LILLE GRAND PALAIS
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24>26 novembre 2016 LILLE GRAND PALAIS NUTRITION - ALIMENTATION - DIÉTÉTIQUE PROGRAMME GÉNÉRAL Que répondre au propriétaire qui veut nourrir son chien ou son chat Avec la méthode BARF ? Marianne DIEZ DV. PhD. Dip. ECVCN Clinique Vétérinaire Universitaire - Quartier Vallée 2 - Avenue de Cureghem, 3 - Sart-Tilman - 4000 LIÈGE Introduction L’alimentation BARF (Bones And Raw Foods ou Biologically Appropriate Raw food) a été décrite dans plusieurs livres par un vétérinaire australien comme alternative à l’alimentation industrielle classique (Billinghurst, 1993, 1998). Cette pratique qui est restée longtemps confidentielle s’est développée ces dernières années grâce à internet et plus précisément aux nombreux sites ou blogs dévolus au chien. Notons que l’inventeur a fait de nombreux émules qui ont à leur tour propagé et simplifié cette pratique, très complexe au départ. Initialement, le régime BARF est basé sur la distribution d’ingrédients crus –viandes (surtout le poulet) et abats, poissons, os, fruits et légumes, produits laitiers, huiles- et de plusieurs compléments alimentaires dont le vinaigre de cidre, les algues et les levures. Elle exclut les féculents (donc les céréales) et quasi tous les produits transformés ; elle comporte un grand nombre d’ingrédients et est justifiée par plusieurs postulats dont certains sont faux. En effet, selon l’auteur, l’alimentation commerciale est responsable de la dysplasie de la hanche, de certains cancers et d’autres maladies. Pour les propriétaires adeptes du BARF, le rejet de l’alimentation industrielle et la recherche d’une « alimentation naturelle » sont les principaux facteurs de motivation. On peut retenir qu’ils sont extrêmement motivés, persuadés de faire ce qu’il y a de mieux pour leur chien ou chat, et surtout de plus en plus nombreux. Une étude récente rapporte que 15 % des éleveurs néerlandais utilisent du BARF, ce qui impacte fortement les propriétaires. Ils ont en outre le sentiment d’appartenir à une communauté spéciale qui ne se laisse pas dicter ses choix par la profession vétérinaire. L’expérience de maladies, dont certaines irréversibles, n’influence pas nécessairement leur pratique. de grandes quantités de coproduits de poulet –coffres, ailes et cous-. Les déséquilibres en minéraux sont aussi très fréquents, dans le sens d’un excès (si des os sont distribués) ou d’une carence (si le régime est pauvre en calcium, ce qui est le cas de la viande crue). Il en va de même pour les carences en vitamine D, fréquentes si le régime ne contient ni œufs ni foie. Parce qu’il est compliqué de préparer chaque jour une alimentation fraîche, diversifiée et relativement complète – l’équilibre alimentaire se calculant sur la semaine plutôt que pour chaque repas ou chaque bouchée- il est apparu sur le marché des aliments dits « BARF », surgelés, consistant pour la plupart en broyats de viandes, d’os et d’abats d’origines diverses. Ces aliments sont quasi toujours étiquetés « complémentaires » ; les étiquettes sont lacunaires et ils sont souvent utilisés comme des aliments complets. Par exemple, un boudin de poulet peut être étiqueté « 100 % dos de poulet », ce qui ne permet pas de calculer une ration. Ces produits peuvent causer des carences en vitamine D, carences responsables de rachitisme chez les chiots en croissance. Inversement, certains produits sont totalement désossés et entraînent des hyperparathyroïdies secondaires nutritionnelles. Ces dernières maladies avaient quasiment disparu avec l’utilisation des aliments commerciaux complets et équilibrés. Dans le pire des cas, certains propriétaires ne distribuent que de la viande, tout en pensant nourrir à la façon BARF. Déséquilibres alimentaires Une étude réalisée à Munich (Dillitzer et al., 2011) a montré que sur 95 analyses nutritionnelles de rations BARF pour chiens adultes, en comparaison aux besoins (NRC, 2006), les déséquilibres étaient les suivants : 10 % des rations contenaient moins de 25 % des apports recommandés en calcium et vitamine D ; 50 % étaient sous les apports recommandés en iode ; la plupart étaient carencées en cuivre et zinc et 25 % n’assuraient que 70 % des besoins en vitamine A. Au total, 60 % des rations étaient déséquilibrées. Le régime BARF est très riche en protéines et en