LILLE GRAND PALAIS

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LILLE GRAND PALAIS
24>26 novembre 2016
LILLE GRAND PALAIS
NUTRITION - ALIMENTATION - DIÉTÉTIQUE
PROGRAMME GÉNÉRAL
Que répondre au propriétaire qui veut nourrir son chien ou son chat
Avec la méthode BARF ?
Marianne DIEZ
DV. PhD. Dip. ECVCN
Clinique Vétérinaire Universitaire - Quartier Vallée 2 - Avenue de Cureghem, 3 - Sart-Tilman - 4000 LIÈGE
Introduction
L’alimentation BARF (Bones And Raw Foods
ou Biologically Appropriate Raw food) a été
décrite dans plusieurs livres par un vétérinaire
australien comme alternative à l’alimentation industrielle classique (Billinghurst, 1993,
1998). Cette pratique qui est restée longtemps confidentielle s’est développée ces
dernières années grâce à internet et plus précisément aux nombreux sites ou blogs dévolus au chien. Notons que l’inventeur a fait de
nombreux émules qui ont à leur tour propagé
et simplifié cette pratique, très complexe au
départ. Initialement, le régime BARF est basé
sur la distribution d’ingrédients crus –viandes
(surtout le poulet) et abats, poissons, os,
fruits et légumes, produits laitiers, huiles- et
de plusieurs compléments alimentaires dont
le vinaigre de cidre, les algues et les levures.
Elle exclut les féculents (donc les céréales)
et quasi tous les produits transformés ; elle
comporte un grand nombre d’ingrédients et
est justifiée par plusieurs postulats dont certains sont faux. En effet, selon l’auteur, l’alimentation commerciale est responsable de la
dysplasie de la hanche, de certains cancers et
d’autres maladies.
Pour les propriétaires adeptes du BARF, le
rejet de l’alimentation industrielle et la recherche d’une « alimentation naturelle » sont
les principaux facteurs de motivation. On peut
retenir qu’ils sont extrêmement motivés, persuadés de faire ce qu’il y a de mieux pour leur
chien ou chat, et surtout de plus en plus nombreux. Une étude récente rapporte que 15 %
des éleveurs néerlandais utilisent du BARF,
ce qui impacte fortement les propriétaires. Ils
ont en outre le sentiment d’appartenir à une
communauté spéciale qui ne se laisse pas
dicter ses choix par la profession vétérinaire.
L’expérience de maladies, dont certaines irréversibles, n’influence pas nécessairement leur
pratique.
de grandes quantités de coproduits de poulet –coffres, ailes et cous-. Les déséquilibres
en minéraux sont aussi très fréquents, dans
le sens d’un excès (si des os sont distribués)
ou d’une carence (si le régime est pauvre en
calcium, ce qui est le cas de la viande crue). Il
en va de même pour les carences en vitamine
D, fréquentes si le régime ne contient ni œufs
ni foie.
Parce qu’il est compliqué de préparer chaque
jour une alimentation fraîche, diversifiée et relativement complète – l’équilibre alimentaire
se calculant sur la semaine plutôt que pour
chaque repas ou chaque bouchée- il est apparu sur le marché des aliments dits « BARF »,
surgelés, consistant pour la plupart en broyats
de viandes, d’os et d’abats d’origines diverses.
Ces aliments sont quasi toujours étiquetés
« complémentaires » ; les étiquettes sont lacunaires et ils sont souvent utilisés comme des
aliments complets. Par exemple, un boudin
de poulet peut être étiqueté « 100 % dos de
poulet », ce qui ne permet pas de calculer une
ration. Ces produits peuvent causer des carences en vitamine D, carences responsables
de rachitisme chez les chiots en croissance.
Inversement, certains produits sont totalement désossés et entraînent des hyperparathyroïdies secondaires nutritionnelles. Ces
dernières maladies avaient quasiment disparu
avec l’utilisation des aliments commerciaux
complets et équilibrés. Dans le pire des cas,
certains propriétaires ne distribuent que de
la viande, tout en pensant nourrir à la façon
BARF.
Déséquilibres alimentaires
Une étude réalisée à Munich (Dillitzer et al.,
2011) a montré que sur 95 analyses nutritionnelles de rations BARF pour chiens adultes,
en comparaison aux besoins (NRC, 2006),
les déséquilibres étaient les suivants : 10 %
des rations contenaient moins de 25 % des
apports recommandés en calcium et vitamine
D ; 50 % étaient sous les apports recommandés en iode ; la plupart étaient carencées en
cuivre et zinc et 25 % n’assuraient que 70 %
des besoins en vitamine A. Au total, 60 % des
rations étaient déséquilibrées.
