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PRÉPAREZ VOTRE VISITE ! DOCUMENT D’AIDE À LA VISITE POUR LES RELAIS DU CHAMP SOCIAL LES COLLECTIONS CONTEMPORAINES BIENVENUE AU CENTRE POMPIDOU ! CRÉDITS Textes rédigés par Catherine Lascault en couverture : Martial Raysse, Made in Japan - La Grande Odalisque, 1969 Peinture acrylique, verre, mouche, passementerie en fibre synthétique, sur photographie marouflée sur toile. œuvres n° 1, 3, 7, 9, 13 et couverture : Coll. Centre Pompidou / P. Migeat / Dist. RMN-GP © Adagp, Paris 2012 œuvre n° 2 : Coll. Centre Pompidou / A. Rzepka / Dist. RMN-GP © Adagp, Paris 2012 œuvre n° 4, 8 : Coll. Centre Pompidou / J. Hyde / Dist. RMN-GP © Adagp, Paris 2012 œuvre n° 5 : © Adagp, Paris 2012 2 œuvre n° 6 : Coll. Centre Pompidou / J. Faujour / Dist. RMN-GP © Marianne Filliou œuvre n°10 : © Visuel fourni par l’artiste / 12 écrans vidéo, photomontage © droits réservés œuvre n°11 : Coll. Centre Pompidou / G. Meguerditchian /Dist. RMN-GP © Yto Barrada œuvre n°12 : © Visuel fourni par l’artiste / Installation à Vienne © droits réservés © Centre Pompidou, Direction des publics, Service du développement des publics et Service de l’information des publics et de la médiation, 2012 SOMMAIRE BIENVENUE AU CENTRE POMPIDOU ! pages 4 à 5 : bienvenue pages 6 à 7 : repères | le Centre Pompidou et son quartier page 8 : repères | quelques pistes sur l’histoire des arts du 20e siècle pages 9 à 21 : treize œuvres à découvrir page 22 : en dehors des sentiers battus page 23 : pour en savoir plus page 24 : localisation des œuvres au niveau 4 3 BIENVENUE UN LIEU DE CULTURE OUVERT À TOUS Le Centre Pompidou a, depuis sa création en 1977, la volonté d’accueillir tous les publics et de rendre la culture accessible à chacun. Nous vous y souhaitons donc la bienvenue ! Communication. Celle-ci vise à initier des formes d’accueil et de médiation innovantes à destination des publics qui ne fréquentent pas habituellement les institutions culturelles. Depuis 2004, le Centre Pompidou s’est engagé, avec une vingtaine d’autres établissements culturels nationaux, dans la mission « Vivre ensemble », lancée par le ministère de la Culture et de la Le Centre Pompidou propose ainsi une tarification adaptée, ainsi qu’un accompagnement spécifique aux travailleurs sociaux, professionnels et bénévoles, tout au long de l’organisation de leurs visites. PRÉPAREZ VOTRE VISITE Dans le cadre de ce partenariat avec vous, « relais culturels » du champ social, nous souhaitons que vos futures visites de groupes vous donnent entière satisfaction afin de mener à bien cette mission qui nous est chère : échanger, partager, découvrir et s’épanouir par le biais de l’art et de la culture. Dans cet objectif, nous avons conçu ce dossier d’aide à la visite en prenant en compte un ensemble de suggestions recueillies auprès de certains d’entre vous. Si vous souhaitez accompagner votre groupe de façon autonome, ce qui peut demander un certain investissement de votre part, nous vous proposons ce dossier afin de vous aider à préparer au mieux votre visite. Vous y trouverez : une présentation du Centre Pompidou, des repères dans les collections, des éclairages sur une sélection d’œuvres, ainsi que des ressources et des informations pratiques. LES VISITES VISITES-CONFÉRENCES Le Centre Pompidou propose aux groupes du champ social des visites pour tous les âges, avec des conférenciers et animateurs expérimentés, qui assurent une médiation adaptée, où l’échange et le partage autour du ressenti sensible face aux œuvres ont une large place. Il peut s’agir de visites générales du musée ou des expositions temporaires, de visites thématiques ou même de visites sur mesure, faisant écho à des sujets intéressant votre groupe. > Tarif : 30 € par groupe (25 pers. max.). VISITES EN GROUPE AUTONOME Si vous souhaitez accompagner votre groupe pour une visite autonome du Centre Pompidou, il est nécessaire de suivre une visite-découverte proposée aux relais du champ social. Cela vous permettra de bénéficier du droit de parole, c’est-à-dire du droit de vous adresser « en public » à votre groupe dans le musée. > Tarif : gratuit pour les publics du champ social. COMMENT RÉSERVER ? Contactez la cellule réservation au 01 44 78 12 57, de 9h30 à 13h, du lundi au vendredi. Identifiez-vous comme « relais » du champ social afin de bénéficier des tarifs spécifiques. Nous vous conseillons vivement de prévoir ces visites le plus tôt possible – trois semaines avant au minimum – pour que l’on puisse vous donner satisfaction. Vous recevrez votre bulletin de réservation par voie postale, avec l’autocollant « Droit de parole », ainsi que les modalités de visite et de règlement. 4 BIENVENUE À VOTRE ARRIVÉE Orientez-vous vers la gauche et rendez-vous à l’accueil des groupes pour présenter votre bulletin de réservation et éventuellement déposer vos effets personnels au vestiaire. Vos sacs à dos et vêtements pourront être déposés gratuitement dans un bac réservé à votre groupe. Le bulletin de réservation vous sera demandé pour passer les contrôles avant votre arrivée en salle. Gardez-le précieusement tout au long de votre visite. LE MUSÉE EST OUVERT TOUS LES JOURS DE LA SEMAINE DE 11 H À 21 H, SAUF LE MARDI INFORMATIONS PRATIQUES • Un plan du bâtiment dans son ensemble est présenté dans le dépliant « Bienvenue ». Vous le trouverez en libre service au point information (accueil situé au centre du Forum). • Chaque niveau est accessible par ascenseur, n’hésitez pas à demander aux agents d’accueil où ils sont positionnés. • Des toilettes sont accessibles à tous les étages du centre. Un pictogramme vous indique leur