Cluny 2010 1100ème anniversaire de la charte de fondation de l

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Cluny 2010 1100ème anniversaire de la charte de fondation de l
Cluny 2010
1100ème anniversaire de la charte de fondation de l'abbaye de Cluny.
Un itinéraire spirituel pour aujourd'hui
En guise d'introduction:
En 909, ou 910, était posée la première pierre d'une abbaye bénédictine qui allait marquer le cours
de l'histoire du continent européen : Cluny.
Mille cent ans plus tard, les sites de six pays d'Europe occidentale dont Cluny est à l'origine ou dont
elle a marqué l'histoire de son empreinte s'apprêtent à fêter "l'anniversaire du siècle".
A commémoration exceptionnelle, programme exceptionnel : ce sont plus de 200 événements qui,
partout en Europe, permettront de sensibiliser tous les publics, du 10 septembre 2009 à la fin de
l'année 2010, au cours d'une montée en puissance médiatique inédite !
Ces événements toucheront à l'histoire, à l'architecture, au tourisme, à la culture... et il semblait
naturel que les Eglises participent à cet anniversaire pour redécouvrir cette spiritualité qui a
construit l'Europe et pour lui donner une résonance actuelle.
Cluny, un réseau:
Plus encore qu'un ordre à part entière, – tous les monastères concernés sont bénédictins, mais tous
les bénédictins ne sont pas clunisiens – le grand mouvement monastique dépendant de Cluny est
d'abord un réseau de contacts, de dépendances imbriquées les unes dans les autres, d'échanges
entre monastères parfois bien antérieurs à la fondation de Cluny, mais qui entre dans sa zone
d'influence. Cet immense tissu clunisien recouvre toute l'Europe occidentale, avec des monastères
en Italie ou en Ecosse, en Allemagne du Sud ou en Espagne, souvent sous la responsabilité
personnelle de l'abbé de Cluny.
Disparu avec la destruction de Cluny à la Révolution française, ce grand réseau médiéval a été
réactivé par la création en 1994 de la Fédération des sites clunisiens. La Fédération poursuit quatre
objectifs principaux :
‒ Sensibiliser à l'histoire clunisienne
‒ Fédérer les personnes et les sites
‒ Valoriser le patrimoine clunisien
‒ Promouvoir les sites membres du réseau pour rassembler les lieux de mémoire de l'immense
réseau médiéval.
En 2005, la Fédération reçoit le soutien du Conseil de l'Europe, et le titre de « Grand itinéraire
culturel de l'Europe ».
C'est dans le cadre de la Fédération que sont organisées la plupart des manifestations du jubilé
clunisien de 2009-2010. Sur le plan européen, un grand nombre d'expositions, concerts,
conférences, colloques, journées du patrimoine, voyages etc. sont proposés par les sites membres.
La Fédération elle-même organise de grands rassemblements entre septembre 2009 et fin 2010.
Parmi eux, l'Assemblée générale de la Fédération pour l'année du jubilé, qui aura lieu à Payerne à la
fin du mois de mai. Ce sera l'occasion d'une grande fête dans et autour de l'abbatiale.
L'essentiel en bref:
Qu’est-ce qu’on fête ?
La charte de fondation du monastère de Cluny.
De quand date-t-elle ?
Du 11 septembre 909 ou 910: la charte laisse un doute concernant l'année (il y a deux méthodes de
calcul de la date). Voilà pourquoi les festivités se déroulent entre septembre 2009 et fin 2010.
Que rapporte la charte ?
L’histoire de Guillaume, duc d’Aquitaine, qui donne un domaine appelé Cluny à des moines pour y
établir un monastère selon la règle de saint Benoît : prière, travail manuel et agricole, réforme de la
vie monastique, autonomie face aux puissants du monde, (mais pas désintérêt du monde), secours
aux nécessiteux, accueil des étrangers, liens avec les érudits.
Cluny, c’est où ?
En Bourgogne, à côté de Taizé. A l’époque de la fondation, on aurait dit dans le Mâconnais, aux
frontières du royaume de Francie.
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Pourquoi est-ce un acte important ?