Le régime BARF est très riche en protéines
et en lipides, notamment lors de l’utilisation
Parmi les autres problèmes signalés dans la
littérature, des cas d’hyperthyroïdisme ont
Inconvénients
1
été rapportés : la thyroxine augmentée sous
régime BARF a été normalisée après un changement alimentaire chez 12 chiens (Kohler et
al.,2012). On signale également des augmentations de l’urémie et de la créatininémie, en
rapport avec le contenu élevé en protéines
(Freeman et al., 2013).
Enfin, il est complexe de calculer des rations
précises en termes d’apports énergétiques
en raison de la variation des ingrédients ;
par conséquent, les animaux nourris avec du
BARF ne sont pas à l’abri d’un excès pondéral.
Retenons que les régimes sont souvent déséquilibrés et qu’il n’existe pas un régime BARF
mais que BARF est un terme générique couvrant de multiples pratiques.
Risques sanitaires
Ils concernent à la fois les animaux et les propriétaires. De nombreuses publications sur le
sujet et des cas cliniques sont régulièrement
rapportés. Les contaminations bactériennes
sont fréquentes par suite de l’utilisation de
viande crue de poulet. Certaines proliférations
sont dues à la rupture de la chaîne du froid. On
trouve des Salmonelles dans 80 % des échantillons de poulet cru (Joffe et al., 2002) et 30 %
des fèces des chiens qui mangent du BARF en
contiennent également. En raison de la nature
zoonotique de ces bactéries, c’est donc bien
un problème de santé publique. On ne peut
que conseiller certaines précautions comme
de porter des gants ou d’avoir une hygiène
stricte lors de la manipulation de certains ingrédients. Pour information, l’école vétérinaire
d’Utrecht a interdit en 2015 l’alimentation
crue de type BARF dans ses installations.
Risques liés à la distribution d’os
Les accidents liés à l’ingestion d’os sont très
fréquents : dents cassées, blessures du tractus gastro-intestinal dont les corps étrangers
de l’œsophage -80 % sont des os-, et risque
élevé de gastrite aiguë. A cet égard, les cuisses
de poulet cru, très prisées, sont parfois données à la main, pour que le chien mange doucement durant la phase d’habituation.
24>26 novembre 2016
LILLE GRAND PALAIS
Avantages
Nourris avec du BARF diversifié, le chien et le
chat passent beaucoup de temps à manger, en
comparaison avec les croquettes. Les muscles
de la face et de façon générale, de la partie
antérieure du corps, dont les membres, sont
très sollicités ; les dents sont aussi plus saines.
Un régime de type BARF peut être très appétissant et il ne contient pas d’additifs alimentaires. Ce sont des critères importants pour le
propriétaire. On peut équilibrer un régime surmesure, comme on le ferait avec une ration
ménagère, tout en acceptant généralement
une plus grande part d’énergie d’origine protéique que dans un aliment commercial classique.
D’autres bénéfices sont revendiqués mais non
prouvés : un moindre coût, une diminution du
risque de calculs urinaires en raison d’un régime plus riche en eau (assez probable), une
meilleure digestibilité de la protéine (uniquement si les matières premières sont de qualité), et une meilleure immunité. Il n’existe aucune donnée scientifique sur ce dernier point.
poussins d’un jour décongelés (une variante
de BARF, tout comme les proies entières), les
carences sont multiples. En outre, l’appétence
semble poser plus de problèmes chez le chat
que chez le chien.
Conclusions
La pratique du BARF est en augmentation et
très populaire en Allemagne et aux Pays-Bas.
Un régime de type BARF peut théoriquement
être complet, à défaut d’être équilibré. Sur le
terrain, la situation est beaucoup plus complexe parce que la plupart des régimes dits «
BARF » ne sont ni complets, ni équilibrés et
que l’on voit réapparaître diverses maladies
d’origine nutritionnelle, la plupart irréversibles. Cependant, nous manquons encore de
recul sur cette pratique : la plupart des animaux vus en consultation reçoivent du BARF
(complet) depuis moins de 5 ans. C’est donc
sur le long terme qu’il conviendra d’en envisager les effets. Il est néanmoins de notre devoir
en tant que vétérinaire d’informer systématiquement les clients sur les risques liés à ce
type d’alimentation.
Billinghurst Ian. Grow your pups with bones.
The BARF Programme for breeding healthy
dogs and eliminating skeletal disease. 1998.
Dillitzer N.et al. Intake of minerals, trace elements and vitamins in bones and raw foods
rations in adult dogs. Br. J. Nutr. 2011, 106,
S53-S56.
