LA CARTOGRAPHIE DES RISQUES Un outil indispensable pour les

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LA CARTOGRAPHIE DES RISQUES Un outil indispensable pour les
P RATI Q U E C O M PTAB LE
GILLES DUNAND-ROUX
BERTRAND DESPORTES
LA CARTOGRAPHIE DES RISQUES
Un outil indispensable pour les gestionnaires d’actifs *
La cartographie est un outil indispensable en matière de gestion des risques et
d’aide à la décision pour les gestionnaires d’actifs (banques privées, gestionnaires
de placements collectifs de capitaux, etc.). L’objet de cet article est de présenter la
démarche d’élaboration d’une cartographie des risques de manière séquentielle et
d’illustrer son rôle dans la maîtrise des risques et dans les orientations stratégiques.
1. INTRODUCTION
Les organisations se savent exposées à une typologie de
risques très variés. Chacun de ces risques est le plus souvent
parfaitement identifié. Des grilles d’analyse existent, les
probabilités de survenance sont estimées, les échelles de
mesure ont été développées pour la plupart des risques
connus. S’agissant de certains risques financiers, la combinaison de la recherche mathématique et des progrès de l’informatique a permis de développer des modèles capables de
leur donner une vision plus intelligible avec toutefois les biais
que nous avons eu l’occasion d’évoquer régulièrement (le
­modèle n’est pas la réalité [1]). Pour autant, nous constatons
dans certaines organisations des lacunes en termes de vision
globale, d’une part, et de prise en compte des interactions et
des chaînes de causalité pouvant exister entre chacun des
risques, d’autre part.
Une vision compartimentée des risques est à bannir particulièrement dans le cadre d’une activité de gestion d’actifs.
La cartographie est à ce titre au cœur de tout projet en matière
de gestion des risques.
La cartographie répertorie et hiérarchise l’ensemble des
risques d’une société. Il s’agit d’un outil de gestion et de communication sur les risques que fait vivre la fonction de gestion des risques et dont dispose l’organe de gouvernance. Cet
outil doit être structuré, synthétique, organisé par métier et
par processus et accessible (mise à disposition/compréhension). Il est important de souligner qu’il n’y a pas une cartographie mais plusieurs, chacune d’elles se focalisant sur un
domaine donné. Cette multiplicité ne doit pas conduire à la
construction de cartographies inconciliables tant en termes
178
de format que de philosophie. L’objectif de la fonction de gestion des risques est ainsi de faire émerger une homogénéité
suffisante à la juste compréhension des enjeux et de leur
prise en compte.
L’objet de cet article est de mettre en cohérence l’utilisation de l’outil cartographie avec les besoins des établissements financiers spécialisés dans la gestion de capitaux, individuelle ou mutualisée (banques privées, gestionnaires de
placements collectifs de capitaux, etc.). Cette utilisation
n’est pas la même au niveau des opérationnels ou de la gouvernance, la granularité des informations retranscrites
dans chaque cartographie doit s’adapter au niveau hiérarchique de l’utilisateur. Mais il apparaît évident que la cartographie, qui, nous le verrons, se conjugue essentiellement au
pluriel, vise à aider les organisations à gérer et arbitrer les
risques, donc à décider des actions à mener pour atteindre les
objectifs dans les limites des ressources disponibles.
2. IDENTIFICATION DES RISQUES
2.1 Activité/processus métiers/tâches. Une connaissance
approfondie de l’activité, des risques associés, et de l’environnement de contrôle est une étape décisive pour l’élaboration
de la cartographie des risques qui, par la suite, aboutira à
l’élaboration du plan de contrôle. Cette prise de connaissance
s’appuie sur la bonne compréhension économique de l’entité
via ses processus métiers.