emplacement. • Des fauteuils roulants sont mis à votre disposition au vestiaire, des poussettes sont disponibles au 4e et au 6e étage du bâtiment. • Afin de préserver les œuvres, les sacs à dos doivent obligatoirement être déposés au vestiaire. Nous vous souhaitons beaucoup de plaisir dans votre découverte et nous restons à votre disposition pour de plus amples renseignements et pour la mise en place de vos projets de visites. VOS CONTACTS DÉDIÉS SERVICE DU DÉVELOPPEMENT DES PUBLICS : Delphine Rabin : 01 44 78 14 37 Clara Canis : 01 44 78 45 65 [email protected] Retrouvez toutes les activités proposées aux relais du champ social sur : www.centrepompidou.fr/champsocial 5 REPÈRES LE CENTRE POMPIDOU ET SON QUARTIER Vous êtes surpris par le bâtiment ? À son ouverture, les journalistes l’ont qualifié de « pompidosaure », de raffinerie. On attendait 5 000 personnes par jour, et il y en a aujourd’hui 17 000 en moyenne. C’est le troisième bâtiment le plus visité de France après le Louvre et la tour Eiffel. Qui a pris l’initiative de le construire ? C’est Georges Pompidou (Président de la République de 1969 à 1974). En 1969, il écrit dans Le Monde : « Je voudrais passionnément que Paris possède un centre culturel qui soit à la fois un musée et un centre de création où les arts plastiques voisineraient avec la musique, le cinéma, les livres, la recherche audiovisuelle, le design. » Telle est bien l’ambition du Centre Pompidou. PHOTO © G. MEGUERDITCHIAN 6 Nous sommes au cœur du Paris historique, à proximité de la rue Saint-Martin, la plus ancienne de Paris. Non loin des Halles, le Ventre de Paris dans les années 1970. Qu’y avait-il avant le Centre Pompidou ? Un quartier insalubre, rasé dans les années 1930 et transformé en terrain vague. La Ville de Paris avait d’abord décidé d’y construire une bibliothèque publique. Mais il y avait aussi d’autres besoins : l’ancien musée national d’art moderne au Palais de Tokyo, près du Trocadéro, était trop petit et, dès 1964, André Malraux, alors ministre de la Culture, voulait créer à la Défense un musée du 20e siècle et en confier la construction à l’architecte Le Corbusier, décédé en 1965. Georges Pompidou a alors réuni les deux projets : musée et bibliothèque. REPÈRES À ces deux organismes s’en sont ajoutés deux autres qui allaient constituer les quatre départements du projet Beaubourg appelé Centre national d’art et de culture Georges Pompidou : le Centre de création industrielle et l’Ircam. Le premier occupait les salons du musée des Arts décoratifs. L’idée, qui date d’avant la guerre de 1914, est que l’art industriel fait partie intégrante de la création des 20e et 21e siècles. On associe aux artistes les designers, les architectes et tous ceux qui contribuent à créer les objets de la vie quotidienne. En 1909, Marinetti affirmait, dans le Manifeste du Futurisme, qu’une automobile rugissante était plus belle que la Victoire de Samothrace, et donc qu’un objet industriel était plus beau qu’une statue antique. Le Centre Pompidou mesure 42 m de haut et, du 6e niveau, la vue s’étend sur Paris et ses monuments. Sa structure comprend 28 piliers dans lesquels est enfilée la pièce maîtresse de chaque étage, la gerberette. Le Centre Pompidou est construit comme un immense pont suspendu. Ce n’est pas une architecture de brique, mais une architecture de verre, transparente ; pour les deux architectes, la transparence est démocratique car elle permet à tous de se rencontrer. C’est ce qu’avaient demandé les commanditaires : un espace libre et transformable. On a donc de gigantesques plateaux qui ont une surface équivalente à deux terrains de football (7 500 m²), sans murs fixes. Ce sont des espaces, et non des pièces. Le second organisme, l’Ircam (Institut de recherches et de coordination acoustique-musique), se donnait pour mission la recherche de nouveaux sons et de nouveaux instruments de musique. Le projet comportait également, conformément au désir du Président, des salles de spectacle, des cinémas, l’atelier des enfants ; en somme, le Centre Pompidou allait être un lieu pluridisciplinaire ouvert à tous. La façade arrière, sur la rue Beaubourg – rue du Renard, laisse visible les tuyaux peints selon leur fonction : bleu pour l’air, jaune pour l’électricité, vert pour l’eau, le rouge étant réservé aux circulations, c’est-à-dire aux ascenseurs et à la chenille qui parcourt la façade du Centre Pompidou. Il fallait, pour toutes ces activités, un bâtiment très commode d’utilisation. Un concours d’architecture a été lancé en 1971. Sur 681 projets, 30 ont été retenus. Pour l’un avait été imaginée une gigantesque main dont chaque doigt abriterait un organisme du Centre Pompidou ; un autre, un œuf recouvert d’écailles avec un escalier en colimaçon, un autre encore, une série d’igloos reliés par des souterrains. Le projet choisi est l’œuvre de deux architectes : l’Italien Renzo Piano et l’Anglais Richard Rogers. Pourquoi ce projet architectural plutôt qu‘un autre ? La construction a été rapide : commencé en 1972, le Centre Pompidou ouvre le 2 février 1977, trois ans après le décès de Georges Pompidou, son fondateur. Peut-on lire dans ce bâtiment sa fonction culturelle ? Non. Dans l’esprit des architectes, le monde change vite et l’édifice pouvait être amené à abriter d’autres activités. Cependant, leur souhait était avant tout de réaliser un centre culturel qui ne ressemble plus à un temple de l’art et ce d’autant plus qu’il allait accueillir, non des artistes passés à l‘immortalité, mais des artistes vivants et la création au moment même où elle se fait. C’était en fait le seul qui respectait les 100 000 m² de surface utile exigés dans le programme tout en n’occupant que la moitié de la surface au sol disponible, l’autre moitié étant aménagée en place publique, la Piazza, libre pour des spectacles de rue. Par ailleurs, son architecture correspondait bien à l’air du temps (années high tech et loft). 