Le reflux gastro-œsophagien chez l`enfant

Transcription

Le reflux gastro-œsophagien chez l`enfant
LES pages bleues
Le reflux gastro-œsophagien
chez l’enfant
Le reflux gastro-œsophagien (RGO) est fréquent chez les jeunes enfants et se manifeste généralement par de la régurgitation
ou des vomissements répétés. Chez la grande majorité d’entre eux, le reflux sera de nature bénigne et n’entraînera pas de complications
à court terme ou d’entrave à leur développement. Une résolution graduelle et spontanée des symptômes survient généralement vers
l’âge de 6 à 12 mois, et ce, sans requérir à un traitement médical énergique1. Dans cet article, nous présenterons la physiopathologie
du RGO, le diagnostic et le traitement du RGO, incluant les mesures non pharmacologiques et les options pharmacothérapeutiques.
Le RGO se définit comme un retour passif
rétrograde du contenu de l’estomac, le refluant gastrique, dans l’œsophage. Il sera
considéré comme physiologique ou normal
à condition de ne pas être associé à des complications2. Le pic d’incidence du RGO de
l’enfance survient généralement entre l’âge
de un et quatre mois3. Cinquante à 60 % des
enfants de 6 mois et moins présenteront au
moins un épisode de vomissements ou de
régurgitation orale par jour, et 15 % à 20 %
d’entre eux en présenteront plus de 4 par
jour. Ce type de reflux se caractérise par une
résolution rapide et spontanée des symptômes vers l’âge de 6 à 12 mois1. Une persistance des symptômes au-delà de cet âge est
rare, mais semble associée à un risque accru
de persistance de la maladie à l’âge adulte4-6.
Après la première année de vie, seulement
5 % des enfants continueront d’avoir un
épisode de vomissement par jour et 1 %
en auront plus de quatre par jour1,7,8. La
prévalence du RGO chez la population
pédiatrique plus âgée et adulte est de 7 % à
20 %9.
Le RGO chez l’enfant est considéré comme pathologique (RGOP) lorsqu’il est associé à des symptômes cliniques importants
ou à un dommage tissulaire. En effet, une
perte ou une prise insuffisante de poids, des
douleurs attribuables à une œsophagite, des
problèmes respiratoires ou un changement
neurocomportemental comptent parmi les
manifestations cliniques dites pathologiques7,10. Certains enfants peuvent souffrir de
RGOP silencieux, c’est-à-dire qu’ils ne présenteront ni symptôme, ni régurgitation apparente7. Parmi les enfants ayant du reflux,
ce dernier sera pathologique pour un sujet
sur 30010. Une histoire antérieure d’atrésie
œsophagienne corrigée chirurgicalement,
de hernie hiatale, de maladie neuromusculaire, de retard développemental ou de
bronchodysplasie pulmonaire, accroît le risque d’en souffrir. Inversement, la présence
www.monportailpharmacie.ca
de RGOP augmente le risque d’aspiration
pulmonaire, de bronchite, de toux chronique, d’asthme et de bronchiectasies4.
Texte rédigé par Ingrid Wagner, B. Pharm.,
C. Ph., et Isabelle Laverdière, B. Pharm., M.Sc.,
Centre mère-enfant, CHUL, CHUQ, Québec.
Manifestations cliniques
et complications
Révision : Dre Anna Wieckowska,
pédiatre, gastro-entérologue,
et Chantal Duquet, pharmacienne.
La présentation clinique du RGO varie en
fonction de l’âge de l’enfant. Chez les nourrissons et les enfants de moins de quatre
ans, le reflux se manifeste principalement
par de la régurgitation et des vomissements
survenant dans les heures suivant les repas1.
Alors que le refluant gastrique remonte
jusqu’au pharynx ou dans la cavité buccale
lors d’épisodes de régurgitation, il sera expulsé de la bouche lors de vomissements11.
Chez les enfants plus vieux et les adolescents, le tableau clinique s’apparente davantage à celui décrit chez la population
adulte3.
Le RGOP, pour sa part, peut se présenter
non seulement par une gamme de symptômes gastro-intestinaux (ou œsophagiens),
mais également par des symptômes extraœsophagiens touchant les poumons ou
d’autres systèmes12. Chez les enfants en bas
âge, les symptômes gastro-intestinaux usuels
rencontrés sont la régurgitation et les vomissements récurrents accompagnés d’une
perte ou d’une prise insuffisante de poids,
une difficulté à s’alimenter, l’anorexie, les
troubles du sommeil, l’irritabilité généralisée ou les pleurs persistants1,7,10.
Dans la population pédiatrique plus âgée,
le tableau clinique est dominé par de la
douleur épigastrique, du pyrosis, de la dysphagie, des nausées matinales, des vomissements récurrents ou de l’inconfort abdominal. Parmi les symptômes rapportés, la
prévalence de la sensation de brûlement
gastrique, de douleur épigastrique et la régurgitation augmente avec l’âge. L’incidence de ces symptômes est respectivement de 1,8 %, 7,2 % et 2,3 % chez les
enfants de 3 à 9 ans et de 5,2 %, 5,0 % et
8,2 % chez les adolescents de 10 à 17 ans.
Texte original soumis le 3 octobre 2007.
Texte final remis le 10 octobre 2007.
Décembre 2007 vol. 54 n° 12 Québec Pharmacie
Publié grâce à une subvention sans restrictions de
Définition et prévalence
19
LES pages bleues
Les adultes, pour leur part, présentent de la
douleur gastrique dans 17,8 % des cas et de
la régurgitation dans 6 % des cas3. Toutefois, la survenue de brûlement gastrique
est influencée par la sensibilité œsophagienne interindividuelle et ne corrèle pas
nécessairement avec la présence de dommages de la muqueuse13. Parmi les autres
complications gastro-intestinales du reflux, notons l’œsophagite ainsi que l’œsophage de Barrett et l’adénocarcinome observés à l’âge adulte14,15. L’anémie ferriprive
et l’hématémèse sont des complications
moins communes mais tout aussi préoccupantes7,14.
La présentation des symptômes extraœsophagiens n’est pas dépendante de l’âge de
l’enfant, outre les épisodes d’apnée et de
bradycardie. En effet, l’apnée est présente
surtout chez les prématurés et les nourrissons. Les manifestations extraœsophagiennes les plus fréquentes sont la toux chronique, le bronchospasme, le wheezing et le
stridor récurrent. On a également observé
l’association du reflux avec les érosions dentaires, la douleur à la gorge, les otites, la laryngite et les sinusites12,16. Une pneumonie
d’aspiration récurrente est également possible, particulièrement chez les enfants atteints de troubles neurologiques concomitants. De rares cas de syndrome de Sandifer
sont observés. Ce syndrome se caractérise
par des mouvements anormaux du corps et
une hyperextension du cou associés à une
modification neurocomportementale17.