Un processus métier est un ensemble de tâches continues
et interdépendantes qui visent à la fourniture d’un produit
ou d’un service à la clientèle. Le processus métier procède directement d’une activité et met en interaction différents ac-
GILLES DUNAND-ROUX,
BERTRAND DESPORTES,
ASSOCIÉ, DÉPARTEMENT
MANAGER, DÉPARTEMENT
ASSET MANAGEMENT –
ASSET MANAGEMENT –
MAZARS, EXPERT-
MAZARS, EXPERT-
COMPTABLE DIPLÔMÉ,
COMPTABLE MÉMORIALISTE,
PARIS, LA DÉFENSE/F
PARIS, LA DÉFENSE/F
GILLES.DUNANDROUX@
BERTRAND.DESPORTES@
MAZARS.FR
MAZARS.FR
L’ E X P E R T - C O M P TA B L E S U I S S E 2014 | 3
P RATI Q U E C O M PTAB LE
Tableau 1: DU PROCESSUS MÉTIER À LA QUALIFICATION DU RISQUE
Macro
processus
Produits/
Services
Processus métiers/Tâches
Mise en place des
critères de sélection/
Comité des risques
Paramétrage
du broker/DSI/
Logiciel X
Sélection
du broker
Ordre
Actions
Transmission
d’ordres
Risques
Qualification
Dans la sélection de
ses intermédiaires
la société pourrait
privilégier ses
intérêts propres au
détriment de ses
clients
1 2 3 4 5 6 7 8
Formalisation
du choix du broker/
table de négociation/impression
bloomberg
Utilisation d’un
broker non autorisé
Suivi et contrôle
du broker/
comité des risques
Dégradation de la
qualité d’exécution
du broker
Analyse
pré-trade de
l’ordre
etc …
Saisie de
l’ordre
Envoi de l’ordre/
Système X

  



Le choix du broker
n’est pas justifié
Confirmation
et prise en
charge de
l’ordre par
la table de
négociation
Négociation
Validation des
caractéristiques
de l’ordre
Obtention
du cours
d’exécution
etc …
Transfert
de l’ordre
Rapprochement de l’ordre
etc …
Dépouillement
de l’ordre
Comptabilisation de
l’ordre et des
commissions
afférentes
Rapprochement des
positions
Ordre
Taux
etc…
Légende:
1 Risque de marché
2 Risque de contrepartie
5 Risque de commercial
6 Risque de réputation
2014 | 3 L’ E X P E R T - C O M P TA B L E S U I S S E
3 Risque de liquidité
7 Risque juridique
4 Risque de non-conformité
8 Risque de fraude
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La cartograp h ie des risques
Tableau 2: VULNÉRABILITÉ, DISPOSITIF DE MAÎTRISE ET COTATION DU RISQUE
Niveau de vulnérabilité
Pertes
directes
Probabilité d’occurrence
Pertes
indirectes:
Clientèle
Opérationnel
Personnel
Réputation
Structuration du processus
Efficience
Improbable
Peu probable
Probable
Très probable
Certain
Stabilité
Contrôle permanent
Plan de continuité d’activité
1
2
3
4
5
1
2
3
4
5
Gravité Probabilité
critique
faible
3
4
>12
8 à 12
5à7
3à4
0à2
5
B
B
B
A
A
Dispositif
de maîtrise
4 3 2
C C D
C C D
B B C
B B C
A B B
1
D
D
C
C
B
5
Dispositif
efficient
Probabilité
élevée
teurs (internes et externes) impliqués dans les actions afférentes au processus considéré. L’importance des systèmes
d’information dans l’articulation des processus et des tâches
mérite d’être soulignée dès à présent et intégrée à la réflexion menée sur les risques. Nous prendrons dans le cadre
de cet article l’exemple du processus «transmission d’ordres»
qui constitue l’un des processus structurant des établissements financiers ayant une activité de gestion sous mandat
ou de gestion de fonds.
2.2 Processus de transmission d’ordres. Pour illustrer
notre propos, nous décomposons le processus de transmission d’ordres en tâches continues et faisons le lien avec les
risques associés qui in fine permettent de comprendre à quoi
l’établissement financier s’expose au cours de la mise en
œuvre de ce processus et quelles sont les interactions entre
les différents facteurs de risque.
En bout de chaîne, chaque action est susceptible d’engendrer un risque qu’il est possible de qualifier. L’illustration du
tableau 1 met en exergue deux points:
 Quelle que soit la nature des activités en amont, la qualification du risque est pour sa part cantonnée à un nombre restreint de possibilités (risques de marché, risque de contrepartie, etc.).  Une connaissance précise des activités et des processus afférents est nécessaire sous peine de laisser de côté
certains risques. Nous le verrons, l’intérêt des cartographies thématiques est bien de se rapprocher au plus près de
l’activité, de sorte que les opérationnels impliqués dans leur
construction aient une vision fine des processus réduisant
de ce fait la possibilité d’omission.
