Voltaire : Frédéric II - Musée Royal de Mariemont

VOLTAIRE
FRÉDÉRIC II
Fiche pédagogique
Cette fiche pédagogique s’adresse prioritairement aux
enseignants du dernier degré du secondaire afin de préparer
ou prolonger en classe la visite de l’exposition « Ecrivains,
modes d’emploi ». Ce dossier qui a pour objet les ouvrages
rédigés par Frédéric II de Prusse et corrigés par Voltaire,
s’attache à présenter ces deux personnages ainsi que les
liens qui les unissaient.
Ce travail a été réalisé dans le cadre du cours de Médiation Culturelle et Patrimoniale LHAGI
2550 par D. Degreef et H. Delcoigne, UCL, année académique 2011-2012
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FICHE PÉDAGOGIQUE À DESTINATION DU PROFESSEUR
Ouvrage concerné :
FRÉDÉRIC II ROI DE PRUSSE, Œuvres du philosophe de Sans Souci, Tome Premier, [Potsdam],
1752 et Tome Troisième, [Potsdam], 1750. Illustrations gravées par Georg Friedrich Schmidt,
Annotations par Voltaire, 30,6 x 24,2 cm, Inv. Aut. 4741 et 4742.
■ Deux personnages, deux écrivains…
Voltaire, philosophe des Lumières
Sa vie : Voltaire naît le 21 novembre 1694 à Paris sous le nom
de François-Marie Arouet et meurt le 30 mai 1778. Issu d’une
famille de tanneurs, élevé à la petite noblesse, François est un
jeune homme turbulent et exubérant. Son parrain, l’abbé de
Châteauneuf, l’initie à la poésie et l’emmène dans les milieux
littéraires parisiens. Il veut devenir « homme de lettres » et est
persuadé que son génie lui donne le rang d’altesse. Son
comportement dissipé inquiète beaucoup son père, qui le
cloître dans une étude de notaire à Paris.
Catherine Lusurier (d’après
Nicolas de Largillière), Portrait
de François-Marie Arouet, dit
Voltaire, 1778. Huile sur toile,
64 x 52 cm. Château de
Versailles.
Au lieu de travailler, le jeune homme compose des poèmes
satiriques : c’est le début d’une longue série de succès.
Passionné de théâtre, il écrit des pamphlets irrévérencieux
incendiant le Régent de France, Philippe d’Orléans, ce qui lui
valut onze mois de détention à la Bastille. Il en profite pour
commencer la rédaction de nouvelles œuvres satiriques. Dès
sa sortie de prison, il parvient à faire jouer sa première pièce,
Œdipe, au Théâtre Français. Une fois de plus, son insolence et
sa désinvolture font mouche. Le succès est immédiat et
retentissant.
Voltaire est un courtisan très demandé dans les salons, mais de nouveaux démêlés avec la
justice lui coûteront trois années d’exil en Angleterre (1725-1729), qui verront naître la
fascination de Voltaire pour ce pays de liberté. Mais Voltaire restera, jusqu’à la fin de sa vie,
un personnage très admiré : de la haute noblesse (la princesse de Polignac, amie intime de
la Reine Marie-Antoinette) aux penseurs et savants reconnus (Benjamin Franklin, Condorcet,
Diderot ou d’Alembert), tous veulent le rencontrer.
Son œuvre : L’œuvre de Voltaire est vaste et variée : prose, satire, romans et contes, lettres
philosophiques. Parmi ses œuvres les plus notables : ses contes philosophiques, sommets
de la langue et de l’esprit français (Candide en 1759, écrit en réponse à un désaccord avec
Jean-Jacques Rousseau), mais aussi ses correspondances (plus de dix-mille lettres) dans
lesquelles il manie la langue française classique avec richesse et efficacité. Profondément
anticlérical, Voltaire s’évertuera toujours à combattre la haine, le fanatisme religieux et tout
ce qu’il considère comme de l’injustice et l’intolérance, tantôt par la satire, tantôt par des
traités indignés (Traité sur la tolérance en 1763), mais toujours avec la même fougue. Figure
emblématique de la philosophie des Lumières, Voltaire mettra, toute sa vie, son génie et son
énergie au service de la Vérité et la Liberté.
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Frédéric II de Prusse, roi philosophe
Sa vie : Troisième roi de Prusse (1740-1786), il consacra son
règne à tenter d’unifier un territoire morcelé et amena son pays au
rang des plus grandes puissances d’Europe. C’est un monarque de
droit divin, désirant placer son règne sous le signe de la raison et
des arts. Despote « éclairé », Frédéric sera un fervent défenseur de
l’idéal des Lumières : il prône la liberté de pensée, tout en exigeant
l’obéissance de ses sujets pour préserver l’ordre de la société. Il
soutient la liberté de culte sur ses territoires, car, lui-même étant
agnostique, il estime que chacun doit pouvoir trouver le salut
comme il le désire. Amoureux de la langue et de la culture
classique française, il admire beaucoup Voltaire, qu’il invite dans
son château de Potsdam.
