Échanges lexiculturels dans le domaine des fêtes et de la

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Échanges lexiculturels dans le domaine des fêtes et de la
ISSN: 1699-4949
nº 9, abril de 2013
Artículos
Échanges lexiculturels dans le domaine des fêtes
et de la gastronomie: problèmes traductologiques
et traitement lexicographique (fr.-esp./esp.-fr.)*
Mª Mercedes Eurrutia Cavero
Universidad de Murcia
[email protected]
Resumen
En el presente estudio nos proponemos analizar los problemas traductológicos
que plantean los matices socioculturales
implícitos en el léxico de dos sectores fundamentales del ámbito turístico: las fiestas
y la gastronomía. Partiremos de la hipótesis según la cual la penetración cultural de
una lengua carece de uniformidad. Las
disimetrías léxicas se acentúan en las interacciones interlingüísticas debido a un conocimiento insuficiente de imágenes complementarias que remiten a la cultura del
Otro. Bajo el prisma ya adelantado por
Galisson (1991) analizaremos los cambios
semánticos que intervienen en la creatividad neológica insistiendo en los factores
socioculturales que los motivan. La ausencia de equivalentes discursivos nos llevará,
por último, a aportar nuevos planteamientos desde un enfoque lexicográfico bilingüe.
Palabras clave: estudio semántico contrastivo; problemas traductológicos; matices
socioculturales; léxico gastronómico y fes-
Abstract
The present study analyzes the translation problems posed by the socio-cultural
nuances implicit in the lexicon of two key
branches of the tourism sector: feasts and
gastronomy. Bearing in mind an initial
hypothesis by which You will leave the
hypothesis cultural penetration within a
language lacks uniformity, lexical asymmetries are most observed in linguistic interactions featuring an insufficient knowledge of
the other’s culture. From Galisson’s standpoint (1991), I will explore the semantic
changes occurring in the process of creation
of neologisms as well as the socio-cultural
factors underlying them. The absence of
discourse equivalents will lead us to bring
new approaches stemming in a bilingual
lexicographic methodology.
Key words : constrastive semantics; translation problems; socio-cultural studies; lexicon of gastronomy; festive lexicon; lexicography.
* Artículo recibido el 31/01/2012, evaluado el 30/03/2012, aceptado el 8/04/2013.
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tivo; planteamientos lexicográficos.
0. Introduction
Le champ d’investigation que nous nous proposons d’explorer lors de la présente étude porte sur deux secteurs essentiels, deux « microlangues » d’après Balboni
(1989: 56), étroitement imbriqués dans le domaine pluridisciplinaire du tourisme:
celui des fêtes et de la gastronomie et même des «fêtes gastronomiques» si fréquentes
dans les deux langues et/ou cultures mises en contraste, la française et l’espagnole,
source d’inspiration de nombreux néologismes lexicaux. Rappelons l’ouvrage de Rabelais dont les noms des héros, Gargantua et Pantagruel, ont donné naissance à deux
adjectifs: gargantuesque et pantagruélique qui qualifient un repas aux quantités démesurées.
Les échanges culturels encouragés par les nombreux déplacements dans une
société technologisée comme la nôtre rendent indispensable la description du fonctionnement sémantique notamment des valeurs implicites des unités lexicales dans les
discours puisque nous avons affaire à des langues «vivantes».
Prenant comme support un corpus de documents authentiques actuels (brochures, dépliants, catalogues, guides de voyage…) dans une double version françaisespagnol/espagnol-français et nous appuyant tout particulièrement pour les références
lexicographiques sur le Le Petit Robert (2005), le Diccionario de términos del turismo
fr-esp/esp-fr (2009), le Diccionario de uso del español (1999), le Diccionario del estudiante (2005), le Dictionnaire historique de la langue française (2004) parmi d’autres 1,
nous montrerons comment, à une époque déstabilisante pour les identités des
peuples, ce lexique devient témoin de nouveaux signes d’appartenance.
Selon notre hypothèse une langue est toute pénétrée de culture mais elle ne
l’est pas de manière uniforme. Les termes jouissent d’une identité socioculturelle inhérente car c’est au sein de la société que l’individu élabore inconsciemment son expérience culturelle singulière à nulle autre pareille. S’inscrire dans un dialogue pluriel
de cultures par la mise en contraste de deux langues suppose donc que l’on se penche
sur les interactions verbales et non-verbales qui s’installent entre des sujets relevant de
cultures différentes même proches telles que la culture française ou l’espagnole de
même origine romane.
Cette réflexion sur le couple langue et culture des mots, «charge culturelle
partagée des mots» (CCP) à la manière de Robert Galisson (1991: 90), à partir de
Dans le but d´éviter les répétitions nous ferons référence par la suite à ces ouvrages par les abréviations suivantes : (PR) pour Le Petit Robert (2005) ; (DTT) pour le Diccionario de términos del turismo
fr-esp/esp-fr (2009) ; (DEA) pour le Diccionario de uso del español (1999) et (DE) pour le Diccionario
del Estudiante (2005) ; (DHLF) pour le Dictionnaire historique de la langue française (2004).
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l’analyse des ressources linguistiques qui interviennent dans la créativité néologique
de ces deux domaines de spécialité, révélera les symétries et les dissymétries motivées
par l’existence de points de vue différents d’une même réalité selon la culture
d’origine. Enfin, nous réfléchirons aux difficultés que cela pose depuis une optique
lexicographique bilingue apportant des suggestions qui permettent d’envisager avec
succès les éventuels problèmes traductologiques et de mieux comprendre la façon
dont les nouveaux lexèmes s’inscrivent dans le système linguistique de référence.
1. Langue, culture, civilisation, interculturalité
Selon Picoche et Marchello-Nizia (1996: 23), « tous ceux qui parlent une
langue participent à la même forme de civilisation, ils ont accès aux mêmes biens de
culture ». La culture d’un peuple est beaucoup plus que ses grands ouvrages d’art souvent stéréotypés. L’architecture pittoresque d’un petit village, les noms de ses rues,
consacrés à des artistes renommés ou à des personnages célèbres, font partie de son
histoire au même niveau que ses traditions culinaires ou ses fêtes.
Tradition et modernité coexistent au sein de ce lexique à caractère international, national et local, soumis à des variations d’époque, à des tranches d’âge, à des
niveaux de langue... véritable témoignage historique et culturel de ces deux domaines
de spécialité abordés ainsi que d’autres secteurs qui y sont connexes (ustensiles, récipients, épices… en gastronomie; tenue vestimentaire, instruments de musique,
danses… dans le domaine de la fête).
Comme l’affirme Abou (1981: 12) « la culture n’existe que particularisée en
fonction de la diversité des sociétés humaines » ; lorsque deux sociétés se mettent en
contact c’est l’interculturel qu’il faut évoquer.
2. Stéréotypes et clichés dans le domaine des fêtes et de la gastronomie
Dans une optique interculturelle une réflexion sur les liens entre la construction des connaissances d’ordre linguistique aussi bien que culturel, et les représentations sur les pays et les peuples, s’avère particulièrement utile.
Des études pluridisciplinaires ont été menées sur la nature des préjugés et des
stéréotypes, pour essayer de comprendre les conséquences d’une telle attitude mentale
sur le plan humain, social et linguistique. La consultation de guides de voyage en
ligne (routard.com, geoguide.com, guides ulysse.com, diariodelviajero.com, viapolis.com, lanetro.com, labtrip.com) ou en imprimé (El País Aguilar, Michelin, Trotamundos, Lonely Planet…) est à ce sujet assez révélatrice. Des stéréotypes s’y glissent en
tant qu’image de l’altérité constituant l’identité de chacun. Si l’on considère que «le
concept d’identité ne peut exister en dehors d’une dialectique envers les Autres»
(Amossy et Herschberg-Pierrot, 2009: 37), il faut se demander si le stéréotype culturel est un passage obligé dans l’approche de l’Autre. D’après les Français, l’accueil
chaleureux des Espagnols, leur sens aigu de la fête, la clémence du climat en font une
destination de détente de premier choix : « L’Espagne est le pays qui illustre le mieux
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la joie et la convivialité. N’hésitez pas à aller à la rencontre des Espagnols »
(http://linternaute.com; 09/01/2012). De leur côté les Espagnols évoquent le romantisme des Français, leur politesse, leur glamour, ce goût du raffinement et du luxe qui
se reflète notamment sur le lexique de la gastronomie. Cependant les Espagnols exaltent leur chauvinisme et le sérieux de leur caractère peu propice aux fêtes. Des témoignages tels que «Los franceses no disfrutan de la vida: comen temprano y se acuestan
muy pronto» (http//www.viapolis.com; 06/12/2012) se répètent au cours des enquêtes. Contrairement à ce que l’on pourrait penser, les fréquents échanges internationaux ne constituent pas, en soi, un moyen pour modifier certaines idées préconçues sur le pays hôte; les participants à cette sorte d’expériences ont souvent
l’impression de voir confirmés leurs préjugés dans les « faits ». La complexité de ce
processus est motivée par la dynamique entre «la réalité objective, la dimension subjective et le contexte historique et social» (De Carlo, 1988: 51) car, en définitive,
« nos choix linguistiques ne sont que le reflet de notre conceptualisation du monde »
(Yaguello, 1988: 11).
