie), 1994
ALLÉE CENTRALE
Tutto (Tout), 1987
Broderie réalisée à Peshawar, sur commande de l’artiste,
par des Afghanes réfugiées au Pakistan
Broderie à la main sur lin
174x251 cm
Y-a-t-il un fond ? Un sens ? Voyez-vous des motifs ?
Le tableau évoque-t-il un tapis ? Un puzzle ?
Une broderie ?
De grande taille, l’œuvre est très colorée, bariolée même.
Elle est agréable à voir, joyeuse. Vue de près, on s’aperçoit
que différents motifs s’imbriquent : à des échelles
différentes, notes de musique, manteau, armes,
personnages, animaux, outils, tourbillonnant. Le fond est
totalement couvert, il n’y a pas de sens de lecture
privilégié ; on a l’impression que l’œuvre pourrait se
prolonger hors des bords du tableau.
Les 84 couleurs vives juxtaposées sont à la fois
dissonantes et harmonieuses, elles se contredisent et
s’accordent.
Ici, le rôle de l’artiste ressemble à celui d’un grand
couturier : il a donné des motifs à des brodeuses afghanes
réfugiées au Pakistan après l’invasion soviétique. C’est
elles qui ont choisi la répartition des motifs et, parfois,
celle des couleurs. L’exécution de l’œuvre n’est donc
pas de la main de l’artiste, mais est confiée à des mains
déléguées qui ont passé parfois jusqu’à cinq ans de travail
pour ces broderies à l’aiguille.
L’œuvre est un concentré de temps et de vie ; elle rappelle
la tradition des tapis faits par des femmes qui y racontent
leur histoire et y font entrer les objets familiers.
Contrairement aux tapis dont la composition est précise,
ici, on a l’impression de désordre, de chaos, mais aussi de
vie : c’est en même temps la guerre et la fête. Le hasard
n’est pas total ; il y entre une part de nécessité : telle
forme ne peut pas se trouver à une autre place que celle
qu’elle occupe.
13
6. ROBERT FILLIOU
SALLE 13
Avez-vous l’impression de voir une œuvre ou plusieurs ?
À quoi cette œuvre vous fait-elle penser ?
Que vous évoque le titre ?
L’œuvre occupe deux pans de murs et se compose de trois
unités, elles-mêmes multipliées par trois, elles-mêmes
encore multipliées par trois, etc. « La première œuvre,
explique Filliou, consistait en une chaussette rouge dans
une boîte jaune dont les proportions et les couleurs aussi
étaient justes – je qualifiai ce travail de "BIEN FAIT". Puis
je l’ai refait ; cette fois les proportions et les couleurs
étaient fausses : "MAL FAIT". Je l’ai refait une troisième
fois, il s’agissait toujours du même concept … absence de
boîte et de chaussette : "PAS FAIT". J’ai trouvé ces travaux
bien faits, eu égard à la peine qu’ils m’avaient donnée.
Puis je les ai refaits… »
L’œuvre est donc virtuellement infinie, puisque chaque
unité de trois forme elle-même un ensemble « bien fait »,
qui sera à son tour reprise en « mal fait » et en
« pas fait ». C’est ce que Filliou appelle le Principe
d’équivalence. Que l’œuvre soit « bien » faite ou pas,
qu’elle soit réalisée par l’artiste ou par quelqu’un d’autre,
ou même pas réalisée du tout, et reste à l’état de projet,
tout ceci est équivalent.
C’est une révolution dans la façon de comprendre la
création et le jugement esthétique. Filliou se définissait
comme un « génie sans talent ». Économiste de
formation, il avait tout quitté pour « inventer sa vie »,
entre le bouddhisme, le théâtre et la poésie. Proche du
mouvement Fluxus qui efface les frontières entre l’art et
la vie, il disait : « Quoi que tu penses, pense autre chose,
quoi que tu fasses, fais autre chose ».
