MUSIQUE AUX ANTILLES

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MUSIQUE AUX ANTILLES
MUSIQUE AUX ANTILLES
Zouk à la Mazouk
Dessin de couverture : Jerry JALLIER
© L'Harmattan, 1999
ISBN : 2-7384-8420-4
Maurice JALLIER
Vivette JALLIER-PRUDENT
MUSIQUE AUX ANTILLES
Zouk à la Mazouk
L'Harmattan
5-7, rue de l'École Polytechnique
75005 Paris - FRANCE
L'Harmattan Inc.
55, rue Saint-Jacques
Montréal (Qc) - CANADA H2Y 1K9
Remerciements
Nous remercions tous ceux qui nous ont aidés à réaliser
cet ouvrage : parents, amis, collègues, musiciens, etc.
Les palmes vont à Marie-Josée Berthol qui, par affection
et avec patience a composé et mis en page ce texte.
Ketty Roy-Camille, ex. Madame Éditions Caribéennes, a
réécrit, corrigé, supervisé le manuscrit, l'a défendu et a
jusqu'au bout apporté la touche professionnelle à l'édition
de l'ouvrage.
Un merci chaleureux pour la contribution photographique
de Jules Henry, Fofo Fumey et... les autres.
A tous encore, mille fois merci.
Du même Maurice Jallier avec Yollen Lossen
Musique aux Antilles (1), Ed. Caribéennes.
AVANT PROPOS
A 18 ans, je perdis la vue, arrêtant aussitôt mes
études. Mes parents m'offrirent une guitare, ce qui
me permit dès 1947, d'entrer doucement dans le
show-business : orchestre, associations, groupes
folkloriques, composition. De nombreux prix dans les
concours de la chanson créole, carnavals, émissions
radiophoniques, spectacles... , etc. Et ceci, dans toute
la Martinique.
En 1952, je rencontre, à Paris, Barrel Coppet, et
m'affilie à la S.A.C.E.M. Débarrassé de mes études de
kinésithérapie, mon diplôme en poche, je me mis à
fréquenter assidûment les bals de la communauté
antillo-guyanaise, les soirées musicales de la capitale,
ce qui me donna l'occasion de côtoyer des musiciens,
des chanteurs, des artistes de notre région.
Ma rencontre, dans les années 80, avec Yollen
Lossen, dont le mari Serge jouait dans mon
orchestre, a fait naître une idée qui me trottait dans
la tête, et après de nombreuses discussions, nous
décidâmes d'écrire ensemble, Yollen et moi, un livre
sur la musique aux Antilles. Après une parfaite
collaboration qui fut facilitée par notre voisinage à
Cormeilles, Musique aux Antilles : Misik bô kay, vit
le jour en 1985, aux Editions Caribéennes.
Je tiens à remercier, ici, Yollen Lossen qui m'a
accompagné dans ma première expérience d'écriture,
ô combien passionnante, encouragé en cela par mon
ami Alex Roy Camille, directeur des Editions
Caribéennes, trop tôt disparu.
Dans ce premier ouvrage, nous avons parlé de
l'évolution de la musique aux Antilles, de Christophe
Colomb à nos jours. Dix à quinze ans de réflexion,
vaste programme, accouchement difficile, mais le
résultat a été au-delà de nos espérances, puisque
après ce premier ouvrage, Musique aux Antilles,
surgirent des émules et, plusieurs ouvrages sur notre
musique ont vu le jour.
Notre second volume, sur la musique aux
Antilles, a pour sous-titre : Zouk à la Mazouk. Certes,
nous avons sacrifié à la facilité, car au seul mot de
Zouk, les portes s'ouvrent, les visages s'illuminent,
les malades guérissent. Comme dit Kassav : " Zouk-la
sé sèl médikaman nou ni "... Nous avons donc adopté
à notre tour le mot zouk.
Dès le début des années 90, la mazurka créole,
née de la clarinette d'Alexandre Stellio, a retrouvé
force et vigueur dans la production antillaise. Pas un
album, pas un C.D ne sortent sans qu'une, deux ou
trois mazurkas ne soient publiées. Nous aurions dû
écrire : du zouk à la mazurka... mais " zouk à la
mazouk " était une expression très répandue à notre
époque. Comme l'on dit souvent: " Yé bap ", pris dans
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l'ambiance chaude, musicalement parlant, nous
répétions souvent cette succession de mots aux
sonorités faciles à retenir, "zouk à la mazouk",
comme une sorte de mélopée.