lipides, notamment lors de l’utilisation Parmi les autres problèmes signalés dans la littérature, des cas d’hyperthyroïdisme ont Inconvénients 1 été rapportés : la thyroxine augmentée sous régime BARF a été normalisée après un changement alimentaire chez 12 chiens (Kohler et al.,2012). On signale également des augmentations de l’urémie et de la créatininémie, en rapport avec le contenu élevé en protéines (Freeman et al., 2013). Enfin, il est complexe de calculer des rations précises en termes d’apports énergétiques en raison de la variation des ingrédients ; par conséquent, les animaux nourris avec du BARF ne sont pas à l’abri d’un excès pondéral. Retenons que les régimes sont souvent déséquilibrés et qu’il n’existe pas un régime BARF mais que BARF est un terme générique couvrant de multiples pratiques. Risques sanitaires Ils concernent à la fois les animaux et les propriétaires. De nombreuses publications sur le sujet et des cas cliniques sont régulièrement rapportés. Les contaminations bactériennes sont fréquentes par suite de l’utilisation de viande crue de poulet. Certaines proliférations sont dues à la rupture de la chaîne du froid. On trouve des Salmonelles dans 80 % des échantillons de poulet cru (Joffe et al., 2002) et 30 % des fèces des chiens qui mangent du BARF en contiennent également. En raison de la nature zoonotique de ces bactéries, c’est donc bien un problème de santé publique. On ne peut que conseiller certaines précautions comme de porter des gants ou d’avoir une hygiène stricte lors de la manipulation de certains ingrédients. Pour information, l’école vétérinaire d’Utrecht a interdit en 2015 l’alimentation crue de type BARF dans ses installations. Risques liés à la distribution d’os Les accidents liés à l’ingestion d’os sont très fréquents : dents cassées, blessures du tractus gastro-intestinal dont les corps étrangers de l’œsophage -80 % sont des os-, et risque élevé de gastrite aiguë. A cet égard, les cuisses de poulet cru, très prisées, sont parfois données à la main, pour que le chien mange doucement durant la phase d’habituation. 24>26 novembre 2016 LILLE GRAND PALAIS Avantages Nourris avec du BARF diversifié, le chien et le chat passent beaucoup de temps à manger, en comparaison avec les croquettes. Les muscles de la face et de façon générale, de la partie antérieure du corps, dont les membres, sont très sollicités ; les dents sont aussi plus saines. Un régime de type BARF peut être très appétissant et il ne contient pas d’additifs alimentaires. Ce sont des critères importants pour le propriétaire. On peut équilibrer un régime surmesure, comme on le ferait avec une ration ménagère, tout en acceptant généralement une plus grande part d’énergie d’origine protéique que dans un aliment commercial classique. D’autres bénéfices sont revendiqués mais non prouvés : un moindre coût, une diminution du risque de calculs urinaires en raison d’un régime plus riche en eau (assez probable), une meilleure digestibilité de la protéine (uniquement si les matières premières sont de qualité), et une meilleure immunité. Il n’existe aucune donnée scientifique sur ce dernier point. poussins d’un jour décongelés (une variante de BARF, tout comme les proies entières), les carences sont multiples. En outre, l’appétence semble poser plus de problèmes chez le chat que chez le chien. Conclusions La pratique du BARF est en augmentation et très populaire en Allemagne et aux Pays-Bas. Un régime de type BARF peut théoriquement être complet, à défaut d’être équilibré. Sur le terrain, la situation est beaucoup plus complexe parce que la plupart des régimes dits « BARF » ne sont ni complets, ni équilibrés et que l’on voit réapparaître diverses maladies d’origine nutritionnelle, la plupart irréversibles. Cependant, nous manquons encore de recul sur cette pratique : la plupart des animaux vus en consultation reçoivent du BARF (complet) depuis moins de 5 ans. C’est donc sur le long terme qu’il conviendra d’en envisager les effets. Il est néanmoins de notre devoir en tant que vétérinaire d’informer systématiquement les clients sur les risques liés à ce type d’alimentation. Billinghurst Ian. Grow your pups with bones. The BARF Programme for breeding healthy dogs and eliminating skeletal disease. 