ROBERT FILLIOU
Sauve, 1926 - Les Eyzies-de-Tayac-Sireuil, 1987
Principe d’équivalence, 1968
Installation
Bois, fer, laine et feutrine
200x1000 cm
14
7. JOSEPH BEUYS
JOSEPH BEUYS
1921 Krefeld-1986 Düsseldorf
Plight, 1985
284 rouleaux de feutre, un piano
à queue, un thermomètre
médical, un tableau noir
310x890x1813 cm
SALLE 15
On ferme les yeux, on pénètre dans l’espace : quelles
sensations ? Quelle odeur ? Est-elle agréable ?
Avez-vous l’impression que l’espace est grand ? Petit ?
Avez-vous envie de rester ici ? Qu’entendez-vous ?
Il faut se courber pour pénétrer dans ce lieu clos où la
température (37°) et les sons sont différents de ceux
de l’extérieur. Entourés des 284 rouleaux de feutre, un
piano à queue fermé et un tableau noir avec des portées
musicales vides renforcent encore le silence. « Le feutre,
dit Beuys, figure comme un élément de chaleur ou
comme un isolateur, souvent utilisé en même temps que
la graisse. » Le piano est silencieux, les notes absentes,
mais l’idée du son demeure. Blotti dans ce silence, on
n’entend que son propre corps, mais on pense
nécessairement à la musique. À la fois enfermé et ouvert
sur l’imaginaire, on s’interroge sur le silence. L’œuvre
parle du son, de la musique, mais ne donne rien à
entendre. Elle isole des nuisances sonores.
Cette installation, à l’intérieur d’un musée, mais qui
forme un monde à part, est à la fois un abri, une cellule,
un lieu de méditation. Le thermomètre, placé sur le
tableau, indique l’importance de la température, celle du
corps. De sorte que pénétrer dans cet espace, c’est entrer
à l’intérieur d’un corps.
Joseph Beuys racontait que lorsqu’il avait été aviateur, il
fut abattu avec son avion pendant la Guerre et sauvé par
des Tatars qui le soignèrent avec de la graisse et
l’enroulèrent dans du feutre. Ces deux matériaux sont
toujours présents dans son œuvre ; l’art a une vertu thérapeutique et l’artiste est proche du chaman.
15
8. JIRI GEORG DOKOUPIL
JIRI GEORG DOKOUPIL
1954, Tchécoslovaquie
Vente aux enchères chez Christie’s, 1989
Noir de fumée sur toile
260,51x200 cm
SALLE 34
Que voyez-vous de près, de loin?
Que se produit-il si vous vous éloignez ?
Quelle technique l’artiste a-t-il utilisée ?
Peinture ? Dessin ?
À première vue, la toile ne présente qu’un dessin assez
confus, gris noir sur blanc. En s’éloignant un peu, vous
distinguez une scène de vente aux enchères : des
acheteurs vus de dos, un commissaire-priseur sur une
estrade, des toiles derrière lui.
La technique utilisée par Dokoupil n’a rien à voir avec la
peinture traditionnelle : il tend la toile à l’horizontale
au-dessus de sa tête, et promène une bougie allumée qui
dépose du noir de fumée selon les lignes d’un dessin qu’il
a tracé. Il contrôle le hasard, peint avec le feu destructeur,
et non avec de la peinture. Ce n’est pas un pinceau qu’il
utilise, mais une bougie qui, elle-même, ne touche pas la
toile. Une distance se crée entre la toile et le peintre. On
peut réfléchir, alors, sur le geste de l’artiste, sur ce qui
permet de reconnaître son style, sa « patte ».
16
Et, justement, la vente aux enchères, qui est représentée,
donne aux tableaux une valeur marchande ; la signature,
le style, la manière propre à chaque peintre est
précisément ce qui donne cette valeur. Il est possible de
voir des jeux de mots dans cette œuvre : certaines ventes
aux enchères se font « à la bougie », et les enchères
prennent fin lorsqu’elle s’éteint. D’autre part le nom de
Dokoupil signifie en tchèque : « J’ai tout acheté. »
D’autres peintres du 20e siècle se sont posé ces
questions et y ont répondu différemment : par exemple
Jackson Pollock ne touchait pas non plus ses toiles, mais
les posait au sol et versait la peinture en contrôlant les
coulures.