Physiopathologie
L’étiologie exacte du RGO n’est pas bien
établie et elle est souvent d’origine multifactorielle chez les enfants en santé. Des
épisodes de relaxation transitoire inappropriée des muscles lisses du sphincter œsophagien inférieur, non coordonnée avec le
processus de déglutition, est le principal
mécanisme responsable du RGO chez la
population pédiatrique. Cette incoordination permet au contenu de l’estomac de refluer dans l’œsophage11,18,19. Un retard dans
la vidange gastrique pourrait également favoriser le phénomène de reflux en augmentant la distension de l’estomac et la production des sécrétions gastriques acides2,18. De
plus, la clairance œsophagienne du matériel refluant est parfois inadéquate. La fréquence accrue du reflux chez les jeunes enfants concorde avec l’immaturité de leur
système digestif. Les facteurs environnementaux sont souvent contributifs, incluant le régime alimentaire et un positionnement inapproprié1,3. En particulier, la
grande quantité de liquide prise quotidien-
20
nement par les nourrissons contribue au
phénomène de reflux. Leur consommation
liquidienne moyenne est deux fois plus importante en quantité que celle des enfants
et des adultes2. Enfin, le stress est un facteur
contributif non négligeable de la perception des symptômes.
Les complications œsophagiennes possibles lors du RGOP sont attribuables à plusieurs processus survenant en dehors des limites physiologiques usuelles. En effet, le
RGOP peut résulter d’une exposition prolongée de l’œsophage au refluant (clairance
inappropriée des sécrétions acides, augmentation de la quantité ou de la fréquence
des reflux), d’une baisse de la résistance de
la muqueuse œsophagienne au contenu
acide de l’estomac ou d’une augmentation
de la sensibilité de celle-ci aux sucs gastriques7,18.
Les symptômes extraœsophagiens s’expliquent par trois mécanismes généraux. Tout
d’abord, la présence de refluant dans les
voies respiratoires peut entraîner leur obstruction mécanique et entraver leur fonctionnement optimal (p. ex., dysfonction de
la trompe d’Eustache, anomalie du drainage
des sinus). Ensuite, le reflux du contenu
gastrique peut causer des dommages aux
voies respiratoires par une agression chimique directe des tissus. Cette agression favorise la production de médiateurs inflammatoires qui pourront ultérieurement entraîner
une obstruction par inflammation des muqueuses. Parmi les manifestations cliniques
possibles médiées par ce mécanisme, notons de l’hypertrophie épithéliale, la laryngite et la pneumonite. Enfin, des influx nerveux générés par la présence du refluant
dans les voies aériennes ou dans l’œsophage
favorise l’hyperactivité bronchique et la
constriction des muscles lisses bronchiques.
La toux, le laryngospasme et le bronchospasme secondaires au reflux sont engendrés par ce mécanisme3,20.
Diagnostic
La plupart du temps, les tests diagnostiques spécialisés ne sont pas requis pour
confirmer la présence de RGO. Une histoire médicale exhaustive et un examen physique suffisent généralement pour établir
le diagnostic, évaluer les complications et
instaurer un traitement approprié. Ainsi,
la nature et la fréquence des symptômes
(gastro-intestinaux et extra-intestinaux),
les facteurs provoquant et soulageant seront clarifiés. Les antécédents médicaux,
familiaux et sociaux sont très importants.
Une réponse positive au traitement est
souvent utilisée comme preuve du dia-
Québec Pharmacie vol. 54 n° 12 Décembre 2007
gnostic du reflux et permet d’éviter des
tests plus invasifs. On devrait envisager
une investigation plus poussée lorsque le
diagnostic est incertain, des complications
sont suspectées ou en cas d’échec au traitement pharmacologique7,20.
Diagnostic différentiel
Dans le diagnostic différentiel, les anomalies du tractus digestif telles que la sténose
du pylore, la malrotation, l’allergie aux protéines bovines, l’ulcère peptique et les infections virales devront être éliminées. Les infections et l’obstruction de l’arbre urinaire
doivent aussi être écartées. Parmi les maladies pouvant avoir des symptômes communs avec le RGOP, citons les troubles neurologiques, les anomalies métaboliques, les
intoxications médicamenteuses et certaines
pathologies respiratoires3.
Monitoring 24 heures du pH œsophagien
L’examen diagnostique considéré comme
le standard d’excellence pour détecter le reflux acide est le monitoring du pH œsophagien pendant une période continue de
24 heures. Des électrodes placées dans
l’œsophage détecteront les baisses de pH.
Une diminution de ce dernier à une valeur
inférieure à quatre est considérée comme
un épisode de reflux acide. Cet examen
permet de déterminer la fréquence et le
pourcentage d’exposition de l’œsophage au
refluant, et d’obtenir différents scores nous
aidant à confirmer la présence d’un reflux
pathologique. On notera que le traitement
pharmacologique antireflux devrait être
cessé plusieurs jours avant l’examen à
moins que le but soit d’en déterminer l’efficacité clinique7. Ainsi, des indications particulièrement utiles de la pHmétrie sont de
confirmer un reflux silencieux, d’évaluer la
présence du reflux acide lorsqu’il y a persistance de symptômes sous traitement, et de
corréler les symptômes du patient aux épisodes de reflux.
La spécificité de cet examen est de 95 %.
La sensibilité est de 90 % à 95 % chez les
adultes présentant un reflux accompagné
de lésions endoscopiques et diminue à 50 %
en l’absence de lésions20.
Bien que l’étude du pH œsophagien soit
utile pour confirmer le diagnostic chez certains sujets, il ne permet pas d’infirmer un
RGOP hors de tout doute. Un enfant peut
présenter des symptômes de reflux malgré
une exposition physiologique de l’œsophage au contenu de l’estomac. Inversement,
une exposition anormale de l’œsophage au
refluant acide ne se traduira pas nécessairement en RGOP. Également, aucune donnée
Le reflux gastro-œsophagien chez l’enfant
ne permet à l’heure actuelle de prédire le
pronostic des enfants atteints de RGOP en
fonction des études du pH7,21.
problèmes neurologiques, car ces derniers
ont plus tendance à développer des complications liées au RGO25.
Autres examens diagnostiques
Traitement non pharmacologique
Habitudes de vie
Le barium et la radiographie de contraste,
bien qu’inappropriés pour diagnostiquer
le reflux, permettent d’éliminer la présence d’anomalies gastro-intestinales telles
qu’une hernie, une atrésie de l’œsophage
ou une malrotation, et peuvent démontrer
des complications du RGOP telles que des
sténoses. Ils sont les examens de première
intention le plus souvent réalisés12,22.
L’endoscopie avec biopsie permet de différencier l’œsophagite secondaire au reflux
des œsophagites résultant d’autres causes
(allergie, infections, éosinophilie), de déceler la présence d’une maladie du tractus gastro-intestinal et de visualiser les dommages
tissulaires, le cas échéant. Toutefois, l’absence d’anomalies endoscopiques n’exclut pas
le RGOP7,12.
La scintigraphie gastro-œsophagienne
per­met de qualifier le processus de vidange
gastrique. Cette méthode permettra d’identifier un retard de la vidange gastrique, de
différencier les aspirations dues au reflux de
celles résultant d’une incoordination du
processus de déglutition7,22.
