Les infrastructures de marché à la conquête de l`Europe

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Les infrastructures de marché à la conquête de l`Europe
Supplément
LA FINANCE AMÉRICAINE ★ GRANDE GAGNANTE DE LA CRISE ?
Infrastructures de marché
L’Europe face à l’offensive américaine
Antoine Pertriaux
Associé
Equinox Cognizant
Ivan Takahashi
Senior Consultant
Equinox Cognizant
Matthieu Charlier
Consultant
Equinox Cognizant
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Les auteurs font le point sur les grandes manœuvres
de ces dernières années dans les infrastructures
de marché, qui montrent les avancées des géants
américains à la conquête de l’Europe. Il détaille
les positionnements qui en découlent sur les différents
marchés actions ou dérivés et les options possibles
pour une contre-offensive européenne.
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supplément au n° 797
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juin 2016
Zone 1998 1999 2000 2001 2002 2003 2004 2005 2006
EU
EU
Euronext
EU
EU
EU
US
US
US
UE
US
Création d’ICE
US
EU
EU
OMX
EU
EU
US
US
EU
EU
EU
LCH.Clearnet
EU
EU
US
US
US
2007 2008 2009 2010 2011 2012 2013 2014 2015 2016
NYSE Euronext
NASDAQ OMX Group
ICE se sépare d’Euronext
Paris Bourse
Amsterdam Stock Exchange
Brussels Stock Exchange
LIFFE
Lisbon & Porto Stock Exchanges
Archipelago
New-York Stock Exchange
American Stock Exchange
International Petroleum Exchange
Intercontinental Exchange
New-York Board of Trade
Stockholm Stock Exchange
OM
Nordic Stock Exchanges
ESDAQ
Nasdaq
Inernational Securities Exchange
Deutsche Börse
London Clearing House
Clearnet SA
London Stock Exchange
Borsa Italiana
Chicago Mercantile Exchange
Chicago Board of Trade
NYMEX
Nasdaq
LSE Group
CME Group
Source : Equinox-Cognizant research 2016.
D
ès le milieu des années 1990, les géants
américains s’intéressent de près au marché européen, voyant là un formidable
moyen d’étendre leurs activités jusquelà cantonnées au marché nord-américain. NYSE, NASDAQ, BATS, ICE, CME
et DTCC lancent l’offensive (voir illustrations 1 et 2).
Le New York Stock Exchange (NYSE) met la main sur
Euronext en 2007 et devient alors la plus grande plateforme boursière mondiale. En 2011, NYSE Euronext et
Deutsche Börse annoncent leur intention de fusionner : l’accord sera finalement bloqué par la Commission européenne pour des raisons de concurrence sur
les marchés de dérivés.
Du côté des MTF1, l’américain BATS lance sa plate-forme
alternative BATS Europe en 2008 et finit par racheter
son principal concurrent, le londonien Chi-X Europe
en 2011. Le nouvel ensemble devient alors la première
place d’échange européenne sur les actions en s’arrogeant plus de 20 % de parts de marché. Ce dernier abandonne son statut de MTF et devient une Bourse à part
entière en 2013, sur laquelle il s’introduit le 15 avril 2016
pour une valorisation avoisinant 1,8 milliard de dollars.
1 Multilateral Trading Facilities.
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En 2001, l’Intercontinental Exchange (ICE) spécialiste
du marché de l’énergie s’implante en Europe en rachetant l’International Petroleum Exchange (IPE), principal
marché européen de l'énergie. ICE poursuit sa diversification en lançant en 2009 ICE Clear Europe, chambre
de compensation des dérivés de crédit (CDS). Visant
le marché des dérivés, le groupe d’Atlanta acquiert
NYSE Euronext pour 8 milliards de dollars en 2012
pour mettre la main sur sa filiale Liffe, ce qui lui permet de se positionner solidement sur ce marché. ICE
se sépare ensuite de ses activités actions en Europe
via une introduction en Bourse d’Euronext en 2014.
Souhaitant se renforcer sur le marché actions, le NASDAQ tente sans succès de racheter le LSE pour 2,4 milliards de livres sterling en 2006. En 2008, le NASDAQ
parvient à racheter OMX opérant en Europe du Nord
formant ainsi le groupe NASDAQ OMX. En mars 2016,
NASDAQ annonce le rachat d’International Securities
Exchanges (ISE) à Deutsche Börse pour un montant
de 1,1 milliard de dollars. L’ISE opère trois Bourses
d’options aux États-Unis et totalise près de 20 % des
échanges d’options sur le marché américain. Acquise
en 2007 par Eurex, ISE aura été la première Bourse
américaine détenue par une entité non américaine.
