A l`affiche du film «Dalida», dès mercredi dans

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A l`affiche du film «Dalida», dès mercredi dans
26 | MM2, 9.1.2017 | SOCIÉTÉ
Entretien
«Je me sens
profondément
suisse»
A l’affiche du film «Dalida», dès mercredi dans les salles, Vincent Perez vient
également de sortir son troisième film en tant que réalisateur, «Seul dans Berlin». Sa
carrière internationale et sa fringale de voyages n’ont toutefois pas fait oublier à cet
artiste hyperactif ses racines helvétiques.
Texte: Tania Araman
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28 | MM2, 9.1.2017 | SOCIÉTÉ
Vous considérez-vous comme un fan de
Dalida?
Au même titre que Claude François, Sheila,
Charles Aznavour, Johnny Hallyday, et bien
d’autres encore, Dalida fait partie des stars
de la chanson française qui ont peuplé mon
enfance, celles dont on parlait beaucoup, et
qu’on voyait souvent à la télévision. C’est une
femme touchante, qui m’a toujours plu, et
ses titres restent mythiques. Finalement, ce
n’est pas vraiment une question de l’aimer
ou de ne pas l’aimer: elle était là, sa musique
était puissante et elle fait partie du patrimoine culturel de la France, de l’Europe et
même d’un peu plus loin.
Connaissiez-vous bien le personnage
d’Eddie Barclay, que vous interprétez?
Pas très bien, même si je l’ai rencontré une
fois à Saint-Tropez, à la fin des années 1980,
ou peut-être au début des années 1990, lors
d’une de ses fameuses nuits blanches. Mais je
n’en garde qu’un souvenir lointain. Cela dit,
c’était un personnage très charismatique. Sa
carrière est hallucinante, il a vraiment tenu
les rênes du monde musical pendant de nombreuses années. Même s’il n’est pas très présent dans le film, c’est une chance pour moi
de pouvoir l’incarner, et j’y ai pris beaucoup
de plaisir. Curieusement, c’est venu assez naturellement, pourtant je ne pensais pas vraiment lui ressembler. Mais au final, avec la
petite moustache, il y a quelque chose...
On trouve également à l’affiche en ce moment votre troisième film en tant que réalisateur, «Seul dans Berlin», qui raconte la
lutte discrète menée par un couple allemand contre le régime nazi en 1940. Pourquoi avoir choisi un tel sujet?
Ma mère est d’origine allemande. C’était
donc une manière d’explorer une partie de
moi-même, de mes racines, en creusant du
côté de cette Allemagne qui a chamboulé
l’histoire de ma famille. Ce film, basé sur un
roman de Hans Fallada lui-même inspiré
d’une histoire vraie, tente de répondre à des
questions majeures de mon existence: que
s’est-il réellement passé en Allemagne durant cette période, comment un peuple entier a-t-il pu s’engouffrer dans une telle folie,
comment l’humanité peut-elle basculer dans
une telle barbarie? C’est aussi l’histoire
d’amour qui m’a beaucoup touché, celle de ce
couple qui s’unit contre le nazisme. Comme
si l’amour rendait la petitesse des hommes
presque secondaire.
Vous avez aussi évoqué un parallèle avec
l’histoire de votre grand-père paternel, qui
s’est battu contre le régime fasciste de
Franco…
Il a en effet été fusillé par les franquistes
lorsqu’il avait seulement 25 ans. Pour moi, il
incarne, de même que les protagonistes de
Seul dans Berlin, l’héroïsme de ces personnes dont on ne parle pas, que l’on oublie,
et qui pourtant ont donné leur vie pour une
cause. Ce film, c’est une manière de leur
rendre hommage, de montrer que les héros
ne sont pas seulement ceux qu’on trouve
dans les livres d’histoire.
Votre père est donc espagnol, votre mère
d’origine allemande, vous êtes né en
Suisse, vivez en France et menez une carrière internationale… Finalement, où sont
vos racines?
Vaste question! Je me sens profondément
suisse, probablement parce que je suis né
dans ce pays et que j’y ai grandi. Les racines,
ça reste le terreau dans lequel la plante
pousse. Mais je suis un Suisse «mixte», et je
me considère aujourd’hui comme un citoyen
du monde: je voyage beaucoup et j’aime me
plonger dans d’autres cultures, les absorber.
La question de l’identité me fascine, qu’elle
soit nationale ou culturelle. On trouve aujourd’hui de tels mélanges… Regardez mes
enfants: ils ont des passeports suisses et
français, mais leur sang est espagnol, allemand, français et sénégalais (par leur mère,
ndlr). A ce sujet, je prépare justement une
exposition à la Maison européenne de la
Photos: RIA Novosti, ©Luc Roux (film Dalida)
Le film a-t-il changé votre perception de la
chanteuse?
Je connaissais déjà un peu son parcours et
je conservais un vague souvenir de ses relations tourmentées avec les hommes, qui se
terminaient souvent de manière tragique.
C’était une femme qui cherchait l’amour et
qui n’arrivait pas à le trouver. Lisa Azuelos
( la réalisatrice, ndlr) a réussi à redonner vie
à cette histoire sans faire tomber de manière
excessive le personnage dans l’égocentrisme
de la douleur. Pour répondre à votre question, le biopic m’a donc apporté un éclaircissement sur Dalida, et mes souvenirs sont
aujourd’hui mêlés aux images du film. D’ailleurs, lors de la projection à l’Olympia, devant une salle comble, c’était comme si elle
revivait sur scène, c’était assez incroyable.
