Les différents métiers du développement d`un projet de série

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Les différents métiers du développement d`un projet de série
Quatrième rencontre CNC-SACD du 12 juin 2012
Les différents métiers du développement d’un projet de série pour la télévision
Modératrice : Sylvie Coquart-Morel, auteure et créatrice de séries
Intervenants :
Équipe 1 pour Ainsi soient-ils (Zadig productions/Arte)
David Elkaïm, Vincent Poymiro et Rodolphe Tissot, co-créateurs de la série
Équipe 2 pour Scènes de ménages (Kabo productions/M6)
Khaled Amara, directeur d’écriture, Alain Kappauf, créateur, auteur et producteur,
Laurent et Hervé Nicourt, auteurs
La scénariste et présidente de la Sacd Sophie Deschamps ouvre le bal en saluant le
travail de Véronique Perlès, directrice du pôle auteurs de la Sacd qui s’est occupée des
Rencontres depuis leur création ; ainsi que celui d’Elisa Fourniret qui dirige dorénavant
la Maison des auteurs accueillant ce débat. « A chacune de ces Rencontres, des auteurs
plus expérimentés viennent présenter leurs expériences, leurs questions et réponses
aux plus jeunes, et nous les remercions à nouveau de donner de leur temps pour la
transmission de leur métier. »
Sylvie Coquart-Morel propose d’aborder les exemples des deux séries choisies pour
cette rencontre (Ainsi soient-ils et Scènes de ménages) non pas l’un après l’autre mais
en parallèle, ce qui facilitera le dialogue entre les auteurs et avec le public. Chacun des
intervenants se présente brièvement. Côté Ainsi soient-ils, Vincent Poymiro est
scénariste de la série avec David Elkaïm, Rodolphe Tissot en est le directeur artistique
et le réalisateur de quatre épisodes. Ce dernier cite également Bruno Nahon,
producteur (Zadig) et quatrième co-créateur de la série, qui n’est pas présent mais a
été extrêmement impliqué. Côté Scènes de ménages, les frères Hervé et Laurent
Nicourt sont auteurs, Khaled Amara directeur d’écriture et Alain Kappauf producteur
(Kabo).
« Pour moi, ces séries ont pour point commun des directions artistiques fortes »,
souligne Sylvie Coquart-Morel avant de proposer la projection d’extraits : six sketches
de la quatrième saison de Scènes de Ménages et trois extraits de la première saison
d’Ainsi soient-ils (8 fois 52 minutes) qui sera diffusée sur Arte en octobre prochain.
Les origines de chacune des séries
Ainsi soient-ils
Vincent Poymoro tient d’abord à préciser que l’idée d’origine de cette série sur la
formation de cinq jeunes séminaristes catholiques vient de Bruno Nahon, son
producteur (Zadig). « C’est l’histoire d’une institution en partant de la base. Ce projet
nous a permis de déployer tout un univers, de raconter des choses sur le monde
d’aujourd’hui, les choix importants d’une vie d’homme, le pouvoir, l’engagement…
Bruno Nahon m’avait contacté pour des raisons incidentes : il venait de produire un
documentaire de Raphaël Nadjari, dont j’avais coécrit le dernier long métrage de
fiction, et c’est ce réalisateur qui a suggéré mon nom car il considérait que j’avais une
bonne connaissance des questions religieuses, le catholicisme en particulier. Ensuite,
nous avons proposé le projet à Arte qui a tout de suite pensé que ça n’intéresserait
personne (rires). C’était leur grande peur, mais nous avons réussi à convaincre le
directeur de la fiction François Sauvagnargue, même si cela a pris du temps. Puis David
Elkaïm est entré dans le jeu, car c’est un excellent scénariste avec qui j’avais déjà
travaillé, mais aussi paradoxalement parce qu’il ne connaissait quasiment rien à l’Eglise
catholique. Ses questions et son regard extérieur se sont avérés tout à fait utiles. »
Scènes de ménages
« C’était un travail de commande de M6, précise Alain Kappauf, son producteur. Il
existe en Espagne une série à succès, Escenas de matrimonio, que M6 souhaitait
adapter en France. Nous avons gardé le principe de la série d’origine, c’est à dire les
conflits dans le couple. Comme la France est l’un des rare pays du monde à réaliser ce
type de programmes courts, notre travail a consisté à créer cette adaptation sur de
nouvelles bases, avec des problématiques et un format différents de la série
espagnole. »
Sylvie Coquart-Morel lui demande si M6, chaîne qui a l’habitude des programmes
courts, a fait appel à Kabo justement parce que c’est la société de production qui a créé
des séries courtes comme Caméra Café ou Barres de mire.
« Au départ il faut savoir que ce type de programme a été créé à des fins de contreprogrammation, souligne Alain Kappauf. Ce format de 2 à 7 minutes est programmé
dans un créneau horaire pendant lequel les autres chaînes diffusent de la publicité. Et
aujourd’hui, le succès a fait de ces programmes courts la contre-programmation
ultime, puisqu’ils défient les journaux télévisés, Plus belle la vie ou Le Grand journal. Ça
a dépassé les espérances de la chaîne. »
« A travers ces deux exemples, nous avons deux cas de figure très différents, au-delà
des contenus même des deux séries, résume Sylvie Coquart-Morel : d’un côté un
producteur qui a une idée a fait appel à des scénaristes et convaincu une chaîne ; de
l’autre une chaîne a commandé une série sur-mesure à des auteurs rodés sur le format
court ».
Vincent Poymiro ajoute que Bruno Nahon, le producteur d’Ainsi soient-ils, n’avait
jamais produit de fiction auparavant, puisqu’il était producteur de documentaires.
« C’était donc la première fois qu’il proposait un projet de fiction à une chaîne. Quant à
nous, scénaristes, nous avions l’expérience d’une série courte (70 fois 3 minutes),
Hénaut président avec Michel Muller, qui a été diffusée sur Paris Première en 2007. »
Les rapports avec les chaînes
Sylvie Coquart-Morel demande alors aux intervenants où ils se situent par rapport à
leurs chaînes commanditaires, du moins jusqu’à la mise en production des projets.