Enfin, l’étude de la résistance électrique
de la lumière œsophagienne (l’impédancemétrie) est une technique récente et prometteuse qui permet de tracer un portrait
précis des épisodes de reflux. Tout comme
le monitoring du pH œsophagien, elle sera
en mesure de déterminer la fréquence, la
durée et la hauteur atteinte par le reflux.
Cette technique a l’avantage de pouvoir
répartir le reflux acide du reflux non acide.
Toutefois, les coûts matériels, la complexité
de la technique et l’absence de valeur comparative pédiatrique en font un test peu pratique à l’heure actuelle23,24.
Traitement
Le but du traitement est de diminuer ou,
idéalement, d’éliminer les symptômes, de
guérir l’œsophagite, de prévenir les complications, de permettre à l’enfant d’avoir
une croissance normale. Le traitement
comprend trois volets, soit le changement
des habitudes de vie, les traitements pharmacologique et chirurgical. Bien que ces
trois volets soient parfois entrepris en
même temps, la majorité des enfants
n’auront besoin d’aucun traitement. Seul
un suivi de la croissance et une surveillance des signes de reflux érosif sont suffisants. Un traitement plus énergique s’avérera nécessaire pour les enfants atteints de
www.monportailpharmacie.ca
Plusieurs études ont été réalisées pour déterminer l’influence du positionnement de
l’enfant sur la fréquence des RGO. La position verticale en post-prandial semble parfois diminuer le reflux clinique bien que les
résultats d’études soient variables26. Tobin et
ses collaborateurs ont étudié les quatre positions suivantes : couché sur le ventre, couché sur le dos, couché sur le côté droit et
couché sur le côté gauche, sans tenir compte
du fait que la tête de l’enfant soit inclinée
ou non. On a montré des différences statistiquement significatives entre les positions,
favorisant la position couchée ventrale et latérale gauche27. Chez les enfants de moins
d’un an, les bénéfices obtenus avec la position couchée ventrale doivent être mesurés
par rapport aux risques d’augmentation de
mort subite du nouveau-né associés avec
cette position. Pour les enfants âgés de plus
d’un an, aucune étude ne fait mention d’une
position particulière à adopter. Certains
auteurs extrapolent les données obtenues
chez l’adulte et recommandent la position
couchée sur le côté gauche avec la tête surélevée28. Sur le plan de l’alimentation, on privilégie de petits repas fréquents et on limite
la prise de liquides durant les repas afin de
diminuer la distension gastrique. On suggère d’éviter les repas lourds avant le coucher
ou l’activité physique et on diminue la prise
d’aliments dits irritants comme les jus
d’agrumes et de tomates, les aliments épicés, le café et l’alcool. De plus, il est primordial de mettre l’accent sur le rôle néfaste du
stress sur la perception des symptômes du
RGO.
Laits spécialisés
Les laits maternisés épaissis avec du riz et
l’introduction de la nourriture solide réduisent les symptômes cliniques du RGO, mais
non le pourcentage d’exposition de l’œsophage au reflux acide déterminé par la surveillance du pH œsophagien. Les diarrhées
et la toux sont à surveiller avec l’utilisation
des laits épaissis. De plus, le surplus de calories obtenu avec les agents épaississants peut
être bénéfique pour les enfants de petit
poids. Lorsqu’on soupçonne une allergie
aux protéines bovines, on peut essayer d’utiliser une formule sans ces protéines pendant une à deux semaines. Si la préparation
lactée est changée pour du lait de soya, il
faut demeurer vigilant puisque 20 % des en-
Cas clinique
Mme L. se présente à la pharmacie. Elle a
des questions à propos des régurgitations de
son fils âgé de trois mois. Vous la sentez très
inquiète et anxieuse. Elle vous mentionne
que son enfant régurgite environ 15 millilitres de lait deux à trois fois par jour dans
l’heure qui suit les boires. Quels sont les
informations supplémentaires à obtenir et
les éléments à considérer pour déterminer
la gravité du reflux chez ce bébé ? Que direzvous à la mère pour la rassurer ?
fants avec une allergie aux protéines bovines
sont aussi allergiques au soya.
Traitement pharmacologique
Le principal objectif du traitement du RGO
est de maîtriser les symptômes et de prévenir ses complications. Les différents agents
pharmacologiques pour le traitement du
RGO influencent les facteurs responsables
de cette pathologie, soit la maîtrise de l’acidité gastrique (antiacides, antagonistes des
récepteurs H2 de l’histamine, inhibiteurs de
la pompe à protons) la protection de la muqueuse et l’augmentation de la vidange gastrique (agents procinétiques). Quelquesuns de ces médicaments sont approuvés
chez les enfants.
Chez le nourrisson souffrant de RGO, les
antagonistes des récepteurs H2 de l’histamine sont utilisés en première ligne, en ajoutant les procinétiques au besoin. Chez les
enfants plus âgés et les adolescents, les inhibiteurs de la pompe à protons sont souvent
plus efficaces pour maîtriser les brûlements
et les sensations du RGO. Les agents procinétiques aident à réduire les nausées ou les
vomissements occasionnés par une diminution de la vidange gastrique.
Classes de médicaments
Les antiacides
Les antiacides neutralisent l’acide gastrique
en diminuant l’exposition de l’œsophage au
refluant lors d’épisodes de reflux. On peut
les utiliser pour un traitement à court terme
et souvent en concomitance avec des agents
antisécrétoires. De hautes doses d’hydroxyde de magnésium et d’aluminium ont démontré une efficacité équivalente à la cimétidine pour le traitement de l’œsophagite
chez les enfants de 2 à 42 mois25. La nécessité d’une prise journalière fréquente, les
effets indésirables entraînés par leur haut
contenu en sel d’aluminium et de magnésium ainsi que leur implication dans plusieurs interactions médicamenteuses, en
Décembre 2007 vol. 54 n° 12 Québec Pharmacie
21
LES pages bleues
Cas clinique (suite)
Quatre mois plus tard, Mme L. vous contacte
à nouveau pour son fils. Depuis quelques
semaines, son enfant présente une toux
sans symptômes apparents d’infection des
voies respiratoires supérieures. De plus, il
pleure plusieurs heures par jour et est difficilement consolable. Elle est également
inquiète puisqu’elle trouve que sa prise de
poids est lente et insuffisante selon sa
courbe de croissance. L’enfant présente toujours un à deux épisodes de reflux apparent
par jour. Qu’en pensez-vous ? Que recommandez-vous à Mme L. ?
font des agents utilisés principalement comme traitement d’appoint de façon intermittente et à court terme. La prudence est
de mise lors de l’utilisation des antiacides
qui contiennent de l’aluminium, en raison
de leur potentiel d’effets indésirables tels
qu’une neurotoxicité, une anémie et une ostéopénie29. On recommande une dose de
0,5 à 2 mL/kg/dose 1 heure après les repas
et au coucher30.
Protecteurs de la muqueuse
Le sodium alginate (GavisconMD) forme un
gel protecteur qui flotte au-dessus du contenu gastrique. Il diminue la régurgitation du
contenu gastrique dans l’œsophage et protège la muqueuse œsophagienne. Toutefois,
les études montrent des résultats contradictoires sur son efficacité. Le sucralfate (SulcrateMD), pour sa part, adhère aux lésions
peptiques de la muqueuse inflammée et
forme une couche protectrice aidant à leur
guérison. Il a montré une efficacité similaire
aux antagonistes des récepteurs H2 de l’histamine dans le traitement de l’œsophagite29.