Il y a eu à la même époque d’autres fondations du même type, mais celle de Cluny a eu une
postérité tout à fait extraordinaire : en 250 ans environ, Cluny n’a connu que 9 abbés, souvent des
personnalités hors du commun, qui ont développé un réseau de monastères à travers toute l’Europe
occidentale. Ces maisons (plus de 10’000 moines au total) étaient liées par la règle, le même abbé,
une solidarité mutuelle, une même liturgie, une même juridiction… Au XIe siècle, plusieurs grands
papes sont des moines clunisiens. Cluny a joué un rôle immense dans l’histoire politique,
ecclésiastique, mais aussi artistique, sociologique, philosophique de l’occident latin.
Pourquoi fêter Cluny ailleurs qu’à Cluny ?
Comme les « apôtres des slaves » saints Cyril et Méthode, saint Benoît est un « patron de
l’Europe », en raison du réseau de monastères bénédictins qui ont construit l’identité chrétienne
européenne. Cluny est une des branches majeures du mouvement bénédictin. On parle d’ailleurs
d’ecclesia cluniacensis, c’est-à-dire d’Eglise clunisienne pour désigner le réseau dont Cluny est la
tête.
De plus, depuis la révolution française, il ne reste presque rien de l’église principale à Cluny. Elle
était la plus grande d’occident durant plus de 500 ans. L’architecture clunisienne est mieux connue
par les autres monastères de la famille : Berzé, Paray-le-Monial, Moissac, Romainmôtier, Payerne…
dont les églises sont des témoins éclatants.
Tout ça, c’est de l‘histoire ! Quel rapport avec aujourd’hui et avec la foi ?
Cette histoire a marqué notre société jusqu’à aujourd’hui. Cluny a influencé notre manière de vivre
la foi, l’organisation de l’Eglise, mais aussi le rapport entre politique et religion en Europe, l’art dans
la vie de l’Eglise, les manières d’interpréter la Bible, le culte…
Cet anniversaire est une occasion de se laisser interpeller par cette histoire spirituelle. Cela peut
nourrir et renouveler notre foi.
Enfin, Cluny conditionne nos lieux de vie à cause de la présence des traces clunisiennes. Ce qui est
une attraction pour de nombreux touristes est à l’origine un acte de foi chrétienne. Peut-être les
Eglises peuvent-elles saisir l’occasion de cet anniversaire pour manifester un sens spirituel à
l'héritage du passé et pour stimuler la vie de foi aujourd'hui.
Pour en savoir plus :
http://fsc.cluny.free.fr/
http://tinooeb.cluny.free.fr/abbaye/index.html
http://www.encyclopedie-universelle.com/abbaye-CLUNY-menu.html
Comment relever le défi ?
Un groupe de travail œcuménique s'est mis en route en Suisse Romande en reliant les paroisses
concernées dans l'itinéraire clunisien de la Bourgogne transjuranne et en imaginant des projets de
spiritualité pour marquer cet anniversaire. Ces événements sont inspirés par les thèmes contenus
dans la charte de fondation (par exemple: vie spirituelle et vie monastique, rapport entre « pouvoir
spirituel » et pouvoir temporel, rapport entre prière et service de l'autre, place du laïc dans l'Eglise,
mais aussi d'autres thèmes inspirés de l'histoire clunisienne: rapport au temps, relations
interreligieuses, vision large de la communion des croyants, etc.).
Ces projets sont en cours d'élaborations dans différentes régions de l'itinéraire, mais le souhait est
venu de porter ensemble cette commémoration et ce témoignage, avec une volonté oecuménique et
une volonté de lien entre les sites de la Bourgogne transjuranne, et notamment Cluny. Cette mise
en commun a un impact sur la coordination du calendrier des manifestations, sur la communication
et sur la gestion des ressources financières. Or, au-delà des contraintes pratiques, cet anniversaire
est aussi l'occasion de liens fraternels entre des chrétiens vivant et célébrant leur foi dans des lieux
issus d'une même histoire.
Quelques projets:
Une liste actualisée des projets peut être obtenue sur demande auprès de M. Philippe Vittoz,
secrétaire du groupe de travail.
Pour l'heure, mentionnons:
− le 21 novembre 2009, une rencontre monastique à Payerne avec les moines et moniales des
communautés d’Hauterive, de la Maigrauge, de la Fille-Dieu, de Bose, Grandchamp,
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Géronde, Colombey etc, composée d’offices ainsi que de 2 conférences : « héritage clunisien
aujourd’hui » et « vie œcuménique monastique ».
− le 24 avril 2010 à Bursins, une journée clunisienne de l'enfance destinée aux groupes
d'enfants protestants et catholiques et leurs moniteurs.
