Diffusion et mouvement des idées - Les Classiques des sciences
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Diffusion et mouvement des idées CHAPITRE 3 DIFFUSION ET MOUVEMENT DES IDÉES VERS L’IMPRIMERIE Avant l’ère chrétienne, la diffusion de l’écrit se fait grâce au volumen (rouleau fait de papyrus). Composé de feuilles collées côte à côte et enroulées sur des bâtons de bois ou d’ivoire, il peut atteindre 10 mètres de long tandis que chaque colonne de texte est haute de 25 à 45 lignes. Ce type de support se prête mal au pliage et ne permet pas d’écriture recto-verso. Au début de l’ère chrétienne (II e-IVe siècle), les codex (cahiers cousus ensemble formés de feuilles pliées) sont faits de parchemin (peaux de mouton, de chèvre, de veau) sur lequel on peut écrire recto-verso. Un livre de format moyen demande environ 15 peaux, ce qui en fait un support coûteux et long à préparer. Le travail laborieux du copiste retarde également la production. À partir du XIIIe siècle, époque marquée par l’essor des universités et l’augmentation du taux d’alphabétisation, on voit se creuser progressivement un écart notable entre l’offre et la demande. Mais un nouveau support beaucoup plus commode, le papier, fait son apparition au cours du XIVe siècle ; la multiplication des moulins à papier contribuera à rendre plus facilement disponible le nouveau média. Au début du XVe siècle, les premiers hauts-fourneaux entrent en activité dans la région de Liège et le travail du métal connaît d’importants progrès. Ce sera précisément un orfèvre, Johannes Gutenberg (1400 ?-1468), né à Mayence en Allemagne, qui va être à l’origine de la découverte capitale des temps modernes : l’imprimerie (vers 1440). De longs procès accompagnent le financement de son entreprise ; par la suite, les nombreux litiges que son invention suscitera vont réduire à rien les bénéfices escomptés. Finalement, en 1455, Gutenberg perd son procès contre son commanditaire et fait faillite ; il parviendra cependant à poursuivre ses activités grâce au soutien de l’archevêque de Mayence. L’INVENTION DE L’IMPRIMERIE G utenberg s’acharnera près de quinze longues années avant de voir ses efforts finalement aboutir et fonctionner avec succès le nouveau procédé dont il avait eu l’idée. La mise au point de l’imprimerie ou typographie aura nécessité la combinaison de quatre éléments : le papier, la presse à imprimer, une encre permettant l’impression des deux faces du papier et un moule 47 Les grandes figures du monde moderne capable de former les lettres (caractères mobiles en métal) et de les reproduire en grand nombre. Le premier livre imprimé fut la Bible « à quarante-deux lignes » que Gutenberg, associé avec J. Fust depuis 1450, publia en 1455 dans le format dit in-folio ; le tirage, modeste à nos yeux, avait été de 160 à 180 exemplaires. L’invention de Gutenberg est en fait le résultat du perfectionnement d’une série de techniques déjà existantes : la presse Détail de la Bible de Gutenberg à vis, par exemple ; quelques-unes sont même connues depuis longtemps en Chine. La production du papier, les caractères mobiles et la xylographie, ancêtre de l’imprimerie-typographie, sont, en effet, originaires de la Chine et de la Corée. La fabrication du papier apparaît en Chine au début du IIe siècle de notre ère. Le procédé arrive en Occident entre le XIe et le XIIe siècle ; sa mise en œuvre se fait d’abord en Espagne puis gagne l’Italie. Les caractères mobiles métalliques datent du IIe siècle, mais le nombre des caractères nécessaires en chinois (plusieurs dizaines de milliers) limitent leur utilisation aux seules publications impériales. La xylographie (technique de gravure sur bois) est déjà utilisée dès la seconde moitié du XIVe siècle en Occident pour imprimer des images sur tissu et plus tard sur papier (images de dévotion, cartes à jouer...). 48 Diffusion et mouvement des idées Le livre qui sort des presses à l’époque des incunables commence par ressembler beaucoup aux ouvrages médiévaux qui l’ont précédé. Puis il subit une série de transformations au fur et à mesure que les nouvelles techniques progressent : création de différents caractères typographiques et de caractères à valeur phonétique (cédilles, trémas, apostrophe) ; déplacement à la tête de l’ouvrage de l’état civil du livre qui en devient la page titre ; pagination des feuillets en chiffres romains… Une presse à imprimer Le caractère typographique romain est aussi créé à cette époque par les humanistes qui l’emploient dans la reproduction des textes antiques alors que le gothique sert pour les textes religieux, juridiques et de langue vernaculaire. Aldo Manuce (1450-1515), humaniste et imprimeur italien, invente l’italique, un caractère romain dont la forme penchée rappelle l’écriture cursive des manuscrits humanistes. Les éditions des imprimeurs sont appelées « aldines », du prénom (Aldo) du chef de la famille. Érasme rend un digne hommage à son ami Aldo dont il fait l’éloge funèbre en 1515 tout en soulignant les possibilités infinies qu’ouvre