Nous nous félicitons que l`ANCRA reconnaisse la réalité des

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Nous nous félicitons que l`ANCRA reconnaisse la réalité des
Nous avons eu connaissance du document envoyé par l'ANCRA le 20 décembre dernier. Nous nous
étonnons que les associations d'usagers, en particulier celles qui ont l’agrément représentant des
usagers du système de santé, n'aient pas été informées officiellement de ce courrier qui les concerne
directement. Nous espérons qu'il ne s'agit que d'un oubli regrettable : pour nous, l'ANCRA doit être
au service des personnes avec autisme et donc les associer à ses démarches. Nous avons lu
attentivement ce document : si certaines remarques vont dans le bon sens, nous nous permettons de
relever quelques inexactitudes et d’apporter des compléments d'information utiles aux services
actuellement en charge de l'élaboration du plan autisme.
Nous nous félicitons que l’ANCRA reconnaisse la réalité des situations
choquantes.
Qu’une émission du service public ait été sous-titrée récemment « autisme, le scandale français »,
rappelle cette triste vérité, dont enfin les médias se font l’écho, après 40 ans de silence.
Nous le remercions de relever que les recommandations diagnostiques et de bonnes pratiques
restent très peu diffusées en France, que les retards, réticences et problèmes restent nombreux, en
particulier pour les évaluations formalisées. Comme lui, nous voyons que l’urgence des besoins
éducatifs pour nos enfants ne correspond pas au temps mis par les professionnels à faire évoluer
leurs pratiques. Comme lui, nous attendons une politique volontariste pour faire évaluer les
représentations et les pratiques, et pour, comme il le dit si bien, revoir l’organisation de l’offre.
Nous le remercions aussi de rappeler la loi de 2002 : le libre choix des prestations par les familles, ce
qui suppose que ce choix existe, et ne soit pas accessible qu’aux seules familles fortunées. Nous
partageons le constat de M. Masson en la matière : ce choix n’est pas possible pour le moment, et ce
n’est plus acceptable. Nous partageons aussi son constat du retard considérable dans
l’accompagnement des adultes.
Nous voudrions à présent corriger certains commentaires.
Qu’il nous soit permis d’abord de regretter qu’un texte du président de l’ANCRA mette en cause des
associations d’usagers, pourtant toutes d’accord pour faire les mêmes constats et demander les
mêmes changements dans les pratiques. Il nous semble que doit se développer un partenariat de
haut niveau entre professionnels et familles, autour du respect des recommandations diagnostiques
et de bonnes pratiques. Ce partenariat suppose, outre la confiance réciproque, un partage des
mêmes connaissances et des mêmes pratiques scientifiquement validées.
Il n’est pas très exact de dire que l’observation des pratiques de terrain montre des évolutions, et c’est
contradictoire avec les remarques faites à d’autres endroits du texte. Il y a toujours eu des
professionnels très investis, mais ils sont encore trop rares. De même, quelques CRA ont une attitude
volontariste pour développer un diagnostic conforme à la CIM 10, et la formation à l’état des
connaissances comme aux bonnes pratiques, mais ils ne sont pas majoritaires. Il existe de plus en plus
d’établissements et services prêts à investir dans la qualité, mais ils ne sont pas soutenus par les ARS.
Il est assez choquant de voir mise au compte des associations de familles la polémique
psychanalyse/comportementalisme. Cette vision réductrice des enjeux n’est pas celle des
associations. Celles-ci demandent simplement un diagnostic et une intervention précoces, le droit à
une éducation adaptée et à la scolarisation de leurs enfants, et le respect des recommandations de
bonnes pratiques dans les interventions, comme c'est la norme dans les autres pays développés, et
comme la loi et le simple bon sens devraient le garantir.
Or le diagnostic précoce n’existe quasiment nulle part. La scolarisation en milieu ordinaire reste un
combat permanent et aléatoire, dépendant en premier lieu de la bonne volonté des enseignants,
malgré la loi de 2005. Les recommandations de bonnes pratiques de la HAS soulignent par ailleurs ce
que les associations disent pour certaines depuis 20 ans : ce sont les interventions éducatives
coordonnées, comportementales et développementales qui sont efficaces, toujours personnalisées et
adaptées à la singularité de chacun, ou les interventions ciblées par domaine de fonctionnement.
Nous revendiquons également une vie digne pour les adultes, alors qu’ils sont pour beaucoup en
psychiatrie, détruits par les neuroleptiques, faute d’avoir eu droit au soutien éducatif nécessaire.