Dix années se sont écoulées, depuis la sortie du
premier livre et nous avons vécu une explosion
musicale extraordinaire. La musique afro-antillaise, à
la manière du jazz, du rock ou du reggae, a conquis
ses lettres de noblesse... Les choses, depuis, ont
beaucoup évolué : la technologie, les mass media,
l'information ont donné, dans nos îles, comme
partout ailleurs, une nouvelle dimension à la
musique, et c'est cette nouvelle dimension musicale
antillaise que je vais développer ici : la musique dans
ses traditions, à travers ses artistes, ses vedettes, ses
monstres sacrés et tout ce qui la touche de près ou de
loin : les lieux, les supports, les secteurs
professionnels. Quelques références seront faites au
premier ouvrage. Enfin, vous trouverez de
nombreuses photos, certaines inédites, ainsi que
quelques interviews, des partitions et des textes de
chansons.
Devant le grand bouleversement musical actuel,
je me devais, à nouveau, de m'investir, pour aider à
mieux comprendre ce phénomène et de mettre
également entre les mains de la jeune génération des
animateurs de radio, télévision ou spectacle, ou tout
simplement, à la disposition de tous ceux qui
s'intéressent de près ou de loin à notre culture, un
ouvrage de référence comme le premier. Pour cette
nouvelle aventure, j'ai demandé à Vivette Prudent
d'être mon co-pilote, et de vous soumettre le résultat
de nos investigations.
Nous n'avons pas fait d'études en musicologie et
c'est sans prétention aucune que nous essaierons de
parcourir avec vous, dans une promenade ludique,
notre si passionnante et si complexe culture
musicale.
Les auteurs tiennent à signaler que dans la
mouvance de l'actualité, certaines situations se sont
modifiées : des groupes se sont séparés, d'autres
reformés. Depuis 4 ou 5 ans où le livre devait
paraître, la musique a pris également une autre
dimension.
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MUSIQUE AUX ANTILLES
La musique a été et restera toujours un art
premier, mais dans le temps, elle n'était qu'un
amusement, un passe-temps, et ne restait que dans le
domaine du jeu ; ne disait-on pas : aller jouer, pour :
faire de la musique... la télévision n'existait pas, la
radio et le phonographe n'étaient réservés qu'à des
privilégiés. La musique permettait de se distraire, de
s'amuser en famille ou entre copains. On allait
rarement au cinéma et au théâtre, et grâce à la
musique, on pouvait s'exprimer, se faire entendre.
Elle était en même temps un palliatif aux vicissitudes
de l'existence, elle tenait une grande place dans la vie
de chacun. Dans tous les milieux socio-culturels, aux
Antilles, les sérénades étaient monnaie courante :
pour une naissance, un anniversaire, une réussite
scolaire, un retour au pays. On jouait de la musique
aux fenêtres des élus, pour des sociétés, et dans des
associations sportives. Quant aux surprises-parties,
toutes les occasions étaient bonnes pour en organiser
et les orchestres jouaient bien souvent
gracieusement. Il n'était pas rare d'apercevoir dans
l'ombre, aux abords d'une maison d'où sortaient les
flonflons d'une fête, des gens écoutant de la musique
très tard la nuit. Le mot "fan" n'était pas usité à cette
époque, mais nos musiciens exerçaient une réelle
fascination dans le public.
Vers les années 60, aux Antilles, comme partout
ailleurs, devant la vulgarisation de la radio,
l'évolution du disque, le nombre grandissant de salles
de spectacles, d'espaces de danses, on commença à
gagner de l'argent avec la musique ; faire de la
musique devint un travail, être musicien, un métier !
De ce fait, l'objectif principal de milliers de jeunes fut
de se lancer dans la chanson, la musique, et ceux qui
avaient déjà le pied à l'étrier, espéraient en faire un
métier à part entière. Les médias faisaient étalage de
la vie des vedettes du show-business, ils se faisaient
l'écho de ces existences fastueuses, véritables miroirs
aux alouettes. Qui pourrait résister à la tentation des
voyages, du luxe et de l'argent ? Et ce fut la ruée vers
l'or d'un nombre important de jeunes néophytes qui
iront pour certains jusqu'à abandonner des études
prometteuses, attirés vers ces métiers apparemment
faciles. Hélas, peu d'élus seront à l'arrivée !