9. PETER DOIG
RUE
Quel est l’élément qui vous frappe le plus dans ce
tableau ? Le jour ? La nuit ? Où se déroule la scène ?
S’agit-il d’un rêve ou de la réalité ? Et son titre ?
Était-ce il y a cent ans, c’est-à-dire en 1901 ?
Sur cette très longue toile, un paysage aquatique est
traversé par un immense canoë rouge orangé qui en
occupe toute la longueur. Un être, assis, de face, le visage
maigre, regarde le spectateur. Au fond, une île verdoyante
se détache sur le ciel bleu noir menaçant.
Le tableau se divise en trois bandes superposées qui
semblent appartenir à des mondes différents : la
surface de l’eau transparente où se reflètent le canoë et
le personnage, puis une étendue bleu clair peinte avec
une matière plus épaisse, et qui est ou n’est pas de l’eau,
enfin, au-dessus d’une ligne noire, le ciel sombre et l’île
posée au-dessus de la bande claire.
C’est, bien sûr, un paysage avec un premier plan et un
arrière-plan, mais sans perspective, sans profondeur,
où l’œil circule de droite à gauche suivant la direction du
canoë, et non vers le fond.
Qui est cet être représenté sur le tableau ? On peut y voir
un passeur menant vers une île des morts ou des vivants ;
ou peut-être un mort. Et, en effet, il est fait allusion à
Berry Oakley, bassiste d’un groupe (The Allman Brothers
Band), mort en 1972.
Tableau à l’huile sur toile, l’œuvre s’inscrit dans l’histoire
de l’art. Son titre (Il y a 100 ans) se réfère au début du
20e siècle et au début de l’art moderne ; le sujet luimême peut rappeler des tableaux de Matisse ou l’Île des
morts de Böcklin (1880-86).
« La peinture ne devient intéressante que lorsqu’elle est
totalement intemporelle » dit l’artiste.
Peintre d’atelier, Peter Doig s’environne d’un univers très
envoûtant, fait de musique (toujours le même album), de
photos, de cartes postales, d’images de magazines.
PETER DOIG
1959 Edimburg
100 years ago (Il y a cent ans), 2001
240x360 cm
17
10. LÉANDRO ERLICH
SALLE 19
Qui êtes-vous ? Un spectateur ? Un voyeur qui observe
ses voisins ? Un espion ? Un policier ? Un amoureux ?
Un curieux ? Où êtes-vous ? Dedans ? Dehors ?
Devant une façade d’immeuble, la nuit ?
Les treize moniteurs montrent des fenêtres éclairées ou
dissimulées par des stores. Chaque fenêtre évoque une
histoire, une scène, un film : on y voit un dîner, un artiste
et ses tableaux, un musicien, une fête, un couple, un
bodybuilder... Nous sommes presque dans la vie réelle,
mais ce ne sont pas des fenêtres. La place des vidéos, des
scènes, est interchangeable.
Erlich met le spectateur dans une position d’inconfort,
de doute. Nous croyons être dans un milieu familier (un
ascenseur, une piscine, une chambre), devant une fenêtre
ou une façade, et subitement nos repères basculent :
nous circulons sous l’eau, marchons sur la façade,
sommes à la fois dedans et dehors.
Depuis l’Antiquité, le trompe-l’œil fascine autant les
artistes que leur public. Ici, il fonctionne avec les outils
contemporains (la vidéo) et notre manière moderne de
regarder en pointillé : le zapping, les scènes hachées,
discontinues, le passage d’un monde à un autre. On ne
peut s’empêcher de penser ici au film d’Alfred Hitchcock,
Fenêtre sur cour, où un homme scrute les fenêtres de
ses voisins. Mais, à la différence de ce film où il y a une
histoire, un meurtre, ce que racontent ces vidéos n’a pas
vraiment de sens, ni d’histoire. Chacun peut en
imaginer une.
Face à cette œuvre, nous ne savons plus qui voit et qui
est vu. Sommes-nous encore en dehors de cette
installation ? Tous les éléments en sont repérables,
familiers, mais l’ensemble est profondément
déstabilisant : « il est pratiquement impossible de définir
la réalité, mais il est possible de définir les choses qui
font partie de la réalité », précise Léandro Erlich.
