Les arrière-grands-pères Le point de vue de leurs arrière
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Les arrière-grands-pères Le point de vue de leurs arrière
Synthèse Les arrière-grands-pères Le point de vue de leurs arrière-petits-enfants Copyright © 2017 John Libbey Eurotext. Téléchargé par un robot venant de 78.47.27.170 le 08/02/2017. MARIE-CLAUDE MIETKIEWICZ LINDA VENDITTI Université de psychologie Nancy 2 Tirés à part : Marie-Claude.Mietkiewicz@ univ-nancy2.fr Résumé. L’allongement de l’espérance de vie se traduit par l’augmentation considérable du nombre des personnes très âgées et la banalisation des familles à quatre générations, mais on connaît peu les rôles et les fonctions des arrière-grands-parents. Les auteurs se sont intéressés spécifiquement aux arrière-grands-pères et au point de vue de leurs arrièrepetits-enfants. Des entretiens avec trois bisaïeuls autonomes et vivant à leur domicile à proximité de leur descendance et avec huit de leurs arrière-petits-enfants visent à éclairer la place des aînés dans la famille. Les dessins et les propos des jeunes enfants (âgés de 5 à 14 ans), en convergence avec les propos des arrière-grands-pères permettent d’avancer l’idée que si la place des aïeuls dans la généalogie est parfaitement appréhendée, leurs rôles dans la famille paraissent difficiles à cerner, sans doute du fait de leur ténuité. En revanche, parce qu’ils sont perçus comme les « vrais » vieux, les arrière-grands-pères remplissent certainement auprès de leurs arrière-petits-enfants jeunes une fonction de découverte de l’âge avancé. Mots clés : arrière-grand-parent, rôle, famille, arrière-petit-enfant Summary. The extension of life expectancy results in a substantial increase in the number of very elderly people and four-generation families becoming commonplace. Yet, we know little about great-grandparents’ roles and the parts they play in the family. The authors have taken a specific interest in great-grandfathers and in their great-grandchildren’s viewpoint. Interviews with three independent great-grandfathers living at home near their descendents as well as with eight of their great-grandchildren aim to shed some light on the eldests’ situation in the family. The drawings and observations of young children (aged 5 to 14), along with the interview of their great-grandfathers, enable the authors to suggest that, although the great-grandfathers’ position in the genealogy is perfectly well grasped, their role in the family seem more difficult to define; doubtless, due to its tenuousness. Separated by two intervening generations, young children and the parents of parents of one of their own parents seem not to have many verbal interactions nor shared activities, even if they meet every day. On the other hand, because they are perceived as being the “real” old people, great-grandfathers likely play a part in the way young great-grandchildren learn about old age. Children prove their ability to pick out the signs of old age in their greatgrandparent: changes in the physical appearance, difficulties in moving and sensory weaknesses; and this keen perception of the troubles linked with ageing introduces them to an understanding of human finality. Key words: great-grandparent, role, family, great-grandchild Les arrière-grands-pères, des méconnus Les données démographiques récentes témoignent de la progression constante de l’espérance de vie ; si, en France, en 1950, le nombre des centenaires était estimé à 200, il est évalué à 6 840 au 1er janvier 1998 et devrait se situer à 150 000 en 2050 selon une projection fondée sur le recensement de 1999 [1]. La réalisation de Psychol NeuroPsychiatr Vieillissement 2004 ; vol. 2, n° 4 : 275-83 cette prévision aboutirait, en un siècle, à une multiplication par 750 du nombre des centenaires. Dans les faits, cette augmentation de la probabilité de vivre jusqu’à un âge avancé se traduit par la banalisation des familles à quatre générations et le caractère de moins en moins exceptionnel des familles à 5 générations (on en recense environ 25 000). Les bisaïeux et parfois trisaïeux, sont actuellement plus de deux millions, ils ont pour les deux tiers d’entre eux plus de 75 ans. Si les femmes sont constamment en supériorité 275 Copyright © 2017 John Libbey Eurotext. Téléchargé par un robot venant de 78.47.27.170 le 08/02/2017. M.