ENTRETIEN EXCLUSIF AVEC MARCEL KHALIFA
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ENTRETIEN EXCLUSIF AVEC MARCEL KHALIFA
R.Afri. du 7 janvier 1988 Entretien exclusif avec Marcel Khalifa C’était il y a dix ans. La jeunesse algérienne découvrait avec ravissement que les vers de Mahmoud Darwish, mis en musique, n’avaient rein à envier à ceux d’Aragon, de Blas de Otero, de Neruda ou de Ritsos. La connivence, dans ce domaine, est on ne peut plus claire et exclue les compétitions de mauvais aloi. Par-delà les langues, l’universel s’accomplit dans le progrès, ce mot aujourd’hui voué à toutes les avanies. Il y a dix ans débarquait, un certain mois de septembre, un jeune homme les mains pleines de sons nouveaux, de paroles bouleversantes parce que rendues à leur essentielle musique. Il surprit, dérouta, mais enchanta surtout. Comme une traînée de poudre, des aires se répandirent, habitèrent notre quotidien, devinrent signaux et ralliement de jeunes en quête de leur devenir. Ils avaient l’âge du chanteur qu’ils accompagnèrent de proche en proche. A la suite de Cheikh Imam et Fouad Nadjim, duo aujourd’hui dissipé au gré de cruels malentendus, parallèlement à l’expérience initiée par Abed Azrié, mystique de la musique, Marcel Khalifa, ce tranquille poète sommé par l’histoire, allait asseoir la chanson dite «engagée» au cœur de la beauté et de l’intelligence. Impliqué au plus profond de son être par le bruit et la fureur qui mirent fin à la mythique sérénité du Liban, il choisit la porte étroite à la vaine gloriole. L’enfant d’Amchit, tout en sensibilité, se jette à corps perdu dans l’exploration du «drame arabe», euphémisme pour bonne conscience. Autant de chansons, de créations musicales que de fusillades et de blessures béantes. «Nous chantions peut-être pour exorciser notre existence d’un cauchemar nocturne. Il me semblait que l’écho de nos mélodies contournait les obus pour annoncer une terre de paix», se souvient-il après le siège de Beyrouth. Militant, Marcel Khalifa ne s’est jamais affiché comme «un homme de marbre». Et quand le malheur confine au rite, il s’élève avec autant de véhémence contre la routine du désespoir que contre ses fomenteurs. Sa «chronique concertante pour Beyrouth» est à ce jour sa réplique majeure contre le malheur. «Nous sommes las de célébrer sans arrêt le rituel de la mort…» Dix ans après sa première descente d’avion à l’aéroport d’Alger, le voici de nouveau parmi nous, l’expression du visage accuse une tristesse plus grave, mais le sourire, la chaleur de la voix balaient avec une force intérieure plus dense tous les cas de figure de l’adversité. D’ailleurs, le projet qu’il poursuit témoigne – si besoin est - d’une vitalité jamais prise en défaut. Neruda aimait à préciser : «Je ne viens rien solutionner. / Je suis venu ici chanter, je suis venu / afin que tu chantes avec moi». («Que s’éveille le bûcheron»). N’est-ce pas le plus grand des devoirs du poète devant la mort ? Dans un entretien exclusif recueilli par Keltoum Staali, Marcel Khalifa boucle avec Révolution africaine l’année. En termes d’avenir. A. K.