LÉANDRO ERLICH
Buenos Aires (Argentine), 1973
The View, 1997 - 2005
Œuvre en 3 dimensions, installation mixte
18
11. YTO BARRADA
SALLE 23
Vous sentez-vous projeté à l’intérieur de ces images ?
Rêve, réalité ? Rester ou s’enfuir ?
Ces deux photographies en couleurs de très grand
format, carrées, sont des tirages réalisés à partir de
négatifs ; ni photos numériques, ni montages, elles
renvoient à une époque pas très lointaine où la
photographie n’était que très peu manipulée.
Ces images appartiennent à une série qui décrit une
ferme pédagogique à Tanger. Ce qu’elles donnent à voir
est vrai, précis, quotidien, sans mise en scène, sans effet
étonnant ou spectaculaire.
Les tables d’écoliers en métal rouge et bleu sont plantées
dans le sol d’une serre ; au-delà apparaît un paysage un
peu flou, verdoyant, luxuriant, féérique, tel que Matisse
et d’autres pouvaient le rêver et le peindre. Par terre, des
pots de fleurs et des plantations évoquent le travail en
cours des écoliers. Mais les écoliers sont absents.
Ba Youssef est le sujet principal de l’autre image ; assis,
il médite devant ses tomates jaunes ; il ne regarde pas
le photographe, il ne pose pas, ne fait rien ; il est juste
le jardinier. En le voyant, on sent la fraîcheur de l’eau,
l’odeur de la terre, le calme, la lenteur de la nature.
Et pourtant, Tanger n’est-elle pas plutôt une ville
grouillante, surpeuplée, vivante ? Située entre l’Afrique
et l’Europe, elle est un lieu de passage, une ville de
migrants au bord du détroit de Gibraltar, l’endroit où l’on
rêve d’un ailleurs, une « ville de transit qui est elle-même
en transition », selon Yto Barrada.
Franco-marocaine, l’artiste a d’abord fait des photos
documentaires et politiques ; « j’ai commencé à photographier la maison de ma mère, la violence des rapports
domestiques et bien sûr, j’y retrouve au plus proche, bien
plus proche, le peuple qui rêve d’absence ».
YTO BARRADA
Paris, 1971
Tables d’écoliers de la serre, ferme pédagogique, Tanger
2011
Épreuve chromogène
150 x150 cm
Ba-Youssef et les tomates jaunes
2011
Épreuve chromogène
80 x 80 cm
19
12. KADER ATTIA
SALLE 22
En arrivant dans cet espace, ressentez-vous une crainte,
un respect, une gêne ?
Avez-vous envie de baisser la voix ? Vous sentez-vous
témoin ? Voyeur ?
Souhaitez-vous rester à la marge de l’œuvre ou vous en
approcher ?
KADER ATTIA
Dugny, 1970
Ghost, 2007
Œuvre en 3 dimensions, Installation mixte
20
Plus de cent silhouettes vues de dos, voilées,
accroupies, semblent être ici en position de prière. Ce
sont des femmes, ou plutôt des corps en papier
d’aluminium. D’abord dans l’ombre, le spectateur est
attiré vers l’avant, vers la lumière ; il se retourne et ne
voit que des trous vides à la place des visages. « Ghost »
signifie « fantôme » en anglais.
L’aluminium est un matériau pauvre souvent utilisé
par les femmes : il emballe, protège, isole, il est
indispensable mais aussitôt jetable. Cette grande
installation est imposante et fragile : une main suffit
pour détruire la sculpture. Comme le dit le sage chinois
Lao Tseu : « L’homme crée des choses mais c’est le vide
qui leur donne sens ».
Né de parents algériens, Kader Attia a grandi à Sarcelles
dans un environnement multiculturel. « Ghost » est l’une
des pièces les plus représentatives de son travail : il y
modèle le vide identitaire. Chaque sculpture y est unique,
bien que la méthode soit toujours la même : emballer une
femme dans des positions différentes, avec, pour
chacune d’entre elles, 3 rouleaux d’aluminium de 25 m.