7 REPÈRES QUELQUES PISTES SUR L’HISTOIRE DES ARTS AU 20E SIÈCLE Au Centre Pompidou - Musée national d’art moderne, les œuvres couvrent la période de 1905, le début du fauvisme, à nos jours. La collection (toutes disciplines : arts plastiques, photographie, nouveaux médias, architecture, design, film) comprend plus de 73 000 œuvres (de quelque 6 000 artistes), dont environ 1 200 sont présentées par roulement sur deux niveaux : l’art moderne au 5e niveau, de 1905 à 1960, l’art contemporain au 4e, de 1960 à nos jours. L’art reflète l’état du monde et de la société qui le produit : ses avancées culturelles, scientifiques et techniques mais aussi les espoirs, les peurs, les doutes, les guerres. Au début du 20e siècle, le monde change, les mentalités s’émancipent, les sciences, notamment la physique, se développent, mais aussi les industries et les techniques. L’invention de la photographie et du cinéma va révolutionner les manières de voir et faire concurrence aux peintres qui ne vont plus se limiter à représenter le monde. Un tourbillon d’avant-gardes se met en place. Les Fauves, d’abord, font exploser la couleur dans les paysages (Matisse, Vlaminck, Derain) ; en même temps, les peintres expressionnistes allemands expriment, avec des personnages violemment colorés, des sentiments brutaux et, déjà, une critique acerbe de leur société. Puis les cubistes, à partir de 1907, traitent la nature par la sphère, le cube et le cylindre ; ils déconstruisent les formes et les font éclater en multiples facettes (Braque et Picasso, notamment). Parallèlement, les futuristes s’intéressent à la modernité, aux machines, au bruit, à la vitesse. Mais une autre tendance, plus poétique et plus libre se traduit par l’abstraction : Kupka et Kandinsky autour de 1910 pour exprimer une vision intérieure, puis Mondrian et Malevitch pour libérer la peinture en faveur d’un art tout à fait nouveau. 8 Avec la guerre, l’absurdité du monde moderne fait naître un mouvement aussi absurde que provocateur : le dadaïsme avec les collages de mots et d’objets de Raoul Hausmann ou de Tristan Tzara, auquel il faut adjoindre Marcel Duchamp et ses ready-made, qui remet en cause les musées et la notion d’œuvre. Dans les années 1920, le mouvement surréaliste (André Breton, Ernst, Dalí, Magritte) revient, quel paradoxe ! à la figuration, mais pour mieux la construire à partir du rêve et de l’inconscient. Dans le monde de l’entre-deux-guerres, les mouvements artistiques et les tendances se multiplient dans toute l’Europe. À l’est, notamment, on est fasciné par l’architecture et l’industrie, avec le constructivisme russe (Rodtchenko), et le Bauhaus allemand qui est une école d’arts appliqués créée par Walter Gropius. Avec la fin de la Seconde Guerre mondiale émerge une nouvelle scène artistique qui va renouveler entièrement la peinture : l’Amérique, Pollock et son action painting, Newman, Rothko, avec leur grand champ de couleur (color field…). Cette époque est également marquée par la production industrielle et par les nouveaux moyens de communication. C’est l’influence de ces médias (publicité, télévision, cinéma) qui inspire le pop art : Andy Warhol multiplie les images populaires (Marilyn), Roy Liechtenstein crée à partir de la bande dessinée. Le mouvement du Nouveau réalisme s’intéresse au monde réel et à sa poésie, au vide (Yves Klein), ou au plein (Arman, César). La télévision, le cinéma, le mouvement des images stimulent l’Op Art (Optical Art) : Vasarely, Agam, Soto jouent sur le mouvement du spectateur face à l’œuvre. Au même moment naissent de nouveaux médias et la photographie considérée comme de l’art à part entière. Citons encore parmi les courants incontournables de ces années-là : l’art conceptuel et l’art minimal aux États-Unis, l’Arte povera en Italie. En même temps, la prise de conscience de l’impact de l’homme sur la nature est sensible dans le Land art (Richard Long, Christo) et dans le mouvement Fluxus (Beuys, Filliou). Un aspect propre à la fin du 20e siècle consiste à échapper aux formes traditionnelles de l’art : tableaux et sculptures obéissent à des règles précises qui ne correspondent plus à la volonté des artistes contemporains ; pour faire éclater les frontières entre l’art et la vie, certains préfèrent proposer des installations éphémères (Buren, Boltanski), ou même rapprocher arts plastiques, théâtre et danse, comme les performances d’Orlan ou de Yoko Ono. C’est aussi ce qui fait l’intérêt d’un musée où ces actions peuvent être présentées publiquement. 