Dès 1995, DTCC – encore connu sous le nom de DTC
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Supplément
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2. COUVERTURE MARCHÉ DES PRINCIPAUX GROUPES
Négociation
actions
Négociation
dérivés listés
Compensation
actions et dérivés
listés
Compensation
dérivés OTC
NYSE
CME Group
États-Unis
ICE
Nasdaq
Bats
CME Group
ICE
Nasdaq OMX
Europe
Bats
London Stock Exchange
Deutsche Börse Group
Euronext
BME
n Fort
n Moyen
n Faible
NB : Inclut les participations des différents groupes.
Source : Equinox-Cognizant research 2016.
avant sa fusion avec NSCC2 – ouvre un bureau à Londres,
avec pour objectif de s’implanter sur le post-marché
européen. En 2007, DTCC relance sa chambre de compensation (CCP) paneuropéenne EuroCCP pour profiter
des opportunités ouvertes par la directive MIF, et tente
de racheter la chambre de compensation LCH.Clearnet
pour 580 millions de livres sterling en 2008. Le deal ne
se fera pas et EuroCCP fusionne finalement avec sa principale concurrente, la néerlandaise EMCF3 en 2013. Le
nouvel ensemble ainsi formé devient la plus importante
CCP en Europe sur le marché actions, avec plus de 50 %
de part de marché. Enfin DTCC développe ses activités
de Trade Repository pour le reporting des dérivés consécutif à l’entrée en vigueur d’EMIR en 2014 et s’impose
face à ses rivaux européens en captant plus de 75 % de
part de marché.
Plus récemment, le Chicago Mercantile Exchange (CME),
leader américain du marché des futures et options se
tourne également vers l’Europe et lance en 2011 une
chambre de compensation CME Clearing Europe, spécialisée sur les produits OTC. Si sa percée reste modeste
aujourd’hui, CME conserve un intérêt marqué pour le
Vieux Continent.
Enfin, en rachetant le London Metal Exchange (LME)
2
3
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Depository Trust Company ; National Securities Clearing Corporation.
European Multilateral Clearing Facility.
en 2012, le Hong Kong Stock Exchange (HKEx) marque
la première percée d’une Bourse asiatique en Europe.
LES NOUVEAUX ENJEUX
POUR LES INFRASTRUCTURES DE MARCHÉ
Les grandes manœuvres initiées ces dernières années
et notamment les nombreux rachats réalisés par les
groupes américains en Europe illustrent bien les enjeux
de positionnement qui se profilent sur un marché européen en pleine transformation. Tous les produits et
segments d’activité ne présentent cependant pas les
mêmes perspectives : la course à la diversification est
un enjeu central.
Marchés actions
La libéralisation du marché boursier européen consécutive à l’entrée en vigueur de la directive sur les Marchés
d’instruments financiers (MIF) en 2007 ouvre le jeu à
de nouvelles places d’échange connues sous le nom de
marchés alternatifs : systèmes multilatéraux de négociation (MTF), internalisateurs systématiques et broker crossing networks font leur apparition. Leur nombre explose
dans les années qui suivent avec plusieurs dizaines de
plates-formes d’exécution lancées par des acteurs déjà
établis ou issus de consortium de banques souhaitant
développer leur offre de services.
La concurrence des marchés alternatifs avec leurs modèles
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3. POSITIONNEMENT ET PERSPECTIVES
Infrastructures de marchés en Europe
Marchés dérivés
de tarification innovants conduit à diminuer sensiblement les coûts d’exécution et de compensation. Les
acteurs historiques voient leur part de marché s’éroder au
profit de ces nouveaux entrants qui captent rapidement
près de 30 % des volumes. Le marché se reconsolide à
partir de 2010 et il semble aujourd’hui difficile de renverser l’ordre établi entre les quatre principaux opérateurs boursiers BATS, LSE, Euronext et Deutsche Börse.
Si les volumes d’échange ont connu une hausse relative
en 2015 (+27 % par rapport à 2014), le marché actions
européen, qui représentait à une époque le fer de lance
de certaines infrastructures, ne semble plus aussi porteur en Europe à l’heure actuelle.
LSE +
Deutsche
Börse
ICE
Deutsche
Börse
LSE
Group
Marché des dérivés listés
Deux acteurs dominent le marché européen des dérivés
listés : Eurex (groupe Deutsche Börse) et le Liffe (groupe
américain ICE). Le premier détient aujourd’hui plus de
50 % de la part de marché en Europe sur les dérivés listés sur actions (options et futures) et autour de 75 % sur
le marché des dérivés listés sur indices. Concernant les
dérivés de taux, Eurex et le Liffe se partagent le gâteau
avec respectivement autour de 52 % et 46 % de parts de
marché en 2014.