Par pression, il colle ce papier au plus près de l’anatomie
de la femme. Son inspiratrice et son premier modèle est
sa mère : femme musulmane, femme tolérante (une
partie de sa famille est juive). « Nous les artistes on
donne à voir un air du temps », explique l’artiste.
Devant cette œuvre, on peut se poser d’autres questions :
ces corps qui forment une foule compacte
représentent-ils des individus ? Oui, car les sculptures
sont toutes différentes ; non, car elles n’ont pas de
visage, ce sont des coquilles vides, des formes en creux.
Elles sont en position de prière, mais quelle prière ? Cette
œuvre parle-t-elle de religion ? Ou de la fragilité de la vie
humaine ?
13. ERNESTO NETO
BIENVENUE AU CENTRE POMPIDOU !
ALLÉE CENTRALE
Avez-vous l’impression d’être devant un décor ? Une
sculpture ? Un monstre aux bras multiples ? Êtes-vous
attiré ou dégoûté ? Effrayé ou rassuré ? Avez-vous envie
de toucher ou au contraire de fuir ? Avez-vous perçu
l’odeur de cette œuvre?
Une forme étrange molle, transparente, est accrochée
au plafond en quelques points, et non pas posée sur un
socle. Est-ce une pluie gluante ? Des viscères d’un corps
monstrueux ? Une bave, un venin, un crachat ?
Sans forme, sans couleur, mais pas sans odeur.
Étrangement, ce parfum est agréable. Dans chaque tube
souple, des épices odorantes sont enfermées. L’aspect
visuel répugnant devient plus attractif, attire le visiteur,
qui, selon le projet initial de l’artiste, pouvait pénétrer à
l’intérieur de cette forêt à la fois futuriste et primitive, de
cet ailleurs de rêve ou de cauchemar.
Au sein de cette structure, la douceur molle et familière
des tubes en lycra rappelle les parties d’un organisme
vivant, entrailles d’un monstre non agressif, plutôt doux.
La sculpture n’est pas réalisée avec un matériau dur
et résistant comme le marbre, le bronze, le métal, ou
le bois, mais avec le lycra des collants et la poudre des
épices, matériaux éphémères. Cette sculpture n’a pas
non plus de forme, elle est une anti-forme : c’est la
matière qui produit la forme. L’artiste explique :
« L’énergie qui anime mon travail est la pesanteur.
L’objet, la forme, le contour se trouvent définis quand le
matériau est étiré dans l’espace et montre la légèreté de
la masse. »
Cette manière de sculpter avec un matériau mou n’est
pas rare chez les créateurs contemporains. Selon Ernesto
Neto, le spectateur est à la fois invité à entrer dans ce
monde inquiétant, étrange et familier, mais aussi, par son
titre, à s’en tenir écarté : We stopped just here at the time
(on s’est arrêté juste ici à ce moment là).
ERNESTO NETO
Rio de Janeiro (Brésil), 1964
We stopped just here at the time, 2002
Œuvre en 3 dimensions, installation, lycra, clou de girofle, curcuma, poivre
80 x 80 cm
21
EN DEHORS DES SENTIERS BATTUS
BIENVENUE AU CENTRE POMPIDOU !
VOICI QUELQUES SUGGESTIONS D’ACTIVITÉS
À EXPÉRIMENTER AVEC VOTRE GROUPE
Différents types de visites :
« prédictives »
Il s’agit d’amener le groupe à imaginer une œuvre
à partir de son titre. Ainsi, avant d’aller découvrir
l’œuvre, commencez à échanger avec lui sur ce
qu’ils s’imaginent de l’œuvre à partir du seul titre.
Munissez-vous de cartes sur lesquelles figurent
les titres des œuvres et, éventuellement, leurs
dimensions ou leurs matériaux (bois, toile,
collages, objets, etc.).
« dialogues »
Le jeu consiste à faire dire à chacun, à tour de
rôle, un mot ou une impression sur l’œuvre.
« battles »
« cartomancies »
Découvrez l’œuvre qui vous est destinée dans un
rapport intime.