1. JEAN DUBUFFET SALLE 6 Quelle porte ! Voulez-vous entrer ou préférez-vous rester à l’extérieur ? Avez-vous déjà pénétré à l’intérieur d’une œuvre d’art ? Qu’est-ce que cette pièce évoque pour vous ? Un igloo ? L’intérieur du ventre d’une baleine ? D’un corps ? Un jardin, peut-être ? Mais pourquoi d’hiver ? Dubuffet qui peint depuis 1947 fait, en téléphonant, de petits dessins au bic rouge et bleu sur du papier blanc. En 1962, il réutilise, en les agrandissant, ces formes sinueuses et emboîtées qu’il appelle l’Hourloupe pour créer des sculptures, des meubles, des environnements et même un tableau animé (Coucou Bazar). En entrant dans le jardin d’hiver, vous pénétrez dans une grotte ; il n’y a pas de coupure ni de différence entre le sol, les murs, le plafond ; aucune surface n’est plane, il n’y a pas d’angle droit, la surface est bosselée, cabossée. Les lignes noires soulignent parfois les arêtes, parfois elles sont en décalage. Vous êtes dans un univers mouvant, sans point de repère, sans certitude, sans échelle. Vous êtes perdu, comme dans un labyrinthe, et pourtant l’espace est relativement petit : un monde inconnu, nouveau, instable, à déchiffrer, que Jean Dubuffet qualifie de peinture en trois dimensions. C’est un jardin, mais il n’évoque pas directement la nature. Peut-être pensez-vous à une cabane construite par des enfants, à un abri pour se protéger des grandes personnes. Dubuffet dit : « J’aspire à un art qui soit directement branché sur notre vie courante », ou encore : « L’art doit un peu faire rire, et un peu faire pleurer ; tout sauf ennuyer. » Essayez de suivre une ligne noire avec le doigt : elle n’a pas de fin, elle ne dessine rien, et pourtant vous pourrez y voir des choses selon votre fantaisie. JEAN DUBUFFET Le Havre, 1901 - Paris,1985 Le Jardin d’hiver, 1968 - 1970 Environnement Polyuréthane sur epoxy 5x10x6 m 9 2. ANDY WARHOL ALLÉE CENTRALE La connaissez-vous ? Est-elle toujours semblable ? Ces visages expriment-ils un sentiment ? Donnent-ils une impression de beauté ? Les actrices seraient-elles des produits? Andy Warhol a longtemps travaillé pour la publicité (Vogue). Cet artiste américain est le plus célèbre représentant du pop art. Les images qui l’inspirent sont toujours des images populaires, qui parlent à tout le monde. Répétées, standardisées, elles envahissent les villes : ce sont des amoncellements de marchandises, ou la prolifératon des billets de banque, qui caractérisent l’Amérique et le monde moderne. Face à ces images fortes, quelle est, alors, la place de l’artiste ? Le portrait de Liz Taylor est tiré d’une photographie réalisée pour la promotion d’un film de Mankiewicz. Le grand format de la toile évoque un écran de cinéma ; en noir et blanc, les dix visages sont reproduits mécaniquement à la sérigraphie, technique qui utilise des écrans de soie. Les portraits présentent de petites différences de lumière et d’ombre ; ils se superposent légèrement, comme s’ils étaient imprimés au tampon. Le visage est plus grand que nature ; il finit par être impersonnel, et sa beauté disparaît du fait de la répétition. Vu de près, on aperçoit le grain de la toile. ANDY WARHOL Pittsburgh (U.S.A.), 1928 - New York (U.S.A.), 1987 Ten Lizes,1963 Encre sérigraphique et peinture à la bombe sur toile 201x564,5 cm 10 « Si vous voulez tout savoir sur Andy Warhol, vous n’avez qu’à regarder la surface de mes peintures, de mes films, de moi. Me voilà, il n’y a rien dessous », écrit-il dans Ma philosophie de A à B. Avec cette peinture, composée sur le modèle d’un photogramme (l’image cinématographique est composée de 24 photogrammes par seconde), Warhol s’achemine vers le cinéma, qu’il va pratiquer peu de temps après la réalisation de Ten Lizes. 3. LARRY RIVERS LARRY RIVERS New York (U.S.A.), 1923 - Southampton (U.S.A.), 2002 I like Olympia in Black Face (J’aime Olympia en Noire), 1970 Huile sur bois, toile plastifiée, plastique et plexiglas 182x194x100 cm SALLE 8 À quoi cette œuvre vous fait-elle penser ? Que dire des matériaux ? Regardez bien les yeux. Sur deux lits superposés en plastique, les figures sont découpées et répétées deux fois. Une femme noire et une servante blanche portant des fleurs, et vice versa ; un chat noir et un chat blanc. Ni tableau, ni sculpture, sans cadre ni socle, l’œuvre est un assemblage bricolé, un peu sale, en matériaux vulgaires. Mais elle reprend un tableau célèbre : l’Olympia de Manet (1863) qui avait fait scandale à l’époque. En 1970, dans le contexte de la guerre du Vietnam, l’œuvre de Rivers est mal perçue : elle n’a pas d’actualité. Pourtant elle parle de la ségrégation des Noirs en Amérique, très violente. Ici le double couple (maîtresse blanche / servante noire, et l’inverse) montre l’arbitraire de cette ségrégation : un coup c’est toi, un coup c’est moi. Saxophoniste de jazz et proche de Miles Davis, Rivers connaissait bien ces réalités. C’est aussi une œuvre qui parle de l’art, du musée et du regard du spectateur. L’Olympia de Manet choquait parce que la prostituée regardait fixement le spectateur ; ici chacune des figures n’a qu’un œil, seul le chat en a deux. Le bouquet de fleurs est dans un cercueil de plexiglas transparent ; il évoque le cimetière (mort de l’art et des artistes) mais aussi des reliques de Saints un peu misérables. « Les musées sont pour moi des lieux où les œuvres du passé devenues mythiques, dorment, vivent d’une vie historique, en attendant que les artistes les rappellent à une existence réelle » a dit Pontus Hulten, qui a notamment été le premier directeur du Musée national d’art moderne. 11 4. YAACOV AGAM SALLE 10 Est-ce un espace habitable ? Correspond-il au style du Palais de l’Elysée ? Que se passe-t-il quand on se déplace ? Les murs de cette pièce de 34 m² ne sont pas des surfaces planes, ils sont recouverts d’éléments colorés en biseau, la moquette est assortie, le plafond en lamelles inclinées est coloré du vert au violet. Au centre, une sphère en acier poli reflète, comme un œil de poisson, la pièce et les spectateurs. Elle est surmontée d’une structure linéaire dont la forme se modifie selon l’angle de vue. Rien n’est fixe dans ce décor abstrait ; les murs semblent bouger et changer ; parfois, un mur apparaît en noir et blanc, parfois des formes géométriques surgissent. Le changement des couleurs rappelle les modifications de la lumière en 24 heures. C’est à la fois un jeu et un plaisir des yeux, mais aussi un vertige qui crée le déséquilibre ; l’œil ne