Ainsi soient-ils
« Je suis arrivé dans un deuxième temps sur l‘écriture, précise David Elkaïm. J’avais peu
d’expérience des rapports avec les chaînes : j’avais travaillé avec Vincent sur Hénaut
président, mais c’est Michel Muller qui négociait directement avec Paris Première.
Cette fois, pour Ainsi soient-ils avec Arte, j’ai découvert ce que c’était que d’avoir des
partenaires de l’autre côté du bureau, et parfois contre nous. A chaque sortie de
rendez-vous je me demandais pourquoi ils avaient signé ! Le directeur de la fiction et le
conseiller de programmes n’étaient de toute façon pas d’accord entre eux. Mais nous
avons avancé, jusqu’à une bible de 124 pages, qui contenait des fiches personnages,
l’arche de la saison, une note d’intention, les synopsis des huit épisodes, et le premier
épisode dialogué. Les réunions étaient intéressantes et notre producteur a été un
partenaire exceptionnel. Il a été à nos côtés du début à la fin, je n’avais jamais vu ça.
Dès qu’on entrait dans le bureau de la chaîne, il commençait par défendre notre travail
et les options que nous avions prises. Ça nous a énormément aidés d’être d’accord à
trois sur le projet qu’on voulait développer. »
A Sylvie Coquart-Morel qui lui demande quel temps s’est écoulé entre la commande
de la bible et mise en production, David Elkaïm répond : « Trois ans : nous avons
travaillé un an en développement intense, et deux ans de façon plus irrégulière,
entrecoupés de périodes d’attente. La dernière étape a été la plus courte : nous avons
dû dialoguer les huit épisodes en neuf mois seulement. »
Scènes de ménages
Alain Kappauf raconte que M6 souhaitait tenter l’expérience d’une demi-heure de
programmes courts, un pari pour une si longue case. « Dans la présentation de notre
projet nous avons mis l’accent sur une construction en sketches courts, pour que le
téléspectateur puisse entrer et sortir facilement du programme. L’écriture a été assez
rapide, mais ensuite, pour réaliser le pilote de 6 minutes, le casting a pris un temps
infini. De même, le choix de l’habillage, de la façon de “cuisiner” les saynètes a
nécessité du temps. Yann Goazempis, responsable à M6 de la direction du pôle fiction
humour, et avec qui nous avons de très bonnes relations, nous a accompagnés. Dans le
travail, je suis de toute façon rarement en conflit avec les gens. Personne n’y a
intérêt. » Sylvie Coquart-Morel remarque qu’une des particularité de Scènes de
ménages est qu’il s’agit d’une émission quotidienne : « L’identité de la chaîne est
davantage présente dans un programme quotidien. » « M6 est une chaîne familiale,
répond Alain Kappauff. Dans Scènes de ménages, on passe du burlesque au
psychologique, mais il y a aussi des enfants qui regardent. Nous sommes obligés d’en
tenir compte, ne serait-ce que du point de vue du vocabulaire. Certains de nos auteurs
sont pères et prennent en compte le fait que leurs enfants aussi doivent pouvoir
regarder ce programme. Nous sommes donc assez consensuels, même si les auteurs
peuvent se “lâcher” par exemple avec le personnage de vieux misanthrope (joué par
Gérard Hernandez). »
Vincent Poymiro reconnaît que chaque chaîne impose ses contraintes, mais que ces
mêmes contraintes obligent souvent les scénaristes à être créatifs. « Sur M6, il faut
être drôle. Sur Arte c’est différent : les responsables du pôle fiction ne savent pas
forcément précisément ce qu’ils veulent. La contrainte est plus floue et c’est à nous de
les convaincre. Au final, nous avons obtenu exactement ce que nous voulions, ça ne
venait pas d’une demande de la chaîne mais de notre offre. » « Mais le public d’Arte
est différent, plus “pointu”, il faut donc écrire en fonction de ce public ? », demande
Sylvie Coquart-Morel. « Mais non, répond Vincent Poymiro. Nous avons vraiment
essayé de faire rire et pleurer, en nous adressant non pas à un public spécifique mais à
une large audience. »
Khaled Amara, directeur d’écriture sur Scènes de ménages, précise que les contraintes
de la chaîne ont évolué en quatre saisons. « Notre seule contrainte est de faire rire.
Mais nous avons plusieurs stades de validation : si l’on reprend l’exemple du vieux
misanthrope, Raymond, ce personnage ne serait pas ce qu’il est si les auteurs
respectaient à la lettre toutes les contraintes de la chaîne. » « Certains de nos auteurs
sont incontrôlables et géniaux ajoute Alain Kappauf. Tout le monde s’exprime. Et nous
utilisons aussi la double lecture pour le jeune public et les adultes. » Khaled
Amara donne l’exemple de poussière d’étoiles : « C’est un jeu sexuel entre adultes qui
se déguisent, mais pour les gamins qui regardent la série, c’est un jeu tout court. »
L’auteur Laurent Nicourt précise quant à lui avoir trouvé un filtre pour les sketches
scabreux : « Je cherche comment je peux expliquer ça à ma fille. C’est mon test : si je
ne trouve pas les mots, j’abandonne le gag ! »
Questions du public
« Pour Ainsi soient-ils, quelles ont été les étapes intermédiaires entre les dix pages qui
vous ont permis de convaincre la chaîne Arte au début et avec la bible finale ? »
« Je dirais à peu près deux ans, répond Vincent Poymiro. Il n’y a pas eu tant d’étapes
que ça, disons trois : d’abord cet argumentaire de dix pages, puis une étape
intermédiaire de 50 pages et enfin la bible finale de 120 pages. » « J’ai un peu oublié,
ajoute David Elkaïm. Mais la bible contenait un premier épisode de 60 pages, donc
déjà 15 pages de trop … ».
« Comment le format de Scènes de ménages a-t-il évolué pour passer maintenant à 20
minutes sous forme de petites pastilles ? La chaîne M6 a-t-elle abandonné le format de
sitcom classique de 26 minutes ? »
« C’est une très bonne question, souligne Alain Kappauf. En effet, nous avons
délibérément adopté la forme de la sitcom, au bon sens du terme, parce qu’on aime ça.