l’avènement de l’imprimerie : 49 Les grandes figures du monde moderne Quelles que soient les couronnes que l’on puisse tresser à ceux qui, par leurs vertus, défendent ou accroissent la gloire de leur pays, leurs actes n’affectent que la postérité du siècle, et dans les limites étroites. Mais l’homme qui fait renaître les connaissances perdues (ce qui est presque plus difficile que de leur donner vie), celui-là édifie une chose immortelle et sacrée, et sert non seulement une province mais tous les peuples et toutes les générations. Autrefois, ce fut la tâche des princes et la plus grande gloire de Ptolémée. Mais la bibliothèque de ce dernier ne dépassait pas les murs de sa propre demeure, tandis que celle qu’édifie Manuce n’a d’autres limites que le monde lui-même. Aldo Manuce à qui l’on doit également des grammaires et des traductions des auteurs classiques, illustre à merveille, tout comme Froben ou Christophe Plantin, une de ces grandes figures de lettrés en train de se dessiner : l’Imprimeur. La famille Manuce publie les chefs-d’œuvre de l’Antiquité, ceux de leurs compatriotes et grands auteurs contemporains, Dante, Pétrarque... En vingt ans la célèbre famille d’imprimeurs mettra ainsi à la portée d’un nombre accru de lecteurs près de cent-cinquante ouvrages. Aldo Manuce invente, notamment, le format in-octavo, plus maniable que les lourds in-folio. Dans les ateliers de ces imprimeurs, auteurs, commentateurs, savants et correcteurs d’épreuves se rencontrent pour échanger leurs idées et discuter des questions d’actualité. 50 Diffusion et mouvement des idées Les intellectuels trouvent dans les foires un autre lieu de rencontre et un foyer vivant de circulation des idées. Dans les foires européennes (Lyon, Leipzig, Francfort…) on échange certes les marchandises les plus diverses, mais on accueille aussi les libraires et les imprimeurs. Le format in-octavo popularisé par la famille Manuce Henri Estienne (1531-1598), humaniste, imprimeur et éditeur français, philologue et grammairien, auteur du Trésor de la langue grecque (1572), décrit bien le climat qui règne en ces lieux : À Francfort, à l’époque des foires, les Muses convoquent leurs typographes, leurs libraires ; elles leurs commandent d’amener avec eux les poëtes, les orateurs, les historiens, les philosophes : non pas seulement ceux qu’enfantèrent jadis la Grèce et l’Italie, mais ceux aussi que produisent chaque jour tous les pays [...]. À peine sont-ils réunis, vous n’êtes plus dans cette ville d’Allemagne qui a nom Francfort : vous vous croyez plutôt dans cette autre cité, autrefois florissante, la plus lettrée de toute la Grèce [...]. Ici tout le monde peut entendre la parole vivante d’une foule de maîtres, accourus des diverses Académies ; souvent, dans les boutiques mêmes des libraires, vous les verrez philosophant avec le même sérieux que philosophaient jadis, au milieu du Lycée, les Socrate et les Platon. Assurément, vous pouvez vous procurer ici une bibliothèque aussi riche (à considérer la seule variété des livres), que le furent jamais ces bibliothèques, célèbres dans l’antiquité, de Ptolémée, de Polycrate, de 51 Les grandes figures du monde moderne Pisistrate et autres princes ; et il s’en faudra de beaucoup qu’elle vous occasionne, comme elles, des dépenses royales. Henri Estienne, La foire de Francfort, 1574. L’imprimerie se répand très rapidement partout en Europe. En témoigne le nombre des incunables qui se chiffre entre 10 et 15 millions selon l’évaluation des historiens. À cette époque, Venise est la capitale de l’imprimerie, suivie de Rome, de Paris et de Cologne. Environ 70 % des ouvrages sont en latin, mais les traductions en langue vernaculaire progressent rapidement. La presse à imprimer hydraulique fait son apparition au Mexique en 1539, en Inde en 1556, au Japon en 1590. L’expansion de la civilisation européenne est bel et bien commencée. LE RÔLE DYNAMIQUE DE L’IMPRIMERIE L’ avènement de l’imprimerie-typographie a changé considérablement le cours des choses. Accélérant la propagation de l’humanisme, la circulation des idées nouvelles et, par suite, leur influence, la découverte de l’imprimerie, ses perfectionnements progressifs ont entraîné d’importantes transformations au sein de la culture. Ainsi, les sciences descriptives (l’anatomie avec le traité de Vésale, la cartographie moderne avec les atlas de Mercator, par exemple) prennent leur essor ; les aires de diffusion de la culture savante aussi bien que de la culture populaire s’étendent et s’agrandissent. L’imprimerie aura permis également l’unification plus rapide des langues nationales, et, par ce biais, contribué à exalter le sentiment patriotique, comme, un peu plus tard, à amplifier les mouvements de la Réforme. Les imprimeurs, les libraires et les auteurs ne cherchent pas toujours à susciter controverses et polémiques. Il leur est très souvent plus profitable d’être à l’écoute de la sensibilité de leurs lecteurs et d’être attentifs à ne pas heurter les superstitions ou les croyances populaires. Des engouements plus nobles se créent aussi, favorisés par les facilités nouvelles qu’offre l’imprimerie. On notera, par exemple, la tendance à la multiplication des écrits mystiques, à la fin du XVe siècle, auxquels succéderont dans la faveur du public, les collections de classiques grecs et latins, au début du XVIe siècle, puis vers le milieu du siècle celles des grands textes littéraires en langue nationale. Avec l’unification des langues nationales les livres plus populaires qui flattent l’imagination ou l’esprit d’aventure, tels les romans de chevalerie ou les romans picaresques ont beaucoup de succès. 