Freeman L. et al. Current knowledge about the
risks and benefits of raw meat-based diets for
dogs and cats. JAVMA 2013, 243, 1549-1558.
Joffe D.J. et al. Preliminary assessment of the
risk of Salmonella infection in dogs fed raw
chicken diets. Can. Vet. J. 2002, 43, 441-442.
Kohler B., et al. Dietary hyperthyroidism in
dogs. J. Small Anim. Pract. 2012, 53, 182-184.
NRC 2006. Nutrient requirements of dogs and
cats. National Academy Press, Washington.
Le cas particulier du chat
A priori, le chat étant plus carnivore que le
chien, il serait plus à même de « supporter »
ou bénéficier d’une alimentation de type
BARF. Cependant, chez des animaux vus en
consultation et nourris par exemple, avec des
Bibliographie
Billinghurst Ian. Give your dog a bone. Alexandria, NSW, Australia Bridge Printering Ian Billinghurst,1993.
2
Déclaration publique d’intérêts sous la
responsabilité du ou des auteurs :
• Aucun conflit d'intérêt
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NUTRITION - ALIMENTATION - DIÉTÉTIQUE
PROGRAMME GÉNÉRAL
Que répondre au propriétaire qui veut nourrir son chien ou son chat
Avec un régime végétarien ?
Claude PAOLINO
DV, CES de Diététique canine et féline (ENVA), DU Psychiatrie Vétérinaire (ENVL-VetAgrosup – FML), DE d’Expertise Vétérinaire (ENVT)
Clinique Vétérinaire Holos Bios - 501, avenue Maréchal Juin - 83140 SIX-FOURS LES PLAGES
Depuis quelques années, de nombreux clients
sollicitent les vétérinaires pour obtenir des
informations sur l’alimentation végétarienne
pour leur chien ou leur chat. D’autres ont déjà
choisi ce mode d’alimentation pour leur animal en s’informant sur internet par exemple.
Les structures vétérinaires doivent former leur
personnel (vétérinaires et ASV) pour pouvoir
conseiller efficacement, mettre en garde sur
les dangers potentiels de ce type d’alimentation.
Le monde végétarien humain : selon les
études, on compte : 2 à 3 % de végétariens en
France, 9 % UK et Allemagne, 5 à 13 % USA.
Différentes disciplines alimentaires existent :
Végétarien : exclusion de la chair des animaux (y compris celle des poissons, sinon ils
sont pesco-végétarien – peu de risques chez
l’humain avec de bonnes connaissances nutritionnelles.
Végétalien : exclusion de tout produit d’origine
animale de l’alimentation (œufs, lait, fromage,
miel…) : les risques sont plus élevés. Parmi les
végétaliens, les vegans : excluent l’exploitation des animaux dans tous les domaines (alimentation, loisirs, habillement...)
Des recommandations officielles sont disponibles en ligne : http://www.pnnsvegane.fr. Pour les humains, une alimentation
végétarienne est possible (un avis d’un(e)
diététicien(ne) est recommandé). Pour les
vegans, des précautions strictes doivent être
prises, de nombreuses carences étant constatées. Certains pays envisagent de légiférer
pour interdire l’alimentation vegan pour les
nourrissons (Italie 2016).
Les besoins nutritionnels des carnivores domestiques en nutriments d’origine animale,
posent la question de savoir s’il est légitime,
possible et éthique de réaliser ce type de régime.
Les principales différences entre le régime
carnivore/omnivore et végétarien concernent
les nutriments suivants : protéines (quantité
et qualité), les Acides Gras Essentiels (Omega
3 & 6), les vitamines (A-D-B12), les minéraux
(Ca, P, Fe, Se Iode, Zn) et un excès de fibres.
Les protéines végétales de graines sont moins
digestibles que les protéines animales issues
des muscles, ce qui limite les stades possibles
de végétarisme chez le chien aux stades les
moins demandeurs en protéines (adultes non
stérilisés de petite taille) et les interdit aux
chats.
Au plan quantitatif : les besoins en protéines
pour 1000 kcal sont de 80 g/Mcal pour un
chat et entre 55 g à 65 g/Mcal pour les chiens
(Pour des animaux stérilisés, il faut les augmenter de 25 %). Moins les aliments sont
riches en protéines, plus il va falloir augmenter les quantités d’aliments et ainsi apporter d’autres nutriments comme les glucides
des végétaux en quantité importante. Par
exemple, la viande à 5 % de MG apporte 150 g
de protéines/Mcal et 130 kcal/100 g, le tofu
100 g de protéines/Mcal et 120 kcal/100 g.