Les données ne sont pas suffisantes pour
appuyer l’utilisation de ces deux agents dans
le traitement chronique du RGOP chez
l’enfant. De plus, le sucralfate contient de
l’aluminium et son absorption peut amener
une toxicité chez l’enfant.
Agents procinétiques
La cause première du RGO est une relaxation transitoire du sphincter œsophagien inférieur. Les agents procinétiques augmentent la vitesse de la vidange gastrique,
améliorent le péristaltisme œsophagien et
augmentent la pression du sphincter œsophagien inférieur. Ils représentent donc le
traitement idéal du reflux. Malheureusement, leur réponse clinique est variable et
leurs effets indésirables limitent leur utilisation. Ils n’ont aucun effet sur la suppression
22
de la production de l’acide gastrique. Le métoclopramide (ReglanMD) est un antagoniste
des récepteurs dopaminergiques et possède
également un effet cholinergique et sérotoninergique. Il stimule la motilité gastrointestinale haute, augmente le tonus du
sphincter œsophagien inférieur et accélère la
vidange gastrique. Son utilisation chez les
enfants a été évaluée dans quatre études randomisées et contrôlées avec placebo, et deux
d’entre elles rapportent une diminution du
volume et de la fréquence des vomissements,
les deux autres ne rapportent aucun changement significatif des symptômes par rapport
au groupe placebo1. Le métoclopramide a
des effets au niveau du système nerveux central notamment des symptômes extrapyramidaux chez environ 20 % des enfants traités. La diphenhydramine peut diminuer ces
effets indésirables, mais on l’utilise peu en
raison de la somnolence qu’elle entraîne. Le
métoclopramide est métabolisé par le cytochrome P450. Il est, entre autres, un faible
inhibiteur du CYP2D6. La dose de métoclopramide utilisée dans le RGOP est de 0,5 à
1 mg/kg/jour divisée en trois à quatre prises.
Cette dose est beaucoup plus faible que celle
utilisée contre les nausées qui surviennent à
la suite d’une chimiothérapie30.
Le dompéridone, un antagoniste des récepteurs D2 de la dopamine périphérique,
est fréquemment utilisé en pédiatrie. Il entraîne moins d’effets indésirables au niveau
du système nerveux central comparativement au métoclopramide. Il peut tout de
même causer des symptômes gastro-intestinaux et des épisodes de mouvements oculogyriques chez les jeunes enfants. Il est métabolisé par le cytochrome P450 et est
impliqué dans certaines interactions. Il réduit la durée des reflux post-prandiaux et
est utilisé pour traiter la régurgitation et les
vomissements, mais, encore une fois, la réponse clinique varie. La dose utilisée est de
0,2-0,6 mg/kg/dose trois à quatre fois par
jour. Depuis que le cisapride a été retiré du
marché en 2000, il est devenu l’agent procinétique le plus utilisé.
Le béthanéchol (UrécholineMD) et l’éry­
thromycine ont aussi été évalués chez les
enfants. Le béthanéchol est un agoniste
cholinergique qui stimule directement les
récepteurs muscariniques, diminuant ainsi
la motilité gastro-intestinale basse. L’éry­
thromycine est un agoniste des récepteurs de
la motiline qui augmente l’activité motrice
de l’estomac et de l’intestin. Elle est surtout
utilisée lors de gastroparésie postopératoire
et diabétique. Peu d’études ont réussi à montrer que ces agents ont un effet sur le sphincter œsophagien inférieur ou sur la réduction
Québec Pharmacie vol. 54 n° 12 Décembre 2007
de la fréquence des épisodes de reflux. Une
association a été démontrée entre son utilisation et le développement de sténoses pyloriques hypertrophiques chez les jeunes enfants.
Le cisapride est un agent sérotoninergique
qui facilite la libération d’acétylcholine au
niveau des synapses de la paroi intestinale. Il
possède un effet procinétique prouvé au niveau du sphincter œsophagien inférieur et
au niveau de l’estomac. Le cisapride est un
des médicaments qui a été le plus étudié
dans le RGOP chez les enfants et il montre
une efficacité dans l’amélioration de l’index
de reflux. Il n’a jamais été approuvé chez les
enfants âgés de moins de 12 ans, mais il a été
très utilisé chez ce groupe d’âge. Malheureusement, le taux élevé d’effets cardiaques
potentiellement mortels tels que l’augmentation de l’intervalle QT, les arythmies cardiaques ainsi que des morts subites a mis
des restrictions à l’usage du cisapride. Ce
dernier n’est accessible maintenant que par
le programme d’accès spécial via la Direction générale de la protection de la santé. La
dose usuelle est de 0,1 à 0,2 mg/kg/dose 3 à
4 fois par jour administré 15 à 30 minutes
avant le repas. On l’utilise en cas d’échec au
dompéridone. Un électrocardiogramme est
souvent recommandé avant de débuter cette médication. La prudence est de mise
quant à une co-administration de médicaments contre-indiqués.
Le baclofène est un agoniste de l’acide
gamma-aminobutyrique (GABA B) lequel,
malgré son absence d’effet procinétique, a
démontré son action au niveau de l’inhibition de la relaxation du sphincter œsophagien inférieur et il semble prometteur pour
cette raison. Il est encore peu utilisé chez
les enfants pour cette indication. Dans
l’étude d’Omari et ses collaborateurs, les
épisodes de relaxation du sphincter œsophagien et de RGO ont été moins fréquents
chez les enfants ayant été traités par le
baclofène (0,5 mg/kg/dose) comparativement au groupe placebo. Le baclofène
améliorerait la plupart des mécanismes
pathophysiologiques associés au RGO. Les
effets indésirables de ce médicament tels
que les étourdissements, la fatigue et l’abaissement du seuil de convulsions limitent
toutefois son utilisation.
Antagonistes des récepteurs H2
de l’histamine
L’histamine, l’acétylcholine et la gastrine
sont des médiateurs chimiques qui stimulent les cellules pariétales de l’estomac à
produire de l’acide en réponse à la nourriture. L’histamine agit via les récepteurs H2
Le reflux gastro-œsophagien chez l’enfant
de l’histamine localisés sur les cellules pariétales. Les antagonistes des récepteurs H2 de
l’histamine (ARH2) sont utilisés afin de diminuer la sécrétion de l’acide gastrique en
compétition avec l’histamine au niveau des
récepteurs. Cette classe de médicaments serait surtout efficace pour l’élimination de la
sécrétion d’acide gastrique nocturne25. Ils
sont surtout utilisés comme traitement de
première ligne. Plusieurs études contre placebo ont montré l’efficacité des ARH2 (cimétidine, ranitidine, famotidine, nizatidine) chez l’adulte ainsi que quelques études
pédiatriques. Néanmoins, l’efficacité de ce
groupe de médicaments dans la guérison de
l’œsophagite est de l’ordre de 60 % à 70 %,
ce taux étant inférieur à celui obtenu par les
inhibiteurs de la pompe à protons29. Dans
certaines études, la durée pendant laquelle
le pH gastrique demeurait en bas de 4 a été
diminuée de 44 % lorsque la ranitidine était
donnée 2 fois par jour et réduit de 90 % si sa
fréquence d’administration était optimisée
à 3 fois par jour. Bien qu’il n’y ait pas d’études randomisées sur l’utilisation de la ranitidine et de la famotidine chez les enfants,
les experts croient que leur efficacité est similaire à la cimétidine et à la nizatidine. Les
posologies recommandées chez les enfants
sont présentés au tableau I. En cas d’absence
de réponse, la maximisation de la dose est
importante, car une dose inadéquate est
une cause fréquente d’échec au traitement.