-C. Mietkiewicz, L. Venditti numérique, il n’en demeure pas moins qu’un peu plus de 30 % des hommes âgés de 75 à 79 ans, près de la moitié des 80-84 ans et 55 % des plus de 85 ans sont des arrière-grands-pères [2]. À la naissance, on sait que se penchent sur le berceau d’un nouveau-né, en moyenne, 3,8 grandsparents et 3,2 arrière-grands-parents, mais on ne connaît pas grand chose des rôles éventuels que peuvent jouer les bisaïeux auprès de ces enfants de leurs petits-enfants. De nombreux travaux récents explorent différentes dimensions de la grand-parentalité, la plupart des recherches portent sur des constellations familiales dans lesquelles les petits-enfants sont de jeunes enfants qui sont au cœur des pratiques de solidarité familiale. Il est parfois question des relations entre les grands-parents et leurs petits-enfants adolescents [3] ou entre trois générations d’adultes [4], mais dans ces recherches, les arrière-grands-parents n’apparaissent pas comme des figures prises en compte en tant que telles. Elles ne sont évoquées qu’à travers un changement de place dans la généalogie : les grands-parents deviennent, de fait, arrière-grands-parents lorsqu’un de leurs petits-enfants accède au statut de parent. Roussel [5] distingue clairement deux temps dans la grand-parentalité et invite à ne pas confondre en une catégorie unique les grands-parents de 55 ans dont les petits-enfants sont de jeunes bambins et les grandsparents de 75 ans dont les petits-enfants sont de jeunes adultes qui peuvent être eux-mêmes parents. AttiasDonfut et Ségalen [4] préfèrent évoquer trois périodes de la grand-parentalité en fonction du statut professionnel et de l’état de santé des grands-parents plutôt qu’en référence à des âges chronologiques. Après une première période, au cours de laquelle les grandsparents sont « multiactifs » et tiraillés entre vie professionnelle, vie de famille et responsabilités diverses, le temps de la retraite est celui d’une période plus sereine : ils bénéficient la plupart du temps de ressources correctes et d’une condition physique satisfaisante et exercent de nombreux rôles au sein de la famille et dans le réseau social, en particulier associatif. La troisième période est marquée par la perte de contact avec les petits-enfants devenus grands et la survenue fréquente des ennuis de santé et c’est la plupart du temps au cours de cette période que les grands-parents deviennent des arrière-grands-parents. Les relations entre les arrière-grands-parents et leurs arrière-petitsenfants paraissent, à travers les résultats de cette même recherche, la plupart du temps assez pauvres puisque seulement 9 % des aïeux disent garder régulièrement ou occasionnellement leurs arrière-petits- 276 Points clés • D’après cette étude préliminaire, l’écart d’âge et la distance générationnelle semblent limiter les conversations et les activités partagées entre les arrière-grands-parents et leurs arrière-petitsenfants. • Les arrière-grands-pères expriment surtout leur fierté d’être à la tête d’une grande famille. • Leurs arrière-petits-enfants semblent les voir à cette même place d’ancien de la tribu et découvrir à travers eux la vieillesse et les changements et difficultés qui l’accompagnent. enfants alors que 20 % d’entre eux déclarent ne les garder jamais et n’avoir aucune activité avec eux. Les simples rencontres avec activités partagées apparaissent comme la modalité relationnelle la plus fréquente (41 %) alors que près d’un tiers des arrière-grandsparents (30 %) considèrent que leurs arrière-petitsenfants sont trop petits pour que des relations soient envisageables. Le rôle d’arrière-grand-parent paraît s’inscrire dans la continuité de celui de grand-parent et ces auteurs constatent que : « Quand l’état de santé le permet, ceux qui ont été actifs avec leurs petits-enfants ont tendance à jouer davantage avec leurs arrièrepetits-enfants (28 % contre 14 % parmi ceux qui se sont peu occupés de leurs petits-enfants) ou à les garder plus souvent (15 % contre 3 %) » [4]. Alors que le rôle symbolique d’ancêtre vivant et d’historien de la famille peut être avancé, « les arrièregrands-parents sont le plus souvent en retrait, non seulement à cause de leurs forces déclinantes, mais aussi parce que les grands-parents les relèguent en position seconde (ou troisième) » écrivent encore ces mêmes auteurs qui poursuivent : « si le rôle de grand-parent est imprécis, celui d’arrière-grand-parent l’est encore davantage ». Des arrière-grands-mères, on a pu écrire qu’elles paraissaient n’avoir pas de fonction spécifique et que se négociaient entre les grands-mères et leurs mères les rôles auprès des jeunes enfants selon que les grands-mères étaient disposées à occuper la place ou à la laisser vacante et que les arrière-grands-mères disposaient de capacités physiques compatibles avec la prise en charge de jeunes enfants [6]. Les arrière-grands-pères ont fait couler encore moins d’encre que leurs compagnes ce qui n’est pas pour nous surprendre dans la mesure où les grandspères eux-mêmes ne font l’objet de travaux spécifiques que depuis quelques années [7]. Psychol NeuroPsychiatr Vieillissement 2004 ; vol. 2, n° 4 : 275-83 Copyright © 2017 John Libbey Eurotext. Téléchargé par un robot venant de 78.47.27.170 le 08/02/2017. Les arrière-grands-pères C’est donc aux arrière-grands-pères que nous allons nous intéresser, à travers le point de vue de leurs arrière-petits-enfants. Nous proposons d’approcher les représentations que des enfants qui fréquentent régulièrement un bisaïeul ont de ses rôles dans la famille et de l’éventuelle spécificité de sa place dans la lignée. En choisissant de solliciter les seuls arrière-petits-enfants, nous ne