52 Diffusion et mouvement des idées Cervantès (1547-1616) dans l’immortel Don Quichotte de la Manche (1605 et 1615) réagira, entre autres, à cette situation et dénonce comme pernicieuses les illusions chevaleresques qui entraînent un refus de la réalité. Cervantès ironise férocement sur les effets néfastes de la lecture et des livres : Il s’embarrassa tant en sa lecture qu’il y passait les nuits tout entières, du soir au matin et les jours du matin jusqu’au soir. Et par ainsi du peu dormir et beaucoup lire, son cerveau se sécha de telle sorte qu’il en vint à perdre le jugement. Il emplit sa fantaisie de tout ce qu’il lisait en ses livres, tant des enchantements comme des querelles, batailles, défis, blessures, passions, amours et extravagances impossibles ; et il lui entra tellement en l’imagination que toute cette machine de songes et d’inventions qu’il lisait était vérité que pour lui il n’y avait autre histoire plus certaine en tout le monde [...]. Don Quichotte enflammé par ses lectures, ill. par Gustave Doré 53 Les grandes figures du monde moderne Le curé demanda à la nièce les clefs de la chambre où étaient les livres auteurs du mal, et elle les lui bailla fort volontiers : ils entrèrent tous dedans, et la gouvernante avec eux, où ils trouvèrent plus de cent volumes gros et fort bien reliés, et encore d’autres petits [...]. Le licencié [...] commanda au barbier qu’il lui tendit ces livres un à un pour voir de quoi ils traitaient, car il se pourrait faire qu’ils en trouvassent quelques uns qui ne mériteraient pas la peine du feu. « Non, non dit la nièce, il ne faut pardonner à pas un : tous ont été cause du dommage ; le meilleur sera de les jeter par les fenêtres dans le patio et en faire un tas, puis y Portrait présumé de Cervantès bouter le feu, ou bien les porter en la basse cour, et là on fera un bûcher, et la fumée n’offensera personne ». Cervantès, Don Quichotte, I, chap. 6, 1605. Le livre n’offre pas que matière à méditation ou à consultation ; plus activement il devient véhicule de confrontation et apparaît bientôt comme un objet dangereux pour l’ordre établi : appel à la sédition ou occasion de perdition. L’imprimerie à travers ses réseaux de distribution assume alors une fonction dynamique : facilitant matériellement la propagation et la dissémination des idées ou des revendications nouvelles, augmentant leur accessibilité à un lectorat plus nombreux et fortifiant ainsi leur emprise, c’est bel et bien un facteur puissant de modifications sociales et politiques, amorçant le changement sur le plan des mœurs, des comportements, des mentalités. La libre circulation 54 Diffusion et mouvement des idées des livres, leurs effets imprévisibles, représente effectivement un danger pour les pouvoirs religieux et séculiers. Aussi craignant ces menaces potentielles pour l’ordre régnant, les autorités imposent vite le contrôle des imprimés. L’éventail des mesures de défense est large et diversifié : il va des autodafés de livres et des défenses de publier, de vendre ou d’importer certains livres ou types d’ouvrages aux octrois de privilèges sans oublier, pour les contrevenants, l’imposition de peines financières, l’emprisonnement et toute une gamme de sévices plus ou moins sévères y compris la condamnation à mort. L’affaire des placards illustre les pouvoirs séditieux que l’on accordait à l’imprimerie et à ses œuvres. L’AFFAIRE DES PLACARDS Dans la nuit du 17 au 18 octobre 1534, des placards hostiles à la « messe papale » et au dogme de la transsubstantiation de même qu’à la consubstantiation luthérienne sont apposés par le parti protestant aux différents carrefours de la ville de Paris, sur les portes des églises, et jusques à la chambre du roi François Ier dans son château d’Amboise. Les affiches avaient pour auteur Antoine Marcourt, pasteur français à Neuchâtel. En réaction François I er confessa ouvertement sa foi catholique et déclencha la persécution. De nombreux protestants s’exilèrent, notamment Calvin. Le Journal d’un bourgeois de Paris sous François Ier décrit dans une de ses pages le supplice infligé à un hérétique, coupable d’avoir critiqué en ses livres la religion : Le samedy XVIIe avril, Barquin, gentil homme fort lecttré en art d’humanité desja accusé de crime d’heresie, depuys par le mandement du Roy relaxé, finalement convaincu du crime [...] fut condempné à estre amené en Grève devant l’ostel de la ville et là fut estranglé à ung