Troisième partie *** FOURAS et île d`AIX 11

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Troisième partie *** FOURAS et île d`AIX 11
Troisième partie
***
FOURAS et île d’AIX
11 - 13 juillet
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« NAPOLEON s’est réfugié à Malmaison auprès d’Hortense et des souvenirs du passé. L’ombre de Joséphine, morte six mois
plus tôt, flotte dans le parfum des glycines
et des héliotropes. Mais il n’est plus l’Empereur, et pas seulement parce qu’il vient
d’abdiquer. Il n’est même plus NAPOLEON.
Il n’est plus qu’un homme qui hésite, qui
tergiverse, prend tantôt un parti, tantôt un
autre, balloté entre deux conseils, deux résolutions : se rendre aux Anglais, partir en
goélette pour l’Amérique ? A Rochefort puis
à l’île d’Aix, il continue à virevolter sans savoir ce qu’il veut vraiment. Une sorte
d’aboulie, d’à quoi bon a rongé son caractère d’acier. A force d’hésitations, il s’approche dangereusement de la cage que les
Anglais lui ont préparée. Ce sont eux qui,
finalement, choisissent pour lui, ou le destin qui veille : ce sera Sainte-Hélène. Une
malchance pour l’homme, une chance pour
le héros. Le rocher du martyre pour Prométhée. »
Jean-Marie ROUART
NAPOLEON ou la destinée, p 323
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Samedi 11 juillet 2015
FOURAS
Conférences sur les Cent-Jours
Mardi 11 juillet 1815 : « Dans la journée du 11, qui se passa dans l’expectative, NAPOLEON reçut les journaux de Paris datés du 5 : ils annonçaient la capitulation de la capitale. Cette lecture lui fit perdre un moment la contenance soigneusement affichée depuis son
abdication.
Ce fut la seule fois que l’Empereur, qui subissait sa destinée avec un calme imposant, sans
manifester ni émotion ni abattement, ne put réprimer une impression de douleur. Il jeta violemment le journal et rentra dans sa cabine.
Il songea à ce moment à se rendre immédiatement aux Anglais, rédigeant même un début de
lettre à MAITLAND ».
Charles-Eloi VIAL : le dernier voyage de l’Empereur, p 167.
Ces trois prochains jours, la Charente commémorera le bicentenaire du dernier adieu de NAPOLEON à la France. Une suite d’animations à Fouras les Bains et sur l’île d’Aix va réunir
un dernier carré de reconstitueurs et d’amateurs. Des cérémonies ont déjà eu lieu le 4 juillet
à Rochefort pour commémorer le passage de NAPOLEON à la préfecture maritime devenue
résidence du général commandant les écoles de Gendarmerie.
Pour la circonstance, nous avons organisé nous-même notre séjour avec
l’appui efficace de l’office de tourisme de Rochefort-Océan et nous
formerons un groupe informel d’une
vingtaine de membres du Souvenir
Napoléonien et d’amis qui ont choisi
de passer ces quelques jours de vacances sur le thème des derniers
jours de NAPOLEON en France.
Rendez-vous est pris à 11 h 30 au
parking de l’embarcadère de Fouras,
au port de la Fumée, à vue du fort
Boyard. Les retrouvailles avec nos
amis sont un plaisir et nous embarquons mêlés au flux des îliens et des vacanciers. Rien sur
le bateau pour annoncer le bicentenaire de la présence de l’Empereur. Quelques passagers
inconnus ou entr’aperçus ailleurs ont le même objectif que nous. Le contact se fait avec des
vacanciers, étonnés d’apprendre que NAPOLEON soit venu à l’île d’Aix. Le bac nous fait
passer au travers du fort Enet, batterie posée dans la passe entre la pointe de la Fumée et
Aix, cela nous rappelle qu’une partie des fortifications de Charente maritime ont été ordonnées par l’Empereur pour protéger le port militaire de Rochefort. En 1815, les travaux
n’étaient que partiellement réalisés ; le Fort Boyard, véritable conquête sur la mer, ne sera
achevé que bien plus tard et sera alors inutile.
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En moins d’une demi-heure nous sommes à quai à l’île d’Aix. Au pied des remparts
quelques reconstitueurs s’activent, mais à part cela rien n’indique les évènements du weekend. On y retrouve Aldo BAZATTE, tambour désormais bien connu. Nous pensions arriver
pour l’inauguration d‘une stèle à l’effigie de NAPOLEON mais elle a eu lieu en comité restreint à 09 H 30. La stèle est d’ailleurs bien réalisée, bien visible, c’est un bel ouvrage. Malheureusement quelques jours plus tard, elle sera vandalisée. Nous faisons une reconnaissance rapide du fort de la Rade, transformé en résidence de vacances. Les pierres grises entassées avec une rectitude militaire font un barrage à qui voudrait prendre pied de force au
port. Les perspectives sont photogéniques. C’est un ensemble en bon état.