La transmission d’ordres peut concerner différents produits: des actions, des produits de taux, des dérivés ... Chaque
180
2
Dispositif
déficient
×
= Score de
vulnérabilité
Gravité
négligeable
1
Score de
vulnérabilité
Gravité
Évaluation du risque
Dispositif de maîtrise
cas de figure sollicite des processus métiers (sélection des
­ rokers, analyse pré-trade de l’ordre, etc.) et engendre des
b
tâches (mise en place des critères de sélection, paramétrage
des brokers, etc.) qui sont chacune porteuses de risques (utilisation de brokers non autorisés, non justification du choix du
broker, etc.).
Chacun de ces risques peut être appelé sous une dénomination commune (risque de marché, risque opérationnel, etc.),
ce qui permet par la suite de développer un traitement du
risque cohérent et organisé.
3. ÉVALUATION ET HIÉRARCHISATION
DES RISQUES
3.1 Niveau de vulnérabilité et dispositif de maîtrise. Les
risques inhérents identifiés doivent faire l’objet d’une évaluation. Cette évaluation s’appuie sur deux dimensions: le niveau de vulnérabilité et le dispositif de maîtrise.
Il convient d’introduire la distinction entre le risque inhérent (ou risque brut) et le risque résiduel (ou risque net). Le
risque brut peut être désigné comme le produit d’une gravité
et d’une probabilité d’occurrence.
La définition de Gilbert de Mareschal [2] est la suivante:
«on appelle risque inhérent le risque «brut» considéré sans les
éventuels moyens de protection ou de contrôle mis en place par
l’organisation. Le risque résiduel est celui qui résulte du risque
brut en tenant compte des protections et des contrôles mis en
place».
Le tableau 2 présente le passage du risque inhérent à l’évaluation du risque. Nous considérons que l’évaluation du risque
doit être faite en tenant compte du dispositif de maîtrise car
c’est le risque résiduel qui intéresse le décideur. Gilbert de
Mareschal prend un exemple qui nous semble suffisamment
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Tableau 3: TABLE DE CORRESPONDANCE DES TYPOLOGIES DE RISQUES
Gravité
Pertes
Relations clientèle
Opérationnel
Personnel
Reputation
1
Néglibeable
5 KCHF
Courrier clientèle
Perte très momentanée des systèmes de
gestion (moins d’un
quart d’heure).
Arrêt maladie de
courte durée d’un
collaborateur.
Critique détectée
sur les réseaux
sociaux
2
Faible
20 KCHF
Recours au service médiation
de l’établissement financier.
Indemnisation nécessaire.
Perte temporaire des
systèmes de gestion
(moins d’une heure).
Arrêt maladie
prolongé d’un
collaborateur.
Critiques répétées
sur les réseaux
sociaux.
3
Moyen
50 KCHF
Recours en justice conduisant
à indemnisation.
Blâme de la Finma.
Indisponibilité
prolongée (plusieurs
heures) des systèmes
de gestion.
Départ d’un collaborateur.
La Finma décide
l’interdiction
d’exercer pour un
collaborateur.
Avis négatif dans la
presse spécialisée.
4
Elevé
150 KCHF
Recours en justice conduisant
à indemnisation.
La Finma décide la confiscation d’un gain financier ne
remettant toutefois pas en
causse la poursuite des activités de l’établissement.
Indisponibilité des
systèmes de gestion
au-delà de 24 h.
Turn-over important
de collaborateurs.
Avis négatifs
récurrents dans la
presse spécialisée.
5
Critique
500
KCHF
et plus
La Finma:
 décide d’une amende très
élevée;
 donne toute publicité de sa
décision à l’encontre de
l’établissement financier et
de ses dirigeants;
 et/ou retire l’autorisation.
Crash des systèmes et
des back-up. Les
ordres ne peuvent
pas être passés, les
rachats ne sont pas
honorés.
Turn-over non
maitrisé de collaborateurs clés.
L’établissement
financier est
clairement désigné
comme défaillant.
Avis négatifs dans
la presse spécialisée
et généraliste.
