LA PROMOTION DU LIVRE ET DE LA LECTURE EN SUISSE AUX

21/06/2016
LA PROMOTION DU LIVRE ET DE LA
LECTURE EN SUISSE AUX XIXE ET XXE
SIÈCLES
Prof. François Vallotton
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PERSPECTIVES
•
-
Approche de longue durée:
la lecture n’est jamais allée de soi;
ce n’est pas une histoire linéaire;
cette question a intéressé et mobilisé des
acteurs politiques et sociaux très différents
au cours des périodes;
- détour historique permet de souligner les
spécificités de la situation contemporaine.
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PETIT DÉTOUR HISTORIOGRAPHIQUE
• Histoire de la lecture = angle mort de la
recherche en histoire du livre, puis une histoire
biaisée
• Renouvellement par l’histoire culturelle et par le
recours à des sources documentaires
renouvelées: écrits intimes, enquêtes dans les
écoles (Stapfer), bibliographie matérielle,
travaux sur les circuits de diffusion et distribution
de l’imprimé (colportage, bibliothèques...
kiosques et librairies)
• Ici approche par les «politiques du livre»
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PLAN
1) Promotion et encadrement de la lecture entre la
fin de l’Ancien régime et la création de l’Etat
fédéral 1750-1848
2) Entre démocratisation de la lecture et
mobilisations contre la littérature immorale 18481918
3) Une nouvelle pédagogie de la lecture 19181945
4) Ruptures et continuités de l’après-guerre 19452000
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PROMOTION ET ENCADREMENT DE LA LECTURE
ENTRE LA FIN DE L’ANCIEN RÉGIME ET LA CRÉATION
DE L’ETAT FÉDÉRAL 1750-1848
• Alphabétisation précoce même si elle doit
être différenciée: 71-94% pour les hommes,
69-71% pour les femmes à ZH (fin XVIIIe)
• Valorisation de la lecture dans le discours
public: mise en scène positive dans les
almanachs dès 1760, valorisation de la
lecture des femmes, discours présent au sein
des sociétés d’utilités publique dès les
années 1810
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PROMOTION DE LA LECTURE EST ÉTROITEMENT ASSOCIÉE À
LA MISE EN SCÈNE D’UN CADRE DE LECTURE ....
Der Feierabend, 1859
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.... OU DE LECTURES APPROPRIÉES
- Dans le canton de Vaud, un concours est
lancé dans les années 1820 pour élaborer un
livre élémentaire d’éducation civique, ouvrage
qui doit toucher à la fois le milieu scolaire et le
milieu familial...
- 1825: Le père Thomas, ou manuel du citoyen
vaudois à l’usage des campagnes et des
écoles par Gabriel-Antoine Miéville
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ENTRE DÉMOCRATISATION DE LA LECTURE ET
MOBILISATIONS CONTRE LA LITTÉRATURE
IMMORALE 1848-1918
• Fondements d’un marché du livre régional;
pression sur les cantons en matière
d’instruction publique (révision
constitutionnelle de 1874; examens
pédagogiques pour les recrues)
• Diversification des canaux de diffusion de
l’imprimé: 2’000 bibliothèques publiques en
1868 concurrencent sociétés de lecture et
cabinets littéraires.
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DÉVELOPPEMENT QUANTITATIF MAIS SURTOUT
QUALITATIF (EXEMPLE DE LA BIBLIOTHÈQUE
PUBLIQUE DE GENÈVE)
• Charge de bibliothécaire revient à un laïc
• Baisse de l’âge requis pour pouvoir emprunter
des livres à domicile
• Séparation des collections de la bibliothèque
circulante de celles de la bibliothèque savante
(1873)
• Renouvellement des collections et entrée en
force du roman
• Nouvelle bibliothèque avec salle de lecture pour
consultation sur place (remplacée par une
extension des horaires)
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LA RECOMPOSITION DE LA LUTTE CONTRE LA
LITTÉRATURE IMMORALE
•
«De tout temps, il a existé de mauvais livres. L'antiquité, la renaissance, les
temps plus modernes ont écrit des ouvrages tristement fameux. Mais enfin
c'étaient des livres, souvent volumineux, et que toujours leur prix gardait en
dehors de l'atteinte du peuple, si même le peuple savait lire. Mais, de nos
jours, depuis un demi-siècle à peine, est apparu d'abord le roman-feuilleton,
qui va porter à tous, dans ses pages quotidiennes, les volumes dangereux
qui n'étaient connus que de quelques-uns. Enfin, le public étant formé et la
spéculation paraissant heureuse, on a créé pour un sou, en vue de la
multitude, le journal spécial, qui parfois même est un supplément d'un
journal politique qui lui sert d'introducteur et auquel le supplément sert
bientôt de réclame, et, comme on a le journal de la science, celui de
l'agriculture, du commerce ou de l'industrie, concentrant et propageant les
travaux de ces divers domaines, on a le journal des turpitudes, rendu plus
instructif encore par des images, placardé dans les vitrines ou sur les murs,
offert, crié, distribué gratuitement et avec importunité dans les rues de nos
villes, dans nos villages et jusqu'aux portes des collèges, par des employés
portant souvent en lettres d'or les insignes de leurs fonctions […] on
l'appelle la pornographie» (François Naef,1893).
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BILAN MITIGÉ
• Comme le dit, J.-F. Pitteloud, «faire l’histoire
des institutions de lecture populaire, c’est
faire l’histoire de l’échec d’une gigantesque
entreprise d’assujettissement».
