dossier mai 2003
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sites contaminés Dossier Un nouvel outil pour l’évaluation des risques écotoxicologiques liés aux terrains contaminés: Jean-Pierre Trépanier Directeur - Analyse de risques Sanexen Services environnementaux inc. courriel : [email protected] le logiciel TerraSys 1. Introduction Au Québec comme dans la plupart des pays industrialisés, la contamination des terrains urbains anciennement utilisés à des fins industrielles constitue un problème environnemental sérieux. La présence de diverses substances toxiques, dont des métaux lourds et certains contaminants organiques, peut constituer un risque pour la santé des utilisateurs futurs du terrain. Cette contamination représente aussi souvent une source d’impacts plus ou moins importants sur la faune et la flore. Dans nombre de pays développés, l’évaluation des risques constitue de plus en plus la base de la gestion des terrains contaminés. La gestion basée sur les risques réfère simplement à l’idée de concevoir des plans de réhabilitation des terrains de manière telle que la santé humaine et l’environnement ne soient pas soumis à des risques inacceptables (Trépanier et al., 2002). Au Québec, la Politique de protection des sols et de réhabilitation des terrains contaminés prévoit, depuis 1998, l’application de l’analyse de risques comme approche de gestion des terrains contaminés. Cette option a récemment été confirmée par l’adoption, en mai 2002, du projet de loi 72, qui reconnaît comme mode de réhabilitation possible le maintien en place des contaminants présents dans un terrain, pourvu que cette réhabilitation soit basée sur une évaluation des risques et qu’elle inclue certaines mesures de mitigation propres à protéger l’environnement et les utilisateurs du terrain. Les dispositions réglementaires, au Québec ou ailleurs, prévoient la prise en compte Dans nombre de pays développés, l’évaluation des risques écotoxicologiques au même titre que les risques pour la santé humaine. Toutefois, l’évaluation des risques pour les récepteurs écologiques (faune et flore) s’avère complexe, notamment en raison de la diversité et de la multiplicité des récepteurs visés (faune, flore). En dépit de nombreuses publications sur l’évaluation des risques écotoxicologiques au cours des dernières années, aucun instrument n’était disponible jusqu’à maintenant pour permettre d’appliquer de manière pratique les connaissances cumulées dans ce domaine. Cette situation vient de changer avec la venue d’un nouveau logiciel destiné spécifiquement à l’évaluation des risques écotoxicologiques liés aux terrains contaminés. Ce logiciel, baptisé TerraSys, a été développé par Sanexen Services environnementaux inc, firme québécoise connue depuis de nombreuses années dans l’industrie environnementale au Québec. Pour ce faire, Sanexen s’est associée à divers partenaires dans le cadre d’un projet de développement réalisé avec l’appui du Centre d’excellence de Montréal en réhabilitation de sites (CEMRS). Les partenaires impliqués sont le Conseil national de recherches du Canada, par l’entremise de l’Institut de recherche en biotechnologie (IRB), la Ville de Montréal, le Consortium en recherches minérales du Québec (COREM), ainsi que le ministère de l’Environnement du Québec. Cet article présente sommairement ce nouvel outil mis à la disposition des professionnels de l’évaluation des risques et de la gestion environnementale. Page 40 VECTEUR ENVIRONNEMENT • VOLUME 36 • NUMÉRO 3 • MAI 2003 des risques constitue de plus en plus la base de la gestion des terrains contaminés. Les organismes réglementaires requièrent généralement la prise en compte des risques écotoxicologiques au même titre que les risques pour la santé humaine. Toutefois, l’évaluation des risques pour les récepteurs écologiques (faune et flore) s’avère complexe, et nécessite des outils appropriés. Le logiciel TerraSys, développé par la firme Sanexen, regroupe l’ensemble des outils requis pour l’évaluation des risques écotoxicologiques des lieux contaminés. Il intègre diverses bases de données et de nombreux modèles permettant d’estimer les concentrations dans l’ensemble des médias environnementaux, de même que l’exposition et les risques pour les divers types de récepteurs écologiques. Le logiciel propose aussi une intégration des approches complémentaires de modélisations mathématiques et de réalisation de biotests. 