Les arrière-grands-pères Le point de vue de leurs arrière

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Les arrière-grands-pères Le point de vue de leurs arrière
Synthèse
Les arrière-grands-pères
Le point de vue
de leurs arrière-petits-enfants
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MARIE-CLAUDE MIETKIEWICZ
LINDA VENDITTI
Université de psychologie
Nancy 2
Tirés à part :
Marie-Claude.Mietkiewicz@
univ-nancy2.fr
Résumé. L’allongement de l’espérance de vie se traduit par l’augmentation considérable du
nombre des personnes très âgées et la banalisation des familles à quatre générations, mais
on connaît peu les rôles et les fonctions des arrière-grands-parents. Les auteurs se sont
intéressés spécifiquement aux arrière-grands-pères et au point de vue de leurs arrièrepetits-enfants. Des entretiens avec trois bisaïeuls autonomes et vivant à leur domicile à
proximité de leur descendance et avec huit de leurs arrière-petits-enfants visent à éclairer la
place des aînés dans la famille. Les dessins et les propos des jeunes enfants (âgés de 5 à 14
ans), en convergence avec les propos des arrière-grands-pères permettent d’avancer l’idée
que si la place des aïeuls dans la généalogie est parfaitement appréhendée, leurs rôles dans
la famille paraissent difficiles à cerner, sans doute du fait de leur ténuité. En revanche, parce
qu’ils sont perçus comme les « vrais » vieux, les arrière-grands-pères remplissent certainement auprès de leurs arrière-petits-enfants jeunes une fonction de découverte de l’âge
avancé.
Mots clés : arrière-grand-parent, rôle, famille, arrière-petit-enfant
Summary. The extension of life expectancy results in a substantial increase in the number
of very elderly people and four-generation families becoming commonplace. Yet, we know
little about great-grandparents’ roles and the parts they play in the family. The authors have
taken a specific interest in great-grandfathers and in their great-grandchildren’s viewpoint.
Interviews with three independent great-grandfathers living at home near their descendents as well as with eight of their great-grandchildren aim to shed some light on the
eldests’ situation in the family. The drawings and observations of young children (aged 5 to
14), along with the interview of their great-grandfathers, enable the authors to suggest that,
although the great-grandfathers’ position in the genealogy is perfectly well grasped, their
role in the family seem more difficult to define; doubtless, due to its tenuousness. Separated by two intervening generations, young children and the parents of parents of one of
their own parents seem not to have many verbal interactions nor shared activities, even if
they meet every day. On the other hand, because they are perceived as being the “real” old
people, great-grandfathers likely play a part in the way young great-grandchildren learn
about old age. Children prove their ability to pick out the signs of old age in their greatgrandparent: changes in the physical appearance, difficulties in moving and sensory
weaknesses; and this keen perception of the troubles linked with ageing introduces them to
an understanding of human finality.
Key words: great-grandparent, role, family, great-grandchild
Les arrière-grands-pères,
des méconnus
Les données démographiques récentes témoignent
de la progression constante de l’espérance de vie ; si,
en France, en 1950, le nombre des centenaires était
estimé à 200, il est évalué à 6 840 au 1er janvier 1998 et
devrait se situer à 150 000 en 2050 selon une projection
fondée sur le recensement de 1999 [1]. La réalisation de
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cette prévision aboutirait, en un siècle, à une multiplication par 750 du nombre des centenaires.
Dans les faits, cette augmentation de la probabilité
de vivre jusqu’à un âge avancé se traduit par la banalisation des familles à quatre générations et le caractère
de moins en moins exceptionnel des familles à 5 générations (on en recense environ 25 000). Les bisaïeux et
parfois trisaïeux, sont actuellement plus de deux millions, ils ont pour les deux tiers d’entre eux plus de 75
ans. Si les femmes sont constamment en supériorité
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numérique, il n’en demeure pas moins qu’un peu plus
de 30 % des hommes âgés de 75 à 79 ans, près de la
moitié des 80-84 ans et 55 % des plus de 85 ans sont
des arrière-grands-pères [2].
À la naissance, on sait que se penchent sur le berceau d’un nouveau-né, en moyenne, 3,8 grandsparents et 3,2 arrière-grands-parents, mais on ne
connaît pas grand chose des rôles éventuels que peuvent jouer les bisaïeux auprès de ces enfants de leurs
petits-enfants. De nombreux travaux récents explorent
différentes dimensions de la grand-parentalité, la plupart des recherches portent sur des constellations familiales dans lesquelles les petits-enfants sont de jeunes
enfants qui sont au cœur des pratiques de solidarité
familiale. Il est parfois question des relations entre les
grands-parents et leurs petits-enfants adolescents [3]
ou entre trois générations d’adultes [4], mais dans ces
recherches, les arrière-grands-parents n’apparaissent
pas comme des figures prises en compte en tant que
telles. Elles ne sont évoquées qu’à travers un changement de place dans la généalogie : les grands-parents
deviennent, de fait, arrière-grands-parents lorsqu’un de
leurs petits-enfants accède au statut de parent.