− une marche depuis les sites clunisiens de Bourgogne transjuranne vers Romainmôtier et un
week end à Romainmôtier pour les jeunes (15-25 ans), date à déterminer
− 30 mai 2010, célébration œcuménique à l'occasion de l'extraordinaire Assemblée Générale
de la Fédération des Sites Clunisiens. Présence et participation des délégués des paroisses
clunisiennes de Bourgogne transjuranne.
− 8 mai 2010 à Payerne, rencontre de tous les groupes de prières de maison, cellules,
responsables d'offices réguliers etc. de la Basse-Broye: un réseau de prière quotidienne.
visite de l'abbatiale, prière, animations.
− 2 voyage spirituels en Bourgogne, l'un organisé par la région Basse-Broye (Payerne) en
juillet, l'autre organisé par la région Haut-Lac Pays-d'Enhaut (Rougemont) en août.
− 12 septembre 2010, fête régionale de la région Haut-Lac Pays d'Enhaut à Rougemont avec
thématique clunisienne.
− Des échanges et invitations mutuelles entre sites clunisiens pour des cultes et messe durant
l'été 2010.
− Fin 2010, Journée de dialogue interreligieux (en commémoration de la traduction latine du
Coran par Cluny). Site et date à préciser.
− 19 janvier 2010 à Payerne: soirée débat du souper de l'unité autour du thème: pouvoir civil
et pouvoir religieux: influences mutuelles: le rôle de l'Eglise dans la société.
− Rédaction d'articles de spiritualité autour de thèmes clunisiens dans des brochures,
périodiques, revues de spiritualité ou de théologie.
− Fin 2009, soirées de contes médiévaux à dimension spirituelle proposés par une diacre de
l'Eglise réformée. plusieurs sites clunisiens, dates à déterminer.
− ...
Ces activités sont destinées en priorité aux paroissiens et aux paroisses qui vivent à proximité d'un
site clunisien, mais sont ouvertes à tous. De plus, certaines paroisses donnent durant l'année 2010
une teinte clunisienne ou médiévale à leurs activités régulières. Enfin, parallèlement aux activités
organisées par les Eglises elles-même, les sites proposent également des concerts (Montcherand,
Romainmôtier, Payerne...), expositions (Payerne, Rougemont, Romainmôtier...) ou colloques
(Romainmôtier) qui sont souvent en lien avec la vie de foi.
Pour
avoir
une
idée
de
ce
qui
se
fait
sur
le
plan
européen,
voir
le
site:
http://www.cluny2010.eu
En vous ?
Votre communauté est proche d'un lieu clunisien. Des événements vont probablement y avoir lieu
au cours de cette année de commémoration. Comment vous joindre à cette fête?
Vous pouvez simplement participer aux événements proposés, mais vous pouvez aussi proposer des
projets au groupe de travail qui tâchera de les signaler aux autres sites et de vous apporter un
soutien si nécessaire. Vous pouvez aussi vous engager dans un des projets déjà proposé ou donner
une dimension locale à l'un des projets proposés. Vous pouvez encore accueillir dans votre
communauté une délégation d'un autre site lors d'une journée « portes ouvertes ». Vous pouvez
donner une teinte médiévale ou clunisienne à un événement déjà existant dans votre région. Nous
comptons aussi sur vous pour faire circuler l'information et pour porter dans la prière toutes les
personnes qui s'engagent pour que la fête soit belle et fructueuse.
Personnes de contact:
Pour plus d'informations ou pour manifester votre intérêt, vous pouvez sans autre contacter:
M. le pasteur John Ebbutt, président du groupe de travail, Grandcour
Mme Aline Parmelin, présidente du conseil paroissial réformée, Bursins
M. Jean-François Tosetti, président de l'assemblée régionale réformée, Montcherand
M. Dominique Voinçon, assistant pastoral catholique, Payerne
M. le diacre François Rusillon, ministre de coordination, La Tour-de-Peilz
Annexe 1
CHARTE DE LA FONDATION DE CLUNY, 909 ou 910
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"Il est clair aux esprits clairvoyants que la providence Divine a si bien pourvu certains hommes
riches que, par le moyen de leurs biens temporaires, s'ils les emploient bien, ils peuvent faire en
sorte de mériter la récompense éternelle. En vérité, en ce qui concerne cette chose, la parole divine
montrant la chose possible et la conseillant au même moment : "la richesse d'un homme est le
rachat de son âme" (Prov. XIII). Nous, Guillaume, Comte et duc par la grâce de Dieu, soupesant
consciencieusement cela et désirant pourvoir à mon propre salut tandis que je le peux encore,
avons considéré qu'il est recommandable, qui plus est au plus haut point nécessaire, que des biens
temporels qui m'ont été conférés, je me dois d'en céder une petite partie pour le gain de mon
âme.