2. Qu’est-ce que TerraSys ? Le logiciel TerraSys a été mis au point afin de permettre la réalisation d’analyses professionnelles des risques écotoxicologiques. Développé d’abord pour les problématiques de terrains contaminés, le logiciel possède néanmoins les outils requis pour évaluer des situations diverses impliquant des substances toxiques dans l’environnement, que ce soit en milieu terrestre ou aquatique. Il intègre dans un logiciel unique l’ensemble des fonctions nécessaires à la réalisation d’évaluations des risques pour tous les types de récepteurs écologiques. Toutes les étapes de l’analyse, de la saisie des données de caractérisation à l’évaluation finale des risques, sont prises en charge de manière cohérente et intégrée. • des modèles mathématiques estimant l’exposition des divers récepteurs écologiques aux contaminants du sol (concentrations ou doses), à travers l’ensemble des voies possibles d’exposition. Ces modèles sont gérés par des algorithmes spécifiquement développés pour TerraSys, qui permettent de réaliser des simulations même dans des systèmes complexes impliquant divers types de récepteurs et plusieurs niveaux trophiques; • une fonction permettant le calcul rapide de valeurs de référence écotoxicologiques directement utilisables dans l’estimation des risques, et ce, à partir de bases de données intégrées au logiciel; Plus spécifiquement, le logiciel comprend : • des modèles mathématiques pour l’estimation des risques écotoxicologiques liés à l’exposition des divers récepteurs; • des bases de données regroupant l’ensemble de l’information requise pour la réalisation des évaluations de risques; ces bases de données concernent les contaminants (propriétés physicochimiques, toxicologiques et environnementales), les récepteurs écologiques (variables physiologiques et autres), ainsi que des données écotoxicologiques pour divers types de récepteurs; • des outils permettant l’utilisation de biotests pour l’évaluation des risques écotoxicologiques. Ces outils comprennent les fonctions de saisie, de traitement et d’interprétation des résultats de biotests, notamment aux fins de calcul d’indices de risque. Ils peuvent être utilisés seuls, ou conjointement avec les fonctions plus traditionnelles de modélisation mathématique. • des outils de traitement des données de caractérisation des terrains contaminés (saisie, traitement statistique ou géostatistique des concentrations de contaminants mesurées sur le terrain à l’étude); 3. • des fonctions de cartographie des concentrations de contaminants (concentrations mesurées ou simulées); • une interface évoluée de définition des modèles conceptuels des écosystèmes à modéliser; cette interface conviviale permet de créer rapidement une représentation graphique de l’écosystème et de définir toutes les variables requises pour l’évaluation des risques; • des modèles mathématiques capables de simuler les transferts des contaminants dans l’environnement (modélisations multimédias) et d’estimer les concentrations dans les divers compartiments environnementaux; Démarche générale d’une évaluation des risques écotoxicologiques La démarche globale d’une évaluation des risques écotoxicologiques est illustrée à la figure 1. Cette démarche peut impliquer ou non la réalisation de biotests, mais ceuxci fournissent une information particulièrement utile qui ne devrait pas être négligée. L’évaluation des risques écotoxicologiques par l’approche conventionnelle de modélisation mathématique comporte des sources d’incertitude importante, liées notamment à la biodisponibilité des contaminants, aux limites des caractérisations réalisées, ainsi qu’à la disponibilité, la validité et la représentativité des valeurs de référence écotoxicologiques pour les diverses combinaisons de récepteurs et de contaminants. C’est pourquoi TerraSys combine à la fois les modélisations mathématiques et l’utilisation de biotests pour permettre la réalisation d’évaluations de risques aussi crédibles et bien fondées que possible. Concrètement, une session de travail avec le logiciel comporte essentiellement quatre grandes phases : 1. la saisie des données relatives au cas