Nous avons choisi des comédiens de théâtre, avec leur générosité et leur énergie. Nous
sommes donc dans une dynamique de sitcom, mais pourtant pas sur un format de 26
minutes. Car nous sommes soumis à la contrainte de la programmation et qu’il faut
découper en sketches. C’est une narration pointilliste, on retrace le tableau en petits
morceaux. C’est d’ailleurs devenu la spécificité de notre série : quand on travaille sur
un format de 26 minutes il y a forcément des temps morts. Nous écrivons des tranches
de vie d’en moyenne 45 secondes, donc le téléspectateur ne risque pas de s’ennuyer.
Ce format n’est pas né du hasard ou du développement d’Internet : il a été sciemment
construit dans ce sens et a bénéficié de l’explosion des programmes courts. Pour créer
une bonne série, il faut un grand thème : le travail pour Caméra Café, les conflits dans
le couple pour Scènes de ménages, le trentenaire pour Bref etc… On pourrait même
faire d’Ainsi soient-ils des programmes courts. »
Sylvie Coquart-Morel remarque que Canal + s’est lancé dans les comédies de 26
minutes avec la série H, pour revenir récemment aux 52 minutes avec Kaboul Kitchen.
« Pour Canal +, nous avons créé la série Barres de mire, rappelle Alain Kappauf ainsi
qu’une série sur le thème de la sexualités, Confidences, où tout se passait dans des
canapés. Un groupe d’amis se confiaient leurs histoires sexuelles. C’était un format de
6X26 minutes, mais quand même un programme court. »
Les processus d’écriture
Ainsi soient-ils
David Elkaïm revient sur les étapes d’écriture : « La plupart du temps, nous avons écrit
à deux, mais nous avons rencontré des prêtres, des anciens prêtres, des cadres de
l’Eglise. Nous nous sommes inspirés du séminaire des Carmes à Paris, qui est une sorte
d’Ena de l’Eglise catholique. Mais nous avons également passé deux sessions d’une
semaine avec un consultant québécois, Pierre-Yves Bernard, qui nous a aidés à
développer nos scénarios à partir de la bible. Il a écrit la série québécoise à succès
Minuit le soir, qui raconte la vie de quatre copains videurs de nuit, diffusée le soir - trop
tard - sur France 2. Sur Ainsi soient-ils, ce fut un travail intensif qui nous a retournés !
Pierre-Yves ne connaissait rien à l’Eglise, donc tout était possible. Il nous a questionnés
sur tout, il nous a rincés avec énergie et humour. Il était à fond pour le projet. Notre
bible tenait le coup, mais il a poussé à fond les personnages et les situations. Le travail
de la première session nous a nourrit et permis d’écrire le premier épisode dialogué.
Quand Pierre-Yves est revenu pour une seconde session de cinq jours, il nous a ouvert
d’autres portes. Par exemple, il a insisté le “réseautage” : c’est-à-dire l’art et la manière
de créer des liens entre les personnages afin que les intrigues se croisent. Dans les
grandes séries américaines type Friday Night Lights, une séquence peut contenir
jusqu’à trois conflits parallèles en même temps. Il nous a ainsi permis de raconter des
rencontres, des conflits, et cette session a nourri les six mois d’écriture suivants.»
« Nous avons tout écrit à deux, rappelle Vincent Poymiro, mais dès le début avec le
regard et le dialogue du producteur d’abord (Bruno Nahon) et du réalisateur ensuite
(Rodolphe Tissot). Nous avons eu besoin d’un consultant extérieur car nous souhaitions
aller sur une série comme on les aime, comme ils savent le faire du côté des Etats-Unis.
C’est sans doute pour cela qu’on a choisi un anglo-saxon, même québécois ! A deux,
nous avions nos habitudes de travail pour « complexifier »l’écriture, mais Pierre-Yves
Bernard est arrivé et a questionné le projet de fond en comble ! Il nous a aussi
beaucoup aidés techniquement, avec des principes dramaturgiques. En France quand
on écrit un conflit, on a tendance à le refermer, alors qu’il faut développer l’imaginaire
et ne surtout pas hésiter à aller loin. Une des premières choses que Pierre-Yves nous a
dites, c’est d’avoir davantage confiance en notre concept. Selon lui, plus le scénario est
construit, plus il est “mécanisé”, plus il est à la fois logique et surprenant, plus le film
fini ressemblera à la vie. Je n’avais jamais rencontré quelqu’un de ce niveau dans
l’écriture. »
« Je m’occupe de la commission télévision de la Guilde des scénaristes, précise Sylvie
Coquart-Morel. Dans ce cadre, nous nous sommes beaucoup battus pour développer la
formation professionnelle, et la possibilité de faire venir ce genre de consultants sur
des projets. Il nous faut créer nos instruments pour pouvoir obtenir ce dont on a besoin
pour mieux travailler. »
Scènes de ménages
« Le processus d’écriture chez nous est long et contraignant, avoue Alain Kappauf.
Tout peut changer jusqu’au dernier moment, jusqu’à la mise en place du décor. »
Khaled Amara, directeur d’écriture sur cette série, en convient : « Nous écrivons 50 à
60 minutes par semaine, soit plus de 15 épisodes, avec une quinzaine d’auteurs. C’est
un rythme très intense, d’ailleurs merci de nous recevoir, car nous ne sommes pas
sortis du bureau depuis trois ans (rires). La saison quatre sera livrée en septembre,
mais les épisodes peuvent être tournés dix à quinze jours après avoir été écrits : nous
avons beaucoup moins de temps de réflexion que sur une série à épisodes longs. Notre
bible est solide mais elle évolue en permanence, et c’est délicat car nos personnages
peuvent changer mais les téléspectateurs y sont attachés (et en plus il y a des
rediffusions). Nous recrutons tout le temps de nouveaux auteurs. Ils se partagent en
deux groupes : on appelle le principal, dont font partie Hervé et Laurent Nicourt ici
présents, la “ligue 1”. Pour un nouvel auteur, a fortiori confirmé, arriver dans Scènes de
ménages n’est pas facile : il faut s’intégrer à la grande histoire - on en est à 6000
situations -, savoir travailler en pool d’auteurs comme sur Caméra Café. J’ai commencé
comme auteur sur Caméra Café et je sais qu’il faut du temps pour se familiariser avec
cette méthode. Nous venons d’ailleurs de créer un pool 3, tenu par Laurent et Hervé
Nicourt, destiné aux jeunes auteurs. Je rencontre les pools 1 et 2 chacun une fois par
semaine, nous lisons tous ensemble les premières versions des sketches en nous
improvisant comédiens. Notre force c’est ces huit cerveaux qui réfléchissent ensemble
sur chaque sketche et donnent leur avis chaque semaine. »
Alain Kappauf ajoute : « Nous n’avons pas de rapports de producteur à auteurs, nous
sommes amis. On se marre et j’espère que ça se sent quand on regarde la série. Les
comédiens doivent aussi avoir le sentiment de s’amuser avec nous. Ma position est
plutôt celle d’un producteur artistique, je mets peu les mains dans la finance. J’ai un
rôle de “show runner” à l’anglo-saxonne.»