Pour être isoprotéique sur une même quantité
d’aliment il faut 50 % de Tofu en plus ce qui
représente 38 % de calories supplémentaires.
Les acides aminés essentiels du chien sont
au nombre de 10 (11 pour le chat : la taurine).
Dans le monde végétal, 4 acides aminés (Lysine, Cystéine, Methionine et Tryptophane)
peuvent être des facteurs limitants. La taurine
n’existe pas dans le monde végétal (son nom
vient de « taurus »). La lysine est l’acide aminé
le moins abondant dans les céréales, tandis
que les acides aminés soufrés (méthionine
et cystéine) le sont pour les légumineuses.
Pour équilibrer les apports, les végétariens
doivent associer les deux ingrédients dans le
même repas. L’arginine est un acide aminé
très important pour le chat, elle participe à la
synthèse de l’urée à partir de l’ammoniac, sa
carence non corrigée est mortelle.
Les acides gras essentiels ne peuvent pas
être synthétisés par le corps et doivent être
apportés par la nourriture. En alimentation
végétarienne, les omega-6 (n-6) le sont par
l’acide linoléique (LA) et les omega-3 (n-3)
par l’acide linolénique (ALA). Ces précurseurs serviront à fabriquer d’autres acides
gras : acide arachidonique (AA) pour les n-6
et EPA et DHA pour les n-3. Chez l’humain et
le chien, la synthèse LA -> AA ne pose pas de
problème. La synthèse ALA-> EPA a un rendement de 20 % et celle ALA->DHA est de 1 %
ce qui est insuffisant dans certaines situations
physiologiques : croissance, gestation, lactation, âge senior. L’EPA et le DHA doivent alors
3
être apportés par les aliments et un rapport
d’apport est n-6/n-3<5 dans la ration est nécessaire pour permettre une synthèse efficace
des AGPI à longue chaîne.
L’enzyme permettant la synthèse de AA, EPA
et DHA est inopérante chez le chat, l’apport
alimentaire est obligatoire : l’AA se retrouve
dans les muscles de ses proies (et n’existe
pas dans le monde végétal) et le DHA dans
le cerveau ou dans les huiles de poisson. Les
aliments végétariens doivent être supplémentées en ces molécules.
Les vitamines : le chien et le chat surtout utilisent beaucoup mieux les vitamines A et D
d’origine animale que les formes végétales.
Pour la vitamine A, il existe une forme végétale
(ß-carotene, pro-vitamine A) transformée en
rétinol dans l’intestin) et une forme animale
(le rétinol). Le chat ne peut utiliser que le rétinol. Le chien peut utiliser les 2 formes mais la
forme animale est plus efficace.
Le chien et le chat ne peuvent pas fabriquer
la vitamine D dans la peau, comme l’homme
exposé au soleil. Il existe une forme végétale
(vitamine D2) mais elle est mal utilisée par le
chien et le chat, la vitamine D3 animale (cholécalciférol) doit être privilégiée.
Les besoins en vitamines B sont très supérieurs chez le chat par rapport au chien. Les
sources animales sont importantes, l’apport
de vitamines B en particulier (B3 et B6) peut
poser problème avec des sources végétales.
Pour la vitamine B12, la source est strictement animale. Une alimentation végétalienne
peut engendrer (comme chez l’homme) une
carence.
Des minéraux nécessaires en quantité élevée
comme le calcium (les besoins des carnivores
sont largement supérieurs à ceux de l’homme
x3) et le phosphore sont nécessaires. Ils ne
peuvent pas les trouver en quantités suffisantes dans le monde végétal, un apport minéral est nécessaire. Le fer d’origine animale
(héminique – fer ferreux Fe2+) est mieux
absorbé et utilisé par les carnivores que le Fer
non héminique (fer ferrique – Fe3+).
Les aliments industriels végétariens fabriqués
sans matière première animale doivent impérativement être supplémentés avec des nutriments de synthèse dont l’origine naturelle
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serait une source animale. De plus, l’aliment
produit doit être appétent, ce qui est difficile
surtout pour le chat. Les principaux problèmes
rencontrés sont : teneurs en protéines et vitamines très basses (souvent à la limite inférieure des recommandations). Ces aliments
industriels sont le plus souvent formulés pour
des animaux non stérilisés ou avec une activé
physique normale. Les animaux stérilisés ou
sédentaires ont des besoins caloriques inférieurs de 25 % et doivent consommer moins
d’aliment ce qui aggrave le risque de carence.