Les interventions d'inspiration psychanalytique, même agrémentées de quelques pictogrammes, ne
sont quant à elles pas recommandées, ni consensuelles, et il appartient au pouvoir politique d'en tirer
les conséquences. Les familles sont, quant à elles, fondées à les refuser, comme la loi le leur permet.
 Aussi, proposer aujourd'hui une énième évaluation des pratiques alors que la HAS et
l’ANESM ont déjà fait ce travail et que tout le monde sait ce qu’il faut faire, est une perte de
temps. Il faut aller de l'avant et agir en fonction des recommandations de mars 2012. La
culture de l’évaluation, dont la nécessité est reconnue par M. Masson, et nous l’en
remercions, doit maintenant s’appliquer à évaluer, et rendre publique, la conformité des
pratiques existantes aux recommandations, pour valider agréments et accréditations, qui
conditionneront le financement.
Enfin, il manque dans ce document un certain nombre d’informations
essentielles.
Nous souhaitons rappeler d’abord que les quelques progrès accomplis en matière d’autisme l’ont été
grâce à l’action des associations, en particulier pour faire condamner la France devant le Conseil de
l’Europe, ce qui a permis de déclencher les deux premiers plans autisme, et de faire naître les CRA.
Ce sont elles aussi qui ont importé en France les programmes éducatifs qui ont fait leurs preuves et
s’appuient sur les professionnels bien formés susceptibles de faire progresser à tout âge les
personnes autistes. Les résistances au changement restent vives, ce que reconnait l’ANCRA, parce
que le pouvoir de diagnostiquer, de former, de mettre en œuvre des interventions, reste
majoritairement dans les mains de ceux qui méconnaissent l’autisme, et les pratiques évaluées et
efficaces qui permettent d’aider les personnes concernées et leurs familles.
Le texte de l'ANCRA fait à peu près l’impasse sur les interventions précoces, qui ne se sont toujours
pas développées, alors que c’est une urgence absolue. Il méconnait la frilosité légendaire de
l’Education Nationale qui refuse largement de scolariser les enfants et adolescents, en s’appuyant sur
le sanitaire et le médico-social, censés savoir mieux les accompagner, alors que très majoritairement,
ils n’ont pas cette compétence, et que les familles souhaitent, à l’instar de ce qui se passe dans de
nombreux autres pays, que leurs enfants soient à l’école avec le soutien éducatif nécessaire, au sein
de l’école. Il est urgent que les enseignants soient formés à l’autisme et qu’existe un vrai métier
d’accompagnant scolaire de nos enfants. Le texte ne dit pas assez sur les adultes, privés de tout, de
diagnostic, d’éducation, de soins somatiques, d’emploi, de lieux de vie adaptés, de services
d’accompagnement.
Le texte de l'ANCRA passe sous silence le coût actuel de l’autisme. Revoir l’organisation de l’offre
suppose aussi de se poser cette question. En Belgique ou aux USA, un enfant scolarisé en milieu
ordinaire coûte 14 000 euros par an. En France, la seule classe Soleil existante coûte 25 000 euros par
enfant ; un SESSAD performant, suivant le profil des enfants, de 28 000 à 45 000 euros (un exemple à
60 000 mais qui peut assurer 32h de suivi si besoin par semaine).
En comparaison, un IME (qui le plus souvent ne permet pas la scolarisation effective) coûte 60 à
65 000 euros, et un hôpital de jour de 100 à 300 000 euros par an et par enfant, pour des
interventions qui, sauf rares exceptions, ne respectent pas les recommandations de la HAS.
L’affectation de l’argent public, à une époque où il se fait rare, doit permettre de mesurer le retour sur
investissement social pour la personne, sa famille et la société.
Le texte évoque l’impatience des familles, certes, mais omet de dire que les familles attendent depuis
40 ans un changement des pratiques, qu’elles n’ont que très peu obtenu, et qu’elles financent
souvent elles-mêmes. Il est tout simplement trop tard pour leur demander d’attendre encore que les
professionnels acceptent d’acquérir les compétences nécessaires, alors que beaucoup refusent tout
simplement de le faire.
Le texte de l'ANCRA oublie également de mentionner l'augmentation constante des demandes de
familles françaises pour aller en Belgique, non seulement pour y trouver un accompagnement de
qualité, mais aussi, ce qui est nouveau, pour y obtenir un diagnostic fiable.
S’il faut donner des exemples à généraliser de toute urgence, et évalués par les familles, voici
quelques propositions, bien connues des CRA, qui les ont majoritairement soutenues :
-une équipe de diagnostic et d’intervention précoces : Robert Debré.
-un hôpital de jour qui vide sa file active et réoriente une partie du personnel dans
l’accompagnement à la scolarisation : en Savoie.