En cas d’insuffisance rénale, on doit diminuer la dose. Une augmentation du pH
gastrique par les ARH2 amène certaines interactions avec les médicaments qui nécessitent un pH gastrique acide pour être
absorbés. Les médicaments tels que le kétoconazole, l’itraconazole, l’ampicilline et la
digoxine en sont des exemples. L’utilisation
de la ranitidine est à privilégier en raison de
sa faible incidence d’interactions avec les
médicaments métabolisés par le cytochrome P450. Bien qu’assez rares, les maux de
tête, les éruptions cutanées, les nausées, les
vomissements, la diarrhée, la constipation,
la fatigue et l’irritabilité font partie des effets
indésirables rapportés avec les ARH2. La tachyphylaxie est assez fréquente et limite leur
utilisation prolongée31.
Inhibiteurs de la pompe à protons
Les inhibiteurs de la pompe à protons
(IPP), qui sont des benzimidazoles, inhibent la sécrétion de l’acide gastrique des
cellules pariétales de l’estomac en se liant
de façon irréversible à la pompe à protons hydrogène/potassium ATPase bloquant ainsi l’échange de l’ion hydrogène
nécessaire à la production de l’acide hydrochlorhydrique. Ces agents maintiennent un pH gastrique plus élevé pendant
une longue période de temps et inhibent la
sécrétion de l’acide gastrique induite par
l’absorption de la nourriture. Les IPP inhibent la sécrétion de l’acide gastrique indépendamment de la stimulation faite par
l’histamine, l’acétylcholine et la gastrine,
les rendant ainsi beaucoup plus efficaces à
réduire la sécrétion d’acide, soulageant les
symptômes gastro-œsophagiens, guérissant une œsophagite et maintenant une rémission.
Les IPP sont activés par le contenu acide
des canules des cellules pariétales et sont
plus efficaces lorsqu’administrés 30 minutes
avant le déjeuner afin que le pic de concentration plasmatique coïncide avec la sécrétion de l’acide gastrique stimulée par la présence de nourriture dans l’estomac. Étant
donné que l’acide gastrique inactive les IPP
avant qu’ils ne puissent être absorbés par le
petit intestin, une formulation à enrobage
Tableau I
Médicaments les plus utilisés pour le traitement du RGO en pédiatrie32,43
Agonistes des récepteurs H2
Forme galénique
Posologie pédiatrique
Intervalle d’âge approuvé
Famotidine
Comp 10, 20, 40 mg
1 mg/kg/jour 1x/jour
 3 mois
Comp 10 mg pelliculé
1 mg/kg/jour fractionné 2x/jour
3 mois- 1 an
Comp à croquer 10 mg
1-2 mg/kg/jour fractionné 2x/j
1-16 ans
(max 80 mg jour/j)
Nizatidine
Caps 150, 300 mg
5-10 mg/kg/jour fractionné  12 ans
en 2x-3x/jour
Ranitidine
Comp 75, 150, 300 mg
4-10 mg/kg/jour fractionné
1 mois-16 ans
Sirop 15 mg/mL
2x/jour
Inj 25 mg/mL
Inhibiteurs de la pompe Forme galéniquePosologie pédiatriqueIntervalle d’âge approuvé
à protons
Ésoméprazole
Comp 20, 40 mg
20 mg 1x/jour
12-17 ans*
Lansoprazole
Caps 15, 30 mg
 10 kg : 7,5 mg 1x/jour
1-11 ans
Comp 15, 30 mg 10-30 kg : 15 mg 1x/jour
1-11 ans
microgranulés entérosolubles  30 kg : 30 mg 1x/jour  12 ans
(max 2 mg/kg/jour)
Oméprazole
Comp 10, 20 mg
1 mg/kg/jour 1x/jour ou
2-16 ans
Comp 10, 20 mg pelliculé 20 kg : 10 mg 1x/jour
2-16 ans
à libération retardée
20 kg : 20 mg 1x/jour
2-16 ans
Gélule 10, 20, 40 mg
Caps 40 mg
Pantoprazole
Comp 20, 40 mg 0,5-1 mg/kg/jour
6-13 ans
entérosoluble (max 20 mg 1x/jour)
13-16 ans
40 mg 1 x/jour
* Non approuvé par Santé Canada pour utilisation chez les enfants
www.monportailpharmacie.ca
Décembre 2007 vol. 54 n° 12 Québec Pharmacie
23
LES pages bleues
Cas clinique (suite)
Une semaine plus tard, Mme L. se présente
avec une ordonnance de PrevacidMD 7,5 mg
1 fois par jour pour son bébé. Ce dernier
pèse 5,2 kg. Mme L. vous questionne sur
l’utilité et l’efficacité de ces produits. Elle
vous demande également si son fils devra
prendre cette médication pendant longtemps et s’il y a des dangers liés à son
usage chez son jeune enfant. Que pensezvous du choix de traitement et que répondez-vous à la mère ?
entérique est requise afin de leur permettre
de se rendre jusqu’à leur site d’absorption.
Les IPP sont métabolisés par le cytochrome
P450 et peuvent interagir avec les médicaments qui sont métabolisés par ces enzymes. Aucun ajustement n’est nécessaire en
cas d’insuffisance rénale, mais une prudence est de mise en cas d’insuffisance hépatique. En général, ils sont bien tolérés et les
effets indésirables tels que la diarrhée, la
douleur abdominale, les nausées et les maux
de tête sont plutôt rares. Les IPP sont indiqués dans le RGOP réfractaire aux ARH2,
mais vu leur efficacité, ils sont souvent utilisés en première ligne chez les enfants plus
âgés et les adolescents.
L’oméprazole et le lansoprazole ont été les
premiers IPP utilisés chez les enfants et leur
utilisation à long terme semble efficace et
sécuritaire. Chez l’adulte, la supériorité des
IPP par rapport aux ARH2 a été bien démontrée pour la prise en charge du RGO.