à l’étude; 2. la définition du modèle conceptuel de l’écosystème; 3. la modélisation des données; 4. l’interprétation des résultats. Chacune de ces phases est brièvement discutée ci-dessous. Phase 1 : La saisie des données La phase de saisie des données consiste à regrouper, sous une forme utilisable par TerraSys, l’ensemble de l’information factuelle propre au cas à l’étude. Du fait qu’il s’agit d’un outil intégrateur, le logiciel requiert des informations de natures diverses : • les données de caractérisation des sols (concentrations des contaminants): ces données constituent le point de départ permettant de définir l’état de contamination du terrain. C’est aussi le point de départ des modélisations multimédias visant à estimer les concentrations dans tous les autres compartiments environnementaux. • les résultats de biotests, s’il y a lieu : considérant les limites inhérentes à l’évaluation des risques par l’approche mathématique seule, il est de plus en plus recommandé, en plus des modélisations mathématiques, de réaliser des biotests sur quelques échantillons de sol prélevés sur le terrain à l’étude. Les réponses fournies par ces biotests sont de nature à compléter l’évaluation réalisée par modélisation à partir des concentrations mesurées sur le terrain. En plus de ces données, on doit également disposer d’un fond de carte et d’une délimitation de la zone d’étude pour pouvoir exploiter pleinement les capacités du logiciel. Ces informations sont requises pour réaliser les modélisations géostatistiques de la contamination, s’il y a lieu. Cette étape n’est pas obligatoire, mais il est généralement intéressant d’avoir une vue d’ensemble de la répartition spatiale de VECTEUR ENVIRONNEMENT • VOLUME 36 • NUMÉRO 3 • MAI 2003 Page 41 SITES CONTAMINÉS Dossier SITES CONTAMINÉS Dossier Figure 1 Schéma de la démarche générale d’une évaluation des risques avec le logiciel TerraSys la contamination. Dans certains cas, il sera nécessaire de procéder à un traitement géostatistique pour obtenir un portrait adéquat de la contamination du terrain aux fins de l’évaluation des risques. Page 42 La modélisation multimédia des concentrations requiert également de nombreuses valeurs de paramètres physicochimiques, environnementaux ou toxicologiques des substances en cause. TerraSys inclut une base de données VECTEUR environnement • Volume 36 • numéro 3 • mai 2003 regroupant cette information pour une centaine de contaminants parmi les plus communs dans les cas de terrains contaminés. L’utilisateur n’a donc pas à réintroduire cette information à chaque cas. Toutefois, si un cas particulier requiert l’évaluation des risques liés à une substance qui n’est pas déjà présente dans la base de données, l’utilisateur peut y introduire ces valeurs afin de pouvoir ensuite procéder à l’évaluation des risques. Le cas échéant, plusieurs des paramètres décrivant le contaminant peuvent être estimés par le logiciel en l’absence de valeurs bien documentées. Par exemple, si aucune valeur de facteur de bioconcentration n’est disponible dans la littérature scientifique, TerraSys pourra estimer ce paramètre à l’aide d’équations de régression intégrées au logiciel. Phase 2 : La définition du modèle conceptuel de l’écosystème La phase de définition du modèle conceptuel constitue l’élément central du travail d’évaluation des risques. Définir le modèle conceptuel consiste essentiellement à formuler la problématique à évaluer. Le modèle conceptuel inclut la description de la source de contamination, du milieu récepteur, et des processus par lesquels les récepteurs écologiques sont exposés aux contaminants ou, indirectement, aux effets des contaminants sur d’autres récepteurs (Suter et al., 2000). En termes simples, le modèle conceptuel définit ce qu’on désire modéliser. Il s’agit d’une représentation simplifiée qui doit inclure tous les éléments importants de l’écosystème, soit, d’une part, le milieu abiotique de support (eau, air, sol), et d’autre part, les éléments biotiques (récepteurs écologiques) pour lesquels on désire évaluer les risques. En plus de ces récepteurs, le modèle doit considérer tous les éléments intermédiaires susceptibles de jouer un rôle significatif dans le transport des contaminants au sein de l’écosystème. Par exemple, afin d’évaluer