Je fais cela, en vérité, afin qu'ayant ainsi augmenté mes richesses, je ne puisse pas, par
accident, être finalement accusé d'avoir tout dépensé pour le soin de ma personne, mais plutôt pour
pouvoir me réjouir, quand le destin finalement m'arrachera toutes choses, d'avoir réservé quelque
chose pour moi-même. Cette finalité, en effet, ne semble pas accessible d'une autre manière plus
appropriée que celle qui vient d'être dite, selon l'enseignement du Christ : "je me ferai pauvre
pour mes amis" (Luc XVI, 9), et en faisant un acte non pas provisoire mais durable, je m'oblige à
prendre à ma charge une communauté de moines. Et c'est ma foi, c'est mon espoir que, malgré
mon incapacité à mépriser toutes choses, tout en recevant le mépris de ce monde, ce que j'estime
être juste, je puisse recevoir la récompense du juste.
Ainsi, qu'il soit connu de tous ceux qui vivent dans l'unité de la foi et qui attendent la miséricorde du
Christ, et à ceux qui leur succéderont et qui continueront d'exister jusqu'à la fin du monde, que,
pour l'amour de Dieu et de notre Sauveur Jésus-Christ, je remets de ma propre autorité aux saints
apôtres Pierre et Paul les biens dont je dispose, à savoir la ville de Cluny, avec son courtil, sa manse
dominicale et son église en l'honneur de sainte Marie mère de Dieu et de saint Pierre, le prince des
apôtres, tout ceci avec ce qui s'y rapporte, les villae, bien sûr, les chapelles, les serfs des deux
sexes, les vignes, les champs, les prés, les bois, les milieux aquatiques et leurs évacuations, les
moulins, les produits et les revenus, ce qui est cultivé et ce qui ne l'est pas : toutes ces choses dans
leur intégralité. Ces choses appartiennent ou dépendent du pays de Mâcon, chacune entourée de ses
propres bornes. Je donne toutes ces choses auxdits apôtres, moi Guillaume, et ma femme
Ingelberge, premièrement pour l'amour de Dieu, puis pour mon âme. Pour mon Seigneur Roi
Eudes, ou mon père et mère; pour moi et ma femme (pour le salut de nos âmes et corps) et tout
autant pour Ava [la sœur de Guillaume, qui possédait Cluny avant lui], qui m'a laissé ces choses par
sa volonté; pour les âmes de nos frères et sœurs et neveux et de tous nos parents des deux sexes;
pour nos fidèles qui se mettent à notre service; pour l'avancement, aussi et l'intégrité de la religion
catholique.
Finalement, puisque nous tous, Chrétiens, sommes unis par un devoir commun d'amour et la foi,
faisons de cette donation un bien de tous, à savoir les orthodoxes des temps passés,
présents ou futurs. Cependant, je donne ces choses à la condition qu'il soit érigé à Cluny un
monastère régulier en l'honneur des apôtres saints Pierre et Paul, et que là se réunissent des moines
vivant sous la règle de saint Benoît possédant, détenant et gouvernant à perpétuité les choses
concédées, de sorte que cette maison devienne la véritable demeure de la prière, emplie sans
cesse de vœux fidèles et de supplications pieuses et qu'on y recherche à jamais avec ardeur les
merveilles du dialogue avec le Ciel, ainsi qu'on y adresse assidûment prières, supplications et
exhortations à Dieu, autant pour moi que pour tous, selon l'ordre dont il a été fait mention cidessus. Et laissez les moines eux-mêmes, ensemble avec tous les biens susmentionnés, être sous le
pouvoir et l'autorité de l'abbé Bernon, qui, tant qu'il vivra, les dirigera avec constance, selon ses
connaissances et ses capacités. Mais après sa mort, ces mêmes moines auront le pouvoir et
l'autorisation d'élire quelqu'un de leur ordre qu'il leur plaira comme abbé et recteur, suivant la
volonté de Dieu et la règle promulguée par saint Benoît, dont la sagesse veut que personne, ni par
notre intervention, ni par aucun autre pouvoir, ne peut être empêché de procéder à une élection
purement canonique. Tous les cinq ans, lesdits moines paieront à Rome dix sous à l'église
apostolique romaine pour la fourniture de leurs éclairages, et ils auront la protection desdits apôtres
et du pontife romain. Ces moines peuvent de tout leur cœur et de toute leur âme bâtir le lieu susdit.