Roussel [5] distingue clairement deux temps dans la
grand-parentalité et invite à ne pas confondre en une
catégorie unique les grands-parents de 55 ans dont les
petits-enfants sont de jeunes bambins et les grandsparents de 75 ans dont les petits-enfants sont de jeunes
adultes qui peuvent être eux-mêmes parents. AttiasDonfut et Ségalen [4] préfèrent évoquer trois périodes
de la grand-parentalité en fonction du statut professionnel et de l’état de santé des grands-parents plutôt
qu’en référence à des âges chronologiques. Après une
première période, au cours de laquelle les grandsparents sont « multiactifs » et tiraillés entre vie professionnelle, vie de famille et responsabilités diverses, le
temps de la retraite est celui d’une période plus sereine : ils bénéficient la plupart du temps de ressources
correctes et d’une condition physique satisfaisante et
exercent de nombreux rôles au sein de la famille et
dans le réseau social, en particulier associatif. La troisième période est marquée par la perte de contact avec
les petits-enfants devenus grands et la survenue fréquente des ennuis de santé et c’est la plupart du temps
au cours de cette période que les grands-parents deviennent des arrière-grands-parents. Les relations entre les arrière-grands-parents et leurs arrière-petitsenfants paraissent, à travers les résultats de cette
même recherche, la plupart du temps assez pauvres
puisque seulement 9 % des aïeux disent garder régulièrement ou occasionnellement leurs arrière-petits-
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Points clés
• D’après cette étude préliminaire, l’écart d’âge et la
distance générationnelle semblent limiter les
conversations et les activités partagées entre les
arrière-grands-parents et leurs arrière-petitsenfants.
• Les arrière-grands-pères expriment surtout leur
fierté d’être à la tête d’une grande famille.
• Leurs arrière-petits-enfants semblent les voir à
cette même place d’ancien de la tribu et découvrir à
travers eux la vieillesse et les changements et difficultés qui l’accompagnent.
enfants alors que 20 % d’entre eux déclarent ne les
garder jamais et n’avoir aucune activité avec eux. Les
simples rencontres avec activités partagées apparaissent comme la modalité relationnelle la plus fréquente
(41 %) alors que près d’un tiers des arrière-grandsparents (30 %) considèrent que leurs arrière-petitsenfants sont trop petits pour que des relations soient
envisageables. Le rôle d’arrière-grand-parent paraît
s’inscrire dans la continuité de celui de grand-parent et
ces auteurs constatent que : « Quand l’état de santé le
permet, ceux qui ont été actifs avec leurs petits-enfants
ont tendance à jouer davantage avec leurs arrièrepetits-enfants (28 % contre 14 % parmi ceux qui se sont
peu occupés de leurs petits-enfants) ou à les garder
plus souvent (15 % contre 3 %) » [4].
Alors que le rôle symbolique d’ancêtre vivant et
d’historien de la famille peut être avancé, « les arrièregrands-parents sont le plus souvent en retrait, non seulement à cause de leurs forces déclinantes, mais aussi
parce que les grands-parents les relèguent en position
seconde (ou troisième) » écrivent encore ces mêmes
auteurs qui poursuivent : « si le rôle de grand-parent
est imprécis, celui d’arrière-grand-parent l’est encore
davantage ».
Des arrière-grands-mères, on a pu écrire qu’elles
paraissaient n’avoir pas de fonction spécifique et que
se négociaient entre les grands-mères et leurs mères
les rôles auprès des jeunes enfants selon que les
grands-mères étaient disposées à occuper la place ou à
la laisser vacante et que les arrière-grands-mères disposaient de capacités physiques compatibles avec la
prise en charge de jeunes enfants [6].
Les arrière-grands-pères ont fait couler encore
moins d’encre que leurs compagnes ce qui n’est pas
pour nous surprendre dans la mesure où les grandspères eux-mêmes ne font l’objet de travaux spécifiques
que depuis quelques années [7].
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Les arrière-grands-pères
C’est donc aux arrière-grands-pères que nous allons nous intéresser, à travers le point de vue de leurs
arrière-petits-enfants. Nous proposons d’approcher les
représentations que des enfants qui fréquentent régulièrement un bisaïeul ont de ses rôles dans la famille et
de l’éventuelle spécificité de sa place dans la lignée. En
choisissant de solliciter les seuls arrière-petits-enfants,
nous ne prétendons pas cerner l’ensemble des représentations que les différents membres de la famille ont
de l’arrière-grand-père et de sa position singulière dans
le réseau familial. Beaucoup plus modestement, nous
tentons de rendre compte de la place qu’occupe, aux
yeux de ses arrière-petits-enfants, l’arrière-grand-père
en légitimant cette démarche par le fait généalogique
qui fait que, pour les parents de ses arrière-petitsenfants, il est et reste un grand-père et pour le grandparent de ses arrière-petits-enfants, il est et demeure
un père. Autrement dit, nous n’essayons pas de comprendre comment l’ensemble des membres d’un réseau familial perçoivent la place du plus ancien, mais
simplement comment les jeunes enfants construisent
leur représentation de l’arrière-grand-père, représentation qui n’est, bien sûr, pas indépendante de la façon
dont les parents et grands-parents envisagent et considèrent l’aîné de la lignée.