Considéré par certains auteurs comme « un facteur de cohésion sociale », le
stéréotype représente pour d’autres « une vision hypergénéralisée du monde » souvent
liée à certains préjugés (Amossy, 1991: 61). Cette conception diffère de la notion de
« représentation sociale » qui relève d’un « savoir de sens communs, d’une connaissance spontanée, naïve » (Moscovici, 1988: 43). Il est bien connu que la culture gastronomique des Français n’est que le résultat du plaisir que ceux-ci éprouvent en
mangeant. Rappelons le film de G. Axel, Le Festin de Babette (1987); c’est peut-être la
raison pour laquelle ils mettent plus de temps à manger que d’autres peuples tels que
les Canadiens ou les Américains d’après l’Organisation pour la coopération et le développement européen (http://www.oecd.org/fr/std/statistiquesdelocdefrequemmentdemandees.htm;14/01/2013). Se rapprocher de la culture espagnole et française c’est
donc se rapprocher de la gastronomie4 et des fêtes de ces deux peuples mais également
de leurs langues.
Stéréotypes, préjugés, représentation sociale ou réalité ? Des statistiques en
parlent. Les nombreux hispanismes qui se sont introduits en français dans le domaine
des fêtes et les gallicismes introduits en espagnol en gastronomie révèlent sous ces
stéréotypes des traces implicites du réel.
3. Problèmes traductologiques à partir d'une approche contrastive bilingue français-espagnol / espagnol – français
Les touristes étrangers ont toujours des problèmes par rapport à l’emploi correct des « termes à charge culturelle partagée » en contexte.
Pour que le dialogue interpersonnel ou textuel puisse s’établir fonctionnellement entre deux locuteurs appartenant à deux cultures différentes, il ne faut pas qu’il
soit trop inégalitaire. L’interlocuteur étranger est contraint de parler ou comprendre
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une langue qui n’est pas la sienne et de s’engager ainsi dans une « voie » constituée, à
son tour, des « voix » dont il ne maîtrise pas toujours le sens, aussi bien dans la dénotation que dans la connotation. Dans ces dialogues pluriels, les dissymétries dans les
interactions s’accentuent surtout lorsque la distance qui s’établit provient d’une connaissance insuffisante des images supplémentaires qui se greffent sur le lexique et qui
renvoient à la culture de l’autre. C’est dans le but de faciliter ces échanges interculturels et d’éviter les éventuelles incohérences ou contresens que les dictionnaires devraient devenir « un lieu d’apprentissage » susceptible d’établir le lien indispensable
entre langue et culture. Cependant la lexiculture est une discipline difficile à intégrer
en lexicographie ; des paramètres divers y interviennent. En réalité le lexicographe est
chargé « de juger si un mot doit être actualisé dans le dictionnaire […] » (Bonicel,
2003: 327). Parfois, l’absence de définition peut être apparentée à une censure notamment lorsque le mot est très utilisé dans le discours. Dans certains cas la frontière
entre la charge culturelle partagée du mot et la charge culturelle propre au lexicographe est inexistante. Pourtant, certains préjugés non représentatifs d’une population apparaissent fréquemment dans les dictionnaires et sont inculqués aux usagers
des valeurs qui ne sont pas toujours partagées.
Il faudrait donc déterminer une formule standard qui tienne une place dans la
lexiculture. Pour ce faire, deux questions de base s’imposent : 1. À quel type de culture faut-il prêter une attention particulière ? À la culture considérée comme unité
d’analyse anthropologique : la « lexiculture » qui intègre l’enseignement de la culture
et l’enseignement de la langue (Galisson, 1999). 2. Quels termes ont une connotation
spéciale? Dans ce cas on parlera des entrées bénéficiant de référents équivalents dans
les deux langues (« traduction isomorphe ») ou des entrées affectées par une charge
culturelle partagée dans une des deux langues (« traduction anisomorphe »). Et comme le disait Alcaraz Varó (2004: 64) «A mayor anisomorfismo, mayor necesidad de
explicación».
Lorsque la correspondance n’est pas bijective, la traduction se révèle impossible et le recours à l’emprunt devient fréquent.
Nous focaliserons donc notre attention sur le traitement de termes affectés
par une charge culturelle partagée uniquement dans une des deux langues ce qui pose
réellement des problèmes en lexicographie bilingue et en traduction.
3.1. Au niveau pragmatique, la traduction renvoie à une réalité différente
3.1.1. Termes qui font référence à une réalité plus restrictive ou spécifique (ou au
contraire beaucoup plus ample)
Dans le domaine de la gastronomie on constate comment la cuisine européenne a été enrichie par les apports des Croisés de retour des Croisades et bouleversée par les produits rapportés d’Amérique aux XVe et XVIe siècles. Grâce au cacao, par
exemple est né le chocolate con churros, combinaison qui date du XIXe siècle début du
XXe siècle, typique de la gastronomie espagnole qui s’est amplement répandue dans
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d’autres pays de l’Amérique Latine tels que l’Argentine, le Mexique, l’Uruguay, le
Chili et le Venezuela. Néanmoins une précision s’impose en lexicographie: la fréquente traduction du mot churro (DTT) en français en tant que beignet reste assez
inexacte, il faudrait préciser sa description. En ce qui concerne les mots chocolatería et
chocolaterie (DTT), souvent considérés par les usagers comme équivalents dans les
deux langues, le lexicographe doit délimiter leurs champs sémantiques d’emploi. En
espagnol le mot chocolatería peut faire référence à «une fabrique de chocolat» ou au
«salon de thé spécialisé en chocolat» (DEA) tandis qu’en français le mot chocolaterie
n’est employé que dans le premier sens (PR).
La colonisation de l’Amérique a permis l’introduction en Espagne des pommes
de terre, ingrédient indispensable dans la préparation de la traditionnelle tortilla española (littéralement, «petite tarte»); en français, tortilla espagnole, omelette espagnole ou
omelette aux pommes de terre qu’il ne faut confondre ni avec la tortilla mexicaine
–galette préparée traditionnellement à base de maïs–, ni avec l’omelette nature des
Français similaire à la tortilla francesa espagnole. Selon la tradition, cette spécialité
culinaire est née avec les Romains, qui préparaient déjà une sorte de torta avec du lait
et des œufs (Martínez Llopis, 1998: 51).
En lexicographie des commentaires «avertisseurs» permettent de mettre en
garde l’usager par rapport à l’emploi de ces termes 1:
Exemple 1: yogurtería (esp.) yaourterie (fr.)
(esp.) yogurtería 1 f REST yaourterie f fabrique de yaourts ; yogurtería 2 f
REST yaourterie f endroit où l’on peut acheter du yaourt en vrac ; yogurtería
3 f REST yaourterie f endroit où l’on peut déguster du yaourt vendu en vrac
(PR).
Exemple 2: choriste (fr.) corista (esp.).
(fr) choriste ARTE/CULTURA/ESPECT corista de ópera o zarzuela; persona que canta en un coro o en una agrupación musical; el término francés es
de aplicación más amplia pues puede aludir a la persona que canta en un coro cualquiera como el de un colegio, universidad, parroquia y también al coro de una ópera u opereta; «corista» en cambio tiene una utilización más restringida al aludir únicamente a la voz de un coro de ópera o zarzuela (DTT).
Les références aux différentes acceptions des termes extraits du Diccionario de términos del turismo fr.esp./esp.-fr. (DTT) seront précédées, par la suite, de l’abréviation du champ sémantique d’appartenance
à savoir:
Espagnol – français Français – espagnol
ART
ARTE
Arte
CULTURE
CULTURA
Cultura
SPECT
ESPECT
Espectáculo
REST
REST
Restauración
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3.1.2. Unités lexicales identiques qui diffèrent quant au référent désigné lorsqu’elles
s’actualisent dans deux langues diverses
Exemple 1: fête nationale (fr.) fiesta nacional (esp.).
(fr.) fête nationale CULTURA/ESPECT fiesta nacional; en Francia, el 14
de julio, aniversario de la toma de la Bastilla (14/07/1789). (DTT).
(esp.) fiesta nacional CULTURE/SPECT fête nationale; en Espagne, la fête
nationale a lieu le 12 octobre, pour la Virgen del Pilar et el Día de la Hispanidad (DTT).
Exemple 2: almuerzo (esp.) déjeuner (fr.)