1998. Dillitzer N.et al. Intake of minerals, trace elements and vitamins in bones and raw foods rations in adult dogs. Br. J. Nutr. 2011, 106, S53-S56. Freeman L. et al. Current knowledge about the risks and benefits of raw meat-based diets for dogs and cats. JAVMA 2013, 243, 1549-1558. Joffe D.J. et al. Preliminary assessment of the risk of Salmonella infection in dogs fed raw chicken diets. Can. Vet. J. 2002, 43, 441-442. Kohler B., et al. Dietary hyperthyroidism in dogs. J. Small Anim. Pract. 2012, 53, 182-184. NRC 2006. Nutrient requirements of dogs and cats. National Academy Press, Washington. Le cas particulier du chat A priori, le chat étant plus carnivore que le chien, il serait plus à même de « supporter » ou bénéficier d’une alimentation de type BARF. Cependant, chez des animaux vus en consultation et nourris par exemple, avec des Bibliographie Billinghurst Ian. Give your dog a bone. Alexandria, NSW, Australia Bridge Printering Ian Billinghurst,1993. 2 Déclaration publique d’intérêts sous la responsabilité du ou des auteurs : • Aucun conflit d'intérêt 24>26 novembre 2016 LILLE GRAND PALAIS NUTRITION - ALIMENTATION - DIÉTÉTIQUE PROGRAMME GÉNÉRAL Que répondre au propriétaire qui veut nourrir son chien ou son chat Avec un régime végétarien ? Claude PAOLINO DV, CES de Diététique canine et féline (ENVA), DU Psychiatrie Vétérinaire (ENVL-VetAgrosup – FML), DE d’Expertise Vétérinaire (ENVT) Clinique Vétérinaire Holos Bios - 501, avenue Maréchal Juin - 83140 SIX-FOURS LES PLAGES Depuis quelques années, de nombreux clients sollicitent les vétérinaires pour obtenir des informations sur l’alimentation végétarienne pour leur chien ou leur chat. D’autres ont déjà choisi ce mode d’alimentation pour leur animal en s’informant sur internet par exemple. Les structures vétérinaires doivent former leur personnel (vétérinaires et ASV) pour pouvoir conseiller efficacement, mettre en garde sur les dangers potentiels de ce type d’alimentation. Le monde végétarien humain : selon les études, on compte : 2 à 3 % de végétariens en France, 9 % UK et Allemagne, 5 à 13 % USA. Différentes disciplines alimentaires existent : Végétarien : exclusion de la chair des animaux (y compris celle des poissons, sinon ils sont pesco-végétarien – peu de risques chez l’humain avec de bonnes connaissances nutritionnelles. Végétalien : exclusion de tout produit d’origine animale de l’alimentation (œufs, lait, fromage, miel…) : les risques sont plus élevés. Parmi les végétaliens, les vegans : excluent l’exploitation des animaux dans tous les domaines (alimentation, loisirs, habillement...) Des recommandations officielles sont disponibles en ligne : http://www.pnnsvegane.fr. Pour les humains, une alimentation végétarienne est possible (un avis d’un(e) diététicien(ne) est recommandé). Pour les vegans, des précautions strictes doivent être prises, de nombreuses carences étant constatées. Certains pays envisagent de légiférer pour interdire l’alimentation vegan pour les nourrissons (Italie 2016). Les besoins nutritionnels des carnivores domestiques en nutriments d’origine animale, posent la question de savoir s’il est légitime, possible et éthique de réaliser ce type de régime. Les principales différences entre le régime carnivore/omnivore et végétarien concernent les nutriments suivants : protéines (quantité et qualité), les Acides Gras Essentiels (Omega 3 & 6), les vitamines (A-D-B12), les minéraux (Ca, P, Fe, Se Iode, Zn) et un excès de fibres. Les protéines végétales de graines sont moins digestibles que les protéines animales issues des muscles, ce qui limite les stades possibles de végétarisme chez le chien aux stades les moins demandeurs en protéines (adultes non stérilisés de petite taille) et les interdit aux chats. Au plan quantitatif : les besoins en protéines pour 1000 kcal sont de 80 g/Mcal pour un chat et entre 55 g à 65 g/Mcal pour les chiens (Pour des animaux stérilisés, il faut les augmenter de 25 %). Moins les aliments sont riches en protéines, plus il va falloir augmenter les quantités d’aliments et ainsi apporter d’autres nutriments comme les glucides des végétaux en quantité importante. Par exemple, la viande à 5 % de MG apporte 150 g de protéines/Mcal et 130 kcal/100 g, le tofu 100 g de protéines/Mcal et 120 kcal/100 g. Pour être isoprotéique sur une même quantité d’aliment il faut 50 % de Tofu en plus ce qui représente 38 % de calories supplémentaires. Les