posteau et puys bruslé et avec luy ses livres. Dieu luy face pardon et marcy ! mais il ne fut guères plainct, car, supposé qu’il fut sçavant en lettres, toutesfoys il abbusa mechamment de son sçavoir se applicquant à denigre plusieurs choses concernant nostre foy et les ceremonies de l’esglise. La répression anti-protestante n’est cependant que tardivement efficace. Seule l’Espagne échappe complètement à la pénétration des écrits protestants. L’Église catholique crée l’Index librorum prohibitorum, un catalogue de livres et d’auteurs dont la lecture est interdite aux 55 Les grandes figures du monde moderne chrétiens sous peine de mort. On retrouve également interdits dans l’Index les versions de l’Écriture non approuvées aussi bien que les ouvrages prônant l’athéisme ou ceux contraires à la morale. La première liste des œuvres interdites est promulguée par Paul IV en 1557. L’Index, ratifié par le concile de Trente en 1564, ne sera supprimé qu’en 1966 par le concile Vatican II. L’Église catholique, elle aussi, utilise l’imprimerie désormais bien implantée – ce qui, par ailleurs, donne la mesure du caractère irréversible de son action – mais c’est à son propre bénéfice ou encore pour lutter contre ses adversaires. Les bibliothèques se multiplient dans les couvents et dans les collèges dirigés par les jésuites, à l’avant-garde de la modernité. Les fidèles ont droit aux œuvres des Pères de l’Église, aux traités de théologie morale, aux livres d’autel, aux ouvrages de spiritualité. L’État devient également un client important des imprimeurs qui publient les actes officiels. La résistance à la propagation de la réforme catholique s’organise, cependant. Dans les Provinces-Unies, des imprimeurs protestants ne respectent pas les règles commerciales et défient l’obligation d’obtenir le privilège, autrement dit la permission, d’imprimer ; ils inondent l’Europe de contrefaçons ainsi que d’éditions de textes d’auteurs interdits contemporains. LES INSTITUTIONS DU SAVOIR L es établissements d’enseignement jouent également un rôle clé dans la circulation des idées à cette époque, contribuant ainsi à leur imprégnation dans la culture. Les universités sont généralement plus conservatrices, ne faisant droit ni rapidement ni facilement aux nouveaux courants de pensée. Ce sont davantage les collèges et les académies, institutions typiques de la Renaissance, qui mettent en œuvre les principes à la base des nouvelles orientations que le mouvement humaniste imprime à l’éducation. Dans ces lieux une journée d’étude normale comprend dix heures de travail intellectuel pour les élèves de tous âges. LA JOURNÉE D’UN ÉLÈVE À LA RENAISSANCE En 1545, alors qu’il n’est âgé que de 14 ans, Henri de Mesmes, futur magistrat et diplomate, étudie le droit à l’Université de Toulouse ; voici la description qu’il fait d’une de ses journées : 56 Diffusion et mouvement des idées Nous étions levés à 4 heures et, après avoir dit une prière, allions à 5 au cours, nos grands livres sous nos bras, nos écritoires et chandelles à la main. Nous écoutions différents cours jusqu’à 10 heures, sans interruption. Après une demi-heure passée à corriger nos notes hâtivement, nous dînions. Après dîner, nous lisions, pour nous amuser, Sophocle ou Aristophane ou Euripide, quelquefois Démosthène, Cicéron, Virgile ou Horace. À 1 heure, au cours ; à 5 heures, chez nous, pour revoir nos notes et nous reporter aux passages cités dans les cours. Ceci nous prenait jusqu’après 6 heures, alors nous soupions et lisions du grec ou du latin. Érasme a fait une critique très acerbe de l’éducation traditionnelle, plus précisément des philosophes et des théologiens scolastiques qui pouvaient l’inspirer encore, à son époque. Dans son Éloge de la folie (1511) il met en scène pour s’en moquer les superstitions communes, l’ignorance des moines, le luxe mondain des prélats et des papes… Voici de quoi sont tissées d’après lui les « délicieuses niaiseries » de la théologie scolastique : Quant aux théologiens, il vaudrait peut-être mieux les passer sous silence [...], car c’est une race étonnamment sourcilleuse et irritable ; ils seraient bien capables de m’attaquer avec mille conclusions formées en escadron, de me forcer à la rétractation et, en cas de refus, de me proclamer hérétique. Car ils ont l’habitude de terroriser sur le champ avec cette foudre ceux qu’ils n’aiment pas. [...] ils expliquent à leur guise les mystères sacrés : comment le monde a été créé et ordonné, par quels canaux la tache du péché est passée à la postérité, par quels moyens, dans quelle mesure, en quel laps de temps le Christ a été achevé dans le ventre de la Vierge [...]. Ces subtilités déjà si subtiles sont rendues encore plus subtiles par les nombreuses écoles scolastiques, en sorte qu’on aurait plus vite fait de se sortir d’un labyrinthe que des tortuosités des réalistes, nominalistes, thomistes, albertistes, occamistes, scotistes [...]