Nous voulons, de surcroît, qu'en notre temps et en celui de nos successeurs, selon les opportunités
et les possibilités offertes par ce lieu, qu'il y soit fait quotidiennement des actions
miséricordieuses envers les pauvres, les nécessiteux, les étrangers et les pèlerins. Il nous
a plu aussi d'insérer dans cet acte qu'à compter de ce jour, lesdits moines ne soient aucunement
soumis ni à notre joug, ni à celui de nos parents, du pouvoir royal ou d'une quelconque puissance
terrestre. Et, par Dieu, par ses saints, et par le jour redoutable du jugement, j'exhorte et j'adjure
qu'aucun prince séculier, ni comte, ni évêque, ni même le pontife romain, n'envahisse les
biens de ces serviteurs de Dieu, ou ne les confisque, ou n'en soustraie quelque chose, ou bien ne
les échange, ne les donne en bénéfice à quiconque ou leur impose la volonté de quelques uns. Que
de tels actes impurs soient encore plus proscrits quand ils sont le fait d'hommes violents et mauvais,
je vous le conjure, saints apôtres, princes glorieux de ce monde, Pierre et Paul et vous, ô suprême
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Pontife, que, par l'autorité canonique et apostolique vous avez reçue de Dieu, vous excluiez de la
communion de la Sainte Église de Dieu et de la vie éternelle les voleurs et les envahisseurs de ces
biens que je vous donne d'un cœur joyeux et d'une ferme volonté, pour que vous soyez les
protecteurs et les gardiens dudit lieu de Cluny et des serviteurs de Dieu qui y habitent, et de toutes
ses possessions, par la clémence et la miséricorde du plus saint Rédempteur.
Si quelqu'un, fût-il voisin ou étranger et quelque fût sa condition, tente d'user, par une quelconque
ruse, d'actes de violence contraire au don que nous avons ordonné d'être écrit pour l'amour de Dieu
tout-puissant et pour la vénération des chefs des apôtres Pierre et Paul (Ce que ne permet pas le
Ciel, ce que la pitié de Dieu et la protection des Apôtres empêcheront, je pense, de se produire),
qu'on le laisse d'abord encourir la colère du Dieu tout-puissant. Laissez Dieu le faire disparaître du
monde des Vivants et ôter son nom du Livre de Vie, et laissez ce qu'il lui reste rejoindre ceux qui ont
dit au Seigneur Dieu : Eloignez-vous de nous; Et avec Dathan et Abiron [cf. Nombres, chapitre 16],
pour qui la terre, ouvrant ses mâchoires, les engloutit en enfer toujours vivant, laissez le encourir la
damnation éternelle. Et, étant fait compagnon de Judas, laissez-le être poussé en bas vers des
tortures éternelles et laissez le paraître aux yeux des humains passer impunément dans ce monde,
qu'il sente dans sa propre chair les tourments de sa future damnation, partageant le double malheur
avec Héliodore et Antioche [cf Deuxième livre des Macchabées], l'un échappant de justesse à la
mort par la pointe et l'autre qui, terrassée par la volonté divine, ses membres dispersés et putréfiés
par la vermine, périt le plus misérablement. Laissez-le partager ce sacrilège avec d'autres qui
recherchent à piller les trésors de la maison de Dieu et laissez-le, à moins qu'il se mette à ouvrir les
yeux, être comme un ennemi, comme quelqu'un qui refuse l'entrée dans le Paradis béni, gardé par
celui qui détient les clefs de l'Eglise et rejoint au dernier jour par saint Paul, dont il aurait pu obtenir
la médiation. Cependant, tant qu'existeront les lois temporelles, il sera nécessaire que la justice le
contraigne de payer cent livres d'or à ceux à qui il a nui. Sa tentative d'agression ayant été contrée,
ne sera suivie d'aucun effet. Mais la validité de cette charte de donation, revêtue de toute l'autorité,
elle, demeurera inviolée et inattaquable, tout cela ensemble, tel qu'il a été dit.