les risques pour un oiseau se nourrissant de poissons vivant dans un ruisseau, on devra inclure dans le modèle conceptuel le ruisseau et les poissons qui y vivent, aussi bien que l’oiseau lui-même. La figure 2 montre un exemple de modèle conceptuel simple. Dans cet exemple, les récepteurs écologiques se limitent à la végétation herbacée, aux micro-organismes du sol, aux invertébrés du sol et à une espèce d’oiseau omnivore, le Merle d’Amérique. Une des qualités importantes du logiciel est toutefois sa capacité de modéliser des écosystèmes beaucoup plus complexes. Le logiciel est en mesure de réaliser des modélisations multimédias et d’estimer les risques pour des modèles conceptuels pouvant compter une centaine d’éléments différents, et jusqu’à un millier d’interactions entre ces éléments. Dans TerraSys, le modèle conceptuel ne désigne pas seulement la représentation graphique de l’écosystème à modéliser; il inclut également toutes les valeurs de variables requises pour modéliser les concentrations dans l’ensemble des médias et pour estimer les risques. Toutes les modélisations dépendent donc de la défintion du modèle conceptuel. Techniquement, le modèle conceptuel sauvegardé sous TerraSys inclut également, en plus des propriétés des éléments et des interactions, la liste des contaminants et toutes les valeurs de concentrations de chaque contaminant dans chaque média. Il inclut également les valeurs de doses et d’indices de risques. Toutes ces informations sont sauvegardées conjointement, ce qui simplifie grandement les sessions de travail avec le logiciel. Air et changements climatiques 911, rue Jean-Talon Est, bureau 220 Montréal, Québec, Canada H2R 1V5 Téléphone : (514) 270-7110 Télécopieur : (514) 270-7154 Courrier électronique : [email protected] http://www.reseau-environnement.com VECTEUR ENVIRONNEMENT • VOLUME 36 • NUMÉRO 3 • MAI 2003 Page 43 SITES CONTAMINÉS Dossier SITES CONTAMINÉS Dossier Phase 3 : La modélisation des données La phase de modélisation des données constitue le travail principal du logiciel. A partir des données propres au site à l’étude et du modèle conceptuel de l’écosystème, le logiciel permet d’estimer, par modélisation, les concentrations dans l’ensemble des médias. Cette estimation est nécessaire pour évaluer l’exposition de chaque récepteur aux contaminants du sol. La modélisation des données comporte principalement deux étapes distinctes : 1. la modélisation des concentrations dans les divers médias; cette étape consiste à estimer les concentrations de contaminants dans chacun des éléments, bio- tiques ou abiotiques, de l’écosystème, en tenant compte des concentrations initiales dans le sol, des propriétés physicochimiques et environnementales des substances, ainsi que de la définition du modèle conceptuel. Le logiciel inclut les modèles mathématiques utilisant ces variables d’entrée (intrants), ainsi que les algorithmes nécessaires au traitement adéquat de cette information, en fonction du modèle conceptuel défini. Cette dernière particularité est importante, puisque la définition du modèle conceptuel détermine non seulement quels modèles doivent être utilisés (selon les éléments et les interactions définies), mais également dans quel ordre ces modélisations doivent être réalisées. Figure 2 Exemple d’un modèle conceptuel simple Page 44 VECTEUR environnement • Volume 36 • numéro 3 • mai 2003 2. la modélisation de l’exposition et des risques pour les divers récepteurs; cette étape est analogue à la précédente sous plusieurs rapports. Comme la modélisation multimédias, elle utilise les propriétés des contaminants et la définition du modèle conceptuel comme variables d’entrée déterminantes. Cette étape utilise toutefois les concentrations calculées à l’étape précédente pour estimer l’exposition des récepteurs, soit les concentrations ou les doses auxquelles les récepteurs sont soumis, puis les risques que représente cette exposition. La modélisation de l’exposition implique la prise en compte de plusieurs propriétés physicochimiques des contaminants, alors que la modélisation des risques requiert SITES CONTAMINÉS Dossier Interface du logiciel 1 2 4 3 5 6 TerraSys offre une interface conviviale facilitant le travail pour l’utilisateur. Les principaux éléments de cette interface incluent : 1. Espace d’instructions à l’utilisateur: TerraSys indique en tout temps les instructions associées à chaque élément de l’interface sur lequel l’utilisateur positionne la souris. Cette caractéristique simplifie le travail pour l’utilisateur débutant. 