« Chaque saison est l’occasion de réfléchir à la façon de faire évoluer la série, continue
Khaled Amara. Je dirais même que plus les saisons avancent et plus on se remet en
question. Nous avons petit à petit ouvert l’univers des quatre couples, pour les faire
sortir de leurs appartements et éviter l’étouffement. Nous avons aussi accueilli des
“guests”. Chaque début de semaine, nous faisons des lectures avec les comédiens et le
metteur en scène. C’est un luxe et on ne pourrait plus travailler autrement, car les
comédiens apportent des choses qu’on ne peut pas écrire, le travail devient alors
complètement collectif. Ensuite il y a un dernier retour aux auteurs avant le tournage.
Dans Scènes de ménages tout est pensé : les accessoires, les couleurs, les lumières et
les costumes créent un univers fort qui fait partie de l’écriture. Tous les textes sont
validés par la chaîne, qui est peu interventionniste. Et on a le luxe de pouvoir jeter des
textes. » L’auteur Laurent Nicourt ajoute un détail important : « C’est l’auteur du
sketche qui décide d’arrêter ou non le travail sur son texte s’il ne fonctionne pas. On
reste maître de tout ce qu’on fait. »
« Mais comment éviter les redites entre les sketches ? demande une personne du
public. Et envisagez- vous un long métrage d’après la série ? »
« Nous avons créé une banque de données des thèmes ou des situations, explique
Khaled Amara. Certains sont parfois évoqués plusieurs fois mais c’est rare. » « Quand
un programme a du succès, on se pose forcément la question du long métrage,
poursuit Alain Kappauf. Il y a déjà une pièce de théâtre, une bande dessinée, un site
internet, et on nous a proposé toutes sortes de déclinaisons possibles. Pour l’instant
nous avons choisi d’élargir le cadre de la série, de sortir des conflits ménagers (la
vaisselle, le poil sur le lavabo) pour élargir aux voisins, à la famille, à la société en
général pour trouver de l’air. Et nous allons créer un nouveau couple qui soulève une
nouvelle problématique. Je précise que ce n’est pas un couple gay comme celui de
Modern family, qui est d’ailleurs très réussi. On va donc dans une autre direction que le
cinéma. »
Sylvie Coquart-Morel demande d’où viennent les nouveaux auteurs de Scènes de
ménages ?
« Il y a des générations spontanées, des propositions de gens qui aiment la série
explique Alain Kappauf. Des écrivains nous ont proposé des sketches par exemple.
Mais ce n’est pas facile de les intégrer, car la série a un format très particulier et que
ses personnages sont de plus en plus codifiés. On rencontre les auteurs, tous font des
essais sur un sketche de trois minutes, avant d’être dirigés vers les coordinateurs
d’écriture, puis le directeur d’écriture si ça se concrétise. »
La direction artistique
Ainsi soient-ils
Les quatre premiers épisodes d’Ainsi soient-ils ont été réalisés par Rodolphe Tissot, qui
est arrivé tôt sur le projet dont il assure également la direction artistique. Sylvie
Coquart-Morel rappelle que ce cas est très rare dans les séries françaises (réalisateur
et direction artistique). « Tout scénario contient un fantasme sur la forme que prendra
le projet. Pour moi, la direction artistique consiste à créer quelque chose de codé à
l’image, une sorte de grammaire visuelle transmissible à d’autres réalisateurs. »
Vincent Poymiro raconte que Rodolphe Tissot, amené par le producteur, est arrivé tôt
dans le processus : « Nous avions déjà écrit deux épisodes, il les a relus et a donné son
avis au fur et à mesure. »
« Je suis arrivé quelques semaines avant la mise en production, une fois que la bible
était terminée, se souvient Rodolphe Tissot. Mais il a fallu accélérer très vite. C’est
paradoxal : les trois ans nécessaires pour créer la série se sont partagés en deux ans et
demi pour aboutir aux deux premiers épisodes, et ensuite six mois pour écrire les six
autres ! De mon côté, j’ai moins ressenti de conflit avec Arte : après tout la chaîne a
coproduit la série. Beaucoup ne seraient pas allés jusqu’au bout ou n’auraient même
pas commencé à la développer ! Je n’ai pas vécu les premières réunions, mais j’ai
l’impression que la chaîne a laissé les auteurs s’imposer, même en les contredisant tout
au long du processus d’écriture. Pour revenir à mon rôle sur Ainsi soient-ils, je venais
d’écrire et de réaliser La Tueuse un unitaire de fiction qui avait beaucoup plu à Bruno
Nahon. Comme Bruno et les deux auteurs devaient choisir le réalisateur d’un commun
accord, il leur a passé le film, et heureusement j’ai été validé par Vincent et David ! En
plus, mon expérience d’auteur sur la tueuse me donnait une légitimité pour les
discussions de scénario. J’ai eu un véritable coup de foudre pour cette histoire et les
deux épisodes dialogués que j’ai lus. Ensuite, quand la mise en production a
commencé, le rythme de travail a été multiplié par dix. Il n’y a pas de formule magique
à la télévision, je ne crois pas au mythe du « show runner » à l’américaine qui maitrise
tout. En France, certains réalisateurs arrivent et veulent changer tout le texte, et pour
moi ce n’est pas forcément bien ou mal, cela dépend de tellement de paramètres. Je
n’ai rien perdu en n’étant pas auteur sur le projet, mettre en images des scénarii que je
n’avais pas écrits me passionnait tout autant car les textes étaient de grande qualité. Et
puis nous nous sommes tous les quatre tout de suite très bien entendus, nous n’étions
jamais les uns contre les autres. »
Sylvie Coquart-Morel remarque : « Sur ce projet, vous êtes d’une génération qui a fait
évoluer les choses. Les formats courts impliquent de nouveaux rapports entre les gens.