prétendons pas cerner l’ensemble des représentations que les différents membres de la famille ont de l’arrière-grand-père et de sa position singulière dans le réseau familial. Beaucoup plus modestement, nous tentons de rendre compte de la place qu’occupe, aux yeux de ses arrière-petits-enfants, l’arrière-grand-père en légitimant cette démarche par le fait généalogique qui fait que, pour les parents de ses arrière-petitsenfants, il est et reste un grand-père et pour le grandparent de ses arrière-petits-enfants, il est et demeure un père. Autrement dit, nous n’essayons pas de comprendre comment l’ensemble des membres d’un réseau familial perçoivent la place du plus ancien, mais simplement comment les jeunes enfants construisent leur représentation de l’arrière-grand-père, représentation qui n’est, bien sûr, pas indépendante de la façon dont les parents et grands-parents envisagent et considèrent l’aîné de la lignée. La population d’étude : des arrière-grands-pères autonomes et proches Pour conduire cette recherche exploratoire, nous avons choisi de renoncer de manière extrêmement délibérée à toute tentative de produire des données quantitatives sur une vaste population d’arrière-grandspères et d’arrière-petits-enfants. Notre démarche procède d’une sélection des sujets de manière à assurer une proximité géographique assortie d’une fréquence relationnelle entre les générations telles que des jeunes enfants connaissent suffisamment leur bisaïeul pour l’évoquer et en produire une représentation étayée sur une certaine familiarité. D’autre part, nous avons cherché à rencontrer les arrière-petits-enfants de bisaïeux autonomes pour les gestes de la vie quotidienne qui vivent à leur domicile afin de neutraliser l’éventuelle incidence des pathologies associées au grand âge sur les relations intergénérationnelles. Pour ne citer que cette pathologie dont on connaît l’évolution de la prévalence en fonction de l’âge, il nous paraissait essentiel de tenter de nous garantir de l’éventualité d’une rencontre avec un arrière-grand-père porteur d’une démence sénile de type Alzheimer. Cette Psychol NeuroPsychiatr Vieillissement 2004 ; vol. 2, n° 4 : 275-83 affection dégénérative et les troubles mnésiques qui la caractérisent sont en effet, par exemple, de nature à empêcher l’aïeul d’exercer une éventuelle fonction d’historien de la famille telle que l’évoquent AttiasDonfut et Ségalen [4]. Parmi les familles à quatre générations dont nous avons eu connaissance (voisins, personnes indiquées par des amis sollicités pour nous aider à trouver la population d’étude, amis de proches de la même génération), nous avons pu rencontrer trois arrière-grandspères. Ils ont en commun de vivre dans une maison aménagée en appartements dans laquelle un niveau leur est réservé et où l’étage supérieur est occupé par un de leurs enfants. Ces trois arrière-grands-pères paraissent, pour autant que nous puissions en juger, en relative bonne santé, sont indépendants et ne bénéficient d’aucune aide pour effectuer les actes de la vie quotidienne. Ils sont authentiquement présents dans le réseau familial, leurs arrière-petits-enfants les rencontrent fréquemment, en particulier quand ils rendent visite à leurs grands-parents qui résident dans la même maison. Les critères d’inclusion mis en œuvre ôtent à cette recherche exploratoire toute prétention de généralisation des résultats à l’ensemble de la population des arrière-grands-pères. De plus, ils introduisent une homogénéité forte puisque les trois arrière-grandspères habitent sous le même toit qu’un de leur descendant, ce qui est certainement plus fréquent à la campagne et dans les milieux modestes où les modalités de solidarités intergénérationnelles s’accomplissent plus volontiers dans des relations de proximité [8]. Les arrière-petits-enfants dessinent et racontent leurs arrière-grands-pères Nous avons eu, avec ces trois arrière-grands-pères un entretien qui sera brièvement évoqué à travers la définition que chacun d’eux nous a proposée de l’arrière-grand-parentalité ; nous les appellerons Messieurs Annot, Alessi et Audiberti, ils ont respectivement 5, 12 et 3 arrière-petits-enfants, dont les âges s’échelonnent de quelques mois à 14 ans. Nous avons sollicité la participation de tous ceux de leurs arrière-petits-enfants qui nous semblaient pouvoir exprimer leur représentation de leur arrière-grandpère, ce qui nous a conduit à rencontrer ceux qui étaient âgés d’au moins 5 ans. Ce sont 8 arrière-petits-enfants (3 des 5 de monsieur Annot, 3 des 12 de monsieur Alessi et 2 des 3 de monsieur Audiberti) qui ont ainsi participé à notre recherche. Nous avons demandé à 277 Copyright © 2017 John Libbey Eurotext. Téléchargé par un robot venant de 78.47.27.170 le 08/02/2017. M.