(esp.) almuerzo 1 REST déjeuner –il a lieu en France vers midi et en Espagne
vers 14h, almuerzo 2 REST casse-croûte ou apéritif qui a lieu le matin vers
11h dans certaines régions d’Espagne; V. aperitivo, desayuno, merienda, tentempié, piscolabis, refrigerio (DTT).
3.1.3. Unités lexicales identiques qui diffèrent, selon le pays, par rapport à la date
de célébration
La date de célébration de certaines fêtes à des fins commerciaux, est tout à fait
arbitraire: Fête des mères, dernier dimanche de mai en France ; Día de la madre,
premier dimanche de mai en Espagne ou pour la Fête des pères, 3e dimanche de juin
en France ; Día del padre, le 19 mars, jour de la Saint Joseph, en Espagne. Le lexicographe devrait préciser ces nuances.
3.1.4. Unités lexicales identiques désignant le même référent qui diffèrent quant
aux valeurs culturelles évoquées
Dès une optique socio-culturelle, la gastronomie et la fête sont souvent étroitement liées. Citons pour l’illustrer une unité lexicale qui fait partie d’une tradition
païenne française : « la bûche de Noël », tronco de Navidad sans connotations particulières pour les Espagnols qui n’ont pas cette tradition. La coutume d’allumer la bûche
de Noël dans l’âtre existait dans toute l’Europe depuis longtemps en hommage au
soleil (DHLF). Ce geste cérémoniel dérivait de diverses célébrations païennes associées au solstice d’hiver. À l’origine, la bûche devait brûler du 24 décembre jusqu’au
Nouvel An apportant de la chaleur et de la lumière au foyer. Selon la coutume française on devait placer dans l’âtre autant de bûches que d’habitants il y avait à la maison. Les cendres de ces bûches avaient des propriétés « magiques » : elles étaient conservées pour protéger la maison et ses habitants contre les orages, pour guérir certaines maladies, pour fertiliser les terres… C’est dans le but de continuer à célébrer
cette tradition qu’en 1945, un pâtissier français a inventé ce gâteau auquel il a attribué cette dénomination métaphorique (Rambourg, 2010).
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3.1.5. Unités lexicales considérées comme équivalentes en lexicographie qui répondent à des événements historiques divers
La consultation des dictionnaires différents révèle un traitement lexicographique équivalent pour certaines célébrations répondant cependant à des événements
historiques divers : c’est ainsi pour Le Poisson d’avril, le 1er avril, Día de los Santos inocentes, le 28 décembre.
3.1.6. Termes qui désignent des référents inexistants en langue cible
– Néologismes ayant pour base des plats typiques de la gastronomie espagnole.
Le succès de certaines préparations telles que la tortilla espagnole a permis la
création des néologismes sans équivalents en français tels que tortillería, «lugar donde
se hacen o venden tortillas» (DE), d’après le modèle de panadería, confitería… De
façon similaire, le mot paella, qui à l’origine désignait la poêle dans laquelle ont préparait ce plat typique originaire de Valence, sert à dénommer aujord’hui soit le contenu soit le récipient employé pour sa préparation (DTT). Sa renommée internationale a favorisé l’évolution sémantique de ce terme qui a donné lieu à deux néologismes inexistants en français, dérivés de son ingrédient principal, el arroz, tels que
arrocería (nom) «1.Fábrica en la que se trata el arroz. 2. Restaurante especializado en
arroces» ou arrocero, a (adj.) «1. Del arroz. 2. Que se dedica al cultivo, industrialización o venta de arroz» (DEA). Cet adjectif peut aussi être employé pour qualifier «les
personnes qui aiment beaucoup le riz» ce qui peut entraîner des confusions, dans
l’usage courant, avec la notion précédente.
Du jamón serrano, vedette de la cuisine internationale, dérivent en espagnol
les néologismes: jamonería «1. Lugar donde se venden jamones; 2. Mesón típico especializado en tapas de jamón» (DEA) et jamonero «soporte para colocar el jamón y
facilitar el corte», (DEA). Ces deux termes, en usage dans la langue courante, n’ont
pas encore été reconnus officiellement par la Real Academia Española.
– Néologismes ayant pour base des mots typiques de la gastronomie française.
Les Français se réunissent au sein de leur propre foyer afin de préparer certains plats traditionnels comme les crêpes (généralement sucrées) originaires de la région de Bretagne où elles sont aussi connues sous le nom de kampouezh (DHLF) ou
les galettes (salées faites avec de la farine sarrasin). À partir du mot crêpe on a créé
l’unité lexicale crêpes partie «REST reunión de amigos en la que se preparan crêpes»
(DTT), sans équivalent en espagnol, qui a lieu notamment pour la Chandeleur.
L’espagnol a directement emprunté à la langue française d’autres mots typiques de la
gastronomie de ce pays qui jouissent d’une considérable valeur sociale tels que la fondue «1.Plato a base de queso que se funde dentro de una cacerola especial y en el que
se mojan trozos de pan. También el que se hace con carne frita en aceite o con chocolate fundido […]» (DE) ou la raclette «[…] 2. REST variedad de fondue de queso,
especialidad del cantón del Valais, en Suiza» (DTT). Comme mettent en évidence les
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dictionnaires bilingues consultés à propos de ces termes, dans les deux cas, les procédés définitoires s’imposent.
– Importance des mots régionaux.
L’existence de multiples traditions ainsi que la coexistence de certaines
langues régionales avec les langues officielles de deux pays contribuent à la création
d’un fonds lexiculturel très riche. En plus l’influence de la situation géographique et
les conditions climatiques est incontestable. Une approche lexicologique révèle la
présence de certaines unités lexicales désignant des référents divers selon la région
d’emploi (inexistants en langue cible); leur traduction exige sans doute la présence de
notes explicatives supplémentaires. C’est ainsi pour le mot espagnol caldereta, qui a
deux acceptions : « 1. REST ragoût [de mouton, de porc ou de chevreuil typique de
l’Andalousie et d’Estrémadure]; 2 REST soupe [de poisson et de fruits de mer typique des Asturies, de Galice et des côtes méditerranées] » (DTT) ou pour le gazpacho
qui peut être andaluz : « REST gaspacho andalou; soupe froide de la cuisine andalouse à base de tomates, concombres, ail, poivron, dans laquelle on met à volonté des
petits morceaux de tomate crue, de concombre, de pain » ou manchego : « REST gaspacho manchois; plat typique de la cuisine de La Mancha, fait d’une galette très fine
de blé à laquelle on ajoute du lapin, du poulet, de l’ail, des poivrons, des champignons et de la tomate » (DTT).
La gastronomie française présente également une grande variété de plats typiques régionaux. On peut citer parmi tant d’autres le cassoulet (Languedoc et MidiPyrénées), la tartiflette savoyarde, les tripes à la mode de Caen, les escargots bourguignonne ou la traditionnelle quiche [lorraine], « originaire de Nancy […] dont le nom
est l’adaptation de l’alsacien bûche, gâteau variante de l’allemand Kuchen de même
sens » (DHLF).
Enfin, si on tient compte de la situation géographique il faut sans doute évoquer la célèbre soupe bouillabaisse, sopa bullabesa (adaptation phonétique et graphique
en espagnol), typique de Marseille. De la Normandie, abondante en pâturages, provient le camembert «queso de vaca originario de la región francesa de Camembert,
cubierto por una capa de moho blanca, y de textura blanda y untuosa» (DE) et de la
Bourgogne, dont la grande partie est couverte de vignobles, l’aligoté « cépage blanc de
Bourgogne vin produit par ce cépage » (PR).
Les problèmes d’interprétation que ces termes posent en discours dans le
transfert d’une langue à l’autre sont motivés, dans la plupart des cas, par le manque
de référents équivalents en langue cible ainsi que par l’absence ou l’insuffisance de
recherches lexicales et de notes explicatives en lexicographie portant sur ces aspects
lexiculturels.
– Événements historiques et évolution sociale.
Les influences de différents peuples au cours de l’histoire sont notables dans la
gastronomie espagnole et française: on doit aux Phéniciens de nombreuses recettes de
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sauces; les Grecs nous ont fait découvrir les propriétés et le goût de l’huile d’olive; les
Arabes le safran, le sucre… (Walter, 2013). À partir des textes conservés depuis
l’Antiquité, des objets retrouvés lors de fouilles archéologiques et grâce à la carpologie, on a reconstitué des recettes qui existaient à une certaine époque. Une brève évocation historique peut servir d’aide à la compréhension des connotations liées à un
certain terme. Cela arrive pour le mot espagnol San jacobo, sanjacobo ou flamenquín
(Díaz, 2011: 145) qui figure dans le DTT en tant que «roulé frit de jambon de montagne ou d’York, du fromage et de filet de porc pané». L’inexistence d’équivalents en
langue cible encourage le recours en lexicographie à la description des ingrédients que
comporte ce plat, né dans les anciennes hostelleries qui longeaient le chemin de Saint
Jacques.