parvient pas à se fixer, sauf dans la sphère qui fonctionne comme un piège du regard. On note qu’il s’agit d’une antichambre, d’un lieu où l’on passe, sans s’arrêter longtemps. Dans les années 1970, l’Op Art et l’art cinétique ont exploré les différentes manières de créer le mouvement ou son illusion : l’œuvre peut être mue par le spectateur, ou déplacée très doucement ou très brutalement de manière aléatoire, mais elle peut aussi donner l’illusion du mouvement par de simples phénomènes optiques, c’est alors le spectateur qui se déplace. Juif orthodoxe, Agam refuse autant la représentation que l’image fixe, se référant en cela à ce qui est écrit dans la Bible, au Livre de l’Exode : « Tu ne feras aucune image sculptée, rien qui ressemble à ce qui est dans les cieux, là-haut, ou sur la terre ici-bas, ou dans les eaux, au-dessous de la terre ». YAACOV AGAM Rishon LeZion (Palestine), 1928 Aménagement de l’antichambre des appartements privés du Palais de l’Elysée pour le président Georges Pompidou, 1972 - 1974 Installation avec de la lumière Laine, bois, transacryl, aluminium, peinture, dispositifs lumineux, métal, plexiglas 470x548x622 cm surface au sol : 34 m2. 12 5. ALIGHIERO BOETTI ALIGHIERO BOETTI Turin (Italie), 1940 - Rome (Italie), 1994 ALLÉE CENTRALE Tutto (Tout), 1987 Broderie réalisée à Peshawar, sur commande de l’artiste, par des Afghanes réfugiées au Pakistan Broderie à la main sur lin 174x251 cm Y-a-t-il un fond ? Un sens ? Voyez-vous des motifs ? Le tableau évoque-t-il un tapis ? Un puzzle ? Une broderie ? De grande taille, l’œuvre est très colorée, bariolée même. Elle est agréable à voir, joyeuse. Vue de près, on s’aperçoit que différents motifs s’imbriquent : à des échelles différentes, notes de musique, manteau, armes, personnages, animaux, outils, tourbillonnant. Le fond est totalement couvert, il n’y a pas de sens de lecture privilégié ; on a l’impression que l’œuvre pourrait se prolonger hors des bords du tableau. Les 84 couleurs vives juxtaposées sont à la fois dissonantes et harmonieuses, elles se contredisent et s’accordent. Ici, le rôle de l’artiste ressemble à celui d’un grand couturier : il a donné des motifs à des brodeuses afghanes réfugiées au Pakistan après l’invasion soviétique. C’est elles qui ont choisi la répartition des motifs et, parfois, celle des couleurs. L’exécution de l’œuvre n’est donc pas de la main de l’artiste, mais est confiée à des mains déléguées qui ont passé parfois jusqu’à cinq ans de travail pour ces broderies à l’aiguille. L’œuvre est un concentré de temps et de vie ; elle rappelle la tradition des tapis faits par des femmes qui y racontent leur histoire et y font entrer les objets familiers. Contrairement aux tapis dont la composition est précise, ici, on a l’impression de désordre, de chaos, mais aussi de vie : c’est en même temps la guerre et la fête. Le hasard n’est pas total ; il y entre une part de nécessité : telle forme ne peut pas se trouver à une autre place que celle qu’elle occupe. 13 6. ROBERT FILLIOU SALLE 13 Avez-vous l’impression de voir une œuvre ou plusieurs ? À quoi cette œuvre vous fait-elle penser ? Que vous évoque le titre ? L’œuvre occupe deux pans de murs et se compose de trois unités, elles-mêmes multipliées par trois, elles-mêmes encore multipliées par trois, etc. « La première œuvre, explique Filliou, consistait en une chaussette rouge dans une boîte jaune dont les proportions et les couleurs aussi étaient justes – je qualifiai ce travail de "BIEN FAIT". Puis je l’ai refait ; cette fois les proportions et les couleurs étaient fausses : "MAL FAIT". Je l’ai refait une troisième fois, il s’agissait toujours du même concept … absence de boîte et de chaussette : "PAS FAIT". J’ai trouvé ces travaux bien faits, eu égard à la peine qu’ils m’avaient donnée. Puis je les ai refaits… » L’œuvre est donc virtuellement infinie, puisque chaque unité de trois forme elle-même un ensemble « bien fait », qui sera à son tour reprise en « mal fait » et en « pas fait ». C’est ce que Filliou appelle le Principe d’équivalence. Que l’œuvre soit « bien » faite ou pas, qu’elle soit réalisée par l’artiste ou par quelqu’un d’autre, ou même pas réalisée du tout, et reste à l’état de projet, tout ceci est équivalent. C’est une révolution dans la façon de comprendre la création et le jugement esthétique. Filliou se définissait comme un « génie sans talent ». Économiste de formation, il avait tout quitté pour « inventer sa vie », entre le bouddhisme, le théâtre et la poésie. Proche du mouvement Fluxus qui efface les frontières entre l’art et la vie, il disait : « Quoi que tu penses, pense autre chose, quoi que tu fasses, fais autre chose ». ROBERT FILLIOU Sauve, 1926 - Les Eyzies-de-Tayac-Sireuil, 1987 Principe d’équivalence, 1968 Installation Bois, fer, laine et feutrine 200x1000 cm 14 7. JOSEPH BEUYS JOSEPH BEUYS 1921 Krefeld-1986 Düsseldorf Plight, 1985 284 rouleaux de feutre, un piano à queue, un thermomètre médical, un tableau noir 310x890x1813 cm SALLE 15 On ferme les yeux, on pénètre dans l’espace : quelles sensations ? Quelle odeur ? Est-elle agréable ? Avez-vous l’impression que l’espace est grand ? Petit ? Avez-vous envie de rester ici ? Qu’entendez-vous ? Il faut se courber pour pénétrer dans ce lieu clos où la température (37°) et les sons sont différents de ceux de l’extérieur. Entourés des 284 rouleaux de feutre, un piano à queue fermé et un tableau noir avec des portées musicales vides renforcent encore le silence. « Le feutre, dit Beuys, figure comme un élément de chaleur ou comme un isolateur, souvent utilisé en même temps que la graisse. » Le piano est silencieux, les notes