Il faut aller vite, penser tout de suite en termes de direction artistique et cela simplifie
parfois les rapports entre auteurs et réalisateurs. En quinze ans, j’ai noté une véritable
évolution, en particulier avec la concurrence des séries américaines : il n’y a pas si
longtemps, les réalisateurs ne consultaient pas les scénaristes en relecture. Aujourd’hui
la scission entre l’écriture et la mise en scène est moins forte et c’est une évolution très
positive. »
« Il n’y a pas forcément d’antagonisme entre l’auteur-réalisateur à la française avec un
grand A et le réalisateur ”industriel de la fabrication”, il faut vraiment être les deux,
résume Rodolphe Tissot. Tous les cas de figure existent à la télévision : on peut se faire
imposer un casting, ne pas avoir le droit de discuter avec les auteurs car le producteur
s’y refuse, mais le contraire existe aussi. Je suis beaucoup intervenu sur le texte d’Ainsi
soient-ils mais toujours dans un processus de discussion. Concrètement, je n’ai jamais
écrit une ligne, ils étaient les auteurs et moi le directeur artistique. Et puis j’avais déjà
l’expérience d’un film avec Arte. Bruno attendait de moi que je rentre dans le
budget serré de la série tout en gardant la forte ambition artistique. Le premier
scénario faisait 60 pages, je l’ai fait minuter et il y avait effectivement 15 pages de
trop : Vincent et David ont du renoncer à 25% du scénario, j’ai été dur avec eux (rires)
mais ça s’est fait dans l’échange. »
« Que représente concrètement ce rôle de directeur artistique ? demande Sylvie
Coquart-Morel. « On fait tout ! répond Rodolphe Tissot. Bruno Nahon m’a donné cette
chance et la chaîne était dans le même état d’esprit. Auparavant, sur d’autres chaines,
j’avais vécu des choix de montage, de casting, de musique imposée. Sur Ainsi soient-ils
j’avais carte blanche. Malgré cette liberté, j’ai dû déléguer : réaliser huit épisodes, cela
représente six heures de fiction, c’était impossible dans les délais. J’ai donc réalisé les
quatre premiers et délégué les épisodes 5 à 8 à un couple de réalisateurs, Elisabeth
Marre et Olivier Pont. En revanche, ils n’ont pas participé aux choix du casting et des
décors, de l’équipe et du chef opérateur. Cependant, je n’ai pas écrit de bible de
direction artistique à donner à ces réalisateurs. Nous avons beaucoup discuté, des films
que nous aimions, des valeurs de plans, des choix de focales. Tout s’est fait de manière
empirique. Je ne crois pas que je pourrais donner à un autre réalisateur un résumé
décrivant concrètement la direction artistique d’Ainsi soient-ils : en fait la meilleure
bible artistique de cette série, c’est sans doute cette saison 1 réalisée. »
Scènes de ménages
« Les choses étaient en place dès le début, affirme Alain Kappauf. J’étais très précis sur
la lumière et les costumes, je voulais une ambiance à la David LaChapelle. Le réalisateur
de la quatrième saison, Alex Lutz, a travaillé quelques semaines pour définir les
personnages, les directions principales. Le genre court veut que le cadre soit
contraignant. Notre réalisateur principal, Francis Duquet, a d’ailleurs établi une
codification très précise de chaque valeur de plans, une sorte d’alphabet de la série qui
accompagne le travail des auteurs. Nous avons choisi dès le départ de travailler en
plans séquences fixes : cela permettait de garder la dynamique du jeu des comédiens,
qui est essentielle en comédie, sans avoir à passer un quart d’heure à changer les
lumières. Le premier pilote n’était pas en plan fixe d’ailleurs, c’est une décision qui a
été prise après. C’est un dispositif semblable à celui du théâtre, dans ce cadre les
comédiens peuvent enchaîner les prises sans épuisement. C’est également grâce à ce
dispositif que nous pouvons avoir un si bon rendement, jusqu’à 10 minutes de fiction
tournées par jour. »
David Elkaïm rebondit sur ce thème de la direction artistique. « Avec Vincent Poymiro,
nous avons eu l’expérience d’Henaut président qui était aussi un programme court. Le
pilote n’était pas en plan fixe, en revanche les épisodes suivants l’étaient tous. On a
inventé la direction artistique au moment de l’écriture. C‘était aussi une réponse aux
problèmes de financement : il fallait tourner quatre épisodes de 3 minutes par jour, on
produisait jusqu’à vingt épisodes par semaine ! Quand on inventait un décor, il devait
servir quatre fois. Le plan fixe était donc une solution simple et évidente. Mais
d’habitude on ne pense pas à la direction artistique quand on commence à écrire.