Dans cette optique se trouvent les amourettes françaises, dénomination fantaisiste qui fait référence littéralement «al plato hecho a base de tripas de oveja, una de
las especialidades más famosas de Limoges que triunfa en la Frairie des Petits Ventres,
en homenaje a los productos cárnicos de antaño» (El País, 18/11/10).
– Néologismes dans le domaine des fêtes.
Comme le lexique de la gastronomie, le fonds lexical référé aux fêtes est riche
en nuances culturelles. Certaines fêtes répondent au même événement commémoratif
dans les deux pays mis en contraste pourtant leur répercussion sur le plan lexical diffère d’une langue à l’autre. En Espagne, pays aujourd’hui non confessionnel mais
traditionnellement catholique (70% des fêtes et des célébrations ont pour origine les
traditions religieuses ou liturgiques), la Semaine Sainte est tout particulièrement représentative. Des termes tels que procesión, penitente, trono, paso, imagen, saeta...
(DTT) n’ont pas de traduction valable en français. Dans ces situations le recours à
des periphrases ou à des explications supplémentaires devient indispensable en lexicographie bilingüe. Prenons deux exemples pour illustrer cette idée: «nazareno, a f
CULTURE pénitent, e f [dans les processions de la Semaine Sainte]» (DTT); «costalero, a f CULTURE/SPECT personne qui porte sur les épaules un char de processions de la Semaine Sainte» (DTT).
À côté de ces fêtes religieuses, divers événements historiques (légendes, batailles, etc.) sont aujourd’hui remémorées: los Moros y Cristianos (Levante), Romanos y
Cartagineses (Cartagena)… ainsi que certaines fêtes païennes figurant sur le calendrier
chrétien telles que la fête de carnaval, Mardi Gras. Rappelons que le mot carnaval
apparaît en français en 1549 sous la forme carneval, de l’italien carnevale ou carnavalo, provenant du latin carne «chair» et levare «ôter», littéralement «entrée en carême».
Les saturnales des Romains et les fêtes dionysiaques en Grèce sont des précédents
historiques du carnaval (Navarro Arriola, 2002: 56). En Espagne cette fête est à remarquer à Cadix où les chirigotas «CULTURE/SPECT groupe qui chante des chansons satiriques et humoristiques […]; V. carnaval» (DTT) animent les rues de cette
ville. En France, les touristes sont tout particulièrement attirés par le carnaval de
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Dunkerque où les bandes composées par des carnavaleurs défilent dans les rues derrière la musique, conduite par un tambour-major (PR). L’approche lexicographique
de ces termes n’est possible qu’en ayant recours à des périphrases ou a des gloses explicatives diverses.
De nombreuses fêtes populaires sont associées à une certaine région. Une série
de rythmes traditionnels et de danses s’est étendue dans toute la péninsule créant des
variétés dans chaque région. C’est le cas de la jota, le fandango, la sardane, la copla, la
muñeira…
Musique et danse accompagnent souvent les fêtes liées à une saison: le solstice
d’été ou d’hiver donne lieu à de nombreuses célébrations avec ou sans équivalents
d’un pays à l’autre. En France, concrètement en Bretagne on fait une distinction
entre la fest-deiz f [fête de jour] «CULTURA/ESPECT fest-deiz f [fiesta diurna]; festividad bretona donde la gente se reúne para bailar y bebe, sobre todo chouchen
[bebida fermentada compuesta por agua y miel]; V. chouchen» (DTT) et la fest-noz f
[fête de nuit] «CULTURA/ESPECT fest-noz f [fiesta nocturna]» (DTT). En Espagne
on célèbre l’arrivée du printemps, tout particulièrement à Valence, détour incontournable pour fêter les Fallas déclarées d’intérêt touristique international (DTT).
Même si les Français aiment faire la fête, la notion de fête ou plutôt de fiesta
varie considérablement d’un pays à l’autre. Si l’Espagne de «la charanga y pandereta»
évoquée par Antonio Machado (1875-1939) dans El mañana efímero a subi une profonde transformation, parfois on a l’impression que l’image que s’en font les touristes
étrangers n’a pas beaucoup changée. La prédominance d’un turismo de sol y playa sans
grandes prétentions culturelles a favorisé l’introduction dans le lexique français des
mots tels que juerga, trasnochar, tapear, tapeo, movida, tapas, sangría, (macro)botellón,
calimocho, litrona, chupito, chiringuito… ainsi que des expressions telles que tumbarse
a la bartola, coger una cogorza, ir de marcha… (DTT) appartenant à un niveau de
langue plutôt familier étant donné que la plupart des échanges communicatifs qui ont
lieu dans ce contexte se passent à la langue orale.
En ce qui concerne le traitement lexicographique de ces termes, les descriptions s’imposent: sangría f REST sangria f; boisson typique espagnole élaborée avec
vino tinto (vin rouge), gaseosa (limonade), azúcar (sucre), macedonia de frutas (macédonie de fruits), especias (épices); V. bebida, refresco. (DTT); chiringuito REST sorte
de buvette située généralement sur les plages où l’on sert des boissons mais aussi des
repas simples; V. bar (DTT).
Les exemples sont nombreux ; le lexique français, riche en hispanismes,
montre bien comment les Espagnols dépassent les Français dans ce domaine.
3.1.7. Termes qui désignent des référents existants en langue cible sous un nom
différent
Dans certaines communautés autonomes espagnoles, comme par exemple en
Galice ou en Asturies, on prépare des crêpes pour fêter le carnaval. Cette tradition
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existe depuis longtemps, Néanmoins, là-bas elles reçoivent de dénominations diverses: filloas et fayuelos ou frisuelos, respectivement.
3.1.8. Niveaux linguistiques non équivalents
Français – espagnol: apéritif/apéro fam aperitivo; bifteck/bif fam bistec, filete de carne;
restaurant/restau fam restaurante.
Espagnol français: bocadillo/bocata col sandwich.
3.2. Figures de style: symétries et dyssimétries
3.2.1. Métaphore
Selon P. Schulz (2004: 1) « tout discours est par essence métaphorique […] il
n’y a pas de parole qui ne soit pas métaphorique ». En accord ou en désaccord avec
l’auteur, nous considérons que tout objet de science est tributaire du point de vue
adopté, et pourquoi pas la métaphore ? On trouve un exemple de métaphorisation
dans le mot feu –« dégagement d’énergie calorifique et de lumière accompagnant la
combustion vive » (PR)– lorsqu’il entre dans la composition de l’unité lexicale feux
d’artifice (fr.), fuegos artificiales (esp.) toujours présents lors des fêtes. Cet exemple
montre comment le sens évolue dans une dynamique similaire à celle qui opère sur le
plan morphologique : il y a une sélection d’éléments existants, tout particulièrement
des sèmes connotatifs et un réemploi partiel qui donne lieu à ce nouveau terme. Un
aspect important de la métaphore est l’organisation en « champs d’images » ou « métaphores conceptuelles » (Lakoff et Johnson, 1985: 85) ce qui permet la création facile de métaphores nouvelles au sein d’un paradigme préexistant. Le lexique de la fête
et de la gastronomie, très créatif et figuratif, abonde en métaphores tantôt dans le but
de frapper la mémoire des interlocuteurs tantôt pour attirer leur attention. Des métaphores souvent assez anciennes, fruit d’une vaste culture populaire, continuent à être
utilisées. Cependant, seulement les métaphores lexicalisées peuvent être attestées en
lexicographie. Se détachent ainsi de nombreux exemples qui révèlent des symétries et
des dissymétries entre la langue française et la langue espagnole :
Emplois dyssimétriques: Termes métaphoriques en français, non métaphoriques en espagnol: (fr) amande [de mer], (esp) escupiña; (fr) araignée [de mer], (esp)
centollo/centolla; (fr) bâtard, (esp) pan en forma ovalada e irregular; (fr) amusebouche/amuse-gueule, (esp) tapa; (fr) bombe glacée, helado en forma de tronco de cono
(esp). Termes non métaphoriques en français, métaphoriques en espagnol: (fr) garde
d’enfants/garde enfants, (esp) canguro [cuidadora de niños], (fr) baba au rhum, (esp)
borracho [pastel]…
Emplois symétriques: Termes métaphoriques dans les deux langues ayant la
même source d’inspiration: (fr) chinois [passoire], (esp) chino [colador]; (fr) île flottante [gâteau], (esp) isla flotante [dulce]; (fr) araignée [de bœuf], (esp) araña [de ternera], (fr) forêt-noire [gâteau], (esp) selva negra [pastel]… Termes créés à partir de
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sources d’inspirations différentes: (fr) esquimau [glace], (esp) crocanti [helado], (fr)
éclair, (esp) palo catalán…
Une constatation s’impose : la gastronomie est riche en mots fantaisistes qui
répondent à l’imagination des créateurs; ces mots métaphoriques ont rarement
d’équivalents en langue cible; le recours aux procédés définitoires devient dans ces cas
indispensable : (fr) croque-monsieur REST sándwich caliente hecho con pan de molde
tostado, jamón y queso; V. croque-madame, sandwich (DTT). (fr) croque-madame
REST croque-monsieur coronado por un huevo frito; V. croque-monsieur, sandwich
(DTT).