évocateur à ce sujet: quel est l’intérêt de connaître le risque
de vol d’une banque avec les systèmes d’alarme éteints et le
coffre ouvert? C’est bien en situation réelle que l’effort de cotation doit être mené.
Le niveau de vulnérabilité résulte d’une gravité potentielle
(dans l’exemple ci-dessus l’échelle va de 1 – gravité négligeable à 5 – gravité critique) et d’une probabilité d’occurrence.
Tableau 4: LES RISQUES INHÉRENTS À LA SÉLECTION DU BROKER
Sélection broker
Dans la sélection de ses intermédiaires l’établissement financier
pourrait privilégier ses intérêts
propres au détriment de ses clients
Non-conformité
Réputation
Juridique
Fraude
Utilisation d’un broker non
autorisé
Non-conformité
Le choix du broker n’est pas
justifié
Non-conformité
Dégradation de la qualité
d’exécution du broker
Non-conformité
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Niveau de risque
résiduel
Transmission
d’ordres
Cotation du risque
Dispositif de
maîtrise
Qualification
Score global
Risque
Probabilité
Processus métiers
Gravité
Macro
processus
181
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Processus métiers
Risque
Qualification
Probabilité (p)
Score de vulnérabilité (p x g)
Dispositif de
maîtrise
Transmission
d’ordres
Sélection broker
Dans la sélection de ses intermédiaires la société pourrait privilégier ses intérêts propres au détriment de ses clients.
Non-conformité
3
2
6
3
Réputation
…
…
…
…
Juridique
…
…
…
…
Fraude
…
…
…
…
La gravité est le niveau de la perte constatée suite à la réalisation du risque. Cette perte peut s’exprimer de manière qualitative ou quantitative. La probabilité d’occurrence désigne la
possibilité de réalisation du risque qui s’exprime aussi de manière qualitative ou quantitative.
3.2 L’évaluation du risque. Gravité et probabilité d’occurrence font l’objet d’une évaluation. La difficulté, s’agissant de
risques de natures différentes, étant de ramener à une même
échelle des notions très hétérogènes. La construction d’une
cartographie des risques exige un travail de rationalisation.
Il est nécessaire de disposer d’échelles objectives et factuelles qui mettent en correspondance des événements de
­natures différentes.
Comme le rappelle l’AFNOR (Le Ray J. [3], 2009),
«l’alignement des gravités est rendu possible par le fait que tous les
risques ont, par définition du concept de vulnérabilité, des conséquences financières et que c’est l’importance de ces conséquences
financières qui va préjuger de la criticité du risque».
Le tableau 3 illustre les problèmes auxquels peuvent être
confrontés les établissements financiers. Il est utile de préciser que la mise en place d’une échelle de ce type doit être étalonnée à la dimension de chaque société. Un acteur majeur
peut probablement supporter un risque à 500 KCHF qui a
contrario signerait l’arrêt de mort d’une structure de
moindre dimension.
4. EXEMPLE DU PROCESSUS DE
TRANSMISSION D’ORDRES
4.1 La sélection du broker. Nous présentons au tableau 4 les
risques inhérents à la sélection du broker qui constitue l’un
des processus métiers clé du macro processus «transmission
d’ordres».
Dans le cadre de la sélection du broker, les risques que nous
pouvons identifier peuvent être l’utilisation d’un broker non
autorisé, la non-justification du choix du broker, la dégradation de la qualité d’exécution ou encore la survenance d’un
conflit d’intérêts. Comme mentionné dans le tableau, ces
risques se ventilent entre un risque de non-conformité, un
risque de réputation, un risque juridique ou de fraude. Reste
182
Cotation du risque
Niveau de risque
résiduel
Macro
processus
Gravite (g)
Tableau 5: COTATION DU RISQUE DE NON-CONFORMITÉ
B
ensuite à réaliser l’évaluation du risque et donc affecter une
gravité, une probabilité et estimer la qualité du dispositif de
contrôle afférent.