La population d’étude :
des arrière-grands-pères
autonomes et proches
Pour conduire cette recherche exploratoire, nous
avons choisi de renoncer de manière extrêmement délibérée à toute tentative de produire des données quantitatives sur une vaste population d’arrière-grandspères et d’arrière-petits-enfants. Notre démarche
procède d’une sélection des sujets de manière à assurer une proximité géographique assortie d’une fréquence relationnelle entre les générations telles que
des jeunes enfants connaissent suffisamment leur bisaïeul pour l’évoquer et en produire une représentation
étayée sur une certaine familiarité. D’autre part, nous
avons cherché à rencontrer les arrière-petits-enfants de
bisaïeux autonomes pour les gestes de la vie quotidienne qui vivent à leur domicile afin de neutraliser
l’éventuelle incidence des pathologies associées au
grand âge sur les relations intergénérationnelles. Pour
ne citer que cette pathologie dont on connaît l’évolution de la prévalence en fonction de l’âge, il nous paraissait essentiel de tenter de nous garantir de l’éventualité d’une rencontre avec un arrière-grand-père
porteur d’une démence sénile de type Alzheimer. Cette
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affection dégénérative et les troubles mnésiques qui la
caractérisent sont en effet, par exemple, de nature à
empêcher l’aïeul d’exercer une éventuelle fonction
d’historien de la famille telle que l’évoquent AttiasDonfut et Ségalen [4].
Parmi les familles à quatre générations dont nous
avons eu connaissance (voisins, personnes indiquées
par des amis sollicités pour nous aider à trouver la
population d’étude, amis de proches de la même génération), nous avons pu rencontrer trois arrière-grandspères. Ils ont en commun de vivre dans une maison
aménagée en appartements dans laquelle un niveau
leur est réservé et où l’étage supérieur est occupé par
un de leurs enfants. Ces trois arrière-grands-pères paraissent, pour autant que nous puissions en juger, en
relative bonne santé, sont indépendants et ne bénéficient d’aucune aide pour effectuer les actes de la vie
quotidienne. Ils sont authentiquement présents dans le
réseau familial, leurs arrière-petits-enfants les rencontrent fréquemment, en particulier quand ils rendent
visite à leurs grands-parents qui résident dans la même
maison. Les critères d’inclusion mis en œuvre ôtent à
cette recherche exploratoire toute prétention de généralisation des résultats à l’ensemble de la population
des arrière-grands-pères. De plus, ils introduisent une
homogénéité forte puisque les trois arrière-grandspères habitent sous le même toit qu’un de leur descendant, ce qui est certainement plus fréquent à la campagne et dans les milieux modestes où les modalités de
solidarités intergénérationnelles s’accomplissent plus
volontiers dans des relations de proximité [8].
Les arrière-petits-enfants
dessinent et racontent
leurs arrière-grands-pères
Nous avons eu, avec ces trois arrière-grands-pères
un entretien qui sera brièvement évoqué à travers la
définition que chacun d’eux nous a proposée de
l’arrière-grand-parentalité ; nous les appellerons Messieurs Annot, Alessi et Audiberti, ils ont respectivement
5, 12 et 3 arrière-petits-enfants, dont les âges s’échelonnent de quelques mois à 14 ans.
Nous avons sollicité la participation de tous ceux de
leurs arrière-petits-enfants qui nous semblaient pouvoir exprimer leur représentation de leur arrière-grandpère, ce qui nous a conduit à rencontrer ceux qui étaient
âgés d’au moins 5 ans. Ce sont 8 arrière-petits-enfants
(3 des 5 de monsieur Annot, 3 des 12 de monsieur
Alessi et 2 des 3 de monsieur Audiberti) qui ont ainsi
participé à notre recherche. Nous avons demandé à
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chacun de ces enfants de nous dessiner leur arrièregrand-père, puis de réaliser un second dessin de leur
arrière-grand-père en famille, et enfin de nous raconter
leurs dessins et de nous éclairer sur la façon dont ils
perçoivent la spécificité de ses place et fonction dans le
réseau familial.
Le recours à cette double modalité d’expression
(graphique et verbale) dont nous avons déjà éprouvé
l’intérêt dans d’autres recherches nous permet de solliciter les enfants sans conduire d’interrogatoire où ils
pourraient avoir le sentiment de devoir produire des
bonnes réponses. Parce que le dessin est un mode
d’expression ludique de l’enfant, il y livre de manière
spontanée sa vision du monde et exprime parfois plus
facilement qu’avec des mots ses perceptions ; le dessin
réalisé est aussi un excellent support à l’entretien qui le
complète et avec lequel il présente une relation de
complémentarité comme celle du texte et des illustrations qui racontent la même histoire dans un album.