Les métaphores sont nombreuses notamment en gastronomie. Inspiré par un
cantique de reconnaissance et d’allégresse est né le magnificat «somptueux potage aux
oranges, à la laitue, aux noisettes et à la crème, originaire de Franche-Comté» (DTT)
et par le raffinement du produit dénommé, la marquise « sorte de mousse au chocolat
à base de beurre, d’œufs et de sucre additionnés de chocolat fondu parfois nappées de
crème anglaise » (DTT); des métaphores zoomorphiques telles que le corne-de-bélier
« variété de pommes de terre dont la forme allongée et bosselée rappelle celle des
cornes de bélier » (Guillemard, 2008: 111) ou d'autres mots comme suprême (DTT)
ou délice qui désignent aujourd’hui « toute sortes de plats raffinés et savoureux »
(DTT). En espagnol los huevos a la flamenca « œufs [à l’andalouse] sautés avec des
tomates et du chorizo » (DTT); la zarzuela [de marisco] « plat d’origine catalane confectionné à partir de poissons et de fruits de mer variés » (DTT) ou la ópera en référence à la « zarzuela de marisco contenant de la langouste » (DTT).
Des métaphores poétiques coexistent donc avec des métaphores fonctionnelles
qui constituent, en définitive, une sorte de traduction car elles permettent l’expression de notions abstraites par des mots concrets et précis. Trouver des équivalents en
langue cible devient fréquemment un vrai défi notamment si l’on considère que les
métaphores impliquent un degré de liberté inexistant dans le cas de la métonymie
comme on le montrera par la suite.
3.2.2. Métonymie
La relation de métonymie est définie par Alain Polguère (2003: 166) dans les
termes suivants:
Une lexie L2 est liée de façon métonymique à une lexie L1 du
même vocable si elle dénote un concept lié par une forme de
proximité au concept dénoté par L1. On parle alors de contiguïté des concepts.
Basés sur le principe de contiguïté les rapports métonymiques peuvent être assez divers : Matière/objet: aluminium/alu fam «REST papel de aluminio […]; V. papier de ménage, papier-torchon» (DTT); verre [récipient] «REST vaso [recipiente]»
(DTT). Sens/sensation perçue: nez REST aroma del vino (DTT). Sensation tactile
liée au goût: velouté [d’asperges] REST crema [de espárragos] (DTT). Lieu de produc-
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tion/produit: Xérès «REST jerez, vino de Jerez [ciudad de Andalucía]» (DTT). Couleur/produit: blanc «blanc 1 [de poulet] REST pechuga de pollo, blanc 2 REST vino
blanco […]» (DTT); bleu [fromage] «REST [queso] azul; variedad de quesos de corteza blanca que presenta la particularidad de contener el moho Penicillium candidum
por aplicación o inoculación de un cultivo de bacterias o por formación natural»
(DTT); jaune [oeuf] «REST yema [de huevo]» (DTT).Forme/produit: nid (au) «se dit
d’œufs mollets dressés dans des timbales évidées, elles aussi en forme de nid» (Guillemard, 2008: 243) ou navire «petit gâteau en forme allongée, ce qui explique sans
doute son nom dérivé du latin» (Guillemard, 2008: 242). Numéro d’ordre/spectacle:
première «ESPECT estreno de un espectáculo [también se utiliza en español el galicismo première]; V. générale, couturière; spectacle; théâtre, cinéma, opéra» (DTT).
3.2.3. Antonomase
D’après nous, l’antonomase est une espèce de métonymie qui se fait lorsqu’on
applique le nom propre d’une chose à plusieurs autres en fonction d’une association
d’idées. Cette conception se justifie si l’on considère que:
[…] Le lien métonymique est de l’ordre de la correspondance
et que les métonymies consistent dans la désignation d’un objet
par le nom d’un autre objet qui fait comme lui un tout à part,
mais qui lui doit ou à qui il doit lui-même plus ou moins, ou
pour son existence ou pour sa manière d’être (Leroy, 2004:
68).
Des données culturelles se glissent dans les noms propres (de fiction ou réels)
devenus communs. De nombreux touristes se rendent le Vendredi Saint à Murcie
pour contempler le défilé des salzillos «CULTURA pasos de Semana Santa pl de
Francisco Salzillo, escultor barroco de origen murciano» (DTT). Au printemps le
Festival de teatro de marionetas aussi dénommé teatro de títeres ou teatro guiñol, en
français théâtre ou spectacle des marionnettes ou théâtre guignol «CULTURA/ESPECT
guiñol personaje de marionetas originario de Lyon» (DTT) anime les rues.
3.3. Polysémie et homonymie
3.3.1. Polysémie
La néologie sémantique, origine de la polysémie, correspond à un mouvement
interne qui satisfait la nécessité existentielle pour la langue de conjuguer changement
et stabilisation, extension et économie (Cusin-Berche, 2003: 10). Ce « phénomène
inhérent à toute langue » (Guilbert, 1975: 69) est à la base des modifications qui opèrent sur le sème central, par des glissements de sens du type métaphore, métonymie… Ces nouvelles acceptions, relevées en lexicographie, se présentent couramment
numérotées souvent précédées du domaine de spécialité d’appartenance: (esp.) plato1
REST plat [aliment servi dans une assiette], plato2 REST assiette f, plato3 SPORTS
plateau de pédalier, plateau […] (DTT). Dans le passage d’une langue à l’autre, le
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phénomène de la polysémie peut être symétrique: (fr.) paradis1 GÉN paraíso; V. enfer; paradis2 [d’un théâtre] ESPECT paraíso [de un teatro], gallinero col. [teatro].
(DTT). Cependant, la polysémie d’un terme dans une des deux langues peut être
révélateur de certains de ces «choix» culturels dont le locuteur ne prend souvent conscience qu’au moment où il constate que la langue «d’en face» distingue, isole ce que la
langue maternelle englobe, unifie ou simplifie en quelque sorte.
C’est le cas, au niveau lexical, de l’espagnol bodega qui correspond à trois
termes français: bodega1 f [de vino] REST cave f [de vin], celier; V. vino; sótano,
subterráneo, cava, bodega 2 f [avión, barco] VOYAGE soute à bagages f; V. cala de
equipaje, bodega 3 f [depósito/almacén en puertos] GESTION dock entrepôt, magasin
qu’on trouve dans les ports (DTT). Et du français buffet équivalent à trois termes
espagnols: bufé/bufet libre1 REST galicismo referido a la oferta de platos y de bebidas
que se exponen en el comedor en sistema de autoservicio; V. formule buffet à volonté;
buffé 2 REST restaurante [de estación de ferrocarril]; V. restaurant, guinguette; buffé 3
REST aparador; V. meuble, armoire (DTT).
Lorsque deux langues sont confrontées et placées en parallèle, il peut exister
des « cases vides », c’est-à-dire des termes qui ne possèdent pas d’équivalents dans
l’autre langue ou trouver des cas où le mot à polysémie riche dans une langue ne possède pas d’équivalent dans l’autre. C’est ainsi pour le mot espagnol rodaja qu’il faut
traduire en français, selon le cas par tranche f [de citron, saucisson], rondelle f [de citron,
saucisson] ou darne f [de poisson] (DTT) ou du mot français alimentaire, selon le contexte alimenticio [que alimenta] ou alimentario [relacionado con la alimentación]
(DTT).
3.3.2. Homonymie
Les dictionnaires bilingues donnent le même traitement aux polysèmes et aux
homonymes, malgré l’importance de cette distinction linguistique, par souci de simplification et d’efficacité :
Exemple 1: mousse1 f GEN espuma, mousse2 m/f REST mousse f [dessert] (de
chocolate REST mousse au chocolat, de limón REST mousse au citron), mousse 3 m/f
REST mousse f [pâté léger et mousseux de viande, poisson, foie-gras ou fruits de
mer]; V. espuma (DTT).
Exemple 2: moule 1 REST molde; V. ustensile de cuisine, récipient; plateau (à
charlotte REST molde de carlota, à fond amovible REST molde desmontable, à gâteaux REST molde para tarta/pasteles/bizcochos, à soufflé REST molde de soufflé, à
tarte REST tartera f), moule 2 f REST mejillón (marinière pl REST mejillones a la
marinera pl) (DTT).