Une étude réalisée sur 24 aliments pour chiens
et chats les a analysés du point de vue de leur
teneur en protéines et acides aminés. Pour les
protéines brutes, à l’exception d’une marque,
les recommandations de l’AAFCO étaient respectées. Pour les acides aminés, six formula-
tions étaient carencées en un ou plusieurs des
acides aminés suivants : méthionine, cystine,
leucine, taurine, lysine, tryptophane). A noter
que seuls les taux de protéines et d’acides
aminés ont été mesurés, d’autres carences
éventuelles concernant l’ensemble des nutriments (DHA, Vit A, D, B12…) pouvaient exister. Un suivi très rigoureux est absolument
nécessaire pour les animaux nourris avec ce
type de régime.
En conclusion, il est possible de nourrir de
façon végétarienne (et non végétalienne) des
chiens adultes non stérilisés, de petite taille.
Les statuts physiologiques : croissance, stérilisation, gestation, allaitement ont des exigences telles qu’il est impossible d’assurer
un apport suffisant et conformes aux besoins
physiologiques. Pour le chat, aucun cas de
4
figure ne permet de choisir ce type de régime
alimentaire. Une alimentation végétarienne
ou végétalienne n’est pas à conseiller pour
les carnivores domestiques (sauf certains cas
très particuliers). Il est possible de voir avec
le propriétaire si un solution « mixte » semivégétarienne, ou en intégrant du poisson
peut convenir à sa demande. Il faut pouvoir
informer les propriétaires, leur apporter des
arguments techniques et de proposer éventuellement de faire réaliser une ration par une
vétérinaire nutritionniste.
Déclaration publique d’intérêts sous la
responsabilité du ou des auteurs :
• Hill's Pet Nutrition - Zoetis
24>26 novembre 2016
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NUTRITION - ALIMENTATION - DIÉTÉTIQUE
PROGRAMME GÉNÉRAL
Que répondre au propriétaire qui veut nourrir son chien ou son chat
Avec des aliments bio ?
Marianne DIEZ
DV. PhD. Dip. ECVCN
Clinique Vétérinaire Universitaire - Quartier Vallée 2 - Avenue de Cureghem, 3 - Sart-Tilman - 4000 LIÈGE
Introduction
L’alimentation biologique ou « organique »
des carnivores peut être traitée de deux points
de vue : l’alimentation avec des rations ménagères ou avec des aliments commerciaux.
Il s’agit de deux approches très différentes,
la première ne posant aucun problème particulier tandis que la seconde est complexe
et fait appel à des fabricants le plus souvent
inconnus des vétérinaires. La vente sur internet complique en outre le problème puisque
les produits sont très nombreux et de qualité
variable.
Il est cependant important pour le vétérinaire de comprendre les motivations des propriétaires (anthropomorphisme, recherche
de « naturel », rejet des aliments de grande
marque, phénomène de mode, « problèmes
de santé », etc….) afin de répondre précisément à leurs questions.
Alimentation biologique en ration
ménagère
Les (toujours plus) nombreux propriétaires
qui nourrissent leurs animaux avec des rations
ménagères ont une grande propension à se
tourner vers des aliments biologiques. Parmi
les ingrédients de la ration de base, au nombre
minimum de 5 –sources de protéines, féculents, légumes, huile végétale et complexe
minéro-vitaminé-, seul le complexe minérovitaminé n’est guère disponible en « bio » sur
le marché vétérinaire. Etant donné qu’il est
incorporé en très faible quantité, il est donc
acceptable qu’il ne soit pas bio. Finalement,
les propriétaires qui se nourrissent bio et
souhaitent le même type de régime pour leur
chien/chat ont tout intérêt à se tourner vers
une ration ménagère calculée et équilibrée ;
c’est la seule façon de s’assurer de la qualité
des ingrédients d’une filière qu’ils connaissent
parce qu’ils l’utilisent également (Agence bio,
rapport 2015).
Alimentation commerciale
biologique
Nous limiterons notre propos 1) à l’alimentation des animaux au cours du cycle de la vie,
excluant l’alimentation clinique qui nécessiterait un aliment à objectif nutritionnel particulier non disponible en bio (insuffisance rénale
chronique, insuffisance hépatique, etc….)
2) à l’alimentation bio (ou organique) et
répondant à un label précis. En revanche, le
terme « alimentation naturelle » n’est pas
synonyme de « bio » et répond à des définitions variables en fonction des pays et des
fabricants.