Toutefois, leur efficacité chez les enfants n’a
pas été examinée dans des études randomisées et contrôlées par placebo32. Une étude a
montré l’innocuité de ces deux IPP pour
une période allant jusqu’à six mois avec le
lansoprazole33 et jusqu’à deux ans avec
l’oméprazole34. L’utilisation de ces agents
n’a pas été approuvée chez les enfants âgés
de moins d’un an. La capacité de métabolisation du lansoprazole chez les enfants de
moins de 24 mois est semblable à celle des
enfants âgés de moins de 11 ans. Ainsi, une
dose calculée en mg/kg amène une suppression efficace de l’acide gastrique35. Quatrevingt pour cent des enfants de moins de
deux ans répondent à des doses de 0,7 mg/
kg/jour, mais des doses jusqu’à 2,8 mg/kg/
jour peuvent être nécessaires35. Les doses
efficaces pédiatriques pour l’ensemble des
IPP varient de 0,5 mg/kg/jour à 3,3 mg/kg/
jour. Le pantoprazole, le rabéprazole et
l’ésoméprazole font aussi partie de cette
classe. L’ésoméprazole est l’isomère (S) de
l’oméprazole, il possède une demi-vie plas-
24
matique prolongée et augmente le temps
d’exposition des pompes à protons à l’effet
inhibiteur du médicament36. Selon l’étude
de Miner et ses collaborateurs, l’ésoméprazole est, parmi les cinq IPP, celui qui semble
réduire le plus l’acidité intragastrique37.
Les IPP ont une structure chimique semblable, mais ils diffèrent au niveau de leur
métabolisme. L’oméprazole est métabolisé
par les cytochromes 2C19 et 3A4. La présence et l’activité de ces cytochromes variant selon l’âge, on peut s’attendre à une
pharmacocinétique variable d’un individu
à l’autre en fonction de l’âge38. En effet, l’élimination est réduite chez les nouveau-nés,
et ce, jusqu’à l’âge de trois mois. Chez les enfants de 1 à 10 ans, des doses plus élevées seraient nécessaires38. L’oméprazole est offert
sous forme de capsule contenant des granules à libération prolongée et sous forme
MUPS (multiple unit pellet system). Le lansoprazole est aussi offert sous forme de granules à libération prolongée. Les granules
ne doivent pas être écrasées ou mâchées, car
elles sont instables dans le milieu acide. La
capsule peut être ouverte et les granules saupoudrées sur la nourriture comme le yogourt et la compote de pommes. Elles peuvent également être mélangées à différents
jus tels que le jus de pomme, de canneberge,
de raisin, d’orange, d’ananas, de prune et de
tomate39. La formulation fastab, c’est-à-dire
à dissolution rapide dans la bouche, peut
être une solution de rechange. Il existe aussi
une préparation magistrale faite à partir de
bicarbonate de sodium utilisée pour l’oméprazole, le lansoprazole et le pantoprazole40.
Le bicarbonate sert à neutraliser le pH gastrique afin que les IPP ne soient pas détruits
par l’acidité de l’estomac et puissent être
absorbés au niveau de l’intestin. La quantité
de bicarbonate de sodium contenue dans
ces préparations ne serait pas suffisante
pour neutraliser le pH gastrique. La biodisponibilité de l’oméprazole sous cette forme
magistrale serait grandement diminuée38.
La posologie idéale des IPP est de prendre la
dose journalière complète en une seule prise avant le déjeuner. Par contre, si les symptômes persistent et que le moment de la prise est approprié, il peut être indiqué de
séparer la dose journalière en deux prises.
Cette intervention serait souhaitable particulièrement pour les enfants présentant une
œsophagite grave striduleuse, un ulcère
peptique, des troubles de la motilité œsophagienne ou un reflux nocturne persistant. Une dose de ARH2 est parfois ajoutée
pour les symptômes nocturnes.
Similairement aux adultes, les effets indésirables sont plutôt rares et incluent des
Québec Pharmacie vol. 54 n° 12 Décembre 2007
céphalées, des douleurs abdominales, des
nausées, de la constipation et des diarrhées.
Parmi les effets indésirables du lansoprazole, on retrouve la migraine, la diarrhée, la
douleur abdominale, les nausées, l’élévation
des enzymes hépatiques et la protéinurie.
On a observé l’hypergastrinémie et l’hyperplasie des cellules pariétales. La suppression d’acide par un IPP ou un ARH2 peut
conduire à une croissance bactérienne exagérée. Dans une étude, ce fait a été associé
avec un risque augmenté de gastro-entérite
aiguë et de pneumonie acquise en communauté chez les enfants40.
Les IPP peuvent être en cause dans plusieurs interactions. Tout comme les ARH2,
la baisse de l’acidité gastrique générée par la
prise des IPP peut diminuer la biodisponibilité de certains médicaments dont l’absorption est dépendante du pH gastrique.
Traitement selon les symptômes cliniques
Prise de poids insuffisante
et vomissements en jet
Chez l’enfant qui vomit en jet, il est nécessaire en premier lieu de s’assurer qu’il ne
présente pas d’obstruction au niveau du
tube digestif (sténose du pylore, malrotation, volvulus). Une étude barytée du tube
digestif est habituellement effectuée. De
plus, l’histoire, l’examen physique et les examens de laboratoire nous aident à écarter la
présence d’une allergie aux protéines bovines, d’allergies alimentaires, de maladies
métaboliques ou d’infections. S’il y a perte
ou stagnation du poids, une évaluation de
l’apport calorique est conseillée. En cas de
suspicion d’allergie aux protéines bovines,
un régime alimentaire sans protéines bovines doit être tenté. Lorsque les symptômes
semblent être attribués au reflux, les options
sont les suivantes : épaissir la préparation
lactée maternisée ou le lait maternel, introduire les solides plus tôt ou débuter un traitement anti-RGO. Les symptômes cliniques
sont à surveiller afin d’évaluer la réponse au
traitement. En cas de réponse incomplète,
un IPP est généralement essayé.
Pleurs excessifs
Un jeune enfant typique peut pleurer de façon intermittente en moyenne deux heures
par jour. Lorsqu’un parent se plaint que son
enfant est irritable et a un sommeil perturbé, on demandera à ce dernier de tenir un
registre de ces épisodes.
Chez les nourrissons de moins de 3 mois,
50 % des enfants irritables avec pleurs excessifs souffrent de RGO. Ce diagnostic est
renforcé si ces pleurs surviennent durant ou
après la prise de liquide. Le traitement pour
Le reflux gastro-œsophagien chez l’enfant
éliminer un RGO est donc souvent tenté.
Une allergie aux protéines bovines peut être
aussi la cause de ces symptômes chez l’enfant. S’il y a suspicion clinique (histoire familiale d’allergies, symptômes cutanés ou
diarrhées, éosinophilie), il est suggéré de
changer le lait à base de protéines bovines
pour un lait fait de protéines hydrolysées,
pour au moins deux semaines41. Dans la
majorité des cas, la réassurance et le temps
suffisent à tempérer les symptômes. Il est
donc très rare qu’on doive entreprendre des
investigations invasives telles que la pHmétrie œsophagienne ou l’endoscopie.
Brûlements d’estomac
Les enfants aux prises avec ces symptômes
sont traités de la même manière que les
adultes. Un changement dans les habitudes
de vie est conseillé, de même qu’un traitement par un ARH2 ou un IPP pendant deux
à quatre semaines. Si une amélioration clinique survient, un traitement de 12 semaines est suggéré. S’il n’y a pas de réponse ou
s’il y a récidive des symptômes, une endoscopie haute est souvent effectuée.