. Dans toutes il y a tant d’érudition, tant de complexité qu’à mon sens les apôtres eux-mêmes auraient besoin d’un autre Esprit s’il leur fallait engager la lutte contre ce nouveau genre de théologiens. Deux grandes écoles ou tendances philosophiques dominent à la Renaissance : l’école de Florence, d’inspiration platonicienne, et l’école de Padoue, d’inspiration aristotélicienne. Le plus illustre représentant de l’école de Florence, centre de la Renaissance humaniste, est Marsile Ficin (1433-1499) qui traduit Platon, Plotin et Proclus et tente de réconcilier Aristote et Platon. 57 Les grandes figures du monde moderne Cette école affirme l’universalité de la religion selon le principe qu’il existe « une seule religion et une variété de rituels ». Quant à l’école de Padoue, Pietro Pomponazzi (1461-1524) en est la figure de proue. En 1516, il publie De l’immortalité de l’âme où il remet en question le principe de la philosophie scolastique : philosophia ancilla theologicæ (la philosophie est la servante de la théologie). Raphaël, détail de L’École d’Athènes, 1509-1511 On trouve dans ces deux écoles un fort syncrétisme des savoirs, mais il n’y a pas encore de critique systématique du christianisme. LES RÉFORMES RELIGIEUSES A u cours du Moyen Âge, le christianisme, surtout populaire, était devenu adepte de certaines formes de piété qui, bien que marginales à l’enseignement de l’Église, étaient très courantes comme, par exemple, la vénération des reliques, l’achat 58 Diffusion et mouvement des idées d’indulgences… Les excès auxquels ces types de coutume portent les fidèles, le progrès des idées, plusieurs scandales, enfin, vont peu à peu miner l’unité de la chrétienté. La naissance du protestantisme L’apparition du protestantisme se verra facilité par l’existence, depuis la fin du Moyen Âge, d’un fort courant anticlérical ; celui-ci est provoqué en grande partie par la cupidité des prêtres, le cumul des bénéfices, la vie de plus en plus mondaine du haut clergé, le train scandaleux de la cour romaine. Un abîme se crée progressivement entre le clergé et les fidèles à cause de l’ignorance des pasteurs et de la nonrésidence des curés dans leur paroisse. Il faut compter aussi avec le développement de l’imprimerie qui a permis d’étendre la lecture de la Bible en même temps qu’il a facilité la production rapide et nombreuse d’ouvrages qui critiquent le catholicisme. Malgré de nombreuses divergences théologiques ou politiques sur des points de doctrine, plusieurs principes d’ordre général peuvent être dégagés qui sont communs aux trois premières grandes confessions protestantes : luthérienne, anglicane et calviniste. Sous l’aspect négatif, celles-ci rejettent : • L’autorité papale. • Le culte de la Vierge ainsi que celui des saints. • La conception que la messe est un sacrifice offert à Dieu. Sous l’aspect positif, luthériens, anglicans et calvinistes s’accordent pour affirmer : • Le recours à la Bible comme révélation définitive de Dieu ; celle-ci ne peut être actualisée que par la Parole vivante de la prédication. • Le recours à la personne du Christ rédempteur. • La toute-puissance de la grâce et la justification par la foi, qui est elle-même un don gratuit ne dépendant d’aucune disposition humaine. • L’Église comme une assemblée de croyants tous égaux devant Dieu. Les idées de la Réforme se sont répandues très rapidement. Tout commence lorsque, en 1515, une campagne d’indulgences s’ouvre pour la construction de la basilique de Saint-Pierre de Rome. Le 31 octobre 1517, Martin Luther (1483-1546) adresse à l’archevêque de Mayence Quatre-vingt-quinze thèses pour protester 59 Les grandes figures du monde moderne contre le trafic des indulgences et les appose sur la porte de la chapelle de l’université de Wittenberg. Les Quatre-vingt-quinze thèses sont imprimées dans tout l’Empire ; elles connaissent un très grand succès même si l’ouvrage est fortement critiqué par la hiérarchie catholique et les théologiens. Les écrits de Luther, publiés à près de 300.000 exemplaires entre 1517 et 1520, font de lui l’auteur le plus lu en Europe, ceci jusqu’au milieu du XVIe siècle. On comprend aisément pourquoi Luther considérait l’imprimerie comme « le plus grand et le plus extrême acte de la grâce divine par lequel se propage l’influence de l’Évangile ». QUELQUES-UNES DES THÈSES AVANCÉES PAR LUTHER Pourquoi le pape, dont le sac est aujourd’hui plus gros que celui des plus richards, n’édifie-t-il pas au moins cette basilique de Saint-Pierre de ses propres deniers, plutôt qu’avec l’argent des pauvres fidèles ? Les indulgences, dont les prédicateurs prônent à grands cris les mérites, n’en ont qu’un : celui de rapporter de l’argent. Ils seront éternellement damnés ceux qui enseignent et ceux qui pensent que des lettres d’indulgences leur assurent le Salut. Tout chrétien vraiment contrit a droit à la rémission plénière de la peine et du péché, même sans lettres d’indulgences. Il faut enseigner aux chrétiens que celui qui donne aux pauvres ou prête aux nécessiteux fait mieux que s’il achetait des indulgences. Martin Luther, Quatre-vingt-quinze thèses, 1517. Tous les pays européens, sauf ceux de la Méditerranée (Espagne, Italie et Portugal) où la réaction catholique est très vive, sont touchés par les réformes protestantes. Vers 1540, parmi les 65 villes que compte l’Empire, 51 ont adopté la Réforme. Des minorités calvinistes se forment aux Pays-Bas, en France et en Suisse. En Écosse, John Knox (1505 ?