POUVOIR ÉMULSIFIANT DU JAUNE D`OEUF
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POUVOIR ÉMULSIFIANT DU JAUNE D`OEUF
POUVOIR ÉMULSIFIANT DU JAUNE D'OEUF Les émulsifiants sont des molécules qui possèdent deux groupements ayant des caractères totalement différents : l'un a de l'affinité pour l'huile ("lipophile") l'autre pour l'eau ("hydrophile"). Dans le jaune d'œuf c'est essentiellement la lécithine*, un phospholipide, qui joue ce rôle. La partie glycérol-phosphate est hydrophile alors que les acides gras sont hydrophobes. On représente souvent les phospholipides par une boule, la portion hydrophile, et deux "pattes", les acides gras hydrophobes. Que se passe-t-il lors de la réalisation de la mayonnaise ? Lorsqu’on mélange l’huile et le jaune d’œuf, on mélange en réalité de l’huile, de l’eau et des lécithines. Lorsqu’on fouette le mélange, les molécules tensioactives forment une fine couche et enrobent les gouttelettes d’huile, en mettant à leur contact leur partie hydrophobe : il se forme des micelles. Ces petites sphères cachent les lipides aux yeux de l'eau car seules les parties hydrophiles sont en contact avec l'eau. Les portions hydrophobes sont liées au gras (donc dirigées vers l'intérieur). Les micelles sont donc parfaitement miscibles à l'eau Naturellement, ces micelles se repoussent et se dispersent dans l’eau (car les têtes hydrophiles sont toutes chargées positivement), forment des liaisons hydrogène avec les molécules d’eau ce qui assure la stabilité de la mayonnaise. Phase dispersée Gouttelette d’huile Phase continue La mayonnaise est formée de micelles en suspension dans l'eau C'est une émulsion de type H/E Émulsions au jaune d'oeuf Remarque : émulsions au blanc d'oeuf Les protéines tensioactives du blanc d'œuf (qui permettent les mousses) peuvent également jouer le rôle d'émulsifiant pour monter une mayonnaise. Par contre, le goût est plutôt insipide si l'huile n'est pas parfumée. On peut l'utiliser pour faire ressortir une saveur subtile : mayonnaise à la truffe, aux mousserons, à l'huile d'argan, de noisette, de basilic, etc… Car pour la mayonnaise classique, les notes subtiles peuvent être masquées par le goût prononcé du jaune et de la moutarde. Notons que ces tensioactifs supportent bien la chaleur et qu'on arrive même à les faire gélifier (coaguler) ! (*) La lécithine, émulsifiant naturel, est un terme générique qui désigne un mélange de lipides neutres (triglycérides essentiellement), polaires (les phospholipides) et d’hydrate de carbone. Tiré du grec « lekithos », le mot lécithine signifie jaune d’œuf : il désignait les lipides extraits du jaune d’œuf et contenant du phosphore que l’on nomme phospholipides. Aujourd’hui même si l’œuf reste une source de lécithine, ce n’est pas la source première. Les phospholipides sont des composants essentiels de toutes les membranes cellulaires : ils sont présents dans les plantes, les animaux et les microorganismes. Les principales sources industrielles d’extraction de ces phospholipides sont les graines oléagineuses (soja, tournesol, colza), le jaune d’œuf, la cervelle et la biomasse. Infos extraites à partir du site : http://www.cuisine-et-molecule.fr/ingredients/emulsifiants/66-la-lecitihine Mise à part la propriété émulsifiante, voici quelques propriétés importantes de la lécithine. Agent mouillant La lécithine ajoutée à des poudres sèches (poudres de lait, soupes, sauces, etc…) permet d’améliorer leur mouillabilité et dispersibilité dans l’eau. En effet, les poudres trop hydrophiles comme la poudre de lait écrémé ont tendance à former des grumeaux lorsqu’elles sont dispersées dans l’eau. En présence de lécithine, les parties hydrophiles s’adsorbent à la surface du grain et les parties hydrophobes diminuent l’affinité pour l’eau d’où une meilleure séparation des grains lors de la dispersion. Au contraire, dans le cas des poudres trop hydrophobes comme la poudre de lait entier, les parties hydrophobes (lipophiles) se lient à la matière grasse du grain et les parties hydrophiles augmentent l’affinité du grain pour l’eau d’où une meilleure mouillabilité de la poudre. Agent anti-rassissement La lécithine maintient la capacité de l’amidon, contenu dans le pain, à lier l’eau. En effet, elle se lie à la structure en hélices des chaînes d’amylose, molécule constituant l’amidon. Le complexe formé permet ainsi de garder la structure intacte de l’amylose au cours du temps et laisse sa capacité à lier l’eau. Agent de contrôle de la cristallisation La lécithine permet de contrôler la formation de cristaux petits et réguliers et influence donc positivement la texture finale des produits. C’est par exemple le cas des pâtes à pain congelés, la lécithine limite la taille des cristaux de glace et protège ainsi le réseau de gluten et les levures du pain. Agent de démoulage La lécithine empêche certains produits alimentaires en boulangerie, biscuiterie ou confiserie, notamment, de coller aux parois. La lécithine s'interpose entre le produit et la surface du moule et joue alors un rôle de lubrifiant. Applications alimentaires Domaine Poudres instantanées Matières grasses végétales