FNSEA_Note-sur-Sur-amortissement-40

Transcription

FNSEA_Note-sur-Sur-amortissement-40
Déduction exceptionnelle en faveur de l’investissement productif :
application en matière agricole
(Note de la FNSEA du 6 avril 2015)
À l’issue du Conseil des Ministres du 8 avril dernier, le Gouvernement a annoncé une
mesure exceptionnelle de soutien à l’investissement productif pour certains investissements
réalisés entre le 15 avril 2015 et le 14 avril 2016, qui s’est traduite par l’adoption, par le
Sénat, d’un amendement au projet de « loi pour la croissance, l’activité et l’égalité des
chances économiques » dite loi « Macron ».
D’ores et déjà, cette mesure a fait l’objet de commentaires publiés le 21 avril dernier dans la
base documentaire en ligne Bofip (voir extrait BOI-BIC-BASE-100-20150421, joint en
annexe) qui assurent son opposabilité aux investissements éligibles réalisés depuis le 21
avril 2015.
Si les exploitants individuels et sociétés agricoles relevant des bénéfices agricoles et selon le
régime réel (normal ou simplifié) ou soumis à l’impôt sur les sociétés sont expressément
visés (les exploitants soumis au forfait ne peuvent en revanche en bénéficier), le champ
d’application des agroéquipements d’investissement éligibles au dispositif peut susciter
quelques interrogations.
La mesure vise en effet les matériels et outillages « utilisés pour des opérations industrielles
de fabrication ou de transformation » éligibles à l’amortissement dégressif, « à l’exclusion du
matériel mobile ou roulant affecté à des opérations de transport » (l’ensemble des véhicules
relevant du transport de personnes, comme les véhicules utilitaires ou les quads, sont donc
exclues de la mesure).
L’emploi des termes « opérations industrielles » n’a manifestement pas pour objet d’exclure
les biens d’investissement non affectés au secteur de l’industrie puisque le Ministre de
l’Economie a expressément déclaré que « les types d’investissements concernés par ce
dispositif sont extrêmement variés : cela va des investissements en recherche et
développement au renouvellement d’un appareil de chauffage, en passant par une
installation d’épuration, la bétonneuse d’un artisan, un four à pain ou une moissonneusebatteuse» (voir compte-rendu intégral de la Séance du Sénat du 16 avril, Journal Officiel du
16 avril 2015, p. 3963). Le Gouvernement a par ailleurs expressément pris en exemple
l’acquisition d’un tracteur par un exploitant agricole dans son communiqué de présentation
de la mesure.
Le dispositif devrait donc inclure l’ensemble des machines agricoles comme les tracteurs ou
les moissonneuses batteuses, mais également les matériels de travail du sol, les semoirs,
pulvérisateurs, distributeurs d’engrais, matériels et robots de traite des animaux, pressoirs,
matériels utilisés dans les serres horticoles (liste non exhaustive), dès lors que l’ensemble de
ces biens d’investissements, fixes ou mobiles, respectent les conditions cumulatives
suivantes, à savoir :
- ils sont acquis neufs (les biens « usagés », c’est-à-dire d’occasion sont théoriquement
exclus du dispositif),
- ils ont une durée normale d’utilisation au moins égale à trois ans,
- ils sont affectés à la réalisation d’une activité agricole,
- et ils entrent dans le champ d’application des articles 39 A du Code général des impôts et
22 de l’annexe II dudit Code, c’est-à-dire du dispositif d’amortissement dégressif (il n’est
cependant pas nécessaire que ces biens fassent effectivement l’objet d’un amortissement
dégressif, il suffit qu’ils y soient éligibles).
De même, les « matériels de manutention » utilisés dans l’agriculture doivent également, et
sous les mêmes réserves, pouvoir bénéficier du dispositif.
En revanche, l’ensemble des investissements immobiliers (bâtiments de stockage et
d’élevage ou autres) sont manifestement exclus du bénéfice de la mesure.
Souhaitant obtenir une confirmation expresse de cette interprétation opposable par les
exploitants sur le fondement de l’article L. 80 A du Code général des impôts, la FNSEA a
saisi Bercy pour plus de précisions sur le champ d’application du dispositif.
La déduction exceptionnelle est un dispositif optionnel, qui s’applique au choix de l’entreprise
ou de la société.
Elle concerne les biens acquis par l’entreprise ou la société entre le 15 avril 2015 et le 14
avril 2016 : à cet égard, la date à prendre en compte est la date d’acquisition ou de livraison
du matériel ou de l’outillage, selon les modalités de la vente et la nature du bien acquis, et
non pas celle de sa mise en service.
Cette déduction exceptionnelle s’élève globalement à 40 % du prix de revient de
l’investissement, hors frais financiers (notamment les coûts d’emprunt).
Elle n’est pas constatée en comptabilité et est simplement déduite extra-comptablement des
bénéfices agricoles ou de l’impôt sur les sociétés des exploitants, de façon linéaire pendant
toute la durée d’amortissement du bien (la déduction est répartie de façon égale sur toute la
durée d’amortissement linéaire, ce même si l’entreprise opte pour l’amortissement selon le
mode dégressif).
Lorsque l’exploitant (ou la société) opte pour son application, la déduction exceptionnelle
minore, de façon linéaire, son bénéfice fiscal soumis au réel, en plus de l’amortissement
linéaire ou dégressif pratiqué par ailleurs dans les conditions de droit commun en
comptabilité et fiscalité.