Afin de respecter l’anonymat des sujets, nous avons
modifié non seulement les noms patronymiques, mais
aussi tous les prénoms. Pour faciliter le repérage des
générations, nous avons choisi pour les arrière-petitsenfants des prénoms dont la lettre initiale est un A et
les trois arrière-grands-pères sont désignés par des
prénoms commençant par la lettre D.
Monsieur Damien Annot, un pépé
et c’est tout
Monsieur Annot, ancien mineur et paysan, comme
il se plaît à se définir lui-même, habite un petit bourg,
en lisière de forêt. Marié, père de deux enfants, grandpère de quatre petits-enfants, il est aussi l’arrièregrand-père de 5 arrière-petits-enfants dont les âges
s’échelonnent entre 1 et 10 ans. La totalité de sa descendance habite le même village, ce dont il n’est pas
peu fier : « Nous, on est tous groupés dans mon village, y en a pas un qui me bat ici, je ne crois pas qu’il y
en a un qui a autant d’enfants, chacun chez soi, mais on
se rassemble souvent. »
Être arrière-grand-père signifie pour lui « génération » et « succession », c’est « bien » et dans l’ordre
des choses car il le dit nettement : « Moi, j’accepte
comme ça vient (...). Moi je ne suis pas là pour me
casser la tête hein ! Ce qui doit venir, ça vient, tant qu’il
y en a plus, tant mieux, il vaut mieux avoir des gosses
et que la vie continue » ajoute-t-il.
Âgé de 87 ans, il occupe avec sa femme, de dix ans
sa cadette, un appartement au rez-de-chaussée d’une
maison dans laquelle habitent, à l’étage supérieur, son
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fils et sa belle-fille. Un de ses petits-enfants occupe
avec sa femme et leurs trois enfants une maison située
à quelques centaines de mètres de sorte que quatre
générations résident ainsi dans un périmètre restreint,
de part et d’autre du grand jardin commun.
Amandine (5 ans), sa sœur, Anne (6 ans) et Arnaud
(10 ans), leur cousin, ont dessiné, à notre demande leur
arrière-grand-père, qu’ils appellent « pépé » ; Aline
(3 ans) a aussi fait un dessin sans tenir vraiment compte
de la consigne et a surtout taillé les crayons, Agathe
(1 an) n’a pas été sollicitée. Chacun des trois aînés nous
a dessiné et raconté son « pépé ». Amandine est ennuyée par la consigne car elle ne « sait pas dessiner les
bonhommes en garçon », elle opte donc pour une représentation de sa maman « qui prépare une fête »
pour l’anniversaire de pépé, et elle ajoute : « Il est
content et il va dire bonjour à tout le monde. » Sollicitée pour en dire un peu plus sur son arrière-grand-père,
elle se borne à répondre : « Moi j’ai un pépé et c’est
tout. » Anne représente son arrière-grand-père muni
de sa canne, dans le jardin où il va « cueillir des pommes pour faire de la soupe aux pommes » ; elle ajoute :
« Il faut qu’il pense à faire attention sur l’échelle. » Puis,
sur une deuxième feuille, elle le dessine, toujours avec
sa canne, quand « il part faire sa promenade » dont elle
dit : « Ça va lui faire du bien, il est content. » Sur une
troisième et dernière feuille, elle représente le couple
arrière-grand-parental dans la maison. Quant à raconter ce qu’elle fait avec son pépé, elle réfléchit et dit : « Il
a du mal à marcher, il ne vient pas se promener avec
nous, il n’a jamais joué avec nous, il nous regarde
jouer, des fois. » Arnaud dessine l’arrière-grand-père et
sa canne sur une plage de sable à côté d’un parasol, en
commentant : « Il veut aller se baigner, il n’a jamais été
à la plage », et en ajoutant : « Le grand-père n’est pas
encore vieux, l’arrière-grand-père, lui, est vieux. » Sur
un second dessin, Arnaud dessine ses parents et ses
arrière-grands-parents qui « discutent devant la maison », « le grand-père veut aller se promener, peut-être
que les autres le dérangent. Ils vont boire un café, et lui,
il va se promener, et moi, je vais jouer avec mes cousines » (figure 1).
Ces trois jeunes enfants produisent de leur arrièregrand-père des représentations qui s’ancrent peu dans
la réalité vécue. Amandine transgresse la consigne et
dessine un personnage féminin, Anne le représente
dans une activité de cueillette de pommes peu réaliste
car on voit mal comment il peut « faire attention à
l’échelle avec sa canne » ainsi qu’elle le suggère avant
de reconnaître qu’elle n’a « jamais vu son grand-père
cueillir des pommes, mais qu’il va souvent dans les
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Les arrière-grands-pères
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champs ». Arnaud propose également une situation
étrangère au quotidien de son aïeul en le dessinant à
côté d’un parasol sur une plage tout en disant qu’il n’y
est jamais allé. La canne et les difficultés locomotrices
présentes dans les dessins et les propos d’Anne et
Arnaud sont peu compatibles avec les mises en situations graphiques proposées, comme s’ils ne tenaient
pas compte de ce qu’ils savent de leur arrière-grandpère lorsqu’ils dessinent, à moins que cette connaissance ne soit trop superficielle pour s’inscrire dans les
productions graphiques.