3.4. Paronymie
3.4.1. Paronymes intralinguistiques
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Les paronymes, ces mots proches par le son ou par l’orthographe mais éloignés par le sens, posent des problèmes de choix du même ordre que ceux qu’on rencontre à propos de la polysémie et de la monosémie constituant une source d’erreurs
fréquente dans la pragmatique de la traduction. En lexicographie un commentaire
s’impose pour éviter les incohérences sémantiques: romain, e ARTE/CULTURA romano, a ◊ Au mois de septembre on fête à Cartagena l’arrivée de Romains et de Carta;
cuidado con no confundir «romain» con roman, e, que significa «románico» ◊ La ville
de Nîmes compte de nombreux monuments romains comme la Tour carrée. (DTT).
De façon spéculaire, le français possède deux termes paronymiques familier et
familial qui se partagent le terrain entre, d’un côté, pour familial, « tout ce qui concerne strictement la famille » (PR): fête familiale, tradition familiale, repas familial,
voyage familial… et de l’autre, pour familier « ce qui est bien connu, dont on a
l’expérience habituelle » (PR): lettre familière, cérémonie familière… Ces deux mots
ont la même étymologie (lat. familiaris). Familier est le plus ancien et avait autrefois
le sens recouvert aujourd’hui par familial. Le terme familial es plus récent puisque le
Littré (1863 et 1872, 1e éd.) le mentionne comme «néologisme». Selon Le Petit Robert
(2005) il est attesté depuis 1830. Cela pourrait signifier que le français a voulu diversifier les emplois en «inventant» un mot (familial) chargé du sème famille et en déléguant à tous les autres emplois le terme familier, refusant par là de tout rapporter à la
cellule familiale. Dissociation que l’espagnol n’a pas ressenti le besoin d’effectuer
puisqu’il applique le terme familiar à tous les emplois précédemment cités. Peut-on,
sans tomber dans le piège de la stéréotypie, en déduire des différences quant à
l’importance et au rôle de la famille dans les deux cultures?
3.4.2. Paronymes interlinguistiques: «faux amis»
Beaucoup de gallicismes (en espagnol) et d’hispanismes (en français) sont
favorisés par l’existence de mots qui semblent avoir le même signifiant en français et
en espagnol, tout en ayant des signifiés complètement ou partiellement différents.
Selon Jean Maillot (1981: 31) :
L’expression « faux amis » a une valeur relative : il est souvent difficile
de discerner, entre deux langues qui emploient dans des sens différents deux termes ayant la même origine, quelle est celle qui a le
mieux conservé son acception primitive. Les dérivations à partir de
cette acception peuvent être d’importance très inégale, parfois même
se manifester en sens opposé.
Victime de l’illusion que « c’est la même chose », le locuteur espagnol croit
utiliser l’équivalent espagnol alors qu’il fait passer le signifié français sous le signifiant
espagnol, créant un nouveau couple signifiant-signifié, donc donnant naissance à un
mot jusque-là inexistant. C’est une illusion de croire que pour « bonbon » (fr) et
bombón (esp.) le signifiant est le même; tout au contraire, « bonbon » équivaut en
espagnol à caramelo tandis que le mot espagnol bombón est synonyme en français de
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chocolat. Rappelons avec Weinreich (2008: 32) qu’il ne peut y avoir d’homonymes
qu’à l’intérieur d’un même système lexical. Mais cette illusion est d’autant plus forte
qu’elle contribue à « réduire le fardeau linguistique ». À cette illusion s’ajoute la nonperception spontanée de l’arbitraire de la langue. Le sentiment que le lien signifié
signifiant est naturel, donc immuable, généralement appliqué à la langue maternelle,
bénéficie dans ce cas, à la langue étrangère dominante. À la différence des emprunts,
ces glissements de sens révèlent une attitude traductrice inconsciente qui adopterait
comme principe le choix spontané d’un mot ressemblant autant qu’il est possible au
terme à traduire. Comme pour les paronymes intralinguistiques, les commentaires
« avertisseurs » s’imposent en lexicographie: potage REST sopa f no se debe confundir
potage con el término español «potaje» que designa un tipo de guiso con verduras,
legumbres y otros ingredientes ; V. bouillon, bouillon cube (DTT).
3.5. Emprunts
3.5.1. Gallicismes en espagnol
SMES De nombreux auteurs ont insisté sur l’importance des gallicismes en espagnol.
Joan Coromines (2012: 158) dans son Breve diccionario etimológico de la lengua castellana recueille des exemples, tels que crocante, adaptation phonétique du français croquant, de croquer, «comer algo que cruje; voz de origen onomatopéyico. Del mismo
verbo deriva el francés croquette, de donde el castellano croqueta. 1884». Les fréquents
exemples évoqués par cet auteur dans son dictionnaire constituent un témoignage
considérable des échanges terminologiques qui ont eu lieu, au cours de l’histoire,
entre ces deux langues.
Les études menées par divers auteurs à ce sujet montrent des approches différentes mais complémentaires : il faut citer, parmi d’autres, le Diccionario de galicismos:
voces, locuciones y frases de la lengua francesa que se han introducido en el habla castellana de Rafael María Baralt (1885) dont la dernière édition date de 2011, ainsi que les
Adiciones al Diccionario de R. M. Baralt de Niceto Alcalá Zamora (2011) ; le Diccionario de galicismos prosódicos y morfológicos de Valentín García Yebra (1990) ; Les gallicismes. Étude syntaxique et sémantique de Jean-Marcel Léard (1992) ; Los galicismos
en el español de los siglos XVI y XVIII de Elena Varela Merino (2009) ou l’essai de Clara Curell Contribución al estudio de la interferencia lingüística: los galicismos del español
contemporáneo (2005) et son Diccionario de galicismos del español peninsular contemporáneo (2009). Ces gallicismes font souvent référence au luxe gastronomique français
qui se fait remarquer dans des produits autrefois mythifiés tels que le «pâté». Même si
certains chercheurs situent l’origine du pâté en Egypte, dans la Grèce classique ou à
Rome, nous sommes sûrs que le foie-gras que nous consommons aujourd’hui a son
origine en France. Cette préparation découverte par J. P. Clause en 1762, sera perfectionnée par le cuisinier du premier Président du Parlement à Bordeaux, en 1792.
L’admiration qui éveille le raffinement et le prestige des Français dans le secteur gastronomique justifie les nombreux gallicismes qui se sont installés en espagnol
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souvent calqués directement du français (DTT): gourmet, cordon bleu, chateaubriand,
foie-gras... parfois légèrement adaptés au système orthographique espagnol: bechamel
(fr.) besamela/besamel (esp.); bizcote (fr.) biscote (esp.)… Des gallicismes à l’origine
appartenant au domaine gastronomique, ont été empruntés par des domaines spécialisés et employés dans un sens restrictif: «biscuit1 ARTE/CULTURA bizcocho, también es frecuente el galicismo biscuit; V. porcelaine; biscuit 2 REST galleta f; V. gâteau
sec, petit-beurre, petit four». (DTT). Il y en a d’autres qui répondent à la façon de confectionner un plat typique ou d’un certain produit : en charcuterie, par exemple le
mot andouille/andouillette f REST andouillette f embutido típico francés elaborado
con tripas de cerdo; V. charcuterie (DTT) ou le cervelas REST cervelas salchichón
cocido de ajo; V. charcuterie (DTT). Parmi les sauces, la béarnaise f REST bearnesa f
–salsa de origen francés elaborada con mantequilla, yema de huevo, limón, perejil y
escalonia (DTT) ou des crèmes diverses telles que le bavarois REST bavarois f crema
fría de nata y gelatina, aromatizada con vainilla, chocolate, frutas y cuajada en un
molde; V. gâteau, pâtisserie (DTT). De nombreux gallicismes répondent, comme on a
déjà expliqué précédemment, à l’imagination du créateur, par exemple la jalousie « gâteau à la frangipane décoré d’un croisillon de pâte qui le fait ressembler au store portant ce même nom de jalousie » (DTT) ou le vol-au-vent «terme inventé par Carême
pour désigner une pâte tellement légère que, selon lui « elle s’envole au vent à la sortie
du four » (DTT).
Dans certains cas, ces mots répondent à l’évolution historique et socioculturelle. C’est ainsi que sous l’Ancien Régime on assiste à la naissance du cordon bleu, en
référence à la distinction honorifique que l’on décernait, de 1578 à 1789, aux nobles
qui s’étaient distingués pour servir le roi Henri III de France 2. Des connotations de
prestige restent encore aujourd’hui rattachées à ce terme: cordon bleu1 REST buen
cocinero, a f; V. cuisinier, cordon bleu 2 REST cordon bleu filete de ternera o ave,
empanado y relleno de jamón y queso, cordon bleu 3[diplôme] REST cordon bleu diploma de la escuela culinaria francesa de reconocido prestigio (DTT).