En cas d’acquisition en cours d’exercice, la déduction exceptionnelle est limitée proratatemporis à la période écoulée entre la date d’acquisition ou de livraison du bien, et la date de
clôture dudit exercice.
Son point de départ correspond au 1er jour du mois d’acquisition ou de livraison du bien.
Exemple :
Soit une EARL relevant de l’impôt sur le revenu dans la catégorie des bénéfices agricole
clôturant son exercice en année civile, qui achète au 1er juillet 2015 un tracteur au prix de
150 000 euros amortissable sur 6 ans selon le mode linéaire ou dégressif.
L’EARL choisissant d’amortir le tracteur selon le mode dégressif, la société pourra
comptabiliser les amortissements suivants et pratiquer, au choix, la déduction exceptionnelle
supplémentaire de la façon suivante :
En cas de vente ou de sortie d’actif du bien avant l’achèvement de la période
d’amortissement linéaire, la fraction de la déduction déjà déduite des bénéfices fiscaux des
exercices précédents ne sera pas remise en cause : elle est définitivement acquise.
De plus, l’exploitant aura la faculté de déduire du résultat fiscal de l’exercice de cession, la
fraction de déduction acquise entre le 1er jour de l’exercice et le dernier jour du mois
précédant celui au cours duquel intervient la sortie d’actif.
La fraction de déduction exceptionnelle non encore déduite sera en revanche définitivement
perdue par l’exploitant ou la société.
En outre, et dès lors que cette déduction n’est que fiscale, elle ne sera pas prise en compte
pour le calcul de la plus-value de cession (la fraction de déduction déjà déduite ne majore
pas la valeur nette du matériel ou de l’outillage cédé).
Reprise de l’exemple précédent :
Si l’EARL vend le tracteur acquis le 1er septembre 2017 pour 150 000 €, la plus-value sera
égale à :
Prix de cession (prix purement théorique) : 120 000 €
Valeur nette du tracteur au 1er septembre 2017 (choix de la comptabilisation d’un
amortissement prorata temporis au titre de l’exercice de cession) :
= 90 755 – (26 470 x 8/12)
= 90 755 – 17 647
= 73 108
Soit une plus-value à court terme réalisée sur la vente du tracteur, égale à :
= 120 000 – 73 108
= 46 892 €
La déduction exceptionnelle imputable sur le résultat fiscal de l’exercice 2017 sera par
ailleurs égale à :
= 10 000 x 8/12
= 6 667 €
La déduction fiscale imputée sur les bénéfices agricoles de l’EARL au titre de la période
écoulée entre le 1er juillet 2015 et le 31 août 2017, à savoir 21 667 euros (5 000 + 10 000 + 6
667), sera définitivement acquise.
En revanche, la fraction de déduction fiscale non imputée, à savoir 38 333 euros (3 333 + 10
000 + 10 000 + 10 000 + 5 000), sera définitivement perdue.
Il convient de noter que le bénéfice du dispositif est étendu aux biens d’équipement faisant
l’objet d’un contrat de crédit-bail ou d’un contrat de location avec option d’achat, étant
précisé que c’est le locataire ou le crédit-preneur qui bénéficie alors de la possibilité de
pratiquer la déduction, ce même si le matériel ou l’outillage acquis et éligible au dispositif
ne peut être inscrit à leur bilan et faire par ailleurs l’objet d’un amortissement.
Par ailleurs, la nature purement fiscale de cette déduction exceptionnelle sur les biens et
outillages éligibles à l’amortissement dégressif, laisse planer un très fort doute sur sa
déductibilité de l’assiette sociale des exploitants et associés non-salariés agricoles.
En effet, le quatrième alinéa de l’article L. 731-15 du Code rural précise qu’il convient de
majorer le bénéfice fiscal pris en compte pour l’assiette des cotisations sociales des nonsalariés agricoles, « des déductions et abattements qui ne correspondent pas à des
dépenses nécessitées par l’exercice de la profession, à l’exception de la déduction opérée
en application de l’article 72 D ou de l’article 72 D bis du Code général des impôts ».
Or, si la dépense « réelle » d’acquisition des biens d’équipement est intégralement
déductible de l’assiette des cotisations sociales par le biais des amortissements pratiqués en
comptabilité et fiscalité, ce complément d’amortissement imputé sur le bénéfice fiscal par le
biais d’un retraitement extracomptable (ligne « déductions diverses » de la liasse de
résultats) semble, en l’absence de tolérance expresse, devoir être réintroduit dans l’assiette
des cotisations sociales.
Des démarches ont d’ores et déjà été engagées pour obtenir la prise en compte sociale de
cette déduction exceptionnelle.
Rappelons que ce dispositif, qui est en cours d’adoption au Parlement, est susceptible
d’évolution en fonction des termes définitifs qui seront ou non adoptées.
L’article L. 80 A du livre des procédures fiscales rend néanmoins opposable l’intégralité des
dispositions relatives à la mesure qui ont fait l’objet des présents commentaires, pour les
acquisitions de matériel éligibles réalisées entre le 15 avril 2015 et la date de publication de
la « loi pour la croissance, l’activité et l’égalité des chances économiques ».
Il est cependant peu probable que le texte législatif, adopté au Sénat et soutenu par la
majorité, subisse des inflexions majeures.
ooOoo