Dyspepsie fonctionnelle
La dyspepsie fonctionnelle se manifeste
souvent par un inconfort épigastrique, des
ballonnements, des sensations de trop plein
et des nausées. Le reflux est un symptôme
souvent décrit et le traitement antireflux est
en général donné de façon empirique. Les
IPP sont tentés afin de soulager la douleur
et les agents procinétiques pour améliorer
les symptômes entraînés par la diminution
de la vidange gastrique. Une endoscopie
haute est souvent effectuée s’il y a persistance des symptômes afin d’éliminer une autre
pathologie, mais surtout pour rassurer le
patient et la famille.
un taux de réussite (soulagement des
symptômes) de 57 % à 92 %2.
Conclusion
La chirurgie est parfois indiquée chez les
enfants qui n’ont pas répondu au traitement pharmacologique et qui présentent
de graves complications du reflux telles
que de la dysphagie, des ballonnements, de
graves nausées et l’incapacité de vomir. La
chirurgie la plus pratiquée se nomme la
fundoplication de Nissen qui consiste à attacher le fundus gastrique autour de la
partie inférieure de l’œsophage. Les indications les plus fréquentes de cette chirurgie sont : la pneumonie réfractaire, les
vomissements chroniques, l’incapacité à
prendre du poids, l’œsophagite réfractaire,
le rétrécissement de l’œsophage et le syndrome de Sandifer. Il serait préférable de
retarder la chirurgie jusqu’à ce que le patient ait atteint l’âge de deux ans, âge auquel
plusieurs symptômes du reflux auront
probablement disparu. Cette chirurgie a
Le RGO chez les nourrissons peut être générateur d’anxiété pour les parents, particulièrement lorsque les vomissements sont fréquents ou abondants. Il demeure donc
essentiel de rassurer la famille sur la normalité du phénomène chez la majorité des
jeunes enfants. Les mesures non pharmacologiques telles que le positionnement de l’enfant et l’utilisation de préparations lactées
épaissies suffisent généralement à améliorer
significativement la situation. Toutefois, pour
un petit nombre d’enfants, le RGO sera
considéré comme pathologique (RGOP) s’il
s’accompagne de complications. Des examens médicaux plus exhaustifs seront parfois requis afin de confirmer le reflux et son
lien avec les complications ainsi que pour éliminer certaines pathologies. Chez les enfants
atteints de RGOP, l’instauration d’un traitement pharmacologique ou une intervention
chirurgicale seront souvent nécessaires selon
la gravité des complications. Les agents procinétiques, les antagonistes des récepteurs H2
de l’histamine (ARH2) et les inhibiteurs de la
pompe à protons (IPP) font partie de l’arsenal pharmacologique pouvant être envisagé
afin de diminuer les symptômes et les complications du RGOP. n
9.Cezard JP. Managing Gastroœsophageal Reflux
Disease in children. Digestion. 2004; 69 (suppl 1):
3-8.
10.Behrman RE, Kliegman R, Jenson HB et coll. Nelson Textbook of pediatrics. 16th ed. Philadelphia:
W.B. Saunders, 2000: 1125-6.
11.Kawahara H, Dent J, Davidson G. Mechanisms
responsibles for gastrœsophageal reflux in children. Gastrœnterology 1997; 113(2): 399-408.
12.Brodsky L, Carr MM. Extraesophageal reflux in children. Curr Opin Otolaryngol Head Neck Surg 2006;
14: 387-92.
13.Gupta SK, Hassall E, Chiu YL et coll. Presenting
Symptoms of Nonerosive and Erosive Esophagitis in
Pediatric Patients. Dig Dis Sci 2006; 51: 858-63.
14.Gold BD. Gastrœsophageal Reflux Disease: Could
Intervention in Childhood Reduce the Risk of Later
Complication? Am J Med. 2004; 117(5A): 23S-9.
15.Orenstein SR, Shalaby TM, Kelsey SF et coll. Natural history of infant reflux esophagitis: symptoms
and morphometric histology during one year without pharmacotherapy. Am J Gastrœnterol. 2006;
101(3): 628-40.
16.El-Serag HB, Gilger MA, Kuebler M et coll. Extra
œsophageal associations of gastrœsophageal reflux disease in children without neurologic defects.
Gastrœnterology 2001; 121(6): 1294-9.
17.Kabakus N, Kurt A. Sandifer Syndrome: A continuing problem of misdiagnosis. Pediatrics international 2006; 48: 622-5.
18.Castell DO, Murray JA, Tutuian R et coll. Review
article: The pathophysiology of gastroœsophageal
reflux disease – œsophageal manisfestations. Aliment Pharmacol The 2004; 20(suppl. 9): 14-25.
19.Mittal RK, Holloway RH, Penaginir et coll. Transient lower œsophageal sphincter relaxation. Gastrœnterology 1995; 109: 601-10.
20.Boyle J. Gastrœsophageal reflux disease in 2006.
The imperfect diagnosis. Pediatr Radiol 2006;
36(suppl. 2): 192-5.
21.Cucchiara S, Staiano A, Gobio CL et coll. Value of
the 24 hours intraœsophageal pH monitoring in
children. Gut 1990; 31(2): 129-33.
22.Hillemeier AC. Gastrœsophageal reflux. Diagnostic
and therapeutics approaches. Pediatric Clin North
Am 1996; 43: 197-212.
23.Vandenplas Y. Gastroœsophageal reflux disease:
œsophageal impedance versus pH monitoring.
Acta Pediatrica 2007; 96: 956-62.
24.Vandenplas Y, Salvatore S, Vieira MC et coll. Will
Esophageal Impedance Replace pH Monitoring? Pediatrics 2007;119(1): 117-22.
25.Guimaraes EV, Marguet C, Camargos PA. Treatment of gastroœsophageal reflux disease. J Pediatr
(Rio J) 2006; 82 (5 Suppl): S133-45.
26.Miyazawa R, Tomomasa T, Kaneko H et coll. Prevalence of gastroœsophageal reflux-related symptoms in Japanese infants. Pediatrics International
2002; 44(5), 513-6.
27.Tobin JM, McCloud P, Cameron DG. Posture and
gastroœsophageal reflux: a case for left lateral positioning. Arch Dis Child 1997; 76: 254-8.
28.Rudolph CD, Mazur LJ Liptak GS et coll. Guidelines
for evaluation and treatment of gastrœsophageal;
reflux in infants and children : recommendations of
the North American Society for Pediatric gastrœnterology and Nutrition. J Pediatr Gastrœnterol nutr
2001; 32 Suppl 2 : S1-31.
Traitement chirurgical
Références
1. Nelson SP, Chen EH, Syniar GM et coll. for the Pediatric Practice Research Group. Prevalence of
symptoms of gastroœsophageal reflux during infancy: a pediatric practice-based survey. Arch Pediatr Adolesc Med 1997; 151(6): 569-72.
2. Nelson SP, Chen EH, Syniar GM et coll. for the Pediatric Practice Research Group. A Pediatric PracticeBased Survey: Prevalence of Symptoms of Gastroœsophageal Reflux During Childhood. Arch
Pediatr Adolesc Med 2000; 154(2): 150-4.