Pourtant elle est partout présente : dans la série Ainsi soient-ils, un personnage, Bosco,
a des crises d’épilepsie. Nous y tenions beaucoup, mais le réalisateur, Rodolphe, ne les
trouvait pas crédibles. On s’est donc demandé ensemble quel comédien pourrait jouer
l’épilepsie de façon vraisemblable : un choix d’écriture peut avoir des conséquences
d’ordre artistique. Pour des raisons économiques, il a aussi fallu réduire des décors et
basculer des séquences prévues dans des décors uniques sur des décors récurrents, ce
qui nous a obligés à réécrire les séquences. »
Sylvie Coquart-Morel remarque qu’il y a beaucoup de décors dont peu de récurrents
dans Ainsi soient-ils. « C’est impressionnant par rapport à ce qu’on connaît des budgets
d’Arte : dans les quatre premiers épisodes on bouge beaucoup et certains décors sont
vraiment-majestueux. »
« Oui, ça c’est vraiment le travail de Rodolphe Tissot, souligne Vincent Poymiro. C’est
un plus par rapport à ce qu’on a écrit, une façon de pousser au maximum le scénario. »
« Nous étions tous les quatre d’accord sur le sens de ce qu’on voulait raconter,
enchaîne Rodolphe Tissot. A partir de cela, je pouvais changer des choses, on n’était
pas à une phrase de dialogue ou à une didascalie près. Dans le cas d’Ainsi soient-ils, la
direction artistique représentait d’abord des réponses aux contraintes. Mais j’ai
toujours eu de petits budgets et j’ai toujours aimé les contraintes, qui nous forcent à
être créatifs. J’ai pu proposer au producteur des solutions pour réduire les coûts : par
exemple, j’ai tourné mes quatre épisodes, mais quand mon équipe était dans un décor,
je tournais aussi des scènes des épisodes 5 à 8 qui devaient s’y situer. A l’inverse,
certaines des scènes des quatre premiers épisodes ont été tournées par l’autre équipe
de réalisateurs. J’avais confiance, car je connaissais les comédiens et l’équipe technique
que j’avais choisis. D’ailleurs, je défie quiconque de trouver ce que je n’ai pas réalisé
moi-même dans les quatre premiers épisodes ! »
Les comédiens
Scènes de ménages
« Nous travaillons avec Michaël Laguens qui est un excellent directeur de casting,
rappelle Alain Kappauf. D’autant que c’était un travail de longue haleine : nous avons
déterminé les grands profils des personnages et notre principal impératif était de ne
pas choisir des acteurs trop connus. Il fallait créer nos propres personnages et que
l’identification soit possible. Si ce travail a duré très longtemps, c’est aussi que nous
avions besoin de couples qui soient crédibles pour quelques années sur l’écran et aussi
qu’ils se supportent pendant les tournages sur le long terme ! » Hervé Nicourt souligne
qu’entre auteurs et comédiens, il y a à la fois de l’émulation et un peu de rivalité.
« Mais au final, on a autant besoin les uns des autres. »
Ainsi soient-ils
« Il y avait bien 110 rôles sur cette série, révèle Rodolphe Tissot. J’ai pu tous les choisir.
Mais en fin de préparation il restait encore une vingtaine de rôles à distribuer : j’ai donc
demandé aux autres réalisateurs de les choisir, à part quatre ou cinq que je voulais
valider avant le tournage. Arte n’a pas du tout été interventionniste sur le casting. En
fait Arte nous a imposé une seule chose : le changement de titre. En effet, au départ la
série s’appelait Ministères. Pour revenir aux comédiens, certains que j’ai castés ont
donc tourné uniquement avec l’autre équipe de réalisateurs certains des acteurs sont
dans même présents dans mes épisodes sans que je les ai pas dirigés. »
« Quand on est un jeune auteur, on écrit des choses qui ne sont pas forcément
tournées, rappelle Sylvie Coquart-Morel. Et lorsqu’ont été tournées des scènes que
vous avez écrites, lorsque vos dialogues ont été joués, cela change vraiment votre
façon d’écrire. »
La place des auteurs
« Avec Michel Muller comme avec Rodolphe Tissot, la place faite aux auteurs sur
l’écriture était prépondérante, se souvient Vincent Poymiro. Ensuite, nous sommes
encore intervenus, plutôt en conseil, pendant la préparation. Enfin, nous sommes
revenus au montage (mais pas sur le tournage et c’est normal). Jusqu’au bout la
question de la narration a été prise en compte dans le travail. C’est ce qui fait la
cohérence artistique du projet. Il n’y a jamais eu d’attitude du type “je prends le
relais”. » « J’ai été scénariste de projets que je n’ai pas réalisés et je sais à quel point ça
peut être douloureux, renchérit Rodolphe Tissot. Même si ça ne donne pas forcément
mauvais films ! Personnellement, j’étais en demande du regard des deux auteurs. Ils
ont aussi donné leur avis sur les rushes. Par exemple, Le producteur Bruno Nahon avait
un peu des plans serrés sur les personnages et les auteurs l’ont convaincu qu’il en
fallait après avoir vu les premiers rushes. »
« Est-ce que les auteurs de Scènes de ménages vont au montage ? » demande Sylvie
Coquart-Morel.
« Pas vraiment, répond Alain Kappauf. Mais c’est un cas spécial puisqu’il s’agit de plan
fixes : le montage et la mise en musique sont réalisés par un chef monteur dès que la
scène est tournée. On coupe un peu au début et à la fin, c’est tout. La musique donne
une couleur à l’épisode, on évite les applaudissements en boîte que je déteste, et ça
donne une rythmique au texte. C’est très dynamique. Comme il y a des couleurs de
décors par couples, il y a une couleur musicale. » « Quant à la musique, précise
Rodolphe Tissot, nous avions un gros challenge pour Ainsi soient-ils. Car en plus de la
musique du film, il y avait des chants de messes, des chants de messe, des chants de
scouts et de marins, et même du rock. Certaines scènes ont donc été tournées en playback. Nous avons travaillé avec Jean-Pierre Taïeb que j’avais déjà côtoyé, et il a été
parfait. Il a écrit des chansons qu’il a fait répéter aux comédiens et a tout pris en charge
dans la globalité. »
Les finances
Ainsi soient-ils
« Le travail de scénariste sur une série est rentable si l’on a des délais raisonnables,
disons un an pour écrire huit épisodes raconte Vincent Poymiro. Arte finance 500 000
euros par épisode soit 4 millions d’euros pour huit épisodes, sur un budget total de 5 à
5,5 millions d’euros. L’écriture représente au final 3% du budget global. C’est à dire
qu’on a touché 70 000 euros chacun pour l’écriture de la saison 1 auxquels il faut
rajouter la prestation de Pierre-Yves Bernard. Nous allons toucher un peu plus pour la
saison 2 mais, surtout, les délais seront beaucoup plus courts. Pendant une grande
partie de l’écriture de la série qui s’est étalée sur trois ans, j’ai écrit plusieurs longs
métrages, j’ai fait des consultations. Je n’ai donc pas vécu que de ça.»
« Cette proportion de 3% du budget pour l’écriture est peu élevée, souligne Sylvie
Coquart-Morel , même si c’est la moyenne en France. Il faut viser le double voire le
triple. Des chaînes comme NRJ et W9 lancent des programmes à bas prix et les jeunes
scénaristes doivent défendre leur travail, et savoir regarder le ratio entre le coût de
l’épisode et le minimum garanti proposé au scénariste. » Rodolphe Tissot précise que
tout le monde a dû s’adapter au budget d’Arte, mais Sylvie Coquart-Morel lui rappelle
qu’un scénariste ne sait jamais combien de temps va durer son travail, ce qui rend le
calcul de la rémunération plus compliqué.