Les marges sur les dérivés listés, plus intéressantes que
sur les actions, contribuent aujourd’hui à la bonne santé
financière des plates-formes boursières. Ce marché
présente un relais de croissance non négligeable pour
les années à venir et devrait bénéficier des évolutions
réglementaires impactant le marché des dérivés OTC.
Marché des dérivés OTC
Le marché des dérivés OTC apparaît comme le nouvel
eldorado pour les infrastructures de marché. On estime
que ce marché pèse plus de 600 trillions de dollars en
notionnel dans le monde, soit environ 10 fois celui des
dérivés listés.
L’encadrement réglementaire des dérivés négociés de
gré à gré, initié après la crise de 2008 et rapidement mis
en œuvre depuis 2013 aux États-Unis à travers le Dodd
Frank Act et relayé par la réglementation européenne
EMIR entraîne inévitablement une profonde restructuration du marché : en Europe, les participants sur ce
marché sont déjà dans l’obligation depuis février 2014
de reporter toutes leurs transactions OTC auprès d’un
référentiel central, et vont être contraints de compenser leurs dérivés OTC auprès d’une contrepartie centrale (CCP), progressivement à compter du 21 juin 2016.
Cela représente un enjeu de taille pour les chambres
de compensation. Si on ajoute à cela l’obligation portée par la directive MIFID II de négocier tous les dérivés
OTC éligibles à la compensation sur des plates-formes
électroniques à partir de 2018, on peut facilement com-
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Euronext
+ BME
Nasd
N
d
Nasdaq
p
CME Group
E
Euronext
Bats
BME
Marchés actions
La taille des bulles représente la capitalisation boursières à mars 2016.
Axe horizontal : part de marché sur les activités de négociation et de compensation
du marché Actions européen.
Axe vertical : part de marché sur les activités de négociation et de compensation
des marchés dérivés listés et OTC.
Source : Equinox-Cognizant research 2016.
prendre l’engouement des infrastructures de marché
pour positionner une offre compétitive combinant exécution et compensation des dérivés OTC, afin de capter
un maximum de revenus.
Néanmoins, les charges en capital exigées par le régulateur sur ces produits posent la question de la mutation
future de ce marché. On pourrait assister à un regain
d’intérêt des investisseurs pour les dérivés listés, plus
standardisés, et moins coûteux, au détriment de certains dérivés OTC.
LA CONTRE-OFFENSIVE EUROPÉENNE :
LE RAPPROCHEMENT DU LSE
AVEC DEUTSCHE BÖRSE
L’annonce du rapprochement du LSE avec Deutsche
Börse confirmée le 16 mars dernier relance la question
de l’organisation du marché européen face à l’offensive
américaine qui s’est intensifiée ces dernières années.
Plusieurs initiatives de fusions infructueuses ont déjà
été tentées dans le passé. Le LSE et Deutsche Börse ont
tenté de se rapprocher à deux reprises en 2000 puis en
2004, mais les négociations n’ont pas abouti notamment à cause de divergences culturelles fortes entre
les deux acteurs. Plus récemment, en 2012, le projet
de fusion Nyse Euronext et Deutsche Börse a avorté
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suite à un veto de la Commission européenne au motif
qu’il aurait conduit à une position de quasi-monopole
sur les marchés des dérivés listés européens au travers
des deux plates-formes concurrentes Eurex (Deutsche
Börse) et Liffe (Nyse Euronext).
La situation est aujourd’hui sensiblement différente.
La pression croissante des géants américains ICE et
CME pour s’imposer en Europe oblige les acteurs historiques à réagir en dépassant les barrières qui ont pu
se dresser dans le passé. Le LSE et Deutsche Börse l’ont
bien compris et semblent cette fois déterminés à aller
jusqu’au bout.
L’enjeu est de taille : la réunion des deux ensembles
les placerait au rang de numéro 1 mondial des opérateurs boursiers, avec une capitalisation boursière de
30 milliards de dollars.
Le groupe représenterait la plus large franchise sur les
actions en Europe devant Bats Europe, avec une part
de marché combinée de près de 40 % (28 % apportés
par le groupe LSE, en incluant son marché alternatif Turquoise et Borsa Italiana, et environ 12 % par la
Bourse de Francfort et Equiduct) tout en contrôlant la
compensation sur les places de Londres, Paris, Francfort et Milan, et embarquant au passage Clearstream,
acteur majeur du post-marché européen.