J’étais assis à côté d’Orlando, son frère, et il a
pleuré à plusieurs reprises.
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Dans le film «Dalida», Vincent Perez
incarne Eddie Barclay, qui a dominé
le monde musical
français pendant
des années.
De quoi parle-t-on?
Avec deux films à l’affiche (l’un en tant
qu’acteur, l’autre en tant que réalisateur),
Vincent Perez multiplie les projets.
Actuellement en tournage sous la direction
de Roman Polanski, il renoue également
avec son ancienne passion pour la
photographie et proposera dès le mois de
février une exposition à Paris, sur un thème
qui le fascine: l’identité.
photographie (MEP) à Paris autour de la
question identitaire, une série de portraits
de Parisiens venus d’Afrique.
C’est vrai que vous cumulez les casquettes!
En plus de vos activités d’acteur et de réalisateur, vous êtes aussi photographe.
Vous avez même été formé à Vevey, n’estce pas?
Oui, mais je ne sais pas si je peux vraiment
dire que je suis photographe. En tout cas,
cette activité commence à prendre de plus
en plus d’importance dans mon quotidien.
L’exposition à la MEP représente une sorte
de Graal. J’ai également un projet de livre,
qui paraîtra au mois d’octobre, en
collaboration avec un autre photographe,
Olivier Roulin.
Quel en est le thème?
Les Russes. On va essayer de photographier
la vastitude de la culture russe à travers des
portraits. Il y a quelque temps, nous étions à
Arkhangelsk, au nord du pays, vers la mer
Blanche, et début janvier nous repartons,
cette fois-ci près de la frontière avec la Mongolie, dans des coins reculés.
Pourquoi ce besoin de renouer avec la
photographie?
C’est venu avec mon passage à la réalisation.
Et puis, ça me travaillait. C’est une manière
supplémentaire d’explorer mon moi intérieur et cela me permet de rester éveillé, en
alerte par rapport à ma vocation artistique,
de toujours me remettre en question, de
creuser des thématiques de manière plus
rapide qu’en tournant un film. Je suis
quelqu’un d’assez actif. Mais finalement, que
je joue, que je réalise ou que je fasse de la
photo, tout cela se rejoint.
Après votre dernier film, «Si j’étais toi»,
vous aviez décidé de mettre un terme à
votre carrière de réalisateur. Qu’est-ce qui
vous a fait changer d’avis?
Il me semblait que je n’avais plus d’histoires
à raconter. Mais le livre Seul dans Berlin m’a
donné une direction et je l’ai suivie. A présent, j’y vois plus clair dans mon avenir.
Du coup, vous avez envie de continuer
dans la réalisation?
Oui, j’ai plein d’idées que je suis en train de
développer. Je vais bientôt réaliser le casting
de mon prochain film, en février. C’est un
thriller psychologique, une histoire que j’ai
inventée, mais je ne peux pas encore en dire
plus.
Y a-t-il encore un rôle que vous rêvez d’incarner? Il y a quelques années, vous évoquiez votre envie de jouer Guillaume Tell...
Oui, c’est vrai, j’ai même commencé à écrire
un scénario, je l’ai sous le coude, c’est un projet assez ambitieux, donc ce serait plutôt
pour une production internationale. Mais ce
n’est pas encore à l’ordre du jour. On verra
bien... Sinon, plutôt qu’un rôle précis, c’est
surtout l’envie de travailler avec des
grands réalisateurs qui me porte. Je suis
actuellement en tournage avec Roman
Polanski. Une telle expérience vous redonne
le ton, vous redécouvrez le cinéma en tant
qu’art. Même si on tourne encore aujourd’hui de grands films, c’est quand même une
espèce en voie de disparition… MM
A voir: «Dalida», de Lisa Azuelos, avec Sveva Alviti, en
salle dès le 11 janvier. «Seul dans Berlin», de Vincent Perez,
avec Emma Thompson et Brendan Gleeson, en salle
actuellement.
A visiter: «Identités», une exposition de Vincent Perez à
découvrir à la Maison européenne de la photographie à
Paris du 8 février au 9 avril.
Bio express
1964 Naissance à Lausanne le 10 juin, d’un
père espagnol et d’une
mère d’origine allemande. Vincent Perez
passe les dix-huit premières années de sa vie
dans le canton de Vaud.
Il étudie la photographie
au Centre d’enseignement professionnel de
Vevey avant de s’inscrire
au Conservatoire d’art
dramatique à Genève et
d’achever finalement sa
formation de comédien
à Paris et à Nanterre.
1985 Débuts au cinéma
dans Gardien de la nuit.
1990 Se fait connaître
du grand public grâce au
triomphe de Cyrano de
Bergerac. Les succès
s’enchaînent: Indochine
(1991), Fanfan (1993),
La Reine Margot (1994),
Ceux qui m’aiment prendront le train (1998).
2002 Tourne son premier long métrage en
tant que réalisateur,
Peau d’ange, suivi, en
2007, de Si j’étais toi.
2017 Est à l’affiche du
nouveau film de Roman
Polanski, D’après une
histoire vraie.