acides aminés essentiels du chien sont au nombre de 10 (11 pour le chat : la taurine). Dans le monde végétal, 4 acides aminés (Lysine, Cystéine, Methionine et Tryptophane) peuvent être des facteurs limitants. La taurine n’existe pas dans le monde végétal (son nom vient de « taurus »). La lysine est l’acide aminé le moins abondant dans les céréales, tandis que les acides aminés soufrés (méthionine et cystéine) le sont pour les légumineuses. Pour équilibrer les apports, les végétariens doivent associer les deux ingrédients dans le même repas. L’arginine est un acide aminé très important pour le chat, elle participe à la synthèse de l’urée à partir de l’ammoniac, sa carence non corrigée est mortelle. Les acides gras essentiels ne peuvent pas être synthétisés par le corps et doivent être apportés par la nourriture. En alimentation végétarienne, les omega-6 (n-6) le sont par l’acide linoléique (LA) et les omega-3 (n-3) par l’acide linolénique (ALA). Ces précurseurs serviront à fabriquer d’autres acides gras : acide arachidonique (AA) pour les n-6 et EPA et DHA pour les n-3. Chez l’humain et le chien, la synthèse LA -> AA ne pose pas de problème. La synthèse ALA-> EPA a un rendement de 20 % et celle ALA->DHA est de 1 % ce qui est insuffisant dans certaines situations physiologiques : croissance, gestation, lactation, âge senior. L’EPA et le DHA doivent alors 3 être apportés par les aliments et un rapport d’apport est n-6/n-3<5 dans la ration est nécessaire pour permettre une synthèse efficace des AGPI à longue chaîne. L’enzyme permettant la synthèse de AA, EPA et DHA est inopérante chez le chat, l’apport alimentaire est obligatoire : l’AA se retrouve dans les muscles de ses proies (et n’existe pas dans le monde végétal) et le DHA dans le cerveau ou dans les huiles de poisson. Les aliments végétariens doivent être supplémentées en ces molécules. Les vitamines : le chien et le chat surtout utilisent beaucoup mieux les vitamines A et D d’origine animale que les formes végétales. Pour la vitamine A, il existe une forme végétale (ß-carotene, pro-vitamine A) transformée en rétinol dans l’intestin) et une forme animale (le rétinol). Le chat ne peut utiliser que le rétinol. Le chien peut utiliser les 2 formes mais la forme animale est plus efficace. Le chien et le chat ne peuvent pas fabriquer la vitamine D dans la peau, comme l’homme exposé au soleil. Il existe une forme végétale (vitamine D2) mais elle est mal utilisée par le chien et le chat, la vitamine D3 animale (cholécalciférol) doit être privilégiée. Les besoins en vitamines B sont très supérieurs chez le chat par rapport au chien. Les sources animales sont importantes, l’apport de vitamines B en particulier (B3 et B6) peut poser problème avec des sources végétales. Pour la vitamine B12, la source est strictement animale. Une alimentation végétalienne peut engendrer (comme chez l’homme) une carence. Des minéraux nécessaires en quantité élevée comme le calcium (les besoins des carnivores sont largement supérieurs à ceux de l’homme x3) et le phosphore sont nécessaires. Ils ne peuvent pas les trouver en quantités suffisantes dans le monde végétal, un apport minéral est nécessaire. Le fer d’origine animale (héminique – fer ferreux Fe2+) est mieux absorbé et utilisé par les carnivores que le Fer non héminique (fer ferrique – Fe3+). Les aliments industriels végétariens fabriqués sans matière première animale doivent impérativement être supplémentés avec des nutriments de synthèse dont l’origine naturelle 24>26 novembre 2016 LILLE GRAND PALAIS serait une source animale. De plus, l’aliment produit doit être appétent, ce qui est difficile surtout pour le chat. Les principaux problèmes rencontrés sont : teneurs en protéines et vitamines très basses (souvent à la limite inférieure des recommandations). Ces aliments industriels sont le plus souvent formulés pour des animaux non stérilisés ou avec une activé physique normale. Les animaux stérilisés ou sédentaires ont des besoins caloriques inférieurs de 25 % et doivent consommer moins d’aliment ce qui aggrave le risque de carence. Une étude réalisée sur 24 aliments pour chiens et chats les a analysés du point de vue de leur teneur en protéines et acides aminés. Pour les protéines brutes, à l’exception d’une marque, les recommandations de l’AAFCO étaient respectées. Pour les