Monsieur Donatello Alessi,
nono et bisnono
Aujourd’hui âgé de 81 ans, cet ancien mineur né en
Toscane est arrivé en France en 1948, il est marié depuis plus de 60 ans, père de 7 enfants, grand-père de 18
petits-enfants et arrière-grand-père de 12 arrière-petitsenfants. L’entretien se déroule dans sa langue maternelle car il est plus à l’aise pour s’exprimer en italien ;
« plutôt fier d’avoir une grande famille », ce bisnono
(arrière-grand-père) se définit comme « il babbo del
babbo del babbo » (le père du père du père) mais il est
désigné par tous, y compris à l’extérieur du cercle familial, comme le nono (grand-père) et s’il dit qu’il a été
très content de devenir bisaïeul, l’événement, lorsqu’il
est advenu pour la première fois, l’a surtout « fait devenir encore plus vieux ». Il s’étonne d’être encore en vie,
ce qui lui paraît une sorte d’exploit, surtout en regard
de la profession qu’il a exercée : « Lorsque les mineurs
avaient un certain âge, ils partaient plus vite. » Si être
un arrière-grand-père « c’est quelque chose de beau,
ça signifie avoir un certain âge », la problématique de
l’âge est au centre de son propos. Il dit devoir sans
cesse justifier de ses années car on ne le croit pas
lorsqu’il énonce son âge, en même temps, il répète
volontiers que : « À quatre-vingts ans, c’est fini. » Il
serait ainsi un « trop vieux » qui paraît plus jeune ?
Cinq de ses arrière-petits-enfants parmi lesquels
trois ont entre 5 et 14 ans habitent dans le même
village, les autres résident à une distance minimale de
700 km, voire à l’étranger.
Amélie (11 ans), sa sœur Aude (14 ans) et leur cousin Anthony (10 ans) ne connaissent pas l’histoire de
leur arrière-grand-père avec lequel ils disent tous les
trois ne pas discuter ; ils mettent en avant les difficultés
de communication liées à la langue sans paraître en
être affectés.
Pour Amélie, qui dessine son arrière-grand-père
dans un fauteuil en face du téléviseur, son nono est
vieux, « c’est le plus vieux, il est toujours assis dans
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son fauteuil, ne dit rien et a envie d’être tranquille parce
qu’il regarde la télé » ; elle ajoute aussi qu’il est « gentil » et qu’elle ne parle pas avec lui.
Aude confirme cette représentation, elle dessine
son arrière-grand-père (debout), son fauteuil et son téléviseur allumé en second plan ; elle le dit « très vieux,
très âgé et gentil » et affirme, comme sa sœur qu’il ne
fait « rien d’autre que regarder la télé, en particulier le
tiercé ». Interrogée sur son rôle dans la famille, elle
considère que c’est « juste d’être un arrière-grandpère » et que « ça agrandit la famille » (figure 2).
Anthony, à l’unisson de ses cousines, représente
son nono assis sur un fauteuil dont il précise qu’il est
« électrique » mais il ajoute qu’il « aimerait aller se
promener en voiture et faire des tours », semblant, par
cette remarque, considérer que cette inactivité par défaut ne satisfait pas vraiment son arrière-grand-père. Il
le définit comme « quelqu’un d’âgé, comme si on avait
un papi en plus » et estime que « c’est beaucoup mieux
et assez rare d’en avoir un » sans pouvoir expliciter ce
plus autrement qu’en répétant : « c’est rare, des fois, il
n’y en a pas souvent ».
Le caractère figé de cette relation se traduit sur les
autres dessins que produisent ces trois enfants, ils choisissent tous les trois de dessiner des personnages de
face et sans aucun environnement : Amélie se dessine
avec nono et nona, Aude explicite clairement l’idée
d’un cliché photographique sur lequel elle figure avec
son arrière-grand-père et sa sœur et à propos duquel
elle ajoute : « On aimerait que tout le monde soit réuni
pour faire une grande photo. » Anthony réalise (sans le
savoir) le souhait de sa cousine : il représente de nombreux personnages appartenant aux quatre générations et évoque une grande réunion de famille qui serait
une occasion de « jouer avec ses cousines » (figure 3).