Nous ne pouvons continuer de parler de cette
musique qui nous tient tant à coeur, sans vous
présenter les deux groupes qui sont au départ du
show-business antillais. A Paris, dans les années 40,
la famille Légitimus et aux Antilles, la famille Debs.
Le père Légitimus s'était lancé dans l'action
sociale. Ses quatre fils, eux, avaient choisi le culturel.
Ils étaient dans la musique. Leur mère, elle aussi,
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était artiste musicienne. Le XVème arrondissement
était leur fief, quartier de prédilection des
antilloguyanais à Paris, et dans la grande salle de la
mairie, sous le patronage de l'Association Solidarité
Antillaise, les quatre frères, Gustave, Théo, Gésip et
Clément organisaient deux grandes soirées
annuelles, en février : l'élection de Miss Antilles et
une grande soirée de prestige : le gala des îles, où le
Tout-Paris, by night, se donnait rendez-vous. On y
rencontrait du beau monde : hauts fonctionnaires en
vacances, étudiants, militaires de carrière. Ils
venaient voir et applaudir artistes et vedettes
consacrés de nos îles : André et Henri Salvador,
Gilles Sala, Moune De Rivel, Stella Félix, Jenny
Alpha. En 1952, Gérard La Viny, David Martial,
accompagnés de Maurice Jallier, y firent leurs
premiers pas. Ces soirées étaient la porte ouverte
pour tous nos jeunes compatriotes, voulant
embrasser la carrière artistique. Les grands
musiciens comme Eugène Delouche, Al Lirvat,
Robert Mavounzy se produisaient également dans
ces soirées, ainsi que certains orchestres étrangers en
vogue à cette époque : Los Matecoco, Eddy Warner,
Ben et sa tumba, Célino Sanchez et sa formation
cubaine...
Toujours à cette époque, la famille Légitimus
avait la main mise sur tout le show biz antillais : la
mère, devenue Miss Darling, jouait au théâtre,
comme au cinéma. Les fils animaient et dirigeaient
plusieurs cabarets, dans la capitale métropolitaine :
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le Jet Club, la Savane, l'Ajoupa Club et le Tropicana.
Naturellement, tous les musiciens antillais ont défilé
dans ces boîtes : Childebert, Emilien Antile, les
pianistes Michel Sardaby, René Abran, le
trompettiste Célestine, les frères Frédérique de la
Guyane et bien d'autres musiciens qui profitaient de
l'orchestre Légitimus et de leurs boîtes, pour faire
leurs armes, apprenaient un répertoire, se formaient
à la manière d'orchestre école et pouvaient ensuite se
lancer.
Miss Darling vit encore aujourd'hui. Elle a été
très honorée, en recevant, à plus de 80 ans, en 1983,
le grand prix d'interprétation, à la Mostra de Venise,
pour le rôle de Man Tine dans le film d'Euzhan
Palcy : " Rue cases-nègres ", qui y a obtenu le Lion
d'or. Elle a également côtoyé les grands du cinéma
franco-américain : Yves Montant, Simone Signoret,
Marlon Brando...etc Théo fit du théâtre, suivi par son
fils, Pascal, le comique national bien connu, membre
à part entière des Inconnus, comédien, auteur de
films et aussi metteur de scène. Reste enfin, Gésip,
qui est toujours dans l'audio visuel, producteur de
l'émission " Le calendrier d'Outre Mer ", sur RFO,
ainsi que de la première émission black télévisée
hebdomadaire : " Pulsation ". Dans cette grande
émission ont débuté : Jimmy Cliff, Manu Dibango et
Philippe Laville... Enfants de la balle, la descendance
des fils assure la relève, outre Pascal déjà cité, David
se lance dans la chanson.
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Interview de Gésip Légitimus. Février 1995
M.J : Vous étiez quatre frères, issus d'une famille
de musiciens ?
G.L : Nous étions 4 frères : Théo, moi, Gésip. Ma
mère a été élevée en Amérique Latine au Vénézuela.
Donc tout jeune, on s'est trouvé baigné dans cette
ambiance, nous avons été envers et contre tout,
imprégnés de cette musique. On a appris la musique
malgré nous. Lorsque mon père organisait ses
soirées antillaises, à la mairie du XV ème à Paris,
tout naturellement, on s'est trouvé à diriger
l'orchestre qui animait ces galas.