acides aminés, six formula- tions étaient carencées en un ou plusieurs des acides aminés suivants : méthionine, cystine, leucine, taurine, lysine, tryptophane). A noter que seuls les taux de protéines et d’acides aminés ont été mesurés, d’autres carences éventuelles concernant l’ensemble des nutriments (DHA, Vit A, D, B12…) pouvaient exister. Un suivi très rigoureux est absolument nécessaire pour les animaux nourris avec ce type de régime. En conclusion, il est possible de nourrir de façon végétarienne (et non végétalienne) des chiens adultes non stérilisés, de petite taille. Les statuts physiologiques : croissance, stérilisation, gestation, allaitement ont des exigences telles qu’il est impossible d’assurer un apport suffisant et conformes aux besoins physiologiques. Pour le chat, aucun cas de 4 figure ne permet de choisir ce type de régime alimentaire. Une alimentation végétarienne ou végétalienne n’est pas à conseiller pour les carnivores domestiques (sauf certains cas très particuliers). Il est possible de voir avec le propriétaire si un solution « mixte » semivégétarienne, ou en intégrant du poisson peut convenir à sa demande. Il faut pouvoir informer les propriétaires, leur apporter des arguments techniques et de proposer éventuellement de faire réaliser une ration par une vétérinaire nutritionniste. Déclaration publique d’intérêts sous la responsabilité du ou des auteurs : • Hill's Pet Nutrition - Zoetis 24>26 novembre 2016 LILLE GRAND PALAIS NUTRITION - ALIMENTATION - DIÉTÉTIQUE PROGRAMME GÉNÉRAL Que répondre au propriétaire qui veut nourrir son chien ou son chat Avec des aliments bio ? Marianne DIEZ DV. PhD. Dip. ECVCN Clinique Vétérinaire Universitaire - Quartier Vallée 2 - Avenue de Cureghem, 3 - Sart-Tilman - 4000 LIÈGE Introduction L’alimentation biologique ou « organique » des carnivores peut être traitée de deux points de vue : l’alimentation avec des rations ménagères ou avec des aliments commerciaux. Il s’agit de deux approches très différentes, la première ne posant aucun problème particulier tandis que la seconde est complexe et fait appel à des fabricants le plus souvent inconnus des vétérinaires. La vente sur internet complique en outre le problème puisque les produits sont très nombreux et de qualité variable. Il est cependant important pour le vétérinaire de comprendre les motivations des propriétaires (anthropomorphisme, recherche de « naturel », rejet des aliments de grande marque, phénomène de mode, « problèmes de santé », etc….) afin de répondre précisément à leurs questions. Alimentation biologique en ration ménagère Les (toujours plus) nombreux propriétaires qui nourrissent leurs animaux avec des rations ménagères ont une grande propension à se tourner vers des aliments biologiques. Parmi les ingrédients de la ration de base, au nombre minimum de 5 –sources de protéines, féculents, légumes, huile végétale et complexe minéro-vitaminé-, seul le complexe minérovitaminé n’est guère disponible en « bio » sur le marché vétérinaire. Etant donné qu’il est incorporé en très faible quantité, il est donc acceptable qu’il ne soit pas bio. Finalement, les propriétaires qui se nourrissent bio et souhaitent le même type de régime pour leur chien/chat ont tout intérêt à se tourner vers une ration ménagère calculée et équilibrée ; c’est la seule façon de s’assurer de la qualité des ingrédients d’une filière qu’ils connaissent parce qu’ils l’utilisent également (Agence bio, rapport 2015). Alimentation commerciale biologique Nous limiterons notre propos 1) à l’alimentation des animaux au cours du cycle de la vie, excluant l’alimentation clinique qui nécessiterait un aliment à objectif nutritionnel particulier non disponible en bio (insuffisance rénale chronique, insuffisance hépatique, etc….) 