-C. Mietkiewicz, L. Venditti chacun de ces enfants de nous dessiner leur arrièregrand-père, puis de réaliser un second dessin de leur arrière-grand-père en famille, et enfin de nous raconter leurs dessins et de nous éclairer sur la façon dont ils perçoivent la spécificité de ses place et fonction dans le réseau familial. Le recours à cette double modalité d’expression (graphique et verbale) dont nous avons déjà éprouvé l’intérêt dans d’autres recherches nous permet de solliciter les enfants sans conduire d’interrogatoire où ils pourraient avoir le sentiment de devoir produire des bonnes réponses. Parce que le dessin est un mode d’expression ludique de l’enfant, il y livre de manière spontanée sa vision du monde et exprime parfois plus facilement qu’avec des mots ses perceptions ; le dessin réalisé est aussi un excellent support à l’entretien qui le complète et avec lequel il présente une relation de complémentarité comme celle du texte et des illustrations qui racontent la même histoire dans un album. Afin de respecter l’anonymat des sujets, nous avons modifié non seulement les noms patronymiques, mais aussi tous les prénoms. Pour faciliter le repérage des générations, nous avons choisi pour les arrière-petitsenfants des prénoms dont la lettre initiale est un A et les trois arrière-grands-pères sont désignés par des prénoms commençant par la lettre D. Monsieur Damien Annot, un pépé et c’est tout Monsieur Annot, ancien mineur et paysan, comme il se plaît à se définir lui-même, habite un petit bourg, en lisière de forêt. Marié, père de deux enfants, grandpère de quatre petits-enfants, il est aussi l’arrièregrand-père de 5 arrière-petits-enfants dont les âges s’échelonnent entre 1 et 10 ans. La totalité de sa descendance habite le même village, ce dont il n’est pas peu fier : « Nous, on est tous groupés dans mon village, y en a pas un qui me bat ici, je ne crois pas qu’il y en a un qui a autant d’enfants, chacun chez soi, mais on se rassemble souvent. » Être arrière-grand-père signifie pour lui « génération » et « succession », c’est « bien » et dans l’ordre des choses car il le dit nettement : « Moi, j’accepte comme ça vient (...). Moi je ne suis pas là pour me casser la tête hein ! Ce qui doit venir, ça vient, tant qu’il y en a plus, tant mieux, il vaut mieux avoir des gosses et que la vie continue » ajoute-t-il. Âgé de 87 ans, il occupe avec sa femme, de dix ans sa cadette, un appartement au rez-de-chaussée d’une maison dans laquelle habitent, à l’étage supérieur, son 278 fils et sa belle-fille. Un de ses petits-enfants occupe avec sa femme et leurs trois enfants une maison située à quelques centaines de mètres de sorte que quatre générations résident ainsi dans un périmètre restreint, de part et d’autre du grand jardin commun. Amandine (5 ans), sa sœur, Anne (6 ans) et Arnaud (10 ans), leur cousin, ont dessiné, à notre demande leur arrière-grand-père, qu’ils appellent « pépé » ; Aline (3 ans) a aussi fait un dessin sans tenir vraiment compte de la consigne et a surtout taillé les crayons, Agathe (1 an) n’a pas été sollicitée. Chacun des trois aînés nous a dessiné et raconté son « pépé ». Amandine est ennuyée par la consigne car elle ne « sait pas dessiner les bonhommes en garçon », elle opte donc pour une représentation de sa maman « qui prépare une fête » pour l’anniversaire de pépé, et elle ajoute : « Il est content et il va dire bonjour à tout le monde. » Sollicitée pour en dire un peu plus sur son arrière-grand-père, elle se borne à répondre : « Moi j’ai un pépé et c’est tout. » Anne représente son arrière-grand-père muni de sa canne, dans le jardin où il va « cueillir des pommes pour faire de la soupe aux pommes » ; elle ajoute : « Il faut qu’il pense à faire attention sur l’échelle. » Puis, sur une deuxième feuille, elle le dessine, toujours avec sa canne, quand « il part faire sa promenade » dont elle dit : « Ça va lui faire du bien, il est content. » Sur une troisième et dernière feuille, elle représente le couple arrière-grand-parental dans la maison. Quant à raconter ce qu’elle fait avec son pépé, elle réfléchit et dit : « Il a du mal à marcher, il ne vient pas se promener avec nous, il n’a jamais joué avec nous, il nous regarde jouer, des fois. » Arnaud dessine l’arrière-grand-père et sa canne sur une plage de sable à côté d’un parasol, en commentant : « Il veut aller se baigner, il n’a jamais été à la plage », et en ajoutant : « Le grand-père n’est pas encore vieux, l’arrière-grand-père, lui, est vieux. » Sur un second dessin, Arnaud dessine ses parents et ses arrière-grands-parents qui « discutent devant la maison », « le grand-père veut aller se promener, peut-être que les autres le dérangent. Ils vont boire un café, et lui, il va se promener, et moi, je vais jouer avec mes cousines » (figure 1). Ces trois jeunes enfants produisent de leur arrièregrand-père des représentations qui s’ancrent peu dans la réalité vécue. Amandine transgresse la consigne et dessine un personnage féminin, Anne le représente dans une activité de cueillette de pommes peu réaliste car on voit mal comment il peut « faire attention à l’échelle avec sa canne » ainsi qu’elle le suggère avant de reconnaître qu’elle n’a « jamais vu son grand-père cueillir des pommes, mais qu’il va souvent dans les Psychol NeuroPsychiatr