Très différents des dessins des enfants de la famille
Annot, les productions des enfants Alessi s’appuient
indéniablement sur une connaissance fine du quotidien
de leur bisaïeul et de ses activités privilégiées. Malgré
la proximité géographique, la communication semble
empêchée par la barrière linguistique ; en effet, les
arrière-petits-enfants sont francophones et les arrièregrands-parents italophones, de telle manière qu’il leur
est nécessaire, pour converser, de faire appel à un interprète bilingue d’une des deux générations intermédiaires. Si le plaisir des réunions de famille est affirmé, il
est le temps des photos de famille et surtout l’occasion
des rencontres avec d’autres enfants, ce qu’exprime
très nettement Anthony : « Je le vois de temps en
temps, à chaque repas, je ne fais rien avec lui, je préfère jouer avec mes cousines. »
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M.-C. Mietkiewicz, L. Venditti
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Monsieur Donatien Audiberti,
un « pépé content »
Doyen de son village et ancien bûcheron, Monsieur
Audiberti (88 ans) est veuf depuis un an ; il habite le
premier étage d’une grande maison familiale dans laquelle résident, dans des appartements distincts, son
fils avec son épouse et une de ses petites-filles.
L’entretien avec Monsieur Audiberti révèle que,
pour lui, devenir arrière-grand-père signifie être âgé :
« Pour être arrière-grand-père, il faut déjà être assez
ancien » et témoigne de l’origine de la lignée : « Un
arrière-grand-père, c’est-à-dire... que t’as vécu, tu t’es
marié, t’as mis au monde des enfants, les enfants ils se
sont multipliés, les petits-enfants ils ont mis au monde
des enfants et ça devient des arrière-grands-pères. »
Être arrière-grand-père lui paraît à la fois « un honneur » et « un plaisir » mais il paraît soucieux de ne pas
encombrer ses descendants et préoccupé par la crainte
de perdre son autonomie et de devenir une charge
pour eux.
Alexia (7 ans) dessine son pépé Donatien dans une
attitude très accueillante : « Il ouvre grands les bras
pour dire bonjour, il est très content et pense que c’est
gentil qu’on soit venu le voir », son frère, Arthur (10
ans) représente son pépé Donatien « aux boules avec
ses copains » et il ajoute : « Il est content parce qu’il
Arnaud (10 ans)
aime bien. » L’une et l’autre le décrivent comme un
personnage généreux (« Il donne toujours quelque
chose ») et inséré dans le réseau familial et amical ; ils
insistent tous les deux sur la différence d’âge avec leurs
grands-parents : Alexia remarque : « Il est plus vieux
que papi et mamie » alors qu’Arthur insiste sur le fait
que « les autres [grands-parents] sont déjà moins
vieux » (figure 4).
Quant aux dessins sur le second thème (en famille),
ils représentent tous (Arthur en fera successivement
trois) d’importantes réunions de famille. Alexia dessine
autour d’une table carrée au milieu de laquelle trône un
bouquet « toute la famille en train de boire du café et
du jus d’orange et de discuter », elle indique au-dessus
de chacun des neuf personnages représentés leur identité et les quatre générations sont présentes et tous
arborent un joli sourire. Quant à Arthur, s’il multiplie les
dessins, il représente toujours son arrière-grand-père
en abondante compagnie et dans des situations de
Anthony (10 ans)
Amandine (5 ans)
Aude (14 ans)
Anne (6 ans)
Amélie (11 ans)
Anne (6 ans)
Figure 1. Dessins des arrière-petits-enfants de monsieur Annot.
Figure 2. Dessins des arrière-petits-enfants de monsieur Alessi.
Figure 1. Drawings by the great-grandchildren of Mr Annot.
Figure 2. Drawings by the great-grandchildren of Mr Alessi.
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Les arrière-grands-pères
réunions familiales festives où les quatre générations
sont réunies. Scène de pique-nique, veillée de Noël
autour du sapin avec champagne et cadeaux ou découverte des œufs de Pâques disséminés dans le jardin ;
les trois dessins d’Arthur nous semblent illustrer à la
fois une grande proximité affective et aussi la capacité
qui semble exister dans cette famille de développer des
activités qui reposent sur des relations singulières au
sein du groupe. En effet, chaque scène se décompose
en plusieurs secteurs correspondant à une activité spécifique, les parents déchargent la voiture et mettent en
place le pique-nique pendant que les enfants grimpent
aux arbres et que les grands-pères et l’arrière-grandpère jouent à la pétanque alors que l’arrière-grandmère assise sur un banc discute avec la mamie. De la
même manière à Noël, pépé est dessiné « dans un
fauteuil et il va se lever pour boire le champagne »,
papi et mamie apportent des plateaux chargés de
petits-fours, papa et maman discutent à côté du sapin,
tata et tonton arrivent avec des cadeaux, et, à la fête
pascale, les uns font du sport, les autres préparent le
barbecue pendant que les troisièmes cherchent les
œufs dissimulés dans la végétation. Lorsqu’il raconte
ses dessins, Arthur utilise trois formules différentes
pour évoquer la famille réunie, au pique-nique il y a
« toute la famille dans un parc », à Noël « ils s’aiment
tous » et à Pâques « tout le monde est là ». Il se montre
satisfait d’avoir un arrière-grand-père, et dit que « c’est
bien d’en avoir un parce qu’on a une plus grande famille » ; de plus, il le perçoit « content » même lorsqu’il
est assis et ne fait rien, et généreux car chaque fête est
pour lui l’occasion de gâter tout le monde : « Il offre
toujours une enveloppe parce qu’il est content quand
tout le monde est là » (figure 5).