2) à l’alimentation bio (ou organique) et répondant à un label précis. En revanche, le terme « alimentation naturelle » n’est pas synonyme de « bio » et répond à des définitions variables en fonction des pays et des fabricants. Les aliments biologiques –complets ou complémentaires- sont soit des produits de marques privées avec un circuit de distribution peu développé, soit des marques internationales disponibles par internet ou vendues dans les circuits de distribution d’alimentation humaine. Ils sont de qualité inégale, certains étant à la fois bio et végétariens ; d’autres ne contenant que des végétaux bio (dérivés de soja, féculents et huiles) parce que la disponibilité de protéines animales bio est très faible, et certainement insuffisante pour répondre à la demande du secteur du petfood. Le nombre d’ingrédients est très variable, de moins de 10 à plus de 40 pour certains produits. Il importe de connaître la législation concernant l’étiquetage puisque les ingrédients sont classés par ordre pondéral décroissant et pour les aliments contenant une liste très élevée d’ingrédients, les 20 derniers sont présents de façon infime. Il est toujours préférable d’avoir des certitudes sur la qualité de la protéine et des lipides –sources de nutriments essentiels- que des ingrédients dont on ne connaît ni l’utilité ni la qualité. La formulation d’aliments bio « sans additifs chimiques, sans conservateurs, sans antioxydants » peut rendre complexe la conservation des aliments secs, surtout si ces derniers sont riches en lipides. Dès lors, il peut être tentant pour les fabricants de diminuer les apports en lipides pour éviter tout problème de conservation. En 2011, nous avons analysé les matières grasses de plusieurs aliments secs dont des produits bio avec l’objectif de comparer les valeurs analytiques et les valeurs de l’étiquette. Il est apparu que pour les produits bio, la teneur en lipides était minimale, de l’ordre de 5 % de la MS, ce qui expose à un risque de carence en acides gras essentiels (Ricci et al., 2011). Une 5 autre conséquence d’un faible apport de lipides est que la concentration énergétique est faible et qu’il faudra distribuer plus d’aliments –en comparaison à un aliment contenant par exemple 12 % de lipides- pour couvrir les apports énergétiques. Chez les chiens recevant ces aliments, l’examen général peut révéler un pelage terne, signe de carence en acides gras. Le problème en pratique est le suivant : les propriétaires informent le vétérinaire qu’ils cherchent un aliment bio ou qu’ils ont choisi un aliment bio, souvent inconnu du praticien. Les propriétaires souhaitant être rassurés, ils aimeraient obtenir son avis. Le vétérinaire en tant que professionnel peut simplement répondre qu’il ne conseille que des aliments qu’il connaît (vend) et des marques avec lesquelles il travaille régulièrement. C’est probablement la position la plus facile, à court terme. Cependant, le risque existe alors de laisser la compétence (ou l’incompétence) de nutrition s’exercer ailleurs que dans la profession. Il est dès lors toujours possible d’examiner une étiquette, de la critiquer (liste des ingrédients, composition chimique), de calculer une concentration énergétique, de comparer des besoins calculés (individualisés) à des recommandations d’apports alimentaires. Il est évident que la simple lecture d’une étiquette ne suffit pas à garantir la qualité d’un aliment ; elle fournit néanmoins des indications et révèle parfois des anomalies de formulation. Le rationnement alimentaire consiste en 4 étapes qui sont 1) le calcul (ou l’estimation) des besoins énergétiques, 2) le choix de l’aliment 3) la détermination des quantités journalières, 4) les modalités de distribution (nombre de repas, eau à volonté, ...). Ce travail de rationnement est une compétence du vétérinaire et doit être rémunéré en tant que tel à partir du moment où il existe une demande de la part des clients. Une autre motivation évoquée par les propriétaires est de prévenir ou traiter des « problèmes de santé » ; la médiocre qualité du pelage ou des fèces sont souvent cités. Dès lors, après examens complémentaires, en cas de suspicion d’allergie alimentaire, il est infondé de rejeter des aliments qui ne contiennent que peu d’ingrédients et pas d’additifs. Cependant, 24>26 novembre 2016 LILLE GRAND PALAIS il est absurde de s’orienter vers des produits contenant plus de 30 ingrédients, chacun pouvant se comporter en allergène potentiel. En ce qui concerne les problèmes de digestion (selles molles), après avoir exclu les maladies parasitaires et digestives chroniques, il importe de prescrire un aliment qui donnera satisfaction au propriétaire. Si ce dernier n’observe pas d’amélioration avec un aliment non bio de bonne qualité (hyperdigestible ou autre), le recours à une alimentation bio apparaît parfois comme une solution ultime. Différents exemples d’aliments bio seront