-des SESSAD performants : dans le 57, le 64, le 92, le 38, le 02, le 69… : ils utilisent les outils de
communication visuelle, ABA, TEACCH, en fonction des besoins et des profils.
-des IME TEACCH plébiscités par les familles : dans le 83, le 75, le 69…
-des dispositifs ABA (dans des déclinaisons fonctionnelles et visant la généralisation des acquis dans
les différents contextes de vie de l’enfant) : voir la liste des établissements expérimentaux ouverts.
-un SAMSAH renforcé qui va ouvrir dans le 87, des FAM ou MAS TEACCH, et des ESAT adaptés que
nous pouvons vous présenter, dans le 86, le 38, le 59, le 19, le 81, des adultes Asperger aidés dans
leur vie sociale, un exemple d’habitat groupé (Saint-Malo), des projets de maison-relais aboutis et
bloqués.
-des Rectorats qui forment leurs personnels à l’autisme : Lyon, Rennes, Créteil.
-des CRA qui organisent en partenariat avec l’ARS des formations gratuites à l’autisme : Rhône-Alpes,
qui soutiennent les familles : Nord-Pas-de-Calais, Bretagne.
-une ARS qui lance un appel à projets pour des équipes diagnostiques de proximité : Nord-Pas-deCalais.
-un département, le 64, qui inscrit un SAMSAH autisme dans son schéma départemental mais se
trouve bloqué par l’ARS.
Le plan autisme doit assurer un financement à la hauteur du plan Alzheimer ou du plan Cancer, car
il est impératif d’ouvrir tout de suite les services performants qui n’existent pas : les changements de
pratiques dans les établissements existants prendront très longtemps, trop longtemps par rapport à
l’urgence de donner aux enfants les chances d’apprendre et de devenir autonome.
Nous espérons avoir pu contribuer utilement à la réflexion sur le plan autisme. Nous nous
permettons d'insister pour que les associations d'usagers soient pleinement et officiellement
associées à l'élaboration du plan autisme en cours, qui les concerne directement. Cet échange de
courrier indirect met en effet pleinement en lumière le caractère nécessairement partiel et incomplet
de la position des seuls professionnels oeuvrant au sein des CRA, qui sont de création récente, donc
de qualité de fonctionnement encore très disparate, et l'utilité des contributions venant du terrain
par les associations d'usagers, qui, pour certaines, existent depuis très longtemps.
Nous sommes par ailleurs comme les services de l’Etat très attachés à l’article 4, item 3, de la
Convention ONU des Droits des Personnes Handicapées :
« Dans l’élaboration et la mise en oeuvre des lois et des politiques adoptées aux fins de l’application
de la présente Convention, ainsi que dans l’adoption de toute décision sur des questions relatives
aux personnes handicapées, les États Parties consultent étroitement et font activement participer
ces personnes, y compris les enfants handicapés, par l’intermédiaire des organisations qui les
représentent. »
Nous remercions chaleureusement l’ANCRA pour son engagement d’animer les CRA et de leur faire
jouer pleinement leur rôle au service de la révolution dans les pratiques que souhaitent les personnes
autistes et leurs familles. Nous savons pouvoir compter sur son implication.
Signataires :
Alliance Asperger les “4 A” : APIPA-ASPERGER-TED, Association ASPERANSA, ASSOCIATION TEDDY,
ASPERGER Accueil, ASPERGER Amitié, l’ASS des As
http://www.asperger-integration.com/alliances-assoces-4a.html
Collectif Egalited : 1000 familles
http://www.egalited.org/
Vaincre l’autisme, association agréée pour la représentation des usagers du système de santé
(article L. 1114-1 du code de la santé publique) : 3500 familles
http://www.vaincrelautisme.org/
Autisme France, association agréée pour la représentation des usagers du système de santé (article
L. 1114-1 du code de la santé publique) : 120 associations partenaires, 10 000 familles.
www.autisme-france.fr
AFG Autisme : Association parentale et professionnelle gestionnaire de 17 établissements médicosociaux, accompagnant 500 enfants et adultes autistes.
www.afg-web.fr
Autisme Europe : 80 associations nationales actives dans 30 pays en Europe, au Moyen-Orient et en
Amérique du Nord
www.autismeurope.org
ProAid Autisme : Association de parents de personnes avec autisme, pour former, informer,
accompagner.
http://www.proaidautisme.org/
Fondation Autisme, Agir et Vivre : Fonds pour soutenir la recherche sur l’autisme, la mise en œuvre
et la diffusion de prises en charge efficaces, dignes et respectueuses des personnes atteintes
d’autisme.
http://fondation-autisme.org/

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