4.2 Le risque de non-conformité afférent à la sélection
du broker. Nous allons, à titre d’exemple, déterminer la cotation du risque pour le risque de non-conformité afférent à
une sélection d’un broker pouvant privilégier les intérêts
propres de l’entité au détriment de ses clients (conflit d’intérêts). Nous jugeons d’expérience que la gravité de ce type
d’événement reste moyenne avec un niveau de pertes directes modéré. Les pertes indirectes sont aléatoires et relèvent d’un risque de réputation si un article de presse fait
écho de la situation et ont un lien avec la relation de l’établis-
« La cartographie n’aurait pas
de sens s’il ne s’agissait que d’un outil
statique ne faisant l’objet
d’aucune exploitation ni de mise à jour
à un rythme suffisant.»
sement financier avec sa clientèle. Les pertes peuvent être
appréhendées en valeur absolue ou en pourcentage des capitaux propres.
En termes de probabilité d’occurrence, nous l’évaluons
comme étant peu probable. Le conflit d’intérêts peut survenir mais revêt en réalité un caractère exceptionnel.
4.3 Le dispositif de maîtrise dans le cadre de la sélection
d’un broker. L’évaluation du dispositif de maîtrise est la dernière étape avant d’obtenir la cotation du risque résiduel.
Notre exemple nous conduit à coter la lettre B au risque
résiduel de conflit d’intérêts dans le cadre d’une sélection
d’un broker au cours de la transmission d’un ordre. Cette co­
tation doit s’inscrire dans un référentiel propre à l’établissement financier lui permettant de déterminer si le résultat obtenu est en définitive un risque acceptable, qui ne requiert
pas d’action particulière, ou au contraire, s’il s’agit d’un
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de faire évoluer le profil de risque. Comme l’expose Jean Le
Ray [4] (2009), cela
Tableau 6: MATRICE DES RISQUES
Dispositif de maîtrise
5
4
3
2
1
Score de
vulnérabilité
> 12
8 à 12
5à7
B
3à4
0à2
risque nécessitant une action de prévention et/ou de protection.
5. ADAPTATION DU PLAN DE CONTRÔLE
5.1 Limite d’acceptabilité. La cartographie n’aurait pas de
sens s’il ne s’agissait que d’un outil statique ne faisant l’objet
d’aucune exploitation ni de mise à jour à un rythme suffisant.
C’est le péril qui guette cet outil qui a cependant nécessité
beaucoup de ressources dans sa conception. La cartographie
a vocation à aider le dirigeant, les opérationnels et bien sûr le
Risk Manager, à gérer les risques dont ils ont la charge. Cela signifie que, sur la base des risques résiduels identifiés, ils
doivent mettre en œuvre les actions correctives susceptibles
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«doit aboutir à la matérialisation d’un concept fondamental en
matière de gestion de risques, celui de la limite d’acceptabilité. (...).
Cette limite distingue très clairement les risques que l’entreprise
ne veut pas prendre de ceux auxquels elle admet de s’exposer».
Dans le tableau 7 la zone 1 correspond à un risque que l’établissement financier considère comme non impactant. Le
risque peut survenir, il ne mettra pas en péril, ni par sa fréquence ni par sa gravité, la banque privée ou le gestionnaire
de placements collectifs de capitaux. Aucune ressource particulière n’est donc affectée au traitement des risques relevant
de cette zone.
La zone 2 correspond au principal champ d’action du Risk
Manager. Les risques identifiés comme relevant de cette zone
devront être analysés et gérés. Après analyse, le Risk Manager
pourra considérer que finalement l’établissement financier a
intérêt à ne pas y consacrer de ressource; il peut au contraire
recommander de mettre en place des mécanismes de prévention et de protection pour en limiter la gravité et la probabilité d’occurrence. L’allocation des ressources doit permettre
d’améliorer le profil de risque.
La zone 3 constitue les risques insupportables pour l’établissement financier. Pour ces risques, l’arbitrage n’est pas
envisageable. Le Risk Manager les a normalement identifiés
183
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La cartograp h ie des risques
Tableau 7: LIMITE D’ACCEPTABILITÉ
Probabilité
Zone de
risque accepté
Zone de la
gestion des risques
Zone de risque
inacceptable
2
plan annuel de contrôle permanent est adapté au regard des
risques résiduels mis en évidence. Cela passe par une mise à
jour des contrôles opérationnels de 2ème niveau qui portent
sur la conformité des opérations réalisées par les collaborateurs sur l’ensemble des processus en vigueur. Le contrôle
permanent détaille par processus le point de contrôle, le périmètre de contrôle (contrôle exhaustif ou par sondage), la
fréquence et le responsable du contrôle.