Scènes de ménages
« C’est très simple, résume Alain Kappauf. Chez nous le tarif des scénaristes est de 450
euros la minute au minimum. Comme le programme marche bien, chaque année c’est
l’inflation des prix pour les auteurs comme pour les comédiens (rires). Mais c’est une
culture chez nous : tout le monde est bien payé parce que le programme a du succès. »
Questions du public
« Comment circulent les séries courtes à l’étranger ? Est-ce que ce sont des projets
internationaux ? »
« Je ne suis pas ça de très près car les droits de Scènes de ménages appartiennent à M6
et non aux producteurs, répond Alain Kappauf. Mais je sais que sur les marchés, les
acheteurs préfèrent la version française de Scènes de ménages à l’espagnole. Je sais
aussi que Caméra café est la comédie française la plus vendue dans le monde, y
compris en Chine. Les coproductions en amont sont plus intéressantes que les ventes
internationales qui représentent des sommes faibles. On n’est pas dans le contexte des
séries américaines ! »
« Au moment de la mise en production, Ainsi soient-ils était un projet qui a été très peu
soutenu, se souvient Rodolphe Tissot, à part par la région Poitou Charentes.
Maintenant que la série est tournée, elle a été achetée dans quelques pays. La saison 2
se fera dans des conditions plus confortables même si on ne sait pas encore dans
quelle mesure. Il faut attendre la diffusion. »
« Considérez-vous Ainsi soient-ils comme une série réaliste ? »
« Il faut forcément faire des choix, choisir une stylisation, rappelle Vincent Poymiro.
Nous voulions une série avec des décors et des tons divers, qui propose de la comédie,
du mélodrame, de l’humour métaphysique et même du polar. La question du réalisme
c’est la question du point de vue : nous ne voulions pas nous moquer de l’Eglise, ni la
soutenir forcément, mais montrer des positions, tenter de comprendre la démarche
des gens qui croient. Nous nous sommes documentés mais tout n’est pas vrai : pour
qu’un bâton plongé dans l’eau aie l’air droit, il faut parfois le déformer un peu avant. »
« Nous sommes dans un entre-deux, ajoute Rodolphe Tissot. La série est assez réaliste,
mais ce n’est pas non plus du cinéma vérité. Nous avons bénéficié de conseillers en
écriture en préparation et sur le tournage. Mais leurs conseils étaient parfois flous,
« on doit faire comme cela mais le contraire aussi », ce qui m’arrangeait tout en me
posant problème. De toute façon, quand on écrit ou réalise un film sur un sujet très
précis, un métier, il y a toujours des réactions négatives. Après un film sur un
boulanger, on aura toujours des lettres énervées disant qu’on ne fait pas les croissants
comme ça (rires). » « Pour l’instant la série n’a été diffusée qu’à Séries mania, précise
David Elkaïm. Pour un profane, tout parait vraisemblable. Pour un fervent catholique
pratiquant, il y a certainement des invraisemblances. C’est toute la différence entre la
réalité et le vraisemblable. Ce qui nous intéresse, nous, c’est le vraisemblable, donc ce
qui paraît vrai. Nous verrons à la diffusion en octobre.»
Le fonds d’aide à l’innovation
Sylvie Coquart-Morel passe alors la parole à Alice Delalande, responsable du fonds
d’aide à l’innovation du CNC qui soutient aussi les projets de séries.
« Au-delà du partage d’expériences de ces Rencontres, je souhaitais faire le lien avec
les dispositifs de soutien à l’écriture existants, dont ce fonds d’aide à l’innovation.
Rodolphe Tissot avec son film La tueuse en est d’ailleurs l’un des lauréats. Je m’occupe
du pôle fiction et animation du fonds, mais les projets documentaires sont également
soutenus. Ce fonds peut permettre d’écrire et de réaliser un pilote de série, ce qui est
bien utile. Pour les séries longues, c’est un levier de financement. Je ne rentre pas
davantage dans les détails car nous organisons le 29 juin prochain une rencontre de
présentation de l’ensemble des guichets disponibles au CNC pour les auteurs. Dans ce
cadre, le scénariste Frédéric Krivine viendra présenter le fonds. Les aides à l’écriture et
au développement pour les auteurs seront présentées, ainsi que deux autres soutiens à
venir : l’aide au concept et l’aide à la réécriture en télévision. »
Biographies
Khaled Amara
Khaled Amara est auteur-dialoguiste et directeur artistique. Il a travaillé sur de
nombreux programmes télévisés dont Caméra Café (M6), La minute Blonde (Canal +),
20H10 Pétantes (Canal +), Ligne Blanche (Comédie !), Aïcha (France 2), Canal Presque
(Canal +), Tout le monde il est beau (Canal +), Scènes de Ménages (M6)… Il est depuis
avril 2011 directeur d’écriture de la série à succès Scènes de Ménages.
Sylvie Coquart-Morel
Scénariste depuis 1983, elle a participé à l’écriture de nombreuses séries parmi
lesquelles Fais pas ci, fais pas ça série comédie d’épisodes de 40’ diffusée sur France 2
en 2008, Disparitions série fantastique d’épisodes de 52’ diffusée sur France 3 en 2008,
Section de recherches, série policière d’épisodes de 52’ diffusée sur TF 1 à partir de
2007, Crim’ série policière d’épisodes de 52’ diffusée sur France 2 de 2001 à 2006, et
enfin Nestor Burma, série policière d’épisodes de 90’ diffusée sur France 2. Sylvie
Coquart a par ailleurs initié des projets dont Ondes de choc, série policière de 6 x 52’
diffusée sur France 3 en 2007, Saintex, nos années pensions, série jeunesse de bientôt
104 épisodes de 26‘ diffusée sur France 2 depuis 2006, Aix Mélodie, série de comédie
de 13 x 52’ diffusée sur France 2 en 2002, et Les Ouchas, série pour enfants de 26 x 26’
diffusée sur France 3 en 1995. Elle a également participé à trois séries d’animation et
exercé les activités de directrice littéraire en France et sur des co-productions francoanglaises, franco-américaines et canadiennes. Pour le cinéma, elle a écrit Combat avec
l’ange réalisé par Michel Ferry en 2007. Elle est actuellement en cours d’écriture sur
des projets de séries et d’unitaires pour la télévision, le cinéma et la radio. Sylvie
Coquart intervient périodiquement au Conservatoire Européen d’Ecriture Audiovisuelle
ainsi qu’à l’Ina Sup.