proposés et critiqués. Bibliographie Conclusions Parmi les aliments bio, il existe une grande variété de produits, de qualité inégale, comme pour l’ensemble du marché du petfood. Ce secteur est en développement constant en raison d’une forte demande. Plutôt que de rejeter ce choix, la profession vétérinaire a tout intérêt à examiner soigneusement les motivations et demandes des clients et à tenter d’y répondre. L’alimentation bio de bonne qualité est une ration ménagère constituée d’ingrédients bio et individualisée en fonction des besoins de l’animal en particulier, chien ou chat. 6 Agence bio. http://www.agencebio.org/la-bio-enfrance Site consulté le 1/08/16. Ricci R., et al., 2011. Total fat content and essential fatty acids profile in 46 dry dog foods. Proceedings of the 15th ESVCN Congress, Saragosse, Espagne, p.148. Déclaration publique d’intérêts sous la responsabilité du ou des auteurs : • Aucun conflit d'intérêt 24>26 novembre 2016 LILLE GRAND PALAIS NUTRITION - ALIMENTATION - DIÉTÉTIQUE PROGRAMME GÉNÉRAL Que répondre au propriétaire qui veut nourrir son chien ou son chat Avec un régime sans gluten ? Claude PAOLINO DV, CES de Diététique canine et féline (ENVA), DU Psychiatrie Vétérinaire (ENVL-VetAgrosup – FML), DE d’Expertise Vétérinaire (ENVT) Clinique Vétérinaire Holos Bios - 501, avenue Maréchal Juin - 83140 SIX-FOURS LES PLAGES Depuis quelques années, de nombreux clients sollicitent les vétérinaires pour obtenir des informations sur l’alimentation sans gluten pour leur chien ou leur chat, à l’instar de ce qui se fait chez l’homme. Les structures vétérinaires doivent former leur personnel (vétérinaires et ASV) pour pouvoir conseiller efficacement leurs clients et répondre aux différentes question posées. Il est à prendre en compte que nombre de clients confondent le « sans gluten » et le « sans céréales » et par extension quelquefois le « sans végétaux ». Ceci partant du postulat que le chien est un carnivore qui ne peut pas (ne doit pas ?) consommer de céréales. Axelsson and al ont montré en 2013 que le chien a acquis la capacité à digérer l’amidon, il est donc possible d’en intégrer dans les rations alimentaires (peu chez les chiots et des quantités plus importantes chez l’adulte : l’activité enzymatique amylolytique commençant à se mettre en place très progressivement après le sevrage). On trouve de l’amidon dans les céréales, mais aussi dans les pommes de terre et autres tubercules, et dans les légumineuses mais en moindre proportion. A noter qu’il peut exister des croquettes sans gluten mais pas sans amidon. Gluten, sans gluten, comment s’y retrouver ? Gwyneth Paltrow et Novak Djokovic sont connus pour ne pas consommer de gluten. Lui est intolérant au gluten. Elle en a fait un régime miracle. Des milliers de personnes ont suivi cet effet de mode. Depuis quelques années, la vague a atteint la France : le chiffre d’affaire global de ce secteur a triplé entre 2009 et 2013. L’Association française des Intolérants au gluten (AFDIAG) en 2016 a délivré sa licence à environ 170 marques. Plus de 1200 produits portent le logo « épi de blé barré ». Le gluten est la fraction protéique insoluble du grain, obtenue en enlevant l’amidon d’une pâte de farine panifiable, tirée de céréales (seigle, blé et orge principalement). Seules les protéines du blé, de l’orge et du seigle (gluten ss.) sont toxiques pour les intolérants au glu- ten. Pour la réglementation européenne (No 41/2009 DE LA COMMISSION du 20 janvier 2009) : «gluten» est une fraction protéique du blé, du seigle, de l’orge, de l’avoine ou de leurs variétés croisées et de leurs dérivés, à laquelle certaines personnes sont intolérantes et qui est insoluble dans l’eau et dans une solution de chlorure de sodium à 0,5 M. L’étiquetage et la présentation des denrées alimentaires ainsi que la publicité faite à leur égard peuvent comporter la mention « sans gluten » dès lors que la teneur en gluten de l’aliment vendu au consommateur final ne dépasse pas 20 mg/kg. Le gluten a été décrit la première fois en 1742 par Giacomo Beccari, professeur à l’université de Bologne. Le terme dérive du latin gluten « colle, glu, gomme » Le gluten est constitué de deux protéines : la gliadine et la gluténine. Ce sont ces protéines insolubles avec farine des propriétés viscoélastiques, exploitées en boulangerie : • la fraction