Ces mêmes risques résiduels vont aussi influencer les thématiques développées par le contrôle périodique dans le
cadre d’un calendrier précis. Le contrôle périodique est un
contrôle de 3ème niveau. Nous considérons qu’un plan de
3
Limite
d’acceptabilité
1
Gravité
et a pris des dispositions pour qu’ils ne puissent survenir
(exemple: fraude massive, style drift, etc.). Il subsiste les
risques imprévisibles avec un niveau de gravité très élevé
voire extrême qui demeurent, hélas, une menace pour toutes
les organisations.
5.2 Mise en œuvre du plan de contrôle. La finalité de la réalisation et du maintien d’une cartographie réside dans la
mise en œuvre d’un plan d’actions. Cela passe par des actions
correctives, la refonte d’une procédure, la mise en place de
nouveaux indicateurs ou encore le transfert du risque vers
l’assurance (mais tous les risques que rencontre un établissement financier ne pourront pas être assurés, il ne serait pro-
« La finalité de la réalisation et du
maintien d’une cartographie réside dans
la mise en œuvre d’un plan d’actions.»
bablement pas viable de le faire et l’histoire récente nous rappelle que l’assurance n’est pas la panacée de la gestion des
risques si l’on veut bien se remémorer l’épisode des Credit Default Swap [5]).
La principale action qui découle de la cartographie est la
mise à jour du plan de contrôle permanent et périodique. Le
Notes: * À découvrir: «Le Risk Management en gestion pour compte de tiers». Collection «Techniques
de gestion», Éditions Economica. 1) Voir notamment notre développement sur le risque de modèle
dans le numéro de novembre 2011 de l’Expertcomptable suisse, paragraphe 2.3. Par ailleurs, voir
à ce sujet l’ouvrage «Le Risk Management en gestion pour compte de tiers». Collection «Techniques
184
«Chacune des cartographies thématiques décline les risques associés
aux tâches des processus en vigueur
et met en parallèle le dispositif
de contrôle afin d’indiquer le risque
résiduel qui constitue l’information dont
ont in fine besoin les opérationnels.»
contrôle périodique pourra être utilement organisé par
grand risque (marché/liquidité, etc.) et décliné par regroupement de processus et de tâches métiers. L’une des composantes essentielles du plan annuel, outre la périodicité et le
calendrier des contrôles, est l’allocation des ressources en
jours/hommes.
POUR ALLER PLUS LOIN ...
On peut lister une petite dizaine de macro-processus structurant l’activité de gestion de capitaux qui feront l’objet pour
chacun d’entre eux d’une cartographie thématique. Ces
macro-processus ont trait à la commercialisation, l’organisation, la gestion, la transmission d’ordres, la valorisation,
les délégations, etc. Ils regroupent l’ensemble des processus
métiers (p. ex.: entrée en relation client, validation d’une
NAV [6], contrôle pré-trade, etc.).
Chacune des cartographies thématiques décline les risques
associés aux tâches des processus en vigueur et met en parallèle le dispositif de contrôle afin d’indiquer le risque résiduel qui constitue l’information dont ont in fine besoin les
opérationnels. Ces cartographies thématiques pourront ensuite être synthétisées et regroupées au sein d’une cartographie globale indispensable à la vision stratégique des décideurs.
n
de gestion», Éditions Economica. 2) De Mareschal,
Gilbert, La cartographie des risques, AFNOR Éditions, 2006. 3) Le Ray Jean, Cartographies des risques:
plusieurs représentations pour plusieurs usages,
AFNOR Éditions, 2009. 4) Ibid. 5) Un CDS est un
contrat d’assurance garantissant un créancier contre
les risques de non-recouvrement d’un titre de dette.
L’acheteur de protection verse une prime annuelle
au vendeur de protection, calculée sur le montant
notionnel de l’actif à couvrir, qui s’engage, en principe, à compenser les pertes subies sur cet actif. Le
sauvetage d’AIG et la crise grecque ont montré les
limites et les dangers de cet instrument financier
non régulé. 6) Net Asset Value.
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