Les aliments biologiques –complets ou complémentaires- sont soit des produits de
marques privées avec un circuit de distribution peu développé, soit des marques internationales disponibles par internet ou vendues
dans les circuits de distribution d’alimentation
humaine. Ils sont de qualité inégale, certains
étant à la fois bio et végétariens ; d’autres ne
contenant que des végétaux bio (dérivés de
soja, féculents et huiles) parce que la disponibilité de protéines animales bio est très faible,
et certainement insuffisante pour répondre à
la demande du secteur du petfood. Le nombre
d’ingrédients est très variable, de moins de 10
à plus de 40 pour certains produits. Il importe
de connaître la législation concernant l’étiquetage puisque les ingrédients sont classés
par ordre pondéral décroissant et pour les aliments contenant une liste très élevée d’ingrédients, les 20 derniers sont présents de façon
infime. Il est toujours préférable d’avoir des
certitudes sur la qualité de la protéine et des
lipides –sources de nutriments essentiels- que
des ingrédients dont on ne connaît ni l’utilité
ni la qualité.
La formulation d’aliments bio « sans additifs
chimiques, sans conservateurs, sans antioxydants » peut rendre complexe la conservation
des aliments secs, surtout si ces derniers sont
riches en lipides. Dès lors, il peut être tentant
pour les fabricants de diminuer les apports en
lipides pour éviter tout problème de conservation. En 2011, nous avons analysé les matières
grasses de plusieurs aliments secs dont des
produits bio avec l’objectif de comparer les valeurs analytiques et les valeurs de l’étiquette. Il
est apparu que pour les produits bio, la teneur
en lipides était minimale, de l’ordre de 5 % de
la MS, ce qui expose à un risque de carence en
acides gras essentiels (Ricci et al., 2011). Une
5
autre conséquence d’un faible apport de lipides est que la concentration énergétique est
faible et qu’il faudra distribuer plus d’aliments
–en comparaison à un aliment contenant par
exemple 12 % de lipides- pour couvrir les apports énergétiques. Chez les chiens recevant
ces aliments, l’examen général peut révéler un
pelage terne, signe de carence en acides gras.
Le problème en pratique est le suivant : les
propriétaires informent le vétérinaire qu’ils
cherchent un aliment bio ou qu’ils ont choisi
un aliment bio, souvent inconnu du praticien.
Les propriétaires souhaitant être rassurés,
ils aimeraient obtenir son avis. Le vétérinaire
en tant que professionnel peut simplement
répondre qu’il ne conseille que des aliments
qu’il connaît (vend) et des marques avec lesquelles il travaille régulièrement. C’est probablement la position la plus facile, à court
terme. Cependant, le risque existe alors de
laisser la compétence (ou l’incompétence) de
nutrition s’exercer ailleurs que dans la profession. Il est dès lors toujours possible d’examiner une étiquette, de la critiquer (liste des ingrédients, composition chimique), de calculer
une concentration énergétique, de comparer
des besoins calculés (individualisés) à des recommandations d’apports alimentaires. Il est
évident que la simple lecture d’une étiquette
ne suffit pas à garantir la qualité d’un aliment ;
elle fournit néanmoins des indications et révèle parfois des anomalies de formulation.
Le rationnement alimentaire consiste en 4
étapes qui sont 1) le calcul (ou l’estimation)
des besoins énergétiques, 2) le choix de
l’aliment 3) la détermination des quantités
journalières, 4) les modalités de distribution
(nombre de repas, eau à volonté, ...). Ce travail
de rationnement est une compétence du vétérinaire et doit être rémunéré en tant que tel à
partir du moment où il existe une demande de
la part des clients.
Une autre motivation évoquée par les propriétaires est de prévenir ou traiter des « problèmes de santé » ; la médiocre qualité du pelage ou des fèces sont souvent cités. Dès lors,
après examens complémentaires, en cas de
suspicion d’allergie alimentaire, il est infondé
de rejeter des aliments qui ne contiennent que
peu d’ingrédients et pas d’additifs. Cependant,
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il est absurde de s’orienter vers des produits
contenant plus de 30 ingrédients, chacun
pouvant se comporter en allergène potentiel.
En ce qui concerne les problèmes de digestion
(selles molles), après avoir exclu les maladies parasitaires et digestives chroniques,
il importe de prescrire un aliment qui donnera satisfaction au propriétaire. Si ce dernier
n’observe pas d’amélioration avec un aliment
non bio de bonne qualité (hyperdigestible ou
autre), le recours à une alimentation bio apparaît parfois comme une solution ultime.
Différents exemples d’aliments bio seront
proposés et critiqués.