Sous la devise d’égalité, à l’époque de la Révolution française, est née la baguette en réponse à la consigne donnée aux boulangers de suivre une même méthode
de travail. Ouvriers, bourgeois et aristocrates avaient le droit de manger une même
sorte de pain. Ce gallicisme aujourd’hui bien installé en espagnol est attesté dans des
dictionnaires tels que le DEA ou le DTT.
La France, premier pays producteur de vin et première destination touristique, suivie de l’Espagne, a développé lors des dernières décennies, l’oenotourisme,
« un voyage autour de la thématique du vin » dont l’attrait principal est faire découL’Ordre des Chevaliers du Saint Esprit qui portaient une croix en or sur un ruban bleu. Les cuisiniers
nouaient leurs tabliers avec des rubans bleus ce qui permit de lier symboliquement la couleur bleue à
l’excellence culinaire.
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vrir au touriste les vignobles, les vins mais aussi l’amour pour les autres et pour les
valeurs authentiques. Les mots référés à ce domaine de spécialité lié à la gastronomie
se sont considérablement multipliés et les gallicismes en espagnol sont fréquents :
sommelier, sumiller; dans un restaurant, bodeguero (DTT) ; château REST château
«denominación francesa que se aplica en la Gironde a los vinos de calidad que se elaboran en explotaciones vinícolas o edificios que son una especie de castillos» (DTT);
chambrer [un vin] «REST poner un vino a la temperatura ambiente» (DTT).
Enfin, nous ferons une brève évocation des gallicismes présents dans la langue
espagnole, originaires de cultures d’ailleurs, qui ont été introduits en Espagne à travers la culture française (Treps, 2003; Walter, 2013; Guillemard, 2008). Citons par
exemple le mot croissant dont la traduction en espagnol (creciente) n’a pas réussi à
s’imposer en gastronomie ; cependant, sa graphie est souvent adaptée à la phonétique
espagnole (cruasán). Le croissant est originaire de Vienne, d’où le nom de cette viennoiserie. D’après la légende, en 1683, les Turcs se trouvèrent aux portes de cette ville
qui montra sa résistance; ils finirent finalement par lever le siège. Pour le fêter, un
boulanger viennois eut l’idée de créer cette pâtisserie en forme de croissant (symbole
de l’Islam). C’est grâce au mariage de Marie-Antoinette de Habsbourg (sous les
ordres de laquelle travaillait un boulanger viennois) avec Louis XVI (vers 1770) que
le croissant s’est introduit en France. En 1863 ce mot fut attesté pour la première fois
dans le Littré. La recette traditionnelle telle qu’on la connaît aujourd’hui fut publiée
dans le Larousse gastronomique en 1938.
3.5.2. Hispanismes en français
En français on trouve de nombreux mots appartenant au fonds roman espagnol qui font tout particulièrement référence à la culture espagnole, plutôt envisagée
sous l’angle du folklore. Sous l’influence des événements historiques (mariage de
Louis XIII avec l’infante d’Espagne et puis, celui de Louis XIV avec Marie-Thérèse,
fille du roi d’Espagne Philippe IV), à la fin du XVIe siècle et tout au long du XVIIe
siècle le français emprunte à l’espagnol des termes référés aux danses, aux jeux… de
cette époque-là. Plus tard, à partir du XVIIIe siècle, l’influence espagnole est purement folklorique, on emprunte des mots à la culture espagnole dans ce qu’elle a pour
les Français d’exotique : gitane, picador, banderille, fandango, boléro… (Corbella y
Real, 1993; Treps, 2003; Walter, 2013). Deux fêtes populaires sont devenues de vrais
porte-drapeaux de la culture espagnole: le flamenco et la tauromachie. Patrimoine
culturel immatériel de l’Humanité depuis le 10 novembre 2010, le flamenco est souvent employé par les Français en tant qu’accroche publicitaire dans le domaine du
tourisme. Les origines du flamenco demeurent néanmoins inconnues à la suite de
l’expulsion des Maures hors d’Espagne (Navarro Arriola, 2002: 65). D’après le Dictionnaire Historique de la Langue Française, l’adjectif flamenco signifiait autrefois
« originaire de Frandres », flamand, emprunté au néerlandais flaming et attesté depuis
1870 pour désigner les Gitans d’Espagne qui étaient venus de Flandres. Le mot a
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d’abord désigné la langue des Gitans (1890) et les Gitans eux-mêmes (1899). Cet art
métis, exaltation de la pureté de l’âme humaine, n’est en réalité qu’une confluence
des diverses cultures apportées par des peuples qui ont historiquement occupé
l’Espagne. Ces peuples ont laissé leur empreinte autour de trois axes: le chant, la
danse et la guitare. Musique et danse entrent dans la composition de différents palos
(plus de 50) classés par groupes selon le rythme et la stylistique adoptée : le flamenco
jondo qui exprime des sentiments profonds fréquemment tragiques (bulerías, soleá,
tiento, farruca, martinete, petenera, minera) et qui s’adresse à un public averti coexiste
avec le flamenco festero qui évoque des sentiments amoureux sur un ton gai. Cette
modalité de flamenco (sevillanas, rumbas, tanguillo et alegrías) dansée lors des fêtes
surtout en Andalousie, est la plus connue des touristes étrangers. La terminologie qui
permet d’exprimer les notions référées à ce domaine, signe identitaire de la culture
espagnole, n’admet pas de traduction en français. L’association du mot chanteur, -euse
(esp cantante) au mot cantaor, cantaora en lexicographie est incorrecte car ce mot a un
sens plus spécifique, il désigne le/la chanteur, -euse de flamenco ; de la même façon, le
terme danseur, euse (esp balarín, bailarina) ne peut être associé à bailaor, bailaora,
mot employé dans un sens restrictif dans ce domaine de référence; d’où les nombreux
hispanismes (palmero, tablao flamenco, zapateado...) qui se sont aisément installés dans
la langue française.
En ce qui concerne la tauromachie, « l’art de combattre les taureaux dans
l’arène » (PR), est à la fois « la plus connue et la plus polémique des coutumes populaires espagnoles » (http://www.1voyage.com/espagne/corridas-espagne.htm; 27/12/2011) mais aussi l’une des plus emblématiques. Ces deux fêtes, qui font partie du
folklore espagnol, provoquent des sentiments parfois opposés chez le touriste étranger. Comme Michel del Castillo l’a indiqué lors de l’interview publiée par El País sur
son Diccionario amoroso de España, «los franceses tienen una gran pasión conflictiva
por España […]: de las corridas de toros, por ejemplo, exaltan su crueldad al tiempo
que se sienten fascinados por ellas» (apud Martí Font, 2005). Attirés par cette tradition, les Français l’ont importée depuis les années 50 dans le Sud de la France et aujourd’hui on peut assister à des corridas notamment à Carcassonne, à Bayonne, à Béziers ou à Nîmes, principal centre de tauromachie. En ce qui concerne l’approche
lexicale, de nombreux hispanismes se sont installés en français en référence aux personnes qui y sont impliquées (picador, maestro, novillero…), aux instruments divers
employés dans ces démarches (montera, capote, muleta, estoque...)… Les procédés définitoires et les gloses culturelles s’imposent dans le transfert de ces termes à CCP en
langue cible comme on peut le constater pour les niots banderillero «SPECT banderillero, torero qui pose les banderilles ; V. rejoneador, picador» (DTT) ou rejoneador
« SPECT rejoneador, personne qui, à cheval, blesse le taureau à l’aide de la lance appelée rejón ; V. picador, banderillero, torero » (DTT).
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Les exemples ci-dessus évoqués montrent bien des implicites qui se glissent
derrière les mots et qui traduisent des gestes. Ces mots lexiculturels par excellence,
sous-tendent certaines pratiques sociales que la population espagnole ou française
partagent sans souvent en prendre conscience. L’idée implicite est dans ces cas dépassée par le comportement qu’implique inconsciemment le mot.
4. Lexiculture: traitement lexicographique
L’impossibilité de traduction dans les cas des termes affectés par une CCP
uniquement dans une des deux langues mène le lexicographe à avoir recours à
l’emprunt, de préférence accompagné d’un ensemble explicatif plus complet en ce qui
concerne les catégories de la microstructure: explications définitoires, exemples, références complémentaires ou gloses culturelles.
1. Explications supplémentaires: portant sur le syntagme sous-jacent dans le cas des
sigles tels que (esp) ARCO [Feria Internacional de Arte contemporáneo] (DTT) ; apportant des précisions sur certaines particularités morphologiques susceptibles d’induire
en erreur concernant certaines catégories grammaticales : (fr) hébreu, x pl CULTURA
hebreo, a f si hébreu es un adjetivo, su femenino es hébraïque pero si se trata de un
sustantivo, su femenino es israélite si se refiere a la religión y juive cuando se trata del
pueblo del reino de Judá, ej. une fête juive; V. juif; V. juif, israélite (DTT).