la plus toxique du gluten est représentée par les prolamines solubles (gliadines pour le blé, sécalines pour le seigle et hordéines pour l’orge). Beaucoup plus petites, elles apportent les propriétés d’extension à la pâte. • l’autre fraction, les glutélines, sont solubles uniquement dans les solutés basiques (gluténines pour le blé). Ce sont des protéines agrégées, de haut poids moléculaire, qui apportent le caractère élastique à la pâte à pain. • Le blé, le seigle et l’orge ont, dans leurs prolamines, les mêmes séquences d’acides aminés. On ne retrouve pas ces séquences dans les céréales comme le maïs ou le riz qui sont bien tolérées. Il est responsable chez une partie de la population d’un trouble spécifique de la digestion nommé maladie cœliaque (1 % de la population). Une petite fraction d’individus tolère mal le gluten. Chez eux, un régime d’exclusion ou une réduction de l’apport en gluten (intolérance au gluten en dehors de la maladie cœliaque) sont indiqués. (10 % de la population générale humaine). Dans les autres cas, aucune preuve scientifique ne vient justifier le régime sans gluten que s’imposent les patients. 7 Le blé est un terme générique recouvrant différentes céréales du genre Triticum : le blé dur (T. turgidum durum : très riche en gluten utilisé pour les pâtes alimentaires), le blé tendre (T. æstivum : le froment, utilisé pour le pain), l’épeautre (T. æstivum spelta : « Grand épeautre » très utilisé en agriculture biologique), l’engrain (T. monococcum : « Petit épeautre » : très anciennement cultivé), le Kamut (T. turgifum turanicum : « Blé de Khorasan »), etc… Le terme « gluten » est souvent utilisé pour désigner toutes les prolamines toxiques contenues dans les fractions protidiques du blé (gliadine), du seigle (Secale cereale L sécaline), de l’orge (Hordeum vulgare - hordéine), du triticale (hybride du seigle et du blé), de l’avoine (avénine), du maïs (Zea mays - Zéine), Riz (Oryza sativa) Cas de l’avoine (Avena sativa) : souvent soustraitée avec le blé, l’orge et d’autres grains, se retrouve contaminée par d’autres glutens. Pour cela, la FAO, responsable du Codex Alimentarius, liste officiellement l’avoine comme contenant du gluten. L’avoine d’Irlande et d’Écosse, où le blé est moins cultivé, serait moins contaminée. L’avoine fait partie de l’alimentation sans gluten en Suède et Finlande. Les fournisseurs de ces pays offrent des produits ‘pure avoine’ non contaminés par les blés. Le moyen mnémotechnique pour se souvenir des céréales concernées : SABOT (Seigle, Avoine, Blé, Orge, Triticale (hybride blé x seigle). Le quinoa (Chenopodium quinoa) et le sarrasin (aussi appelé blé noir, blé de barbarie) (Polygonum fagopyrum) ne sont pas des céréales même si elles sont utilisées comme telles et ne contiennent pas de gluten. Chez le chien, les races Soft-Coated Wheaten Terrier et le Setter Irlandais sont concernées. Sans pour autant toucher tous les individus de la race. Ils montrent une allergie au gluten reconnue avec manifestation digestive (diarrhée). L’intolérance au gluten de blé oblige à ne pas consommer de blé mais d’autres céréales comme le riz peuvent l’être. Il a été prouvé que le système HLA n’est pas mis en cause chez le Setter Irlandais. Ce sont les cellules en première ligne de la réponse immunitaire et les 24>26 novembre 2016 LILLE GRAND PALAIS lymphocytes T qui sont responsables du dérèglement. Il n’y a pas d’augmentation des anticorps impliqués chez l’homme dans le sang (pas de sélection/amplification d’une réponse impliquant les lymphocytes B.) A noter que le syndrome « crampes épileptoïdes » (CECS) est une affection de mouvements paroxystiques chez le Border Terrier (BT). Certains travaux suggèrent que ces chiens pourraient répondre à une alimentation sans gluten. Le CECS chez le BT est un trouble du mouvement sensible au gluten déclenché et perpétué par le gluten et donc sensible à un régime sans gluten. Il n’existe à ce jour aucune étude (humaine ou animale) montrant un intérêt d’exclure systématiquement le blé et le gluten de l’alimentation. C’est toutefois possible (industriel ou ménager) mais nécessite une connaissance des ingrédients de base : ne pas substituer le riz par les pâtes ou la semoule par exemple ! 8 Déclaration publique d’intérêts sous la responsabilité du ou des auteurs : • Hill's Pet Nutrition - Zoetis