Bibliographie
Conclusions
Parmi les aliments bio, il existe une grande
variété de produits, de qualité inégale, comme
pour l’ensemble du marché du petfood. Ce
secteur est en développement constant en
raison d’une forte demande. Plutôt que de rejeter ce choix, la profession vétérinaire a tout
intérêt à examiner soigneusement les motivations et demandes des clients et à tenter d’y
répondre. L’alimentation bio de bonne qualité
est une ration ménagère constituée d’ingrédients bio et individualisée en fonction des besoins de l’animal en particulier, chien ou chat.
6
Agence bio. http://www.agencebio.org/la-bio-enfrance Site consulté le 1/08/16.
Ricci R., et al., 2011. Total fat content and essential
fatty acids profile in 46 dry dog foods. Proceedings of
the 15th ESVCN Congress, Saragosse, Espagne, p.148.
Déclaration publique d’intérêts sous la
responsabilité du ou des auteurs :
• Aucun conflit d'intérêt
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LILLE GRAND PALAIS
NUTRITION - ALIMENTATION - DIÉTÉTIQUE
PROGRAMME GÉNÉRAL
Que répondre au propriétaire qui veut nourrir son chien ou son chat
Avec un régime sans gluten ?
Claude PAOLINO
DV, CES de Diététique canine et féline (ENVA), DU Psychiatrie Vétérinaire (ENVL-VetAgrosup – FML), DE d’Expertise Vétérinaire (ENVT)
Clinique Vétérinaire Holos Bios - 501, avenue Maréchal Juin - 83140 SIX-FOURS LES PLAGES
Depuis quelques années, de nombreux clients
sollicitent les vétérinaires pour obtenir des informations sur l’alimentation sans gluten pour
leur chien ou leur chat, à l’instar de ce qui se
fait chez l’homme. Les structures vétérinaires
doivent former leur personnel (vétérinaires
et ASV) pour pouvoir conseiller efficacement
leurs clients et répondre aux différentes question posées.
Il est à prendre en compte que nombre de
clients confondent le « sans gluten » et le
« sans céréales » et par extension quelquefois
le « sans végétaux ». Ceci partant du postulat que le chien est un carnivore qui ne peut
pas (ne doit pas ?) consommer de céréales.
Axelsson and al ont montré en 2013 que le
chien a acquis la capacité à digérer l’amidon,
il est donc possible d’en intégrer dans les rations alimentaires (peu chez les chiots et des
quantités plus importantes chez l’adulte : l’activité enzymatique amylolytique commençant
à se mettre en place très progressivement
après le sevrage). On trouve de l’amidon dans
les céréales, mais aussi dans les pommes de
terre et autres tubercules, et dans les légumineuses mais en moindre proportion. A noter
qu’il peut exister des croquettes sans gluten
mais pas sans amidon.
Gluten, sans gluten, comment s’y
retrouver ?
Gwyneth Paltrow et Novak Djokovic sont
connus pour ne pas consommer de gluten.
Lui est intolérant au gluten. Elle en a fait un
régime miracle. Des milliers de personnes
ont suivi cet effet de mode. Depuis quelques
années, la vague a atteint la France : le chiffre
d’affaire global de ce secteur a triplé entre
2009 et 2013. L’Association française des
Intolérants au gluten (AFDIAG) en 2016 a
délivré sa licence à environ 170 marques. Plus
de 1200 produits portent le logo « épi de blé
barré ».
Le gluten est la fraction protéique insoluble
du grain, obtenue en enlevant l’amidon d’une
pâte de farine panifiable, tirée de céréales
(seigle, blé et orge principalement). Seules les
protéines du blé, de l’orge et du seigle (gluten
ss.) sont toxiques pour les intolérants au glu-
ten. Pour la réglementation européenne (No
41/2009 DE LA COMMISSION du 20 janvier
2009) : «gluten» est une fraction protéique du
blé, du seigle, de l’orge, de l’avoine ou de leurs
variétés croisées et de leurs dérivés, à laquelle
certaines personnes sont intolérantes et qui
est insoluble dans l’eau et dans une solution
de chlorure de sodium à 0,5 M. L’étiquetage et la présentation des denrées alimentaires ainsi que la publicité faite à leur égard
peuvent comporter la mention « sans gluten »
dès lors que la teneur en gluten de l’aliment
vendu au consommateur final ne dépasse pas
20 mg/kg.
Le gluten a été décrit la première fois en 1742
par Giacomo Beccari, professeur à l’université
de Bologne. Le terme dérive du latin gluten
« colle, glu, gomme »
Le gluten est constitué de deux protéines : la
gliadine et la gluténine. Ce sont ces protéines
insolubles avec farine des propriétés viscoélastiques, exploitées en boulangerie :
• la fraction la plus toxique du gluten est représentée par les prolamines solubles (gliadines pour le blé, sécalines pour le seigle et
hordéines pour l’orge). Beaucoup plus petites,
elles apportent les propriétés d’extension à la
pâte.