• Dans le même temps, ce discours est
présent sur un large spectre, relayé par
éditeurs et autres pédagogues. Contribue à
la constitution d’un canon littéraire suisse
romand.
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3. UNE NOUVELLE PÉDAGOGIE DE LA
LECTURE 1918-1945
• Nouvelle société dans les années 1920: la Société
romande des lectures populaires:
«Deux courants se dessinèrent dans le Comité
provisoire: les uns pensaient avant tout à une
littérature instructive et moralisatrice; les autres
estimaient que, pour tenir en échec les mauvais
romans, il fallait commencer par en publier de bons, et
par bons ils entendaient non pas des récits à l’eau de
rose, assaisonnés de quelques grains de patois de
Canaan, mais des œuvres d’une réelle valeur qui, tout
en distrayant, enrichissent l’esprit» (Jules Savary, 1er
rapport annuel 1923-1924)
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ŒUVRE SUISSE DES LECTURES POUR
LA JEUNESSE, 1931• Petits livres illustrés et bon marché diffusés dans le cadre
scolaire par les instituteurs
• Couverture bariolée – propre à concurrencer la littérature de
kiosque – qui valorise le rôle des illustrateurs
• Grand rôle dans le cadre de la Défense nationale spirituelle:
publications en plusieurs langues, dimension helvétique
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BIBLIOTHÈQUE POUR TOUS (1920)
• Idée d’une structure nationale mais
décentralisée propre à faire irradier les livres
dans tous le pays (7 dépôts régionaux)
• Reprise de l’idée de «bibliothèque postale» qui
avait été développée par Paul Otlet
• Contexte de l’après 1918: nécessité d’une main
d’œuvre qualifiée, procurer des loisirs sains à la
population
• Primauté des bibliothèques «libres» ou
d’éducation sur la fonction patrimoniale
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DÉBUT DES BIBLIOTHÈQUES POUR LA
JEUNESSE
• 1933, première bibliothèque enfantine de
Suisse romande créée à Genève par Hélène
Rivier
• rôle de l’Institut Rousseau à Genève dans le
renouvellement du discours sur la
psychologie de l’enfant: importance de
notions comme l’autonomie ou la découverte
• Bureau international d’éducation (1925)
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4. RUPTURES ET CONTINUITÉS DE
L’APRÈS-GUERRE 1945-2000
• Continuités: poursuite de la lutte contre la
littérature immorale:
«On ne perçoit aucune direction, aucun contrôle,
aucune interdiction. [...] La vogue du roman
policier [est] devenue la lecture principale de la
plus grande partie des élèves de 13 ou 14 ans. [...]
Cette mauvaise littérature prend la première place
dans l’esprit et le cœur des jeunes adolescents qui
ne délaissent pas encore complètement les Jules
Verne, A. Dumas ou Heidi, Robinson, Polyanna et
les récits de la Comtesse Ségur» (L’Educateur, 34,
2 octobre 1948)
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QUELQUES INFLEXIONS:
• Poursuite du mouvement de création des
bibliothèques pour la jeunesse: Bibliothèque des
jeunes de La Chaux-de-Fonds, 1953.
• Nouvelles institutions: Ligue suisse de littérature
pour la jeunesse (1954) qui va développer une
antenne romande avec AROLE en 1983; Institut
suisse de littérature pour la jeunesse (1968)
• Nombreuses initiatives tant fédérales que
romandes qui suivent l’enquête PISA de 2000
sur les compétences de lecture
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LE NUMÉRIQUE OU LA RÉARTICULATION DES
FRONTS SUR LES BONNES OU MAUVAISES
LECTURES ?
• «Les parallèles historiques de Michel Serres nous montrent le chemin
d’un progrès continu et inéluctable : la révolution numérique sera une
nouvelle Renaissance.
• [...]
• Qu’était la Renaissance ? Une redécouverte vivifiante des textes et des
auteurs du passé le plus ancien, au service d'une réflexion sur le
présent. La révolution numérique nous en éloigne chaque jour un peu
plus, nous aliénant ainsi de notre propre culture. Les élèves, qui ne
sont plus préparés à lire, ne lisent plus. L’acculture du numérisme, qui
asservit à la facilité, à l’instantanéité et aux flux permanents, n’est rien
d’autre qu’un anti-humanisme, peut-être même un nouvel
obscurantisme.
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LE NUMÉRIQUE OU LA RÉARTICULATION DES
FRONTS SUR LES BONNES OU MAUVAISES
LECTURES ?
• A chaque grande révolution pédagogique de l’histoire, le texte – oral ou
écrit – a toujours été au centre de la pensée. Avec le numérique, les
nombres prennent symboliquement la place des lettres de nos
alphabets. Quand l'écrit, écrit ou lu, régresse à des gazouillis de
nourrissons, le texte, ce livre ouvert sur le monde, devient étranger,
hermétique et quasi-inaccessible. Pour la première fois, une révolution
pédagogique veut faire tabula rasa d’une culture sage et ancestrale,
ainsi que des lieux de sa transmission, rebuts indignes d’elle.
• Fragmenté, éclaté, instantané, à peine rédigé, le logos décline face à
l’icône ressuscitée.»
• Loys [Bonod], «L'acculture en Serres. Quand l'optimisme
numérique devient mortifère», 13.1.2013, blog Laviemoderne:
http://www.laviemoderne.net/grandes-autopsies/37-l-acculture-enserres
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