Faites tirer au sort à un membre du groupe une
carte sur laquelle l’œuvre est présentée. Puis
aller découvrir l’œuvre tirée.
Face à une œuvre, on joue le « non je ne suis pas
d’accord ». On bataille, on joue à se disputer à
propos de ce qu’on voit, de ce qu’on éprouve.
« mémoire visuelle »
On bande les yeux du participant devant une
œuvre pendant que quelqu’un la commente : ils
s’en font une représentation mentale et la
découvrent ensuite.
« j’aime... je n’aime pas.... »
Chacun dit ce qu’il aime ou ce qu’il déteste dans
les œuvres.
« croque-musée »
Face à l’œuvre, vous essayez de réaliser un rapide
croquis aide-mémoire.
« tous conférenciers ! »
Chacun présente une œuvre en se prenant pour
un connaisseur ou un ami intime de l’artiste.
22
POUR
EN SAVOIR
PLUSPOMPIDOU !
BIENVENUE
AU CENTRE
SOUHAITEZ-VOUS ALLER PLUS LOIN
ET EN APPRENDRE DAVANTAGE ?
Sur les collections d’art contemporain, sur la vie et les préoccupations des artistes, sur l’histoire de telle ou
telle œuvre, sur ses significations, consultez les catalogues et les ouvrages édités par le Centre Pompidou.
Plusieurs lieux vous sont
ouverts :
• Le salon des visiteurs, à gauche après l’entrée
du Musée situé au 4e étage.
• La Bpi (Bibliothèque publique d’information),
entrée libre et gratuite, accessible rue Beaubourg.
Les ouvrages sont en libre accès : vous les prenez
sur les rayons. Les bibliothécaires sont à votre
écoute et vous guident dans vos recherches.
Sur le site internet du
Centre Pompidou :
www.centrepompidou.fr
• Les dossiers pédagogiques, plus de 125 dossiers
sont actuellement en ligne : des monographies
d’artistes modernes et contemporains, de
chorégraphes, de designers et d’architectes, de
cinéastes, des dossiers sur les grands
mouvements du 20e siècle, les nouveaux médias
ou la photographie, sur l’architecture du Centre
Pompidou…).
• De nombreuses vidéos sont en ligne et vous
permettent de voir et d’écouter directement les
artistes : conférences, portraits d’artistes,
présentation des expositions...
Sur le réseau :
http://hda-prod.culture.fr/
Le site « Histoire des arts » destiné notamment
aux enseignants des collèges et des lycées :
plus de 4 500 ressources sont regroupées venant
de nombreuses institutions et centres culturels en
France.
• La base de données de la collection du Musée national d’art moderne (Mnam) comprend
73 000 œuvres.
• Les ressources pour les publics en situation
de handicap s’adressent à tous : des analyses
d’œuvres sur différents médias (vidéos, sons,
textes), des conférences enregistrées, vidéos en
LSF sous titrées…
www.handicap.centrepompidou.fr
23
12
2626
2424
2222
31
31
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bis
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at the time
The View
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14bis
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Auction at Christie’s
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Jiri Georg Dokoupil
34
34
14
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12
12
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Plight
100 Years Ago
We stopped just here
28
28
20
20
1717
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bis
21 bis
7
Joseph Beuys
9
Peter Doig
Leandro Erlich
27
27
25
25
23
23
2121
ferme pédagogique, Tanger
Tables d’écoliers de la serre,
et les tomates jaunes ;
Ba-Youssef
Yto Barrada
11
Ernesto Neto
13
Ghost
Kader Attia
5
d’équivalence
Principe
Robert Filliou
6
11
11
Tutto
Alighiero Boetti
4
le Palais de l’Élysée
Aménagement pour
Yaacov Agam
Librairie
10
10
88
10
bis
10bis
99
44
77
I like Olympia in Black Face
Larry Rivers
3
22
Ten Lizes
Andy Warhol
2
55
1
1
33
66
Jardin d’hiver
1
Jean Dubuffet
u
NIVEAU 4
Espace nouveaux médias et film
Sa
de

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