-1572), fortement influencé par Calvin, fonde l’Église presbytérienne pendant que l’on assiste en Angleterre aux débuts de la religion anglicane. Luther prêche un peu partout qu’il faut se débarrasser de tout ce qui trouble l’évidence de la parole divine. La foi seule sauve, proclamet-il, car elle permet au chrétien de recevoir la Parole de Dieu. 60 Diffusion et mouvement des idées De la liberté du chrétien oppose au Salut conquis par les œuvres le salut donné par l’action de la Parole à l’intérieur de l’âme. Ainsi quand le corps revêt des habits consacrés, comme font les prêtres et les gens d’Église, l’âme n’en tire aucun profit, non plus que quand il réside dans les églises et les lieux consacrés ou s’occupe d’objets consacrés ou si, matériellement, il prie, jeûne, se rend en pèlerinage, accomplit toutes sortes de bonnes œuvres qui, de toute éternité, peuvent s’accomplir par le corps et en lui. Ce qui doit apporter à l’âme et lui conférer intégrité et liberté doit être encore d’une toute autre nature. Car tout ce que nous avons dit jusqu’ici, toutes ces œuvres, et ces rites, un homme mauvais, un hypocrite ou un cagot peut les accomplir ou s’en acquitter ; en se livrant à de telles pratiques, les hommes ne peuvent devenir autre chose que de véritables cagots. Inversement l’âme ne pâtit nullement si le corps porte des vêtements profanes, réside en des lieux profanes, mange, boit, ne participe pas aux prières et aux pélerinages et s’abstient de toutes les œuvres qu’accomplissent les hypocrites déjà nommés. Martin Luther, De la liberté du chrétien, 1520 C’est que pour Luther il existe une séparation entre la liberté qu’apporte la Parole à l’âme et la servitude qui est associée aux œuvres humaines. Mais, selon lui, il n’y a pas de passage de la servitude à la liberté ou de la matière à l’âme. De même, existe-t-il une séparation entre le règne de Dieu où se joue la dialectique de la justification et de la liberté, et la cité terrestre qui est dominée par l’obéissance, la douleur et les châtiments. Ainsi l’homme pieux recherche le règne de Dieu et subit « l’autorité temporelle qui a été instituée par Dieu pour châtier les méchants et protéger les bons ». Jean Cauvin dit Calvin, le réformateur français de Genève Calvin (1509-1564) se retrouve avec Luther sur la nécessité de revenir au texte biblique et sur son désaveu de l’Église de Rome. Mais 61 Les grandes figures du monde moderne la doctrine de la prédestination en fait des adversaires. Selon cette doctrine le Salut ne dépend que de la liberté absolue du Créateur. En 1536 dans L’Institution de la religion chrétienne, Calvin affirme que la foi et les œuvres ne peuvent sauver le pécheur. Seule la grâce divine, réservée à certains élus pour des raisons qui nous échappent, peut nous sauver. Pour Calvin la foi n’est pas passive ; lorsque nous prenons conscience de notre corruptibilité et du mystère de la volonté divine, nous devons accepter de vivre notre état d’indignité et rendre grâce à Dieu. Nous appelons prédestination le conseil éternel de Dieu, par lequel il a déterminé ce qu’il voulait faire de chaque homme. Car il ne les crée pas tous en pareille condition, mais ordonne les uns à vie éternelle, les autres à éternelle damnation. Ainsi, selon la fin à laquelle est créé l’homme, nous disons qu’il est prédestiné à mort ou à vie. Ceux qu’il appelle à salut, nous disons qu’il les reçoit de sa miséricorde gratuite, sans avoir égard aucun à leur propre dignité. Au contraire l’entrée en vie est forclose à tous ceux qu’il veut livrer en damnation et cela se fait par son jugement occulte et incompréhensible, combien qu’il soit juste et équitable [...]. Si on demande pourquoi Dieu a pitié d’une partie, et pourquoi il laisse et quitte l’autre, il n’y a autre réponse, sinon qu’il lui plaît ainsi. Protestantisme et humanisme Les différentes réformes protestantes et l’humanisme se rencontrent sur plusieurs points : une même critique des vices de l’Église, un même retour aux textes bibliques, la redécouverte de la simplicité de l’église apostolique qui s’accompagne de la dénonciation de la plupart des obligations et des pratiques observées jusqu’ici, enfin les mêmes affirmations au sujet de la foi, incommunicable sinon par un don gracieux de Dieu. Les points de divergence sont néanmoins importants. L’humanisme est d’abord et avant tout le fait d’intellectuels et d’aristocrates tandis que la Réforme est un vaste mouvement qui touche tous les peuples européens. Les humanistes pensent possible la conduite d’une vie morale autonome à partir de l’affirmation de la liberté humaine et de la connaissance de la nature pendant que pour les protestants chacun doit réaliser dans la cité terrestre la vocation que Dieu