• l’autre fraction, les glutélines, sont solubles
uniquement dans les solutés basiques (gluténines pour le blé). Ce sont des protéines agrégées, de haut poids moléculaire, qui apportent
le caractère élastique à la pâte à pain.
• Le blé, le seigle et l’orge ont, dans leurs prolamines, les mêmes séquences d’acides aminés. On ne retrouve pas ces séquences dans
les céréales comme le maïs ou le riz qui sont
bien tolérées.
Il est responsable chez une partie de la population d’un trouble spécifique de la digestion
nommé maladie cœliaque (1 % de la population). Une petite fraction d’individus tolère
mal le gluten. Chez eux, un régime d’exclusion ou une réduction de l’apport en gluten
(intolérance au gluten en dehors de la maladie
cœliaque) sont indiqués. (10 % de la population générale humaine). Dans les autres cas,
aucune preuve scientifique ne vient justifier
le régime sans gluten que s’imposent les patients.
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Le blé est un terme générique recouvrant différentes céréales du genre Triticum : le blé
dur (T. turgidum durum : très riche en gluten
utilisé pour les pâtes alimentaires), le blé
tendre (T. æstivum : le froment, utilisé pour le
pain), l’épeautre (T. æstivum spelta : « Grand
épeautre » très utilisé en agriculture biologique), l’engrain (T. monococcum : « Petit
épeautre » : très anciennement cultivé), le
Kamut (T. turgifum turanicum : « Blé de Khorasan »), etc…
Le terme « gluten » est souvent utilisé pour
désigner toutes les prolamines toxiques
contenues dans les fractions protidiques du
blé (gliadine), du seigle (Secale cereale L sécaline), de l’orge (Hordeum vulgare - hordéine), du triticale (hybride du seigle et du
blé), de l’avoine (avénine), du maïs (Zea mays
- Zéine), Riz (Oryza sativa)
Cas de l’avoine (Avena sativa) : souvent soustraitée avec le blé, l’orge et d’autres grains,
se retrouve contaminée par d’autres glutens.
Pour cela, la FAO, responsable du Codex Alimentarius, liste officiellement l’avoine comme
contenant du gluten. L’avoine d’Irlande et
d’Écosse, où le blé est moins cultivé, serait
moins contaminée. L’avoine fait partie de l’alimentation sans gluten en Suède et Finlande.
Les fournisseurs de ces pays offrent des produits ‘pure avoine’ non contaminés par les
blés.
Le moyen mnémotechnique pour se souvenir des céréales concernées : SABOT (Seigle,
Avoine, Blé, Orge, Triticale (hybride blé x
seigle). Le quinoa (Chenopodium quinoa) et
le sarrasin (aussi appelé blé noir, blé de barbarie) (Polygonum fagopyrum) ne sont pas des
céréales même si elles sont utilisées comme
telles et ne contiennent pas de gluten.
Chez le chien, les races Soft-Coated Wheaten
Terrier et le Setter Irlandais sont concernées.
Sans pour autant toucher tous les individus
de la race. Ils montrent une allergie au gluten
reconnue avec manifestation digestive (diarrhée). L’intolérance au gluten de blé oblige à ne
pas consommer de blé mais d’autres céréales
comme le riz peuvent l’être. Il a été prouvé que
le système HLA n’est pas mis en cause chez
le Setter Irlandais. Ce sont les cellules en première ligne de la réponse immunitaire et les
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LILLE GRAND PALAIS
lymphocytes T qui sont responsables du dérèglement. Il n’y a pas d’augmentation des anticorps impliqués chez l’homme dans le sang
(pas de sélection/amplification d’une réponse
impliquant les lymphocytes B.)
A noter que le syndrome « crampes épileptoïdes » (CECS) est une affection de mouvements paroxystiques chez le Border Terrier
(BT). Certains travaux suggèrent que ces
chiens pourraient répondre à une alimentation
sans gluten. Le CECS chez le BT est un trouble
du mouvement sensible au gluten déclenché
et perpétué par le gluten et donc sensible à un
régime sans gluten.
Il n’existe à ce jour aucune étude (humaine ou
animale) montrant un intérêt d’exclure systématiquement le blé et le gluten de l’alimentation. C’est toutefois possible (industriel ou
ménager) mais nécessite une connaissance
des ingrédients de base : ne pas substituer le
riz par les pâtes ou la semoule par exemple !
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Déclaration publique d’intérêts sous la
responsabilité du ou des auteurs :
• Hill's Pet Nutrition - Zoetis