Chocolaterie Boulangerie Viande Gommes à mâcher Diététique Applications -poudres de lait entier/écrémé -boissons chocolatées -sauce/soupe -baby food margarine normale 80% et margarine allégée 40% enrobage de biscuits au chocolat -pains -biscuits -émulsions de viande (pâtés, saucisses) -saumure riche en MG -produits panés -chewing gum -granulés -comprimés - capsules - gélules Propriétés de la lécithine Dosage Stabilise dispersion après reconstitution Meilleure mouillabilité 0,5% Stabilité de l’émulsion Coloration Anti-éclaboussure Réduction de la viscosité Optimisation de la limite d’écoulement Extensibilité des pâtes Anti-rassissement Homogénéité Bonne répartition de la MG Stabilité de l’émulsion Evite que la panure colle Diminution du collant Amélioration de la souplesse Anticholestérol/Athérosclérose Mémoire, prévention calculs biliaires Récupération musculaire Antiradicalaire 2% 0,5% 0,3% 1% Jusqu’à 100% OUVERTURE SUR D'AUTRES ÉMULSIONS Les émulsions alimentaires les plus courantes sont la crème, le lait, le beurre, les crèmes glacées, les mayonnaises, la chair à saucisse, les charcuteries, le chocolat…. Les deux types d'émulsion En fonction des postions de la phase aqueuse et de la phase huileuse on peut observer : - une émulsion eau dans huile (E/H) si la phase phase continue est l’huile - une émulsion huile dans eau (H/E) si phase la phase continue est l’eau Exemples : Légende Gouttelette d'eau Globule gras LAIT Type d’émulsion : Huile dans eau (H/E) BEURRE CREME Huile dans eau (H/E) Phase grasse Phase aqueuse Eau dans huile (E/H) Exemples d'agents émulsionnants en fonction du type d'émulsion. Émulsion H/E Émulsion E/H Gomme, mucilage Dextrines Pectines Lécithines (Soja, jaune d'œuf) Protéines Stérols Glycérophospholipides du Soja Stabilité des émulsions Pour que l'émulsion se maintienne le plus longtemps possible, On peut jouer sur les paramètres suivants : ajouter l’huile progressivement à la phase aqueuse car il est plus facile de diviser un peu d’huile en gouttelettes microscopique dans beaucoup d’eau que l’inverse. diminuer la taille des gouttelettes d'huile. L'agitation est donc une étape primordiale. faire épaissir la phase aqueuse (avant l'ajout du sabayon). Cela augmente la viscosité, donc les gouttelettes seront plus rapprochées et auront moins tendance à rentrer en contact les unes avec les autres. L'émulsion épaissit. augmenter la quantité d'émulsifiant. Les molécules tensioactives recouvrent plus rapidement et plus régulièrement les gouttes d’huile si le tensioactif est présent en grande quantité. ajouter un acide (vinaigre, jus de citron…). La charge électrique des tensioactifs augmente et ces molécules se repoussent davantage. Par contre, on augmente la quantité d'eau dans le mélange et la mayonnaise paraîtra plus fluide. ne pas trop chauffer l'émulsion, car cela augmente l'agitation des molécules et donc des gouttes d'huiles. Elles risquent donc de s'entrechoquer plus souvent ! Destabilisation des émulsions Le crémage : c'est la séparation des gouttelettes sous l'effet de forces de gravité. Les gouttelettes vont soit remonter à la surface, soit tomber au fond. Les conseils ci-dessus devraient permettre de limiter ce phénomène. La floculation (appelée aussi mûrissement d'Ostwald). Lorsque la phase dispersée possède une solubilité, même très légère, dans la phase continue. La matière va progressivement migrer des plus petites gouttes vers les plus grosses. Pour éviter ce phénomène, on peut ajouter dans les gouttes une substance totalement insoluble dans la phase continue. La coalescence. C'est le résultat de la rupture du film liquide qui sépare deux gouttes très proches. Pour éviter ce phénomène, si l'émulsion le permet, on peut essayer de faire cristalliser des gouttes de matière grasse (ganaches). On aura alors une gélification d'une partie du matériau. On dit que c'est une structure bicontinue. Exemples d'émulsions sans jaune d'oeuf Émulsions mousseuses En ayant compris la différence entre mousse et émulsion, on peut essayer de combiner les deux. En effet, les molécules tensioactives peuvent être spécifiquement des agents moussants, ou bien spécifiquement des agents émulsifiants…. ou bien les deux ! C'est la cas de la lécithine de soja (ou de tournesol). On peut faire mousser une émulsion. Par exemple la chantilly est possible grâce à l'action de la caséine, tensioactif contenu dans la crème et le lait. Cette molécules sert aussi bien à stabiliser la mousse (air/eau) que l'émulsion (graisse/eau). Si la phase continue est dense, on obtiendra une pâte tartinable du genre Nutella, beurre de cacahouètes, pâte de spéculoos, etc…. Pour aller plus loin et laisser libre court à son imagination, on utilisera volontiers un siphon pour limiter la quantité de matière grasse, et/ou des gélifiants de type agar-agar. D'après des idées originales de Raphaël Haumont et Thierry Marx, on pourra par exemple former : - une mousse au chocolat sans œuf, - une mousse gélifiée de fruits ou de légumes - une mousse de foie gras au vin blanc Monbazillac, - une mousse de brie au cidre, et pourquoi pas …. - une émulsion mousseuse de votre invention !