Les places, rôles et fonctions
des arrière-grands-pères
Bien que ces trois arrière-grands-pères appartiennent au même milieu social et résident dans des environnements similaires, nous avons pu établir trois por-
Alexia (7 ans)
Anthony (10 ans)
Figure 4. Dessins de l’arrière-petite-fille de monsieur Audiberti.
Figure 4. Drawings by the great-granddaughter of Mr Audiberti.
Aude (14 ans)
Amélie (11 ans)
Arthur (10 ans)
Figure 3. Dessins des arrière-petits-enfants de monsieur Alessi.
Figure 5. Dessins de l’arrière-petit-fils de monsieur Audiberti.
Figure 3. Drawings by the great-grandchildren of Mr Alessi.
Figure 5. Drawings by the great-grandson of Mr Audiberti.
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M.-C. Mietkiewicz, L. Venditti
traits contrastés : dans le regard de leurs arrière-petitsenfants ils ne paraissent pas interchangeables.
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Au-delà des singularités de chacune de ces familles
et de la façon différenciée dont les jeunes enfants rendent compte de la représentation de leurs relations
avec l’arrière-grand-père, nous pouvons relever quelques éléments de convergence.
Si les arrière-grands-pères se disent tous les trois
fiers d’être à la tête d’une famille à quatre générations
et se réjouissent de la présence d’une descendance
étagée, les 8 arrière-petits-enfants rencontrés ont tous
parfaitement compris la place de ce bisaïeul dans la
lignée. Ils le définissent non seulement comme l’aîné
de la famille mais comme une sorte de source originelle dans la mesure où chacun d’eux peut expliquer la
succession des générations et les liens de filiation.
Perçu comme un engendreur d’engendreur d’engendreur, l’arrière-grand-père est au sommet d’une pyramide familiale, il est dans une certaine position hiérarchique et personne d’autre dans la famille n’a, par
définition, plus de descendants que lui.
En ce qui concerne les rôles des arrière-grandspères, l’écart d’âge et la distance générationnelle paraissent deux obstacles majeurs à leurs émergences.
Les conversations (même quand il n’existe pas d’obstacle lié à la langue) semblent rares et les activités partagées (en dehors des repas qui réunissent les quatre
générations) n’ont jamais été mentionnées. Les enfants
ne font état ni de partage d’activités ludiques, ni de
récits ou histoires à travers lesquels seraient racontée
l’histoire familiale. Les deux arrière-petits-enfants de
Monsieur Audiberti évoquent les cadeaux qu’ils reçoivent : du chocolat et de l’argent, Monsieur Annot dit
que ses arrière-petits-enfants viennent plusieurs fois
par jour chercher un bonbon, mais il est bien difficile, à
travers ces récits, de mettre en évidence un rôle spécifique de l’arrière-grand-père. Alexia évoque un rôle
possible : « Il peut nous garder au cas où mamie n’est
pas là », pour immédiatement répondre à la question :
« Et il t’a déjà gardée ? », « Non, mais ça se pourrait »
et finalement conclure : « C’est pépé et il sert juste à
être un pépé. » Aude rejoint totalement ce point de vue
et affirme : « Un arrière-grand-père, ça sert juste à être
un arrière-grand-père. » Ce point de vue paraît partagé
par les ascendants qui occupent cette position et semblent se vivre en retrait de la scène, dans la génération
inutile au sens où l’entendait Soulé [9]. Monsieur Audiberti exprime cette idée très clairement quand il dit :
« Ils ont leurs pères et leurs mères, et leurs grandspères et leurs grands-mères, alors leur arrière-grandpère, il n’existe plus, et s’il existe, c’est seulement pour
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dire, voilà, j’ai un arrière-grand-père. » Autrement dit,
quand chacun est à sa place dans la généalogie et
occupe les fonctions afférentes à cette place, les arrièregrands-pères n’auraient aucun rôle auprès de leurs
arrière-petits-enfants. Seul Arthur émet l’idée que la
mémoire familiale se trouve enrichie par la présence
d’un bisaïeul : « C’est bien d’en avoir un quand on doit
faire un arbre généalogique, on peut aller encore plus
loin et on peut aussi trouver encore des vieilles photos
de sa famille. »
L’arrière-grand-paternité
et la découverte de la vieillesse
La fonction des arrière-grands-pères qui apparaît
dans les investigations que nous avons conduites pourrait bien être de permettre la découverte de la « vraie »
vieillesse, très différente de celle dont les grandsparents sont porteurs. Si les grands-parents sont parfois perçus comme des adultes plus fragiles et plus
fatigables que les parents, les arrière-grands-pères
dont les enfants nous ont parlé sont toujours décrits
comme d’authentiques vieux. Amélie l’assure : « Une
personne devient vieille quand elle a dans les 80 », ce
que confirme Arthur : « On devient vieux en âge quand
on a dans les 80 ans à peu près » et il poursuit en
expliquant le cycle de vie : « D’abord on est jeune,