Vieillissement 2004 ; vol. 2, n° 4 : 275-83 Les arrière-grands-pères Copyright © 2017 John Libbey Eurotext. Téléchargé par un robot venant de 78.47.27.170 le 08/02/2017. champs ». Arnaud propose également une situation étrangère au quotidien de son aïeul en le dessinant à côté d’un parasol sur une plage tout en disant qu’il n’y est jamais allé. La canne et les difficultés locomotrices présentes dans les dessins et les propos d’Anne et Arnaud sont peu compatibles avec les mises en situations graphiques proposées, comme s’ils ne tenaient pas compte de ce qu’ils savent de leur arrière-grandpère lorsqu’ils dessinent, à moins que cette connaissance ne soit trop superficielle pour s’inscrire dans les productions graphiques. Monsieur Donatello Alessi, nono et bisnono Aujourd’hui âgé de 81 ans, cet ancien mineur né en Toscane est arrivé en France en 1948, il est marié depuis plus de 60 ans, père de 7 enfants, grand-père de 18 petits-enfants et arrière-grand-père de 12 arrière-petitsenfants. L’entretien se déroule dans sa langue maternelle car il est plus à l’aise pour s’exprimer en italien ; « plutôt fier d’avoir une grande famille », ce bisnono (arrière-grand-père) se définit comme « il babbo del babbo del babbo » (le père du père du père) mais il est désigné par tous, y compris à l’extérieur du cercle familial, comme le nono (grand-père) et s’il dit qu’il a été très content de devenir bisaïeul, l’événement, lorsqu’il est advenu pour la première fois, l’a surtout « fait devenir encore plus vieux ». Il s’étonne d’être encore en vie, ce qui lui paraît une sorte d’exploit, surtout en regard de la profession qu’il a exercée : « Lorsque les mineurs avaient un certain âge, ils partaient plus vite. » Si être un arrière-grand-père « c’est quelque chose de beau, ça signifie avoir un certain âge », la problématique de l’âge est au centre de son propos. Il dit devoir sans cesse justifier de ses années car on ne le croit pas lorsqu’il énonce son âge, en même temps, il répète volontiers que : « À quatre-vingts ans, c’est fini. » Il serait ainsi un « trop vieux » qui paraît plus jeune ? Cinq de ses arrière-petits-enfants parmi lesquels trois ont entre 5 et 14 ans habitent dans le même village, les autres résident à une distance minimale de 700 km, voire à l’étranger. Amélie (11 ans), sa sœur Aude (14 ans) et leur cousin Anthony (10 ans) ne connaissent pas l’histoire de leur arrière-grand-père avec lequel ils disent tous les trois ne pas discuter ; ils mettent en avant les difficultés de communication liées à la langue sans paraître en être affectés. Pour Amélie, qui dessine son arrière-grand-père dans un fauteuil en face du téléviseur, son nono est vieux, « c’est le plus vieux, il est toujours assis dans Psychol NeuroPsychiatr Vieillissement 2004 ; vol. 2, n° 4 : 275-83 son fauteuil, ne dit rien et a envie d’être tranquille parce qu’il regarde la télé » ; elle ajoute aussi qu’il est « gentil » et qu’elle ne parle pas avec lui. Aude confirme cette représentation, elle dessine son arrière-grand-père (debout), son fauteuil et son téléviseur allumé en second plan ; elle le dit « très vieux, très âgé et gentil » et affirme, comme sa sœur qu’il ne fait « rien d’autre que regarder la télé, en particulier le tiercé ». Interrogée sur son rôle dans la famille, elle considère que c’est « juste d’être un arrière-grandpère » et que « ça agrandit la famille » (figure 2). Anthony, à l’unisson de ses cousines, représente son nono assis sur un fauteuil dont il précise qu’il est « électrique » mais il ajoute qu’il « aimerait aller se promener en voiture et faire des tours », semblant, par cette remarque, considérer que cette inactivité par défaut ne satisfait pas vraiment son arrière-grand-père. Il le définit comme « quelqu’un d’âgé, comme si on avait un papi en plus » et estime que « c’est beaucoup mieux et assez rare d’en avoir un » sans pouvoir expliciter ce plus autrement qu’en répétant : « c’est rare, des fois, il n’y en a pas souvent ». Le caractère figé de cette relation se traduit sur les autres dessins que produisent ces trois enfants, ils choisissent tous les trois de dessiner des personnages de face et sans aucun environnement : Amélie se dessine avec nono et nona, Aude explicite clairement l’idée d’un cliché photographique sur lequel elle figure avec son arrière-grand-père et sa sœur et à propos duquel elle ajoute : « On aimerait que tout le monde soit réuni pour faire une grande photo. » Anthony réalise (sans le savoir) le souhait de sa cousine : il représente de nombreux personnages appartenant aux quatre générations et évoque une grande réunion de famille qui serait une occasion de « jouer avec ses cousines » (figure 3). Très différents des dessins des enfants de la famille Annot, les productions des enfants Alessi s’appuient indéniablement sur une connaissance fine du quotidien de leur bisaïeul et de ses activités privilégiées. Malgré la proximité géographique, la communication semble empêchée par la barrière linguistique ; en effet, les arrière-petits-enfants sont francophones et les arrièregrands-parents italophones, de telle manière qu’il leur est nécessaire, pour converser, de faire appel à un interprète bilingue d’une des deux générations intermédiaires. Si le plaisir des réunions de famille est affirmé, il est le temps des photos de famille et surtout l’occasion des rencontres avec d’autres enfants, ce qu’exprime très nettement Anthony : « Je le vois de temps en temps, à chaque repas, je ne fais rien avec lui, je préfère jouer avec mes cousines. » 279 M.