Des précisions sur l’emploi du nombre: (esp) afición f SPORTS amateurs pl –
on emploie en espagnol le mot collectif singulier afición tandis qu’en français on emploie le mot «amateurs» au pluriel; V. aficionado (DTT); ou sur le genre: (esp) arte
m/f ART/CULTURE art; en espagnol, ce mot est féminin au pluriel: artes escénicas
mais généralement masculin au singulier: arte escénico (DTT).
2. Gloses culturelles. Les traditions se glissent derrière les mots rendant dans certains
cas impossible les équivalences d’une langue à l’autre; de là l’importance de spécifier
en lexicographie les nuances sémantiques d’ordre socio-culturel qui permettent leur
correcte interprétation en discours. Deux mots servent à illustrer cette idée: Exemple
1: (esp) rey CULTURE roi (Reyes Magos pl CULTURE/SPECT Rois Mages pl; en
Espagne, selon la tradition, les enfants reçoivent les cadeaux pour la fête des Rois
Mages [Épiphanie], le 6 janvier, et le 5 au soir, il y a un défilé avec des chars dans
toutes les villes et les villages d’Espagne pour fêter l’arrivée des Rois Mages; V. roscón
de Reyes. (DTT). Exemple 2: (fr) Noël/la Noël f CULTURA Navidad f; Pascua de
Navidad f; Natividad del Señor f –en Francia, Noël corresponde solamente al día 25
de diciembre; sin embargo en España las Navidades abarcan hasta el 6 de enero
(DTT).
Nous nous arrêterons sur l’article avril où l’on mentionne la fête du premier
avril, jour consacré aux «poissons d’avril», un poisson découpé dans du papier et que
l’on prend plaisir à accrocher dans le dos des personnes rencontrées, à leur insu. Cette
pratique amusante correspond à el día de los inocentes en espagnol. En Espagne, en
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Amérique Latine et dans d’autres pays, on souligne cette fête en faisant des tours et
des farces. Les médias en profitent pour faire de fausses nouvelles humoristiques. Curieusement cette tradition se greffe à une journée qui commémore un événement
triste: un épisode des évangiles survenant après la naissance de Jésus. Le roi Hérode
ayant appris que les Rois Mages allaient rendre hommage à Jésus sentit son royaume
menacé et décida de tuer tous les bébés garçons de moins de deux ans. Comme les
victimes massacrées sous les ordres d’Hérode, les gens victimes des farces doivent accepter leur destin. Cette pratique n’a pourtant aucune signification pour un Japonais,
par exemple. Pourtant les Français et Espagnols connaissent et perpétuent ce qui est
devenu une tradition.
3. Procédés définitoires. La plupart des mots relevés dans le discours explicatif du
lexicographe sont présentés par des définitions. Un mot peut être défini simplement
en présentant les caractéristiques parfois observables du référent désigné. D’autres
mots son définis par leurs différences spécifiques. D’autres définitions se caractérisent
par le fait que le mot expliqué est défini par un mot qui lui est synonyme. D’autres
mots peuvent être définis tout en se référant à leur mot de base (Galisson, 1979: 79).
Les procédés définitoires permettent en définitive d’éclaircir le sens du mot assurant
sa concrétisation dans le discours : (esp) tuna f CULTURE/SPECT tuna f –orchestre
d’étudiants appelés tunos qui font des sérénades aux filles sous leur balcon ; de nos
jours il existe aussi des tunas féminines ; V. tuno (DTT).
4. Procédés définitoires et gloses culturelles. (esp) churrería f REST établissement où
l’on fait des churros et où quelquefois on les consomme; en Espagne la coutume est
de s’y rendre de bon matin, après une sortie nocturne, pour y prendre un chocolat
espagnol très épais avec des churros; V. marcha. (DTT); bêtises de Cambrai f pl REST
caramelos típicos de la ciudad de Cambrai, creados en 1850 por la confitería Afchain;
son cuadrados, blancos y opacos; lucen una tira de caramelo color ámbar y están
aromatizados con menta; V. bombón, sucrerie (DTT).
5. Procédés paraphrastiques. Galisson définit la paraphrase comme «une activité
d’identité de sens entre deux énoncés» (1979: 46). La paraphrase peut être syntagmatique ou paradigmatique. Les paraphrase(s) paradigmatiques peuvent être soit synonymiques (les plus fréquentes), soit antonymiques. Dans l’explication par paraphrase,
le discours d’origine ne change pas: migas [de harina] REST poêlée de farine à l’ail;
migas [de pan] REST poêlée de mies de pain (DTT); amandine f REST pastelito de
almendra; V. gâteau, pâtisserie (DTT).
6. Importance des exemples. L’emploi d’exemples dans les dictionnaires n’a rien de
nouveau. Dans son Dictionnaire Universel (1690) Antoine Furetière expliquait aux
usagers: «Les mots seront expliquez avec quelques histoires, curiositez naturelles,
phrases et constructions. Le tout extrait de plus excellents auteurs (http://www.ucergy.fr/dictionnaires/auteurs/furetière.html; 10/01/2012).
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Pour l’analyse des exemples nous prendrons comme ouvrage de référence le
Dictionnaire du tourisme fr-esp /esp – fr (DTT).
– Exemples qui font référence à la culture espagnole (dans la partie espagnolfrançais). Au paysage: (esp.) «huerta f PAYSAGE jardin potager, verger [d’arbres fruitiers] ◊ La huerta de Alicante es muy rica en frutas y verduras. (DTT). Aux fêtes: (esp.)
«rocío1 CLIMA rosée; Rocío2, El CULTURE El Rocío ◊ Miles de peregrinos participan cada año en la romería de Almonte para venerar a la Virgen del Rocío también conocida como la Blanca Paloma» (DTT).
– Exemples qui font référence à la culture française (dans la partie français – espagnol). À la vitiviniculture: (fr) «cru REST cru, pago [buenos viñedos]; se suele emplear este término como mención para diferentes categorías de vinos (grand cru, cru
classé, cru supérieur...) ◊ A Château Margaux est considéré comme premier grand cru
classé» (DTT). Au spectacle: (fr) «comique ESPECT humorista ◊ Murielle Robin est
une grande comique; V. fantaisiste, humoriste» (DTT).
– Exemples chargés de références culturelles à des pays francophones ou hispaniques.
Il y a des mots qui font preuve des rapprochement et des éloignements qui se sont
produits au cours de l’histoire pour des raisons d’ordre politique, économique, social
ou culturel entre la France et l’Espagne et les colonies: (esp) «habanera f
ART/CULTURE/SPECT habanera f ◊ Torrevieja es la sede del Certamen anual internacional de habaneras y polifonía a finales de julio» (DTT).
– Exemples qui font allusion à des cultures d'ailleurs ni francophone ni hispanique:
(fr.) «pudding/pouding REST pudín ◊ Le pudding est le gâteau traditionnel de Noël, en
Angleterre» (DTT).
Comme le dit Alain Duval (2000: 79), « l’exemple fait partie des meubles du
dictionnaire. L’usager se sent à l’aise dans un article qui lui propose, selon le cas, définitions ou traductions assorties d’exemples mettant le terme en contexte ». Les
exemples cités dans les dictionnaires ne sont pas introduits directement dans l’article,
ils accompagnent et complètent la définition et c’est dans ce sens qu’ils permettent
l’introduction du discours dans le texte. L’usager du dictionnaire par des exemples
tels que ceux qu’on vient de citer, est transféré dans un univers culturel qui diffère
considérablement de son propre univers. Ces « lieux communs » favorisent
l’apprentissage du mot. L’illustration des mots en contexte sert à éclairer des groupes
binaires, des locutions, plus ou moins stéréotypées, ainsi que certaines structures syntaxiques susceptibles d’induire le locuteur en erreur. L’usager apprend les mots, la
langue, mais il s’imprègne aussi des socioculturelles implicites.
5. Conclusion
La réalité universelle présente de fortes gradations, de différentiations liées aux
facteurs historiques, sociologiques, politiques, géographiques… voir biologiques; c’est
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pourquoi, […] chaque civilisation, chaque culture, chaque langue, exprime, à sa façon et selon ses niveaux d’expérience, ces aspects universaux d’application aux divers
domaines de spécialité. Comme le remarque Boulanger (1990: 234):
Les signes linguistiques entretiennent un lien étroit avec le
«monde» par le biais de leur sens, même si, le sens d’une expression linguistique ne doit surtout pas être confondu avec le
segment du monde que cette expression désigne.
Les mots sont comme nous avons montré lors de cette approche synchronique et diachronique sur ce lexique de la gastronomie et des fêtes, des lieux de pénétration privilégiés pour certains contenus de culture qui s’y déposent, finissent par y
adhérer et ajoutent une dimension identitaire à la dimension sémantique ordinaire
des signes.
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