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FORT DE LA RADE
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« Le 12, l’Empereur quitta la Saale et fut s’installer à l’île d’Aix où diverses combinaisons
furent proposées pour échapper à la croisière anglaise. L’Empereur avait été accueilli par
la population qui bordait le rivage, par des transports d’enthousiasme… les populations le
suppliaient de ne point partir, qu’elles le défendraient contre ses ennemis ».
MARCHAND : mémoires, tome 1, p 202.
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Après avoir traversé la place d’armes inondée
de soleil, nous explorons rapidement les
quelques rues de la bourgade. L’aspect général d’Île-d’Aix n’a pas dû beaucoup changer
depuis deux siècles. Les maisons blanches et
basses des pêcheurs sont toujours alignées le
long des rues larges, les roses trémières poussent au travers des pavés, les bicyclettes ont
remplacé les ânes et les remorques à roues
caoutchoutées ont pris le relais des brouettes.
Il n’y a plus de filets de pêcheurs qui sèchent
mais des présentoirs de cartes postales. Le vaet-vient des vacanciers fait foule mais, en dehors de la place d’Austerlitz et la rue Napoléon très animées, les rues adjacentes sont
calmes. Hors saison, la vie des 200 à 300
aixois doit être bien paisible. La vieille église
du village, partie d’un ancien monastère fille
de Cluny, abrite le souvenir des prêtres déportés et assassinés. CHODERLOS de LACLOS
construisit la poudrière qui la jouxte.
Le musée NAPOLEON, ancienne maison du gouverneur habitée un temps par NAPOLEON
et rénovée par NAPOLEON III, puis propriété du Baron GOURGAUD, transformée depuis
en musée, arbore une fière sentence sur son fronton et domine de sa hauteur la totalité des
habitations assises à croupetons derrière les remparts pour se protéger des boulets et du
vent.
L’hôtel de ville à la curieuse silhouette doit son esthétique à la volonté affichée par Charles X de bâtir plus
haut que l’ancienne maison du gouverneur. Au bout
de la rue, nous retrouvons Mr Stéphane ROCHETEAU, président de l’office de tourisme qui nous
guidera un moment dans les rues du village. Nous
sommes une vingtaine d’amis qui allons bien profiter
de ces trois journées.
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A l’occasion d’une inspection des
fortifications dans l’île d’Aix le 5
avril 1808, NAPOLEON ordonne
la construction d’une maison pour
le commandant de la place. Après
Waterloo, il y séjourne du 12 au 15
juillet 1815 avant de s’embarquer
avec ses compagnons dont le général GOURGAUD sur le navire qui
le conduisit à Torbay. Achetée par
l’arrière petit-fils du général
GOURGAUD, la maison est ensuite léguée à l’Etat en 1933 et devient un musée national.
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Le repas pris en groupe à l’hôtel NAPOLEON nous met de bonne humeur et nous
donne l’énergie nécessaire pour parcourir
le kilomètre qui nous sépare de Fort Liédot - fort de la sommité où nous attendent
trois conférenciers.
Les conférences ont lieu dans une casemate rénovée où la ventilation et l’épaisseur des murs tempèrent agréablement la
température extérieure. Mr le maire d’Aix
nous accueille et nous ne patientons
qu’une dizaine de minutes. Bien que les
trains à grande vitesse soient plus rapides que les malles-postes de 1815, il faut au moins
qu’il y ait un conducteur ; celui-ci ne s’étant pas présenté au départ, les conférenciers ont pu
néanmoins respecter l’horaire des conférences sur le fil du rasoir. NAPOLEON aurait sans
aucun doute fait révoquer le directeur de la Poste par chemin de fer. En 2015, la hiérarchie
du conducteur lui trouvera certainement une excuse…
Le propos des orateurs a pour but de retracer la période des Cent-jours. Ouvrant les débats,
Mr Pierre BRANDA, responsable du patrimoine de la Fondation Napoléon, illustre le retour
de NAPOLEON en France par une approche des motifs qui l’on conduit à quitter l’île
d’Elbe. Les recherches qu’il a effectuées dans des documents encore inexploités enrichissent notre connaissance tant il y a peu d’écrits analysant le séjour et le départ du Souverain
d’Elbe. L’absence de Marie-Louise et du Roi de Rome, les intrigues de BRULART « le
méchant voisin de Corse » ou celles des espions commandités par la France et les puissances Coalisées, le manque d’argent et les intrigues de TALLEYRAND ont poussé NAPOLEON à quitter Elbe pour faire « échec au roi » Louis XVIII. la rupture du traité de Paris
entraîne la formation de la 7ème Coalition.
Puis Mr Thierry LENTZ, directeur de la Fondation Napoléon, retrace la courte campagne du
Nord et décrit les raisons de la défaite de Waterloo. La légende esquissée par NAPOLEON
lui-même dès 1819 occulte sa responsabilité personnelle. Par ailleurs, le 21 mars 1815 le
soutien des élites françaises est très attentiste. Le résultat des élections municipales jouées
au suffrage universel le démontre.