2. Le menu principal du logiciel donne accès à la plupart des fonctions, à partir de la fenêtre principale du logiciel. 3. Les volets de groupes de fonctions permettent de sélectionner rapidement le type de données avec lesquelles l’utilisateur désire travailler. Il est ainsi facile d’examiner successivement la cartographie de la zone d’étude, les données de caractérisation, les résultats de biotests ou le modèle conceptuel. 4. L’espace principal de travail fournit un aperçu visuel des informations en cours, en plus de donner accès aux nombreuses fonctions du logiciel associées à l’un ou l’autre des groupes de fonctions. 5. Des menus contextuels sont associés à de nombreux éléments du logiciel; ces menus donnent rapidement accès à des fonctions propres aux éléments sur lesquels l’utilisateur clique avec la souris. 6. Aide contextuelle: TerraSys comprend un système complet d’aide contextuelle que l’utilisateur peut interroger en tout temps. VECTEUR ENVIRONNEMENT • VOLUME 36 • NUMÉRO 3 • MAI 2003 Page 45 SITES CONTAMINÉS Dossier l’utilisation de valeurs de référence écotoxicologiques définissant, pour un contaminant donné, les niveaux « sécuritaires » d’exposition des récepteurs. sédimentaire, dispersion atmosphérique, etc.). Pour ce faire, les modèles présentés dans Burman et Pochop (1994) ont été largement mis à profit. Ces étapes constituent l’essentiel de la démarche conventionnelle d’évaluation des risques par modélisation mathématique. À cette approche peut également s’ajouter la prise en compte de résultats de biotests. En plus de l’évaluation par modélisations mathématiques, le logiciel permet d’estimer les risques pour divers récepteurs écologiques à partir de biotests réalisés sur des échantillons de sol provenant du terrain à l’étude. Cette fonction est discutée plus en détails dans les pages suivantes. Par ailleurs, en dépit de recherches exhaustives, il est apparu qu’aucun modèle n’était disponible à ce jour pour estimer les concentrations et les doses chez les arthropodes terrestres et les amphibiens (Suter et al. 2002, Birge et al. 2000). Considérant le rôle écologique majeur que jouent ces organismes, des efforts particuliers ont été consentis pour le développement d’approches inédites d’estimation des concentrations et de l’exposition pour ces récepteurs écologiques (Trépanier et Bisson, 2002). Bien que les modèles proposés à cet égard dans TerraSys ne puissent être considérés comme pleinement validés, ils fournissent néanmoins un premier outil permettant une estimation de l’ordre de grandeur des risques auxquels sont exposés ces organismes. À ce titre, le logiciel constitue déjà un outil significatif pour la gestion environnementale des problèmes de contamination. Phase 4 : L’interprétation des résultats L’interprétation des résultats constitue la phase finale de l’évaluation des risques. Cette phase ne peut être entièrement réalisée de manière automatisée, car elle fait appel de manière prépondérante à l’expertise professionnelle de l’analyste. Néanmoins, le logiciel TerraSys propose plusieurs fonctions d’assistance à l’interprétation. Ces fonctions, bien que limitées, peuvent être d’une grande utilité pour l’évaluation de systèmes écologiques complexes. 4. Bases scientifiques du logiciel Le développement de TerraSys a largement bénéficié des développements réalisés dans le domaine de l’évaluation des risques écotoxicologiques au cours des dernières années. La plupart des modèles de transfert des contaminants dans l’environnement sont tirés de documents publiés au cours des dernières années par l’agence américaine de protection de l’environnement (US EPA 1993, 1994, 1995a, 1995b, 1996, 1999, 2001) et par Oak Ridge National Laboratory (Sample et al. 1996, 1997, 1998a, 1998b, 1998c; Efroymson et al. 1997a, 1997b, 1997c; Bechtel Jacobs 1998a, 1998b; Baes et al. 1984; Jones et al. 1997; McDowell-Boyer et Hetrick, 1982 ; Suter et Tsao, 1996). Du fait de la dimension « écologique » du logiciel, plusieurs modèles ont été intégrés à celui-ci pour lui permettre de simuler divers processus environnementaux qui interviennent dans le fonctionnement de l’écosystème et le transfert des contaminants (évaporation, bilans hydrique et Page 46 Il est à noter que le logiciel est fourni avec un manuel de référence détaillé décrivant les modèles mathématiques utilisés, et indiquant la source de ces modèles. 