Fait publiquement dans la cité de Bourges. Moi, Guillaume, j'ai ordonné que cela soit fait, rédigé et
ratifié de ma main."
(Signé par Guillaume, Engelberge et de 40 témoins, évêques et nobles)
Daté du 3 des ides de septembre (=11 septembre) de la onzième année du règne du roi Charles
(=909), indiction 13 (=910).
Traduit du latin par l’auteur anonyme de l’encyclopédie universelle de la langue française,
http://www.encyclopedie-universelle.com/
A partir du document original conservé sous tome 86 no 5, Collection de Bourgogne, BN, Paris.
C'est nous qui soulignons.
Annexe 2
Extrait de GEORGES DUBY, Adolescence de la chrétienté occidentale, 980-1140, collection Le Moyen
Age, Genève, Skira, 1984, pp. 134-5
[Cluny] avait été institué en 910 dans une indépendance totale : aucune intrusion permise, ni des
puissances temporelles ni même des évêques ; son fondateur l’avait à cette intention directement
unie à l’église de Rome : les mêmes patrons, saint Pierre et saint Paul, la protégeaient. Et ce fut
cette ségrégation parfaite, le privilège que conservèrent ses moines de désigner eux-mêmes leur
abbé à l’abri de toute pression extérieure, qui fit en réalité le succès de l’établissement clunisien. […]
Dans les provinces où s’installait Cluny [contrairement à d’autres, plus saines], les intrusions de la
féodalité avaient à tel point vicié les rouages centraux de l’Eglise séculière que le mouvement
clunisien s’affirma résolument antiépiscopal. Il désagrégea les diocèses au moment même où
l’indépendance des châtelains désagrégeait les comtés. Le triomphe de Cluny signifie donc dans
l’histoire des institutions un reflux de l’épiscopat, l’effritement plus poussé du système carolingien
qui fondait l’Etat sur l’autorité conjointe de l’évêque et du comte, l’un et l’autre contrôlés par le
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souverain. Ce triomphe signifie dans l’histoire de la culture et de ses expressions le recul de l’école
cathédrale, l’affaiblissement des tensions humanistes qui trouvaient leur ressort dans la lecture des
classiques latins, c’est-à-dire, en fait, la régression de l’esthétique royale. Au plan de l’esprit, des
attitudes religieuses et de la création artistique, les conquêtes de Cluny répondent aux conquêtes de
la féodalité. Elles s’y associent pour détruire les assises anciennes. Dans l’aire des victoires
clunisiennes – qui ne cesse de s’étendre et qui coïncide exactement avec le domaine privilégié des
formes d’art que nous appelons romanes – les traditions carolingiennes se dissolvent et s’effacent,
laissant aux formes indigènes, surgies du substrat romain, toute liberté de pousser leur essor.
Avec les progrès obscurs de l’économie rurale et l’installation de la féodalité, le succès de Cluny
représente le fait le plus important de l’histoire européenne du XIe siècle. Il fut immense et total.
Annexe 3
Extraits de LAURENT THEIS, L’héritage des Charles, Paris, Seuil, 1990, pp. 226-7
[…] des virtualités existant dans la plupart des entreprises rénovatrices du Xe siècle, Cluny a tiré un
parti extraordinairement ample et durable, sachant se placer à la charnière exacte entre le visible et
l’invisible, entre le siècle et l’éternité, entre les vivants et les morts, entre le dépouillement et la
magnificence, exauçant ainsi le souhait du duc Guillaume : « Je crois et j’espère que, même si je ne
peux mépriser totalement le monde, en accueillant des hommes qui le méprisent, et que je crois
justes, je recevrai la récompense des justes. » Comme l’atteste la Vie de Géraud d’Aurillac, rédigée
par Eudes de Cluny […], Cluny propose à l’aristocratie laïque la mieux disposée des perspectives
d’épanouissement qui ne vont pas brutalement à l’encontre de son identité propre. Pour régénérer le
monde, l’entreprise clunisienne le prend d’abord tel qu’il est, et s’adresse à lui par les gestes et les
mots qui conviennent. Elle s’intègre parfaitement dans le nouveau paysage politique et social. La
belle époque de l’organisation carolingienne ne lui aurait pas convenu. Au reste, Cluny, et les
valeurs qu’elle véhicule, contribuent activement à lui porter le coup de grâce.
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