-C. Mietkiewicz, L. Venditti Copyright © 2017 John Libbey Eurotext. Téléchargé par un robot venant de 78.47.27.170 le 08/02/2017. Monsieur Donatien Audiberti, un « pépé content » Doyen de son village et ancien bûcheron, Monsieur Audiberti (88 ans) est veuf depuis un an ; il habite le premier étage d’une grande maison familiale dans laquelle résident, dans des appartements distincts, son fils avec son épouse et une de ses petites-filles. L’entretien avec Monsieur Audiberti révèle que, pour lui, devenir arrière-grand-père signifie être âgé : « Pour être arrière-grand-père, il faut déjà être assez ancien » et témoigne de l’origine de la lignée : « Un arrière-grand-père, c’est-à-dire... que t’as vécu, tu t’es marié, t’as mis au monde des enfants, les enfants ils se sont multipliés, les petits-enfants ils ont mis au monde des enfants et ça devient des arrière-grands-pères. » Être arrière-grand-père lui paraît à la fois « un honneur » et « un plaisir » mais il paraît soucieux de ne pas encombrer ses descendants et préoccupé par la crainte de perdre son autonomie et de devenir une charge pour eux. Alexia (7 ans) dessine son pépé Donatien dans une attitude très accueillante : « Il ouvre grands les bras pour dire bonjour, il est très content et pense que c’est gentil qu’on soit venu le voir », son frère, Arthur (10 ans) représente son pépé Donatien « aux boules avec ses copains » et il ajoute : « Il est content parce qu’il Arnaud (10 ans) aime bien. » L’une et l’autre le décrivent comme un personnage généreux (« Il donne toujours quelque chose ») et inséré dans le réseau familial et amical ; ils insistent tous les deux sur la différence d’âge avec leurs grands-parents : Alexia remarque : « Il est plus vieux que papi et mamie » alors qu’Arthur insiste sur le fait que « les autres [grands-parents] sont déjà moins vieux » (figure 4). Quant aux dessins sur le second thème (en famille), ils représentent tous (Arthur en fera successivement trois) d’importantes réunions de famille. Alexia dessine autour d’une table carrée au milieu de laquelle trône un bouquet « toute la famille en train de boire du café et du jus d’orange et de discuter », elle indique au-dessus de chacun des neuf personnages représentés leur identité et les quatre générations sont présentes et tous arborent un joli sourire. Quant à Arthur, s’il multiplie les dessins, il représente toujours son arrière-grand-père en abondante compagnie et dans des situations de Anthony (10 ans) Amandine (5 ans) Aude (14 ans) Anne (6 ans) Amélie (11 ans) Anne (6 ans) Figure 1. Dessins des arrière-petits-enfants de monsieur Annot. Figure 2. Dessins des arrière-petits-enfants de monsieur Alessi. Figure 1. Drawings by the great-grandchildren of Mr Annot. Figure 2. Drawings by the great-grandchildren of Mr Alessi. 280 Psychol NeuroPsychiatr Vieillissement 2004 ; vol. 2, n° 4 : 275-83 Copyright © 2017 John Libbey Eurotext. Téléchargé par un robot venant de 78.47.27.170 le 08/02/2017. Les arrière-grands-pères réunions familiales festives où les quatre générations sont réunies. Scène de pique-nique, veillée de Noël autour du sapin avec champagne et cadeaux ou découverte des œufs de Pâques disséminés dans le jardin ; les trois dessins d’Arthur nous semblent illustrer à la fois une grande proximité affective et aussi la capacité qui semble exister dans cette famille de développer des activités qui reposent sur des relations singulières au sein du groupe. En effet, chaque scène se décompose en plusieurs secteurs correspondant à une activité spécifique, les parents déchargent la voiture et mettent en place le pique-nique pendant que les enfants grimpent aux arbres et que les grands-pères et l’arrière-grandpère jouent à la pétanque alors que l’arrière-grandmère assise sur un banc discute avec la mamie. De la même manière à Noël, pépé est dessiné « dans un fauteuil et il va se lever pour boire le champagne », papi et mamie apportent des plateaux chargés de petits-fours, papa et maman discutent à côté du sapin, tata et tonton arrivent avec des cadeaux, et, à la fête pascale, les uns font du sport, les autres préparent le barbecue pendant que les troisièmes cherchent les œufs dissimulés dans la végétation. Lorsqu’il raconte ses dessins, Arthur utilise trois formules différentes pour évoquer la famille réunie, au pique-nique il y a « toute la famille dans un parc », à Noël « ils s’aiment tous » et à Pâques « tout le monde est là ». Il se montre satisfait d’avoir un arrière-grand-père, et dit que « c’est bien d’en avoir un