David Elkaïm
Scénariste issu de La fémis (8ème promotion), David Elkaïm rencontre Michel Muller en
travaillant sur son premier film La Vie de Michel Muller est plus belle que la vôtre
(2004). Il collabore ensuite à plusieurs projets du comédien-réalisateur dont la série
Hénaut Président, diffusée sur Paris Première lors de la campagne présidentielle de
2007 (70 x 4’), et sur l’adaptation de la série pour le cinéma. Il travaille aussi
régulièrement avec le réalisateur et producteur marocain Hassan Benjelloun : Où vastu Moshé ? (2007), Les Oubliés de l’Histoire (2009), La Cinquième corde (2009). Il anime
de nombreux ateliers auprès de lycéens (dans le cadre de « Lycéens au cinéma » ou des
« Classes à option cinéma »), d’étudiants (facultés de Tours ou de Caen) et
d’enseignants. Depuis 2010, il a co-écrit avec Vincent Poymiro Ainsi soient-ils (8 x 52’),
une série sur l’Eglise qui navigue du séminaire au Vatican, dont la première saison sera
diffusée sur Arte en octobre 2012, et dont la deuxième saison est en cours d’écriture.
Alain Kappauf
Il y a sept ans, Alain Kappauf et Christian Baumard décident de créer Kabo, société de
production destinée dans un premier temps à la production de Shortcom. Ils produiront
de nombreux formats courts tels que Confidences, Ligne Blanche, Barres de mires,
Ricao Marino ou encore le dernier succès en date, Scènes de ménages. Alain Kappauf,
issu du format court et plus particulièrement de la direction d'écriture, est un acteur à
part entière des différentes étapes des projets. Ayant un regard de scénariste avant
d'avoir un regard de producteur, il est le "passage" obligatoire entre création et
production : Caméra café (2001), Espace Détente (2005), Confidences (2007), Caméra
Café 2 (2009), Le séminaire (2009), Kaamelott (2009), Scènes de ménages (2009).
Laurent et Hervé Nicourt
Depuis 1989, Laurent et Hervé Nicourt travaillent ensemble pour la publicité et la
télévision. Ils mènent une activité de concepteurs rédacteurs publicitaires free-lance,
récompensée par trois prix Stratégies (Pepsi, Chuppa chups, Post-it) et écrivent de
nombreux projets pour la télévision. De 2005 à 2007 ils ont co-écrit 226 épisodes des
saisons 4, 5 et 6 de Samantha Oups, Samantha au Gîte, en pool de 5 auteurs (Big Nose
Productions). En 2008 et 2009, ils assuraient la direction d’écriture de Caméra Café
nouvelle saison et l’écriture de 85 épisodes ainsi que 90 épisodes de Scènes de
Ménages. De 2009 à 2012, ils ont travaillé sur plus de 500 épisodes des saisons 2, 3 et 4
de Scènes de Ménages (Kabo productions pour M6). Il sont également à l’origine de
bien d’autres formats courts, sketchs, fausses pubs et de plus de 8500 pilotes, projets
et essais en attente de transformation …. Et aucun sketch pour Un gars, une fille !
Vincent Poymiro
Après des études de lettres à Bordeaux et des débuts dans le journalisme et le
spectacle vivant, Vincent Poymiro s’oriente à partir de 1998 vers l’écriture de scénario.
Il apprend énormément en regardant travailler les comédiens, notamment burlesques,
qu’il produit au théâtre du Samovar, à Bagnolet, jusqu’en 2003. En 2004, il rencontre
Raphaël Nadjari et collabore avec lui comme co-scénariste sur Tehilim, sélectionné en
compétition officielle au 60ème festival de Cannes. Ils travaillent actuellement
ensemble sur plusieurs projets, notamment sur le continent nord-américain.
Parallèlement, Vincent Poymiro a collaboré avec des gens aussi différents que Michel
Muller, Sébastien Lifshitz et le Saïan Supa Crew. Il écrit aussi pour le théâtre gestuel et
burlesque et anime des ateliers pédagogiques autour du cinéma en France et à
l’étranger. Il vient d’entamer l’écriture de la saison 2 d’Ainsi soient-ils, série sur l’Eglise
catholique qu’il a créée pour Arte.
Rodolphe Tissot
Après ses années d’études à l’ESRA, Rodolphe Tissot travaille comme premier assistant
réalisateur sur de nombreux films et téléfilms, auprès notamment de Jacques Fansten,
Charles Nemès et Emmanuelle Bercot. Parallèlement il se consacre à ses propres
projets et réalise plusieurs courts métrages, dont Un soir où la lune était blanche (2000)
avec Ludivine Sagnier, Le Plat à gratin (2006) avec Grégoire Leprince-Ringuet et Maso
(2009), prix de réalisation au Festival de Trouville, mention spéciale du jury au Festival
de Brest, et sélectionné au Festival de Clermont-Ferrand. En 2007 et 2008, il co-écrit un
scénario de long métrage pour Gilles Paquet-Brenner, Walled-in, d’après un roman de
Serge Brussolo, et réalise trois épisodes de 52’ de la série Adresse Inconnue, diffusés en
prime-time sur France 3. En 2010, La Tueuse est son premier téléfilm en tant que
scénariste et réalisateur. Diffusé en prime-time sur Arte, il obtient le Pyrénées d’Or au
Festival des Créations Télévisuelles de Luchon, ainsi que le prix d’interprétation
féminine pour Adrienne Pauly. Il est également sélectionné aux Festivals de Genève,
Toronto, Bombay, Trouville, Igualada, et aux Drama Awards de Seoul. Le film obtient en
mars 2011 le prix Marcel Julian de la meilleure première œuvre de fiction aux Lauriers
de l’audiovisuel.

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