3. Jung AD. Gastroœsophageal Reflux in Infants and
Children. Am Fam Physician 2001; 64(11): 185360.
4. El-Serag HB, Gilger M, Carter J et coll. Childhood
GERD is a risk factor for GERD in adolescents and
young adults. Am J Gastrœnterol. 2004; 99(5): 80612.
5. Warning JP, Feiler MJ, Hunter JG et coll. Childhood
gastrœsophageal reflux symptoms in adults patients. J Pediatr Gastrœnterol Nutr 2002; 34: 334-8.
6. El-Serag HB, Richardson P, Pilgrim P et coll. Determinants of gastrœsophageal reflux disease in
adults with a history of childhood gastrœsophageal
reflux disease. Clin Gastrœnterol Hepatol. 2007;
5(6): 696-701.
7.Rudolph CD, Mazur LJ, Liptak GS et coll. Guidelines for evaluation and treatment of gastrœsophageal reflux in infants and children: recommendations of the North American Society for Pediatric
Gastrœnterology and Nutrition. J Pediatr Gastrœnterol Nutr 2001; 32: S1-S32.
8. Nelson SP, Chen EH, Syniar GM et coll. One-year
follow-up of symptoms of gastrœsophageal reflux
during infancy. Pediatric Practice Research Group.
Pediatrics 1998; 102(6): E67.
www.monportailpharmacie.ca
Décembre 2007 vol. 54 n° 12 Québec Pharmacie
25
LES pages bleues
29.Michail Sonia. Gastrœsophageal reflux. Ped in Rev
2007; 28(3): 101-9.
30.Shaffer SE, Levine S. Gastrœsophageal reflux in
children. Hosp Pharm 2003; 38(3): 212-7.
31.Freston JW. Therapeutic choices in reflux disease.
Defining the criteria for selecting a Proton pump inhibitor. Am J Med 2004; 117(5A): 145-225.
32.Anonyme. Proton Pump Inhibitors for GERD in Children. La lettre médicale 2007; 30(25) (ML 1255).
33.Faure C, Michaud L, Shaghaghi EK et coll. Lansoprazole in children: pharmacokinetics and efficacy
in reflux, œsophagitis. Aliment Pharmacol Ther
2001; 15: 1351-6.
34.Hassall E, Israel D, Shepherd R et coll. Omeprazole for treatment of chronic erosive œsophagitis in
children: a multicenter study of efficacy, safety, tolerability and dose requirements: International Pediatric Omeprazole Study Group. J Pediatr 2000;
137(6): 800-7.
35.Heyman MB, Zhang W, Huang B et coll. Pharmacokinetics and Pharmacodynamics of lansoprazole
in children 13 to 24 months old with gastrœsophageal reflux disease. J Ped Gastrœnt and Gut 2007;
44: 35-40.
36.Gibbons TE, Gold BD. The use of proton pump inhibitors in children. Pediatr Drugs 2003; 5(1): 25-40.
37.Miner P Jr, Katz PO, Chen Y et coll. Gastric acid
control with esomeprazole, lansoprazole, omeprazole, pantoprazole and rabeprazole : a five-way crossover study. Am J Gastrœnterol 2003; 98: 2616-20.
38.L’italien C, Theoret Y, Faure C. Pharmacokinetics of
proton pump inhibitors in children. Clin Pharmacokin
2005; 44(5): 441-66.
39.Fan E, Gavura S, Ruddock B. Proton pump inhibitors
in pediatric patients. CPJ/RPC 2006; 139(5): 53-5.
40.Dentinger PJ, Swenson CF, Anaizi NH. Stability of
pantoprazole in an extemporaneously compounded oral liquid. Am J Health Syst Pharm 2002;
59(10): 953-6.
41.Nielsen RG, Bindslev-Jensen C, Kruse-Anderson
S et coll. Severe Gastrœsophageal Reflux disease
and cow milk hypersensitivity in infants and children: Disease Association and Evaluation of a new
Challenge Procedure. J Pediatr gastrœnterol nutr
2004; 39: 383-91.
42.Rudolph CD, Mazur LJ, Liptak GS et coll. Guidelines for evaluation and treatment of gastrœsophageal reflux in infants and children: recommendations of the North American Society for Pediatric
Gastrœnterology and Nutrition. J Pediatr Gastrœnterol Nutr 2001; 32 (Suppl 2): S1-S31.
43.Taketomo CK, Hodding JH, Kraus DM. Pediatric
dosage handbook. 13th ed. Hudson: Lexi-Comp,
2006-2007: 1810 p.
44.Omari TI, Bemminga MA, Sansom L et coll. Baclofen reduces Gastrœsophageal reflux in children.
J Pediatr 2006; 149: 436-8.
45.Cezard JP. Managing Gastroœsophageal reflux disease in children. Digestion 2004; 69(suppl 1): 3-8.
Questions de formation continue
5) Lequel des énoncés suivants
est vrai concernant le diagnostic
du RGO ?
A. Des examens spécialisés sont
toujours requis pour confirmer la
présence du reflux chez la population pédiatrique.
B.L’allergie aux protéines bovines,
l’infection urinaire et certaines
pathologies respiratoires peuvent
mimer les symptômes du reflux
gastro-œsophagien pathologique.
C.Le monitoring 24 heures du pH
œsophagien permet de différencier
le reflux de type acide du reflux
non acide.
D.Le barium et la radiographie de
contraste ne sont pas utiles pour
établir le diagnostic différentiel du
reflux gastro-œsophagien.
E. Une œsophagite peut seulement
résulter d’un dommage tissulaire
causé par la présence du refluant
dans l’œsophage.
6) Lequel des énoncés suivants
est faux ?
A.Le reflux est principalement dû
à une relaxation inappropriée
des muscles lisses du sphincter
œsophagien inférieur.
B. Des dommages à la muqueuse
œsophagienne peuvent survenir
malgré une exposition normale
de celle-ci au reflux en termes
de temps.
C.Après l’âge d’un an, seulement 1 %
des enfants présenteront plus de
quatre épisodes de reflux par jour.
D.L’apnée n’est pas une manifestation
possible du reflux extraœsophagien.
E.Le tableau clinique du reflux gastroœsophagien chez les enfants plus
âgés et les adolescents est généralement dominé par de la douleur
épigastrique, des brûlements
d’estomac, de la dysphagie,
des nausées et vomissements.
7) Quelle classe de médicaments
utilise-t-on en première ligne
pour le RGO chez le nourrisson ?
A.IPP
B.Antiacides
C.Agents procinétiques
D.ARH2
E.Protecteur de la muqueuse
8) Lequel de ces médicaments ne
peut être utilisé dans le traitement des symptômes du RGO ?
A.Le métoclopramide
B.Le dompéridone
C.La diphenhydramine
D.La ranitidine
E.Le baclofène
9) Pour lequel de ces IPP les études
ont-elles démontré une plus
longue innocuité en pédiatrie ?
A.Le lansoprazole
B.Le pantoprazole
C. L’ésoméprasole
D. L’oméprazole
E. Le rabéprazole
Veuillez reporter vos réponses dans le formulaire de la page 58 
26
Québec Pharmacie vol. 54 n° 12 Décembre 2007