parce qu’on a une plus grande famille » ; de plus, il le perçoit « content » même lorsqu’il est assis et ne fait rien, et généreux car chaque fête est pour lui l’occasion de gâter tout le monde : « Il offre toujours une enveloppe parce qu’il est content quand tout le monde est là » (figure 5). Les places, rôles et fonctions des arrière-grands-pères Bien que ces trois arrière-grands-pères appartiennent au même milieu social et résident dans des environnements similaires, nous avons pu établir trois por- Alexia (7 ans) Anthony (10 ans) Figure 4. Dessins de l’arrière-petite-fille de monsieur Audiberti. Figure 4. Drawings by the great-granddaughter of Mr Audiberti. Aude (14 ans) Amélie (11 ans) Arthur (10 ans) Figure 3. Dessins des arrière-petits-enfants de monsieur Alessi. Figure 5. Dessins de l’arrière-petit-fils de monsieur Audiberti. Figure 3. Drawings by the great-grandchildren of Mr Alessi. Figure 5. Drawings by the great-grandson of Mr Audiberti. Psychol NeuroPsychiatr Vieillissement 2004 ; vol. 2, n° 4 : 275-83 281 M.-C. Mietkiewicz, L. Venditti traits contrastés : dans le regard de leurs arrière-petitsenfants ils ne paraissent pas interchangeables. Copyright © 2017 John Libbey Eurotext. Téléchargé par un robot venant de 78.47.27.170 le 08/02/2017. Au-delà des singularités de chacune de ces familles et de la façon différenciée dont les jeunes enfants rendent compte de la représentation de leurs relations avec l’arrière-grand-père, nous pouvons relever quelques éléments de convergence. Si les arrière-grands-pères se disent tous les trois fiers d’être à la tête d’une famille à quatre générations et se réjouissent de la présence d’une descendance étagée, les 8 arrière-petits-enfants rencontrés ont tous parfaitement compris la place de ce bisaïeul dans la lignée. Ils le définissent non seulement comme l’aîné de la famille mais comme une sorte de source originelle dans la mesure où chacun d’eux peut expliquer la succession des générations et les liens de filiation. Perçu comme un engendreur d’engendreur d’engendreur, l’arrière-grand-père est au sommet d’une pyramide familiale, il est dans une certaine position hiérarchique et personne d’autre dans la famille n’a, par définition, plus de descendants que lui. En ce qui concerne les rôles des arrière-grandspères, l’écart d’âge et la distance générationnelle paraissent deux obstacles majeurs à leurs émergences. Les conversations (même quand il n’existe pas d’obstacle lié à la langue) semblent rares et les activités partagées (en dehors des repas qui réunissent les quatre générations) n’ont jamais été mentionnées. Les enfants ne font état ni de partage d’activités ludiques, ni de récits ou histoires à travers lesquels seraient racontée l’histoire familiale. Les deux arrière-petits-enfants de Monsieur Audiberti évoquent les cadeaux qu’ils reçoivent : du chocolat et de l’argent, Monsieur Annot dit que ses arrière-petits-enfants viennent plusieurs fois par jour chercher un bonbon, mais il est bien difficile, à travers ces récits, de mettre en évidence un rôle spécifique de l’arrière-grand-père. Alexia évoque un rôle possible : « Il peut nous garder au cas où mamie n’est pas là », pour immédiatement répondre à la question : « Et il t’a déjà gardée ? », « Non, mais ça se pourrait » et finalement conclure : « C’est pépé et il sert juste à être un pépé. » Aude rejoint totalement ce point de vue et affirme : « Un arrière-grand-père, ça sert juste à être un arrière-grand-père. » Ce point de vue paraît partagé par les ascendants qui occupent cette position et semblent se vivre en retrait de la scène, dans la génération inutile au sens où l’entendait Soulé [9]. Monsieur Audiberti exprime cette idée très clairement quand il dit : « Ils ont leurs pères et leurs mères, et leurs grandspères et leurs grands-mères, alors leur arrière-grandpère, il n’existe plus, et s’il existe, c’est seulement pour 282 dire, voilà, j’ai un arrière-grand-père. » Autrement dit, quand chacun est à sa place dans la généalogie et occupe les fonctions afférentes à cette place, les arrièregrands-pères n’auraient aucun rôle auprès de leurs arrière-petits-enfants. Seul Arthur émet l’idée que la mémoire familiale se trouve enrichie par la présence d’un bisaïeul : « C’est bien d’en avoir un quand on doit faire un arbre généalogique, on peut aller encore plus loin et on peut aussi trouver encore des vieilles photos de sa famille. » L’arrière-grand-paternité et la découverte de la vieillesse La fonction des arrière-grands-pères qui apparaît dans les investigations que nous avons conduites pourrait bien être de permettre la découverte de la « vraie » vieillesse, très différente de celle dont les grandsparents sont porteurs. Si les grands-parents sont parfois perçus comme des adultes plus fragiles et plus fatigables que les parents, les arrière-grands-pères dont les enfants nous ont parlé sont toujours décrits comme d’authentiques vieux. Amélie l’assure : « Une personne devient vieille quand elle a dans les 80 », ce que confirme Arthur : « On