M.J : Je vous ai connus, toi et ta famille, à mon
arrivée en France en 1952. Le XVème était votre fief,
et toutes les grandes soirées antillaises y étaient
organisées par la famille Légitimus.
G.L : On organisait traditionnellement, en
février, l'élection de Miss Antilles, quelques mois
après, le grand gala des îles, qui était le
couronnement de Miss Antilles. Le public était assis,
comme à l'Olympia et assistait à un spectacle de
variétés antillaises, disons Outre-Mer.
M.J : C'était la méga scène du show biz'antillais
à l'époque et toutes nos vedettes, débutantes ou
confirmées, s'y produisaient. Exemple ?
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G.L : Je nommerai les musiciens: Eugène
Delouche, Al Lirvat, Robert Mavounzy, les chanteurs
Stella Félix, Gilles Sala, Célia, Moune De Rivel, plus
tard, Joby Valente, Gérard La Viny.
M.J : C'est là d'ailleurs, qu'il a démarré. Je me
souviens, j'accompagnais sur scène, David Martial,
qui faisait aussi ses premiers pas dans la chanson à
Paris. C'était en 1952, et Gérard arrivait de sa
Guadeloupe natale...
G.L : Je me souviens très bien lors de ce gala des
îles, tu jouais une comédie créole avec David
Martial. Tu étais, Maurice, déguisé en femme.
M.J : Ma spécialité a toujours été la comédie
créole, le comique...Mais revenons à ces galas, où
j'ai vu les prestations de l'orchestre Benny Bennet,
Los Matecoco, Ben et sa tumba.
G.L : Ils furent nombreux ceux à qui nous avons
donné une chance : les orchestres Pacolo, Célino
Sanchez et son orchestre Cubain.
(Nota : Gésip est le diminutif de " Hégésippe "
(prénom du père) )
M.J : Personnellement, j'ai joué avec André
Salvador, le frère de l'autre.
G.L : Oui, c'était le frère d'Henri, d'ailleurs
Henri Salvador a, lui aussi, participé à un gala des
îles, avec beaucoup d'artistes et d'orchestres.
M.J : A cette époque, vous aviez la main mise
sur le show bizness antillais. Vous dirigiez, en
parallèle avec la mairie, trois cabarets.
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G.L : Exact, même 4 : le Gésip Club, la Savane,
l'Ajoupa Club et le Tropicana ; et là, tous les
musiciens antillais défilaient, tels que Childebert
Mourinet, Emilien Antile, les pianistes Georges
Rabol, Michel Sardaby, René Albron, le trompettiste
Célestine, Télémaque, saxo alto; il y a eu, que je me
souvienne, Géro et Gesner Frédéric de la Guyane,
ainsi que Gaston Lindor, le bassiste Sylvie Mamy et
j'en passe. Nous avions un orchestre éclectique, une
espèce d'orchestre école. Ainsi, lorsqu'un musicien
arrivait de son pays, il venait nous voir, nous le
prenions dans l'orchestre pour le former, pour lui
apprendre le répertoire, et après, il pouvait
s'évader, il pouvait s'assumer...
M.J : De Légitimus & Co, qui reste-t-il ?
G.L. : Il reste ma mère, Darling Légitimus qui
fut interprète, musicienne, qui a joué dans de très
nombreuses pièces de théâtre et dans des films. Elle
a remporté de nombreux prix, distinctions et
trophées, le dernier étant " Le Grand Prix
d'interprétation " à la Mostra de Venise, en 1983,
pour le rôle de " Man Tine ", dans le film d'Euzhan
Palsy, " Rue Cases Nègres ", ce film a remporté le
Lion d'Or... Aujourd'hui, elle est à la retraite, elle a
plus de 80 ans...
Il y a mon frère, Théo, qui fait du théâtre, après
avoir fait de la musique. Gustave, le petit frère, chef
d'orchestre est mort. Moi, Gésip, j'ai toujours mes
activités radio et télévision.
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M.J. : Je me souviens de cette première série
d'émissions télé que tu produisais, " Pulsation " et
qui a eu un fort impact...
G.L : Absolument, c'était la première émission
black, qui consistait à faire un panorama de la
musique noire, la musique de rythme, quelle que fût
son origine : Afrique, Amérique, Antilles.