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Il en est de même pour le choix des députés. Bien que la charte constitutionnelles soit plébiscitée et donc légitimée à 80 % par le vote, FOUCHE parie sur une viabilité de 3 mois du
nouveau régime et neutralise le travail de la police. Il choisit un nouveau camp lui, le régicide qui a survécu à tant de soubresauts politiques. Promettant de « s’occuper des bavards »
au retour de la guerre, NAPOLEON doit aller au-devant de l’ennemi sur les frontières du
Nord. Sa manœuvre est un coup d’audace caractéristique de sa méthode, qui aurait pu tactiquement réussir face à une coalition qui ne coordonne pas l’action de ses corps d’armées.
Mais son postulat selon lequel les deux armées coalisées s’en tiendraient à protéger leurs
lignes de communication ne tient pas devant la volonté des Prussiens d’en finir. Sous le conseil de GNEISENAU, chef d’état-major de BLÜCHER, celui-ci soutient sans faille la manœuvre des Anglais. Après avoir hésité le 16 juin au soir de la victoire de Ligny, le 18 juin,
NAPOLEON, indisposé, commettra la faute de s’acharner sur les môles défensifs mis en
place par WELLINGTON au sud de Waterloo. Il sacrifiera sa Garde après les assauts vains
de DROUET D’ERLON et la charge désastreuse de NEY. Le 22 il abdiquera à Paris
sous la pression de FOUCHE et de l’éternel
LAFAYETTE. Il sera « échec et mat ».
Enfin, Charles-Eloi VIAL, conservateur à la
Bibliothèque Nationale de France, examine
la période qui précède le départ pour SainteHélène et les tergiversations de NAPOLEON, indécis sur la conduite à adopter.
FOUCHE maîtrise les députés horrifiés et
CARNOT qui reste enthousiaste pour défendre la France. Il s’engage à négocier un
départ pour les Amériques et pousse NAPOLEON à s’embarquer à partir de Rochefort,
pourtant facilement contrôlable par la flotte britannique. La foule parisienne reste favorable
à NAPOLEON. DAVOUT le prie de s’éloigner et l’Empereur, déchu, séjourne à la Malmaison où il retrouve le souvenir de Joséphine décédée en ces lieux le 29 mai 1814. Il y entrevoit pour la dernière fois Marie WALEWSKA et Alexandre, son fils naturel. Surveillé par le
général BECKER, il prépare son bagage et emporte tout un nécessaire de voyage dont un
réveille-matin ayant appartenu à Frédéric II ; il ne laissera pas même des couverts, ce que
découvriront Louis XVIII et le Tsar. Entretemps, il fait transférer 4 millions de sa cassette
dans une banque américaine. Puis, il quitte cette résidence. Plus tard BLÜCHER occupera le
château et ne manquera pas de cracher dans le lit de NAPOLEON.
Voyageant par Niort où il passe la nuit dans un véritable tripot, applaudi par la population, il
rejoint Rochefort le 4 juillet accueilli par BONNEFOUS, le préfet maritime. De là il se dirige vers Fouras et l’île d’Aix après avoir fait acheter des vivres dont des perdrix fourrées à
la truffe et 140 douzaines d’œufs accompagnées de bouteilles de champagne, de médoc et de
madère. A Île-d’Aix, il est accueilli par le 14ème de marine et inspecte les travaux qu’il a ordonnés en 1808. Embarqué sur la Saale, il tergiversera 3 jours avant de se déterminer à confier son existence à la bienveillance du roi d’Angleterre. Des possibilités d’évasion vers les
Etats-Unis d’Amérique avaient été avancées : son frère Joseph s’est proposé à le remplacer,
un navire marchand américain aurait pu l’exfiltrer et une évasion plus rocambolesque par le
truchement d’un commerçant bordelais qui aurait embarqué NAPOLEON dans une cuve à
cognac pour tromper les Anglais avait été organisée.
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Mais finalement, NAPOLEON ne se résigne pas à une fuite honteuse et, suivant l’avis de
BERTRAND, monte à bord du Bellerophon commandé par MAITLAND pour remettre son
sort dans les mains des Anglais. Ceux-ci, craignant les pro-bonapartistes anglais, évitent de
lui faire mettre pied-à-terre et le tiennent hors de portée du peuple à Torbay avant de le
transférer sur le Northumberland. Il lui restera à inscrire sa légende en dictant ce qui deviendra le Mémorial de Sainte-Hélène de Las CASES et loes mémoires de GOURGAUD.
Ces trois conférences bien rythmées, s’emboîtent parfaitement et donnent de la cohérence à
l’ensemble du récit des Cent-Jours. Ce court épisode de la Geste napoléonienne a profondément marqué l’histoire. De nombreuses interrogations restent sur la motivation profonde de
l’Empereur qui a joué son destin et celui de la France en une partie quasi désespérée et probablement inéluctablement vouée à l’échec. Mais il est bien facile de juger les faits depuis
notre XXIème siècle, qu’aurions-nous pensé en 1815 ?
La journée se termine par un agréable repas au café d’Austerlitz et une traversée retour qui
nous fait admirer une fois encore les fantastiques fortifications qui protègent l’entrée de la
Charente.
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