après on est moyen, après on est vieux et après on
meurt. » L’âge avancé est parfaitement repéré par les
enfants qui signalent les modifications de l’apparence
physique, les défaillances sensorielles et les difficultés
locomotrices. Les cheveux sont mentionnés ; leur couleur, grise ou blanche et surtout la calvitie retiennent
l’attention : « Une personne âgée est chauve ou presque » (Amélie), « Quelqu’un de très âgé n’a presque
plus de cheveux » (Anthony), « Souvent, il devient
chauve en devenant vieux » (Arthur). Les modifications
de la peau sont soulignées, Alexia a relevé qu’on « voit
plus les veines » et Arthur a noté « les rides dans le
visage et les doigts qui sont comme s’ils étaient restés
longtemps dans l’eau ». Amélie et Aude soulignent les
troubles visuels : « Il ne voit plus bien », « Il ne voit pas
beaucoup et a besoin de lunettes. » Aude et Anthony
insistent sur les difficultés à la marche : « Il a besoin
d’une canne pour marcher et ne marche plus très
bien », « Il ne peut plus utiliser ses jambes comme
avant. » La notion de détérioration de la fonction est
clairement soulignée par cette formule : « Plus comme
avant », qu’il s’agisse des capacités locomotrices ou
des aptitudes en général, car, comme le dit Aude :
« Quand on est vieux, c’est quand on n’arrive plus à
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Les arrière-grands-pères
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faire les choses qu’on faisait avant. » La jolie formule
d’Alexia : « C’est par l’âge qu’on devient vieux » résume l’idée exprimée par tous : les arrière-grandspères, parce qu’ils ont beaucoup vécu, sont devenus,
aux yeux de leurs arrière-petits-enfants, des vrais vieux.
Au terme de cette réflexion préliminaire, nous suggérons que dans ces familles à quatre générations, ce
sont les arrière-grands-pères qui font découvrir la
vieillesse aux jeunes enfants et qui les confrontent à
leur première expérience de la mortalité humaine dans
la réalité.
Une approche à valider...
Trois arrière-grands-pères et quelques-uns de leurs
arrière-petits-enfants ne sauraient suffire à établir des
vérités définitives sur la place des bisaïeux dans les
familles à quatre générations ; tout au plus formulonsnous quelques constats limités. Pour compléter, confirmer ou infirmer ces remarques, il serait nécessaire de
poursuivre cette recherche en rencontrant d’autres enfants et d’autres arrière-grands-parents, en prenant
soin de les recruter dans d’autres catégories socioéconomiques et sans nous limiter aux personnes autono-
mes vivant à domicile. Il serait en effet intéressant de
chercher à recueillir les perceptions que des enfants
peuvent avoir des arrière-grands-parents qui résident
dans des hébergements collectifs pour personnes
âgées et avec lesquels la rencontre est vraisemblablement moins habituelle, ce qui peut éventuellement
contribuer à rendre ces personnages singulièrement
plus attrayants et nous permettre de découvrir des
fonctions qui ne pourraient se révéler dans des relations trop banalisées et non spécifiques.
En outre, nous nous sommes bornées à rencontrer
les arrière-grands-pères et les arrière-petits-enfants de
telle manière que nous n’avons aucune idée de la manière dont les représentants des deux générations intermédiaires envisagent la spécificité du bisaïeul, interagissent pour produire une représentation familiale
collective et influencent, selon les positions qu’ils adoptent, les perceptions des plus jeunes. Il faudrait bien
évidemment solliciter le point de vue des enfants et des
petits-enfants des arrière-grands-pères pour prétendre
cerner leurs rôle, fonction et place dans la famille et se
donner les moyens de mettre en évidence divergences
et convergences des représentations générationnelles.
Références
1. Vallin J, Meslé F. Vivre au-delà de 100 ans. Population et Société
2001 ; 365.
6. Mietkiewicz MC, Colin C, L’Huillier S. L’arrière-grand-mère, une
vieille grand-mère ? Pratiques Psychologiques 2000 ; 3 : 11-8.
2. Charbonnel P. Le point sur... les grands-parents. Observatoire de
l’enfance 2003 ; 59.
3. Castellan Y. Les grands-parents, ces inconnus. Paris : Bayard,
1998.
7. Schneider B, Bouyer S, Thiébaut E, Bacco S, Savonnière C. Le
grand-père et son petit-enfant : représentations des pratiques et
des fonctions éducatives. La revue internationale d’éducation familiale 2001 ; 5 : 57-73.
4. Attias-Donfut C, Ségalen M. Grands-parents. La famille à travers
les générations. Paris : Odile Jacob, 1998.
8. Attias-Donfut C. Les solidarités entre générations : vieillesse,
familles, état. Paris : Nathan, 1995.
5. Roussel L. Les grands-parents, figures du temps. Gérontologie
et Société 1994 ; 68 : 33-44.
9. Soulé M. Les grands-parents dans la dynamique de l’enfant.
Paris : ESF, 1979.
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