lui attribue et sanctifier son existence par le travail. Les protestants et les humanistes s’opposent le plus vivement sur le chapitre de la liberté. En 1524, Érasme dans son Essai sur le libre62 Diffusion et mouvement des idées arbitre soutient que l’homme peut et doit participer à son Salut parce qu’il est doué de libre arbitre. L’année suivante, Luther dans son Serf arbitre radicalise sa position et affirme que la déchéance de l’homme est telle qu’il ne peut rien faire pour son Salut ; l’obliger à y participer est même le pire des outrages faits à Dieu. La renaissance catholique Le terme « Contre-Réforme », employé pour désigner le mouvement de réaction qui s’organise au sein de l’Église catholique devant la Réforme protestante, est apparu au XIXe siècle chez des historiens protestants allemands. En fait le XVIe siècle marque aussi bien pour le catholicisme le temps de la réforme et le moment d’une renaissance religieuse. Par ailleurs, le climat d’intolérance généralisée en Europe, au milieu de ce siècle, n’est pas seulement le fait des catholiques ; on le voit tout aussi présent du côté protestant. Par exemple, pendant la Guerre des paysans (1524-1525), des paysans et des ouvriers des mines luttent pour améliorer leurs conditions d’existence (abolition du servage, droit d’élire leurs pasteurs…). Le refus des princes protestants et la répression qui s’ensuit fera près de 100.000 victimes. Thomas Münzer (1489-1525), chef des anabaptistes, prêche un communisme évangélique et prend même un certain temps le pouvoir à Mülhausen avant d’être exécuté à la fin de la guerre. En 1525, il affirme dans sa Très bien fondée apologie : Nos seigneurs et nos princes s’approprient toute créature ; poissons dans l’eau, volatiles dans l’air, végétation sur terre, il faut que tout leur appartienne. Ensuite ils notifient aux pauvres le commandement de Dieu, disant : « Dieu l’a prescrit, tu ne dois point voler ! », mais euxmêmes ne se croient point tenus d’obéir à ce précepte. Ainsi nous les voyons à présent opprimer tous les hommes, le pauvre laboureur, le pauvre artisan, écorcher et gratter tout ce qui vit. Et, avec cela, quiconque met la main sur la moindre chose, qu’il soit pendu ! Le docteur Fourbe dit : Amen ! Avec le Concile de Trente (1545-1563), l’Église catholique met en marche une machine de guerre contre la Réforme. On reconstitue le tribunal d’Inquisition (1542) et on crée officiellement l’Index (1559). La brutalité des princes (Marie Tudor, Charles Quint) et de l’Inquisition espagnole sous Philippe II sont à la source de nombreuses persécutions contre les protestants. En France, le massacre de la SaintBarthélemy en 1572 est tristement célèbre. 63 Les grandes figures du monde moderne Une Ordonnance de Charles Quint de 1531 contre les Luthériens montre la rigueur de la répression envers les protestants : Que nul de quelque nation, état ou condition ne se permette dorénavant imprimer ou écrire, vendre ou acheter, distribuer, lire, garder, tenir sous soi ou recevoir, prêcher, instruire, soutenir ou défendre, communiquer ou disputer publiquement, ou secrètement, ou tenir conventicules ou assemblées des livres, écritures ou doctrines, ou aucunes dicelles, qu’ont fait ou faire pourroient ledit Martin Luther [...] ou autres auteurs d’autres sectes hérétiques erronées ou abusives réprouvées de l’Église. À peine ceux qui par cidevant auroient commis aucunes erreurs et les auroient abjurées et y seroient retombés, d’être exécutés par le feu, et les autres, à savoir les hommes par l’épée, et les femmes par la fosse, et nous accordons [...] à ceux qui les dénonceront [...] la moitié des biens de ceux qu’ils auront accusés. Le militantisme des princes catholiques se double souvent d’ambitions politiques. Ainsi la tentative de reconquête de l’Angleterre par l’Invincible Armada destinée à y rétablir la foi catholique, visait aussi à éliminer la concurrence maritime anglaise. La renaissance religieuse entend d’abord et avant tout réformer l’Église romaine et unir les forces catholiques. Le Concile de Trente fait le point sur le dogme et prend position sur certaines questions d’ordre théologique débattues au sein de l’Église (rapports de l’Écriture et de la Tradition, la signification des sacrements…), tout en maintenant les formes traditionnelles de la piété (reliques, pèlerinages...), le culte de la Vierge et des Saints. Malgré les critiques des protestants ou celles des humanistes, on impose la Vulgate. On publie divers ouvrages (Catéchisme (1566), Bréviaire (1568), Missel Ignace de Loyola, fondateur de la Société de Jésus (1570)) destinés à rendre le clergé plus compétent et à instruire plus complètement les fidèles. La Réforme catholique est aussi marquée par un retour à une plus stricte discipline, par un fort courant de mysticisme (Sainte Thérèse 64 Diffusion et mouvement des idées d’Avila, Saint Jean de la Croix) et par l’essor des congrégations religieuses. Ignace de Loyola (1491-1556) fonde l’ordre des Jésuites, reconnu officiellement en 1540. La Société de