Anton Graff, Portrait de
Son œuvre : Le roi écrira en français une cinquantaine
Frédéric II, 1781. Huile sur
d’ouvrages philosophiques (sous forme de lettres, de discours, de
toile, 62 x 51 cm. Château
de Charlottenburg.
mémoires, etc.) dont les plus célèbres sont L’Anti-Machiavel
(1740) et les Poésies du Philosophe de Sans-Souci (1750-1752).
Le nom de « philosophe de Sans-Souci » provient du palais de Sans-Souci, dans lequel
résidait le roi durant l’été. Construit selon ses propres goûts, ce château proche de Potsdam
lui permettait de s’adonner en toute quiétude à diverses activités artistiques ainsi que de
s’entourer des personnes qui lui étaient chères.
■ De l’admiration à la défiance : la relation entre Voltaire et Frédéric II
L’esprit de Voltaire est admiré de tous, et sollicité de toutes parts : lorsque le Prince héritier
de Prusse, Frédéric, accède au trône, il prie Voltaire de le rejoindre à Potsdam en tant que
conseiller ; ce qu’il fit dès 1750 après une longue relation épistolaire. Voltaire croit alors
entretenir avec lui une relation d’égal à égal, ils deviennent intimes et travaillent chaque jour
ensemble : Voltaire aide le « roi-philosophe » à écrire ses œuvres.
Mais leur relation devient rapidement tumultueuse : Voltaire se permet de plus en plus de
familiarité et de critiques et commet certaines imprudences, que Frédéric apprécie peu. De
son côté, Voltaire commence à sentir l’emprise que Frédéric II exerce sur lui : il apprend qu’il
se sert de lui et qu’il ne lui porte que peu de respect. La publication par Voltaire sans la
permission de Frédéric II d’un pamphlet contre l’un des amis du souverain, Pierre Louis
Moreau de Maupertuis, (mathématicien,
astronome et physicien français)
provoqua la rupture définitive entre les
deux personnages. Frédéric fait en
effet brûler les exemplaires de cet
ouvrage, ce qui choqua profondément
Voltaire. Il décide de quitter le château
de Sans-Souci le 26 mars 1753. Cette
déconvenue l’incita à devenir un esprit
indépendant, loin des cours et des
cercles mondains.
Adolph von Menzel, La table ronde (détail),
1850. Huile sur toile, œuvre détruite. Détail
dans lequel on reconnaît Frédéric II au
centre ainsi que Voltaire plus à gauche,
parmi d’autres invités du roi.
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■ Le témoignage d’un livre : les Poésies du Philosophe de Sans Souci (1750-1752)
Lorsqu’il arrive au château de Potsdam, Voltaire est reçu comme un prince : il reçoit
de la part de Frédéric II un appartement en dessous du sien, des équipages, la clef de
chambellan, la Croix du mérite, et 20 000 francs de pension par an. En échange de cette
hospitalité, l’écrivain et philosophe français est uniquement chargé de revoir et de corriger
les poèmes du souverain. Cependant, cette fonction de « correcteur des poèmes du roi » est
difficile à remplir pour Voltaire car elle exige un tact et une diplomatie dont il ne saura pas
toujours faire usage. Ceci aura comme effet d’envenimer leur relation et rompra, en 1753,
son amitié avec Frédéric II. Lorsque Voltaire quitte définitivement la cour de Prusse, il
emporte avec lui la copie des poèmes du monarque qu’il avait lui-même annotée. Par crainte
que Voltaire n’utilise ces écrits contre lui, Frédéric II de Prusse envoie un émissaire à sa
poursuite pour récupérer l’exemplaire des Poèmes du Philosophe de Sans Souci. Cette
œuvre, comportant des écrits satiriques, avait été tirée à très peu d’exemplaires sur les
presses du château de Potsdam et offerte uniquement aux amis proches du roi. C’est
précisément la copie des poèmes de Frédéric II offerte à Voltaire qui est aujourd’hui
conservée au Musée royal de Mariemont. Nous pouvons y observer les corrections et les
améliorations apportées par Voltaire à l’œuvre du poète. Les annotations de cet exemplaire,
emblème de l’émancipation de l’écrivain, sont révélatrices de la relation entre ces deux
personnages et de la position délicate qu’occupait Voltaire face au souverain.
■ Voltaire, figure de l’écrivain du XVIIIe siècle
Voltaire est le plus illustre représentant de l’esprit de son temps mais également un
personnage important dans l’autonomisation progressive de la figure de l’écrivain au XVIIIe
siècle. En effet, Voltaire est l’un des plus ardents défenseurs, et même le pionnier de la lutte
pour la liberté de pensée et d’expression contre l’obscurantisme, préceptes incontournables
de la philosophie des Lumières. En décidant, après sa malheureuse mésaventure avec
Frédéric II de Prusse, de se détacher de toute emprise extérieure, que ce soit d’un souverain
ou d’un cercle de pensée, et de devenir un écrivain totalement indépendant, il ouvre la voie
vers une figure nouvelle de l’écrivain. Une phrase tirée d’une de ses lettres, écrite le 18
décembre 1759, exprime parfaitement cette aspiration à l’autonomie et l’indépendance de
l’écrivain : « Je ne connais d’autre liberté que celle de ne dépendre de personne ; c’est celle
où je suis parvenu après l’avoir cherchée toute ma vie ».