En outre, le nouvel ensemble deviendrait l’un des plus
gros fournisseurs d’indices au monde avec le FTSE
Russell (LSE) et le Stoxx (Deutsche Börse).
Mais surtout, LSE-Deutsche Börse deviendrait un acteur
de premier plan sur le marché des dérivés qui constitue
l’enjeu prioritaire : Deutsche Börse avec sa filiale Eurex
concentre aujourd’hui près de 40 % des volumes de dérivés listés dont il assure la compensation. De son côté, le
groupe LSE est le leader européen sur la compensation
des dérivés OTC avec les filiales de LCH.Clearnet dont il
détient 57 % du capital, à savoir SwapClear sur les swaps
de taux et CDSClear sur les swaps de crédit.
Soit de belles perspectives au vu du développement
exponentiel de ces marchés. Le futur groupe met en
outre en avant des économies importantes pour les
clients qui pourront profiter du « cross margining »,
c’est-à-dire du netting des appels de marge entre dérivés listés et OTC, et ainsi limiter les apports en collatéral sur leurs portefeuilles compensés. Cela reste
néanmoins à confirmer sur la faisabilité technique et
l’approbation du régulateur.
QUELLES RÉACTIONS DES ACTEURS
AMÉRICAINS ?
La bataille sur les dérivés est lancée et la réponse des
rivaux américains ne s’est pas fait attendre. Au premier
chef, ICE qui a directement annoncé considérer une
contre-offre pour le LSE.
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ICE ne voit pas d’un bon œil le projet de fusion LSEDeutsche Börse qui viendrait contrecarrer ses plans de
conquête du marché européen initiée depuis plusieurs
années, notamment avec l’acquisition du Liffe en 2013.
L’enjeu pour ICE est clairement de mettre la main sur
la chambre de compensation LCH SwapClear du LSE,
leader sur les dérivés de taux, qui viendrait compléter
l’offre d’ICE Clear Europe principalement centrée sur
les futures et les dérivés de crédit et de matières premières pour former un leader européen de la compensation des dérivés. ICE dispose d’un « track record » dans
le rachat ciblé de sociétés et on peut imaginer qu’il se
sépare des autres branches du groupe LSE, notamment
les marchés actions de Londres et de Milan, comme ce
fut le cas pour l’activité Euronext suite au rachat de Nyse
Euronext. Ce qui pourrait en outre faciliter l’accord des
régulateurs européens au regard des lois anti-trust.
Si le rachat du LSE faisait partie des plans du groupe
d’Atlanta à moyen terme, on peut toutefois s’interroger sur sa capacité à absorber une nouvelle acquisition dans l’immédiat, alors qu’ICE est déjà engagé
dans l’intégration du fournisseur de données de marché Interactive Data pour un montant de 5,3 milliards
de dollars et du progiciel de trading Energies Trayport
pour un montant de 650 millions de dollars.
Le CME de son côté, regarderait aussi le dossier de
près, sans toutefois avoir annoncé son intention de
faire une offre au LSE. Pour le groupe de Chicago, la
combinaison de SwapClear en Europe et CME Clearing
aux États-Unis constituerait le premier acteur mondial
sur la compensation des dérivés de taux.
Enfin, deux outsiders pourraient également entrer dans
l’arène : la Bourse de Hong Kong (HKEx), qui cherche
à étendre sa franchise sur les dérivés après avoir acquis
le London Metal Exchange en 2012, et le Nasdaq qui a
déjà tenté de racheter le LSE dans le passé, et qui pourrait profiter de l’occasion pour renforcer sa présence
sur les marchés actions.
QUELLES OPTIONS POUR LES AUTRES
ACTEURS EUROPÉENS ?
Le rapprochement LSE-Deutsche Börse va pousser
les autres opérateurs boursiers européens à repenser
leur stratégie et accélérer leur plan de développement
pour rester dans la course et espérer rivaliser avec ce
nouveau géant (voir illustration 3). Des opportunités
existent qui permettraient d’équilibrer le poids respectif des différents acteurs.
La course aux dérivés semble hors de portée d’Euronext
qui a perdu la franchise historique que lui conférait le
Liffe, aujourd’hui dans le giron d’ICE. Seuls les segments de « niche » tels les contrats dérivés sur les produits laitiers ou sur les matières agricoles sur lesquels
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Euronext se positionne peut constituer un terrain de
jeu favorable, bien que présentant un potentiel beaucoup plus limité que les dérivés standards.