absentes, mais l’idée du son demeure. Blotti dans ce silence, on n’entend que son propre corps, mais on pense nécessairement à la musique. À la fois enfermé et ouvert sur l’imaginaire, on s’interroge sur le silence. L’œuvre parle du son, de la musique, mais ne donne rien à entendre. Elle isole des nuisances sonores. Cette installation, à l’intérieur d’un musée, mais qui forme un monde à part, est à la fois un abri, une cellule, un lieu de méditation. Le thermomètre, placé sur le tableau, indique l’importance de la température, celle du corps. De sorte que pénétrer dans cet espace, c’est entrer à l’intérieur d’un corps. Joseph Beuys racontait que lorsqu’il avait été aviateur, il fut abattu avec son avion pendant la Guerre et sauvé par des Tatars qui le soignèrent avec de la graisse et l’enroulèrent dans du feutre. Ces deux matériaux sont toujours présents dans son œuvre ; l’art a une vertu thérapeutique et l’artiste est proche du chaman. 15 8. JIRI GEORG DOKOUPIL JIRI GEORG DOKOUPIL 1954, Tchécoslovaquie Vente aux enchères chez Christie’s, 1989 Noir de fumée sur toile 260,51x200 cm SALLE 34 Que voyez-vous de près, de loin? Que se produit-il si vous vous éloignez ? Quelle technique l’artiste a-t-il utilisée ? Peinture ? Dessin ? À première vue, la toile ne présente qu’un dessin assez confus, gris noir sur blanc. En s’éloignant un peu, vous distinguez une scène de vente aux enchères : des acheteurs vus de dos, un commissaire-priseur sur une estrade, des toiles derrière lui. La technique utilisée par Dokoupil n’a rien à voir avec la peinture traditionnelle : il tend la toile à l’horizontale au-dessus de sa tête, et promène une bougie allumée qui dépose du noir de fumée selon les lignes d’un dessin qu’il a tracé. Il contrôle le hasard, peint avec le feu destructeur, et non avec de la peinture. Ce n’est pas un pinceau qu’il utilise, mais une bougie qui, elle-même, ne touche pas la toile. Une distance se crée entre la toile et le peintre. On peut réfléchir, alors, sur le geste de l’artiste, sur ce qui permet de reconnaître son style, sa « patte ». 16 Et, justement, la vente aux enchères, qui est représentée, donne aux tableaux une valeur marchande ; la signature, le style, la manière propre à chaque peintre est précisément ce qui donne cette valeur. Il est possible de voir des jeux de mots dans cette œuvre : certaines ventes aux enchères se font « à la bougie », et les enchères prennent fin lorsqu’elle s’éteint. D’autre part le nom de Dokoupil signifie en tchèque : « J’ai tout acheté. » D’autres peintres du 20e siècle se sont posé ces questions et y ont répondu différemment : par exemple Jackson Pollock ne touchait pas non plus ses toiles, mais les posait au sol et versait la peinture en contrôlant les coulures. 9. PETER DOIG RUE Quel est l’élément qui vous frappe le plus dans ce tableau ? Le jour ? La nuit ? Où se déroule la scène ? S’agit-il d’un rêve ou de la réalité ? Et son titre ? Était-ce il y a cent ans, c’est-à-dire en 1901 ? Sur cette très longue toile, un paysage aquatique est traversé par un immense canoë rouge orangé qui en occupe toute la longueur. Un être, assis, de face, le visage maigre, regarde le spectateur. Au fond, une île verdoyante se détache sur le ciel bleu noir menaçant. Le tableau se divise en trois bandes superposées qui semblent appartenir à des mondes différents : la surface de l’eau transparente où se reflètent le canoë et le personnage, puis une étendue bleu clair peinte avec une matière plus épaisse, et qui est ou n’est pas de l’eau, enfin, au-dessus d’une ligne noire, le ciel sombre et l’île posée au-dessus de la bande claire. C’est, bien sûr, un paysage avec un premier plan et un arrière-plan, mais sans perspective, sans profondeur, où l’œil circule de droite à gauche suivant la direction du canoë, et non vers le fond. Qui est cet être représenté sur le tableau ? On peut y voir un passeur menant vers une île des morts ou des vivants ; ou peut-être un mort. Et, en effet, il est fait allusion à Berry Oakley, bassiste d’un groupe (The Allman Brothers Band), mort en 1972. Tableau à l’huile sur toile, l’œuvre s’inscrit dans l’histoire de l’art. Son titre (Il y a 100 ans) se réfère au début du 20e siècle et au début de l’art moderne ; le sujet luimême peut rappeler des tableaux de Matisse ou l’Île des morts de Böcklin (1880-86). « La peinture ne devient intéressante que lorsqu’elle est totalement intemporelle » dit l’artiste. Peintre d’atelier, Peter Doig s’environne d’un univers très envoûtant, fait de musique (toujours le même album), de photos, de cartes postales, d’images de magazines. PETER DOIG 1959 Edimburg 100 years ago (Il y a cent ans), 2001 240x360 cm 17 10. LÉANDRO ERLICH SALLE 19 Qui êtes-vous ? Un spectateur ? Un voyeur qui observe ses voisins ? Un espion ? Un policier ? Un amoureux ? Un curieux ? Où êtes-vous ? Dedans ? Dehors ? Devant une façade d’immeuble, la nuit ? Les treize moniteurs montrent des fenêtres éclairées ou dissimulées par des stores. Chaque fenêtre évoque une histoire, une scène, un film : on y voit un dîner, un artiste et ses tableaux, un musicien, une fête, un couple, un bodybuilder... Nous sommes presque dans la vie réelle, mais ce ne sont pas des fenêtres. La place des vidéos, des scènes, est interchangeable. Erlich met le spectateur dans une position d’inconfort, de doute. Nous croyons être dans un milieu familier (un ascenseur, une piscine, une chambre), devant une fenêtre ou une façade, et subitement nos repères basculent : nous circulons sous l’eau, marchons sur la façade, sommes à la fois dedans et dehors. Depuis l’Antiquité, le trompe-l’œil fascine autant les