M.J : Vous avez été, les Légitimus, les
précurseurs de toute l'évolution de la musique
actuelle.
G.L : Exactement, nous avons eu des gens
comme Jimmy Cliff, Manu Dibango, tous ces artistes
qui sont passés dans " Pulsation " ; même Philippe
Lavil a fait ses premiers pas chez nous.
M.J : Encore un grand Légitimus, Pascal le fils
de Théo, qui fait une carrière fracassante. Il débute
au " Petit Théâtre de Bouvard ". Il est ensuite à
l'origine du groupe des "Inconnus ", gros succès.
G.L : Maintenant, il écrit des films, dans
lesquels il joue, il a sa maison de production, de
disques et de films ; il fait de la mise en scène ; il a
fait la dernière mise en scène de Pierre Palmade,
tout baigne pour lui...! Indépendamment de Pascal,
j'ai un fils, David Légitimus, vedette en Suisse qui
chante, une fille assistante de production à la télé
allemande, une autre fille Bélinda Parker, reine du
soka à Londres. Nous sommes très répandus en
Europe. Nous sommes ce que l'on peut appeler des "
Euro-black ", c'est-à-dire, la diaspora noire en
Europe.
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Si la famille Légitimus a bien occupé le terrain
culturel et musical à Paris, nous ne pouvons occulter
la famille Debs, en Guadeloupe qui, dès les années
50, a joué un rôle de détonateur pour la musique
antillaise.
Le père Debs était Syrien, ou peut-être d'une
autre nationalité, mais aux Antilles, les premiers
arrivants de ces régions : Syrie, Liban, Iran étaient
appelés par ignorance, Syriens ; tout comme nous
appelons restaurant chinois, magasin chinois, tout ce
qui est asiatique, sans distinction.
Donc, M. Debs, petit commerçant ambulant
comme tous ses compatriotes, a 5 fils et une fille. Si
Gésip dirigeait la " tribu " Légitimus, c'est Henri qui
bien vite devient le leader de la " smala Debs ".
Commerçant par hérédité, il se lance dans le
commerce et joue dans les orchestres guadeloupéens,
le soir.
Le premier vendeur de disques en Guadeloupe
est Marcel Mavounzy, frère de Robert. Vers la même
époque arrive sur le marché guadeloupéen Célini. En
Martinique, la " Maison des Meringue " dirigée par
Balthazar sort ses premiers disques, suivi de la
maison Lalane, rue Lamartine. C'est alors que
parviennent , en Martinique, les premiers disques
d'Henri Debs qui sont de gros succès : Paul Blamar, "
Moin sé en maléré ", Manuela Pioche, Jacques
Bracmord, Daniel Forestal, Casimir Létang, Joseph
Lacide, Georges Tinedor, Max et Henri. Les disques
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Debs envahissent les marchés guadeloupéens et
martiniquais, leur ascension est vertigineuse. Il
devient le premier en Guadeloupe ; d'abord un
magasin, puis il monte son studio d'enregistrement,
et suivent de nombreux autres magasins. Les
chanteurs et musiciens antillais viennent enregistrer
dans son studio. En 1965, il installe son frère
Georges, à Fort de France. Tous les frères et soeur
dirigent une unité. Le studio se modernise, Henri
s'entoure de techniciens, d'ingénieurs professionnels.
Après " Emmanuel, rosé jadin la ", Henri triomphe
avec les Aiglons. Il devient un des premiers
producteurs de toute la Caraïbe. C'est le " Barclay "
des Antilles. Il est auteur-compositeur, chante avec
son ami, Max Séverin, joue au piano, puis ouvre sa
boîte de nuit, tout lui réussit. André, lui, ouvre son
magasin à Paris, rue du Faubourg Poissonnière.
Georges, à la Martinique connaît un succès fulgurant,
il monte sa maison de productions, les " Disques Jojo
" et prend son indépendance.
Il découvre et lance des chanteurs et orchestres
martiniquais. Il ouvre un deuxième, puis un
troisième magasin, à Fort de France, et enfin une
boutique à la Maison des Antilles, Place de la Nation
à Paris ; il fait de l'ombre à Henri et devient à son
tour le plus gros producteur de succès dans la région
caraïbéenne. Georges Debs ne se livre jamais,
pourtant il a accepté de le faire pour Musique aux
Antilles et nous l'en remercions.
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