Jésus s’oppose à l’enseignement augustinien adopté par les protestants et insiste sur le libre-arbitre. Leurs activités pratiques s’étendent aux missions et à l’éducation. La Réforme catholique connaît du succès en Italie, en Espagne, en Lorraine mais ne réussit pas à percer en Allemagne, en Angleterre et en France. Les guerres de religion, les intérêts des souverains espagnols et portuguais aussi bien que l’inertie de la hiérarchie ecclésiastique sont autant de freins à la diffusion de la Réforme catholique. Mais dans l’ensemble, même si l’unité chrétienne n’est pas rétablie, le catholicisme entre dans une phase d’expansion remarquable. LE TEMPS DES CONQUÊTES A près la chute de Constantinople en 1453, les Occidentaux se trouvent devant la nécessité de trouver une nouvelle route vers les richesses de l’Asie et des Indes. L’ancien et le nouveau monde Entre 1492, moment où Christophe Colomb avec sa flottille de trois caravelles débarque en Amérique, et 1608, moment où Samuel de Champlain fonde Québec, des cultures autrefois séparées les unes des 65 Les grandes figures du monde moderne autres vont se rencontrer : le temps des conquêtes, du zèle missionnaire, des désirs d’aventure, de gloire et d’enrichissement vient de commencer. La réduction dramatique de la population des Amériques (colonisation, esclavage, épidémies…) s’accompagne du déplacement des centres commerciaux de la Méditerranée vers l’Ouest. La conquête des nouveaux mondes est aussi une conquête spirituelle. L’Europe missionnaire du XVIe siècle est essentiellement Une caravelle utilisée par Colomb dans sa découverte de l’Amérique catholique et les missions d’évangélisation sont confiées à différents ordres religieux (Dominicains, Franciscains, Jésuites). Le processus d’unification des cultures, et, plus précisément, d’acculturation des peuples du Nouveau Monde, qui se met en place à cette époque provoque, dès le milieu du XVIe siècle, une dénonciation des injustices de la colonisation. Bartholomé de Las Casas, Francesco de Vitoria, notamment, développent des argumentations célèbres. 66 Diffusion et mouvement des idées Ainsi, dès le début des conquêtes apparaît une réflexion toute nouvelle sur nos rapports avec ces autres cultures. Montaigne souligne avec finesse de quoi doit se construire le regard envers l’Autre : [...] je trouve [...] qu’il n’y a rien de barbare et de sauvage en cette nation, à ce qu’on m’en a rapporté, sinon que chacun appelle barbarie ce qui n’est pas de son usage ; comme de vray il semble que nous n’avons autre mire de la verité et de la raison que l’exemple et idée des opinions et usances du païs où nous sommes. Là est tousjours la parfaicte religion, la parfaicte police, perfect et accomply usage de toutes choses. Ils sont sauvages, de mesmes que nous appellons sauvages les fruicts que nature, de soy et de son progrez ordinaire, a produicts : là où, à la vérité, ce sont ceux que nous avons alterez par nostre artifice et detournez de l’ordre commun, que nous devrions appeller plutost sauvages. En ceux là sont vives et vigoureuses les vrayes, et plus utiles et naturelles vertus et proprietez, lesquelles nous avons abastardies en ceux-cy, et les avons seulement accommodées au plaisir de nostre goust corrompu. Essais, Livre I, chap. XXXI : Des cannibales, 1580 BENOIT MERCIER 67 L’édit de Nantes http://www.mairie-nantes.fr/EVENEMENTS/ EDIT_NANTES/DEFAULT.HTM Humanisme et Renaissance http://perso.club-internet.fr/erra/MALLET/ Humanisme.htm L’Humanisme http://www.geocities.com/~publius_hist/humanism.htm Humanisme et hébraïsme chrétien de la Renaissance http://www.nlc-bnc.ca/incunab/fchap4.htm Pour tout savoir sur le catholicisme http://www.christusrex.org/www1/citta/0-Citta.html La Réforme http://www.geocities.com/~publius_hist/reforme.htm Le puritanisme anglais http://www.geocities.com/Athens/Academy/3640/ puritan.htm Le Concile de Trente - La Contre-Réforme catholique http://www.geocities.com/~publius_hist/c_trente.htm Les Papes de 1492 à 1598 http://www.geocities.com/~publius_hist/papes.htm Histoire de la production et de la publication de la Bible de Gutenberg http://www.osl.state.or.us/csimages/bible/bible.htm La Renaissance -Les médias http://www.malexism.com/medias/humanistique.html Gutenberg http://www.uqtr.uquebec.ca/~perrault/DIMAGE/ HISTOIRE/FGuten.html Aldus Manutius (1449-1515) à Venise : imprimeur et typographe http://www.nd.edu/~italnet/Dante/text/ 1502.venice.aldus.html Le génie de GUTENBERG au XV ème siècle, fut de faire la synthèse de différentes techniques. http://www.sacijo.fr/musee1.htm Gutenberg: une époque et son invention http://www.letterpress.ch/public_html/Public/APINET/ ATIF/ATI.P8.html Gutenberg http://www.malexism.com/medias/portrgut.html Origines et début de la Réforme , Luther, 8 pages http://hypo.ge-dip.etat-ge.ch/www/cliotexte/html/ reforme.luther.1517.html Martin Luther http://www.geocities.com/~publius_hist/luther.htm Jean Calvin, réformateur du XVIe http://www.travel-net.com/~navarre/personag/calvin.html Retour à la ligne du temps