artistes que leur public. Ici, il fonctionne avec les outils contemporains (la vidéo) et notre manière moderne de regarder en pointillé : le zapping, les scènes hachées, discontinues, le passage d’un monde à un autre. On ne peut s’empêcher de penser ici au film d’Alfred Hitchcock, Fenêtre sur cour, où un homme scrute les fenêtres de ses voisins. Mais, à la différence de ce film où il y a une histoire, un meurtre, ce que racontent ces vidéos n’a pas vraiment de sens, ni d’histoire. Chacun peut en imaginer une. Face à cette œuvre, nous ne savons plus qui voit et qui est vu. Sommes-nous encore en dehors de cette installation ? Tous les éléments en sont repérables, familiers, mais l’ensemble est profondément déstabilisant : « il est pratiquement impossible de définir la réalité, mais il est possible de définir les choses qui font partie de la réalité », précise Léandro Erlich. LÉANDRO ERLICH Buenos Aires (Argentine), 1973 The View, 1997 - 2005 Œuvre en 3 dimensions, installation mixte 18 11. YTO BARRADA SALLE 23 Vous sentez-vous projeté à l’intérieur de ces images ? Rêve, réalité ? Rester ou s’enfuir ? Ces deux photographies en couleurs de très grand format, carrées, sont des tirages réalisés à partir de négatifs ; ni photos numériques, ni montages, elles renvoient à une époque pas très lointaine où la photographie n’était que très peu manipulée. Ces images appartiennent à une série qui décrit une ferme pédagogique à Tanger. Ce qu’elles donnent à voir est vrai, précis, quotidien, sans mise en scène, sans effet étonnant ou spectaculaire. Les tables d’écoliers en métal rouge et bleu sont plantées dans le sol d’une serre ; au-delà apparaît un paysage un peu flou, verdoyant, luxuriant, féérique, tel que Matisse et d’autres pouvaient le rêver et le peindre. Par terre, des pots de fleurs et des plantations évoquent le travail en cours des écoliers. Mais les écoliers sont absents. Ba Youssef est le sujet principal de l’autre image ; assis, il médite devant ses tomates jaunes ; il ne regarde pas le photographe, il ne pose pas, ne fait rien ; il est juste le jardinier. En le voyant, on sent la fraîcheur de l’eau, l’odeur de la terre, le calme, la lenteur de la nature. Et pourtant, Tanger n’est-elle pas plutôt une ville grouillante, surpeuplée, vivante ? Située entre l’Afrique et l’Europe, elle est un lieu de passage, une ville de migrants au bord du détroit de Gibraltar, l’endroit où l’on rêve d’un ailleurs, une « ville de transit qui est elle-même en transition », selon Yto Barrada. Franco-marocaine, l’artiste a d’abord fait des photos documentaires et politiques ; « j’ai commencé à photographier la maison de ma mère, la violence des rapports domestiques et bien sûr, j’y retrouve au plus proche, bien plus proche, le peuple qui rêve d’absence ». YTO BARRADA Paris, 1971 Tables d’écoliers de la serre, ferme pédagogique, Tanger 2011 Épreuve chromogène 150 x150 cm Ba-Youssef et les tomates jaunes 2011 Épreuve chromogène 80 x 80 cm 19 12. KADER ATTIA SALLE 22 En arrivant dans cet espace, ressentez-vous une crainte, un respect, une gêne ? Avez-vous envie de baisser la voix ? Vous sentez-vous témoin ? Voyeur ? Souhaitez-vous rester à la marge de l’œuvre ou vous en approcher ? KADER ATTIA Dugny, 1970 Ghost, 2007 Œuvre en 3 dimensions, Installation mixte 20 Plus de cent silhouettes vues de dos, voilées, accroupies, semblent être ici en position de prière. Ce sont des femmes, ou plutôt des corps en papier d’aluminium. D’abord dans l’ombre, le spectateur est attiré vers l’avant, vers la lumière ; il se retourne et ne voit que des trous vides à la place des visages. « Ghost » signifie « fantôme » en anglais. L’aluminium est un matériau pauvre souvent utilisé par les femmes : il emballe, protège, isole, il est indispensable mais aussitôt jetable. Cette grande installation est imposante et fragile : une main suffit pour détruire la sculpture. Comme le dit le sage chinois Lao Tseu : « L’homme crée des choses mais c’est le vide qui leur donne sens ». Né de parents algériens, Kader Attia a grandi à Sarcelles dans un environnement multiculturel. « Ghost » est l’une des pièces les plus représentatives de son travail : il y modèle le vide identitaire. Chaque sculpture y est unique, bien que la méthode soit toujours la même : emballer une femme dans des positions différentes, avec, pour chacune d’entre elles, 3 rouleaux d’aluminium de 25 m. Par pression, il colle ce papier au plus près de l’anatomie de la femme. Son inspiratrice et son premier modèle est sa mère : femme musulmane, femme tolérante (une partie de sa famille est juive). « Nous les artistes on donne à voir un air du temps », explique l’artiste. Devant cette œuvre, on peut se poser d’autres questions : ces corps qui forment une foule compacte représentent-ils des individus ? Oui, car les sculptures sont toutes différentes ; non, car elles n’ont pas de visage, ce sont des coquilles vides, des formes en creux. Elles sont en position de prière, mais quelle prière ? Cette œuvre parle-t-elle de religion ? Ou de la fragilité de la vie humaine ? 