En revanche, l’opérateur boursier pourrait profiter du
rapprochement LSE-Deutsche Börse pour sécuriser et
renforcer sa position de n° 3 sur le marché actions européen derrière le LSE et le leader paneuropéen Bats Europe :
– recréer un « silo » : contrairement à ses rivaux – LSE
avec LCH.Clearnet Ltd, Deutsche Börse avec Eurex –
Euronext ne possède pas sa chambre de compensation,
ce qui fragilise son modèle. L’opérateur boursier pourrait donc profiter de l’occasion pour essayer de récupérer LCH SA (ex Clearnet), que le LSE pourrait être
amené à revendre afin d’obtenir le feu vert des autorités de la concurrence. Ou encore tenter une alliance
avec DTCC/EuroCCP ;
– accélérer sa croissance externe : Euronext pourrait se
positionner sur le rachat de Borsa Italiana qui pourrait
être concédé par le LSE, qui s'ajouterait ainsi aux quatre
Bourses gérées par la société ou encore se rapprocher
de Bolsas y Mercados Españoles (BME – regroupant
les Bourses de Madrid, Barcelone, Bilbao et Valence)
afin de créer un opérateur solidement ancré sur l’Europe continentale avec le contrôle de cinq groupes
boursiers nationaux.
Euroclear pourrait être également impacté si la fusion
LSE-Deutsche Börse va à son terme. En effet le nouveau groupe cherchera probablement à capitaliser
sur sa filiale Clearstream pour y réorienter les flux de
règlement-livraison aujourd’hui captés par Euroclear
UK&I, dès que la plate-forme Target 2 Securities (T2S)
le permettra. Une source de revenus en moins pour
Euroclear alors qu’il cherche de nouveaux relais de
croissance. Euroclear est aujourd’hui concentré sur sa
migration vers T2S, ne pourrait-on pas imaginer qu’il
cherche ensuite à renforcer ses liens capitalistiques
avec Euronext pour recomposer un silo sur ce marché ?
QUEL POSITIONNEMENT DES RÉGULATEURS ?
S’il représente une alternative intéressante à la pression
croissante des géants américains, le projet de fusion
LSE-Deutsche Börse devra être validé par pas moins
de vingt régulateurs et autorités nationales, y compris
les organes de contrôle américains et de Singapour
concernés par certaines activités des deux groupes.
Clearing et risque systémique
Le principal point d’attention concerne le risque systémique généré par la concentration des activités de
compensation de dérivés au sein d’un même groupe,
notamment au vu des volumes considérables de dérivés OTC qui vont être concernés par l’obligation de
compensation instaurée par EMIR.
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« La pression croissante
des géants américains
ICE et CME pour s’imposer
en Europe oblige les acteurs
historiques à réagir. »
En outre, la structure en silo vertical du nouvel ensemble
pourrait aller à l’encontre du principe d’« open access »,
c’est-à-dire l’ouverture de la compensation d’un marché à la concurrence entre CCP, prôné par le régulateur
afin de mitiger ce risque de concentration.
Portfolio margining
L’opportunité de proposer du « cross margining » pourrait également être remise en question par les régulateurs, car cela nécessiterait de connecter les pools de
collatéral entre dérivés listés et dérivés OTC pour couvrir les éventuels défauts et donc rompre l’étanchéité
entre les fonds de garantie de ces deux segments, ce à
quoi le régulateur pourrait s’opposer.
Anti-trust
Ce fut le motif de veto invoqué par la Commission
européenne pour le dossier de fusion Nyse Euronext
et Deutsche Börse en 2012. Si ce sujet va être regardé
de près dans le cadre du projet LSE-Deutsche Börse,
des concessions sont envisageables pour emporter
l’adhésion du régulateur, notamment l’abandon de
la filiale LCH SA ou encore de Borsa Italiana au profit
des autres opérateurs historiques.
BREXIT OR NOT ?
Enfin, l’éventualité d’un Brexit pose plusieurs questions :
quelle localisation géographique du nouvel ensemble ?
Le régulateur allemand pose comme condition que la
chambre de compensation soit opérée depuis Francfort au sein de l’Eurozone et proche de la Banque Centrale Européenne et des régulateurs européens. Dans
une Europe en décomposition, les investisseurs US
resteront-ils intéressés par cette fusion ? Quel intérêt
pour les investisseurs allemands de fusionner avec une
Bourse hors Europe ? Quel impact sur les volumes et
le business model de la fusion ? l
Propos recueillis par E. C. le 27 avril 2016.
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