devient vieux en âge quand on a dans les 80 ans à peu près » et il poursuit en expliquant le cycle de vie : « D’abord on est jeune, après on est moyen, après on est vieux et après on meurt. » L’âge avancé est parfaitement repéré par les enfants qui signalent les modifications de l’apparence physique, les défaillances sensorielles et les difficultés locomotrices. Les cheveux sont mentionnés ; leur couleur, grise ou blanche et surtout la calvitie retiennent l’attention : « Une personne âgée est chauve ou presque » (Amélie), « Quelqu’un de très âgé n’a presque plus de cheveux » (Anthony), « Souvent, il devient chauve en devenant vieux » (Arthur). Les modifications de la peau sont soulignées, Alexia a relevé qu’on « voit plus les veines » et Arthur a noté « les rides dans le visage et les doigts qui sont comme s’ils étaient restés longtemps dans l’eau ». Amélie et Aude soulignent les troubles visuels : « Il ne voit plus bien », « Il ne voit pas beaucoup et a besoin de lunettes. » Aude et Anthony insistent sur les difficultés à la marche : « Il a besoin d’une canne pour marcher et ne marche plus très bien », « Il ne peut plus utiliser ses jambes comme avant. » La notion de détérioration de la fonction est clairement soulignée par cette formule : « Plus comme avant », qu’il s’agisse des capacités locomotrices ou des aptitudes en général, car, comme le dit Aude : « Quand on est vieux, c’est quand on n’arrive plus à Psychol NeuroPsychiatr Vieillissement 2004 ; vol. 2, n° 4 : 275-83 Les arrière-grands-pères Copyright © 2017 John Libbey Eurotext. Téléchargé par un robot venant de 78.47.27.170 le 08/02/2017. faire les choses qu’on faisait avant. » La jolie formule d’Alexia : « C’est par l’âge qu’on devient vieux » résume l’idée exprimée par tous : les arrière-grandspères, parce qu’ils ont beaucoup vécu, sont devenus, aux yeux de leurs arrière-petits-enfants, des vrais vieux. Au terme de cette réflexion préliminaire, nous suggérons que dans ces familles à quatre générations, ce sont les arrière-grands-pères qui font découvrir la vieillesse aux jeunes enfants et qui les confrontent à leur première expérience de la mortalité humaine dans la réalité. Une approche à valider... Trois arrière-grands-pères et quelques-uns de leurs arrière-petits-enfants ne sauraient suffire à établir des vérités définitives sur la place des bisaïeux dans les familles à quatre générations ; tout au plus formulonsnous quelques constats limités. Pour compléter, confirmer ou infirmer ces remarques, il serait nécessaire de poursuivre cette recherche en rencontrant d’autres enfants et d’autres arrière-grands-parents, en prenant soin de les recruter dans d’autres catégories socioéconomiques et sans nous limiter aux personnes autono- mes vivant à domicile. Il serait en effet intéressant de chercher à recueillir les perceptions que des enfants peuvent avoir des arrière-grands-parents qui résident dans des hébergements collectifs pour personnes âgées et avec lesquels la rencontre est vraisemblablement moins habituelle, ce qui peut éventuellement contribuer à rendre ces personnages singulièrement plus attrayants et nous permettre de découvrir des fonctions qui ne pourraient se révéler dans des relations trop banalisées et non spécifiques. En outre, nous nous sommes bornées à rencontrer les arrière-grands-pères et les arrière-petits-enfants de telle manière que nous n’avons aucune idée de la manière dont les représentants des deux générations intermédiaires envisagent la spécificité du bisaïeul, interagissent pour produire une représentation familiale collective et influencent, selon les positions qu’ils adoptent, les perceptions des plus jeunes. Il faudrait bien évidemment solliciter le point de vue des enfants et des petits-enfants des arrière-grands-pères pour prétendre cerner leurs rôle, fonction et place dans la famille et se donner les moyens de mettre en évidence divergences et convergences des représentations générationnelles. Références 1. Vallin J, Meslé F. Vivre au-delà de 100 ans. Population et Société 2001 ; 365. 6. Mietkiewicz MC, Colin C, L’Huillier S. L’arrière-grand-mère, une vieille grand-mère ? Pratiques Psychologiques 2000 ; 3 : 11-8. 2. Charbonnel P. Le point sur... les grands-parents. Observatoire de l’enfance 2003 ; 59. 3. Castellan Y. Les grands-parents, ces inconnus. Paris : Bayard, 1998. 7. Schneider B, Bouyer S, Thiébaut E, Bacco S, Savonnière C. Le grand-père et son petit-enfant : représentations des pratiques et des fonctions éducatives. La revue internationale d’éducation familiale 2001 ; 5 : 57-73. 4. Attias-Donfut C, Ségalen M. Grands-parents. La famille à travers les générations. Paris : Odile Jacob, 1998. 8. Attias-Donfut C. Les solidarités entre générations : vieillesse, familles, état. Paris : Nathan, 1995. 5. Roussel L. Les grands-parents, figures du temps. Gérontologie et Société 1994 ; 68 : 33-44. 9. Soulé M. Les grands-parents dans la dynamique de l’enfant. Paris : ESF, 1979. Psychol NeuroPsychiatr Vieillissement 2004 ; vol. 2, n° 4 : 275-83 283