■ Bibliographie
MAURIN G. (e.a.), Les grands écrivains. Les cent plus grands écrivains choisis par
l’Académie Goncourt, Vol. XII, Paris, 1992, pp. 99-114.
VERCRUYSSE J., « L'oeuvre de Phoéshie corrigée : notes marginales de Voltaire sur les
poésies de Frédéric II », dans Studies on Voltaire and the eighteenth Century, 1979, CLXXVI,
p. 51-62.
COSTA B. DA, Frédéric et Voltaire ou Une dispute de rois, Paris, 1986.
MERVAUD C., Voltaire et Frédéric II : une dramaturgie des Lumières : 1736-1778, Oxford,
1985.
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QUESTIONNAIRE À DESTINATION DES ÉLÈVES
1. Quelle est la particularité de l’exemplaire du livre de Frédéric II
présenté dans cette exposition ?
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2. Pourquoi Voltaire a-t-il dû quitter la cour de Frédéric II de Prusse ?
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3. Que sais-tu de la philosophie des Lumières ? Quel rôle Voltaire a-t-il joué dans ce
mouvement philosophique ? ………………………………………………………………………….
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4. Quel nom de plume Frédéric II de Prusse a-t-il utilisé pour cet
ouvrage ? Pour quelles raisons ? ……………………………………
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D’après toi, l’utilisation d’un pseudonyme est-elle encore une
pratique actuelle ? T’arrive-t-il d’en employer un ?........................
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Dans quelles circonstances et pour quelles raisons ?
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5. Qu’est-ce qu’un despote éclairé ?
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6. Peux-tu remettre ces différents événements dans l’ordre chronologique ?
a) Voltaire s’installe à la cour de Frédéric II
b) Voltaire s’exile en Angleterre
c) Décès de Voltaire à Paris
d) Voltaire quitte la Prusse
e) Frédéric II accède au trône du royaume
f) Naissance de Voltaire à Paris
1 : …. 2 : …. 3 : …. 4 : …. 5 : …. 6 : ….
7. Sais-tu où se situait l’ancien royaume de Prusse dirigé par Frédéric II ?
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PISTES D’EXPLOITATIONS…
1. Exercice créatif : jeu de rôle
Selon toi, qui est Voltaire et qui est Frédéric II de
Prusse dans cette illustration? Quels sont les indices
qui t’ont aidé à les reconnaître ? ……………………….
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En quoi cette œuvre était-elle emblématique du statut
de
l’écrivain
à
partir
du
personnage
de
Voltaire ?.......................................................................
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Sur la base de cette illustration, imaginez, par groupe
de deux, le dialogue échangé entre Voltaire et Frédéric
Voltaire et Frédéric II, XIXe siècle.
II, en tenant compte de la position respective de ces
Gravure, BNF, Estampes, EF-130A.
deux personnages :
- Frédéric II roi de Prusse : souverain tout-puissant, despote éclairé admirateur de Voltaire et
de la philosophie des Lumières.
- Voltaire : philosophe et écrivain qui défend ses idées avec ferveur, figure emblématique de
l’émancipation des écrivains.
Réfléchissez à la manière de présenter ce dialogue à d’autres élèves ne connaissant pas
ces personnages de sorte à bien faire sentir la relation complexe qui les liait.
2. Actualisation : organisation d’un débat régulé
Au XVIIIème siècle, chaque écrit était contrôlé par des censeurs officiels au service du roi. Ils
avaient pour tâche de décider de ce qui pouvait être publié ou non. Tous les livres jugés
contraires à la religion, à l’ordre public et aux autorités politiques étaient interdits de
publication sous peine d’être détruits et leurs auteurs emprisonnés. De nombreux ouvrages
rédigés par Voltaire ont été censurés et brûlés en raison de leur caractère irrévérencieux et
révolutionnaire. Or, la liberté d’expression est une chose pour laquelle le philosophe s’est
beaucoup battu.
Aujourd’hui encore, certains livres sont censurés par des autorités politiques ou autres. Par
exemple, la vente du livre de Mein Kampf, rédigé par Adolf Hitler entre 1924 et 1925, est
dans certains pays strictement interdite. Mais la censure touche également d’autres
domaines tels que la musique, le cinéma, l’art, Internet, etc.
Organisez un débat régulé sur le thème de la censure et de la liberté d’expression. Est-ce
que tout livre peut être publié et rendu accessible ? Afin de nourrir le débat chercher dans la
presse d’autres exemples de livres ou autres productions censurés plus récemment.
3. Exercice d’écriture
Voltaire était un écrivain engagé défendant assidûment les causes qui lui étaient chères.
Quelles causes et valeurs défendrais-tu si tu étais écrivain ?
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