13. ERNESTO NETO BIENVENUE AU CENTRE POMPIDOU ! ALLÉE CENTRALE Avez-vous l’impression d’être devant un décor ? Une sculpture ? Un monstre aux bras multiples ? Êtes-vous attiré ou dégoûté ? Effrayé ou rassuré ? Avez-vous envie de toucher ou au contraire de fuir ? Avez-vous perçu l’odeur de cette œuvre? Une forme étrange molle, transparente, est accrochée au plafond en quelques points, et non pas posée sur un socle. Est-ce une pluie gluante ? Des viscères d’un corps monstrueux ? Une bave, un venin, un crachat ? Sans forme, sans couleur, mais pas sans odeur. Étrangement, ce parfum est agréable. Dans chaque tube souple, des épices odorantes sont enfermées. L’aspect visuel répugnant devient plus attractif, attire le visiteur, qui, selon le projet initial de l’artiste, pouvait pénétrer à l’intérieur de cette forêt à la fois futuriste et primitive, de cet ailleurs de rêve ou de cauchemar. Au sein de cette structure, la douceur molle et familière des tubes en lycra rappelle les parties d’un organisme vivant, entrailles d’un monstre non agressif, plutôt doux. La sculpture n’est pas réalisée avec un matériau dur et résistant comme le marbre, le bronze, le métal, ou le bois, mais avec le lycra des collants et la poudre des épices, matériaux éphémères. Cette sculpture n’a pas non plus de forme, elle est une anti-forme : c’est la matière qui produit la forme. L’artiste explique : « L’énergie qui anime mon travail est la pesanteur. L’objet, la forme, le contour se trouvent définis quand le matériau est étiré dans l’espace et montre la légèreté de la masse. » Cette manière de sculpter avec un matériau mou n’est pas rare chez les créateurs contemporains. Selon Ernesto Neto, le spectateur est à la fois invité à entrer dans ce monde inquiétant, étrange et familier, mais aussi, par son titre, à s’en tenir écarté : We stopped just here at the time (on s’est arrêté juste ici à ce moment là). ERNESTO NETO Rio de Janeiro (Brésil), 1964 We stopped just here at the time, 2002 Œuvre en 3 dimensions, installation, lycra, clou de girofle, curcuma, poivre 80 x 80 cm 21 EN DEHORS DES SENTIERS BATTUS BIENVENUE AU CENTRE POMPIDOU ! VOICI QUELQUES SUGGESTIONS D’ACTIVITÉS À EXPÉRIMENTER AVEC VOTRE GROUPE Différents types de visites : « prédictives » Il s’agit d’amener le groupe à imaginer une œuvre à partir de son titre. Ainsi, avant d’aller découvrir l’œuvre, commencez à échanger avec lui sur ce qu’ils s’imaginent de l’œuvre à partir du seul titre. Munissez-vous de cartes sur lesquelles figurent les titres des œuvres et, éventuellement, leurs dimensions ou leurs matériaux (bois, toile, collages, objets, etc.). « dialogues » Le jeu consiste à faire dire à chacun, à tour de rôle, un mot ou une impression sur l’œuvre. « battles » « cartomancies » Découvrez l’œuvre qui vous est destinée dans un rapport intime. Faites tirer au sort à un membre du groupe une carte sur laquelle l’œuvre est présentée. Puis aller découvrir l’œuvre tirée. Face à une œuvre, on joue le « non je ne suis pas d’accord ». On bataille, on joue à se disputer à propos de ce qu’on voit, de ce qu’on éprouve. « mémoire visuelle » On bande les yeux du participant devant une œuvre pendant que quelqu’un la commente : ils s’en font une représentation mentale et la découvrent ensuite. « j’aime... je n’aime pas.... » Chacun dit ce qu’il aime ou ce qu’il déteste dans les œuvres. « croque-musée » Face à l’œuvre, vous essayez de réaliser un rapide croquis aide-mémoire. « tous conférenciers ! » Chacun présente une œuvre en se prenant pour un connaisseur ou un ami intime de l’artiste. 22 POUR EN SAVOIR PLUSPOMPIDOU ! BIENVENUE AU CENTRE SOUHAITEZ-VOUS ALLER PLUS LOIN ET EN APPRENDRE DAVANTAGE ? Sur les collections d’art contemporain, sur la vie et les préoccupations des artistes, sur l’histoire de telle ou telle œuvre, sur ses significations, consultez les catalogues et les ouvrages édités par le Centre Pompidou. Plusieurs lieux vous sont ouverts : • Le salon des visiteurs, à gauche après l’entrée du Musée situé au 4e étage. • La Bpi (Bibliothèque publique d’information), entrée libre et gratuite, accessible rue Beaubourg. Les ouvrages sont en libre accès : vous les prenez sur les rayons. Les bibliothécaires sont à votre écoute et vous guident dans vos recherches. Sur le site internet du Centre Pompidou : www.centrepompidou.fr • Les dossiers pédagogiques, plus de 125 dossiers sont actuellement en ligne : des monographies d’artistes modernes et contemporains, de chorégraphes, de designers et d’architectes, de cinéastes, des dossiers sur les grands mouvements du 20e siècle, les nouveaux médias ou la photographie, sur l’architecture du Centre Pompidou…). • De nombreuses vidéos sont en ligne et vous permettent de voir et d’écouter directement les artistes : conférences, portraits d’artistes, présentation des expositions... Sur le réseau : http://hda-prod.culture.fr/ Le site « Histoire des arts » destiné notamment aux enseignants des collèges et des lycées : plus de 4 500 ressources sont regroupées venant de nombreuses institutions et centres culturels en France. • La base de données de la collection du Musée national d’art moderne (Mnam) comprend 73 000 œuvres. • Les ressources pour les publics en situation de handicap s’adressent à tous : des analyses d’œuvres sur différents médias (vidéos, sons, textes), des conférences enregistrées, vidéos en LSF sous titrées… www.handicap.centrepompidou.fr 23 12 2626 2424 2222 31 31 10 30 30 16 16 bis bis 33 33 at the time The View 29 29 18 18 19 19 16 16 32 32 14 bis 14bis 8 Auction at Christie’s 13 13 Jiri Georg Dokoupil 34 34 14 14 12 12 15 15 Plight 100 Years Ago We stopped just here 28 28 20 20 1717 21 bis 21 bis 7 Joseph Beuys 9 Peter Doig Leandro Erlich 27 27 25 25 23 23 2121 ferme pédagogique, Tanger Tables d’écoliers de la serre, et les tomates jaunes ; Ba-Youssef Yto Barrada 11 Ernesto Neto 13 Ghost Kader Attia 5 d’équivalence Principe Robert Filliou 6 11 11 Tutto Alighiero Boetti 4 le Palais de l’Élysée Aménagement pour Yaacov Agam Librairie 10 10 88 10 bis 10bis 99 44 77 I like Olympia in Black Face Larry Rivers 3 22 Ten Lizes Andy Warhol 2 55 1 1 33 66 Jardin d’hiver 1 Jean Dubuffet u NIVEAU 4 Espace nouveaux médias et film Sa de