5. Utilisation du logiciel pour l’élaboration de valeurs de référence écotoxicologiques Bien que l’évaluation des risques connaisse un essor important depuis quelques années, la disponibilité limitée de valeurs de référence écotoxicologiques demeure un obstacle important à l’application de cette approche dans de nombreux cas. Les valeurs de référence désignent les niveaux d’exposition « sécuritaires » pour un type de récepteur et un contaminant donné. Des valeurs distinctes sont donc nécessaires pour chaque combinaison de récepteur et de contaminant. Par exemple, pour un modèle conceptuel comptant 20 récepteurs écologiques et 10 contaminants différents, le nombre de valeurs de référence requis pour l’évaluation complète des risques est de 200. Ces niveaux d’exposition peuvent être des concentrations dans le sol ou dans l’eau, ou encore des doses, dans le cas des organismes à contact indirect (amphibiens, reptiles, oiseaux, mammifères). VECTEUR environnement • Volume 36 • numéro 3 • mai 2003 Les valeurs de référence sont établies sur la base d’études écotoxicologiques publiées dans la littérature scientifique. Malheureusement, le nombre de valeurs de référence publiées jusqu’à maintenant par les organismes responsables (US EPA, ministères de l’environnement, etc.) demeure très limité. Ceci découle notamment du travail considérable que représentent la revue de littérature et le traitement des données nécessaires au calcul des valeurs de référence. Afin de pallier la disponibilité restreinte des valeurs de référence, le logiciel TerraSys inclut des bases de données et des fonctions permettant le calcul rapide de valeurs de référence directement utilisables dans l’estimation des risques. En plus d’une base de données sur les propriétés physicochimiques et environnementales des contaminants, le logiciel comprend des bases de données écotoxicologiques comptant plus de 18 000 enregistrements correspondant à autant de résultats d’études publiées à travers le monde. Ces études touchent une centaine de contaminants et tous les types de récepteurs écologiques, terrestres ou aquatiques. Ces bases de données peuvent être éditées par l’utilisateur, qui peut donc y ajouter des enregistrements pour de nouveaux contaminants, ou encore pour mettre à jour les données disponibles au fur et à mesure que de nouvelles publications voient le jour. L’intérêt principal de ces bases de données réside dans la possibilité de les utiliser pour définir rapidement des valeurs de référence. Pour ce faire, TerraSys inclut les fonctions de calcul des relations dose/réponse et de calcul des distributions de sensibilité requises pour estimer les valeurs de référence en fonction des objectifs de protection ou des lignes directrices imposées par les organismes réglementaires. La figure 3 illustre un exemple de calcul d’une valeur de référence à partir de données comprises dans la base de données écotoxicologiques pour les invertébrés du sol. La première étape de ce travail consiste à définir la relation dose/réponse de chaque étude jugée pertinente pour le type de récepteur et le contaminant en cours (exemple de la figure 3a). Cette relation dose/réponse permet le calcul de l’indicateur écotoxicologique approprié en fonction des exigences des organismes réglementaires. Dans l’exemple de la figure 3a, le niveau d’effet cible est de 25 %, correspondant à une « tolérance » d’effet de 25 % au sein de la population exposée, pour l’effet toxique considéré. A partir des résultats de l’étude citée (Van Gestel et al. 1992), la concentration de pentachlorophénol dans le sol correspondant à 25 % de réponse est de 15,54 mg/kg. Ce résultat ne représente toutefois qu’une estimation possible de la valeur de concentration effective EC25, d’autres études pouvant mener à des estimations différentes. Le calcul d’une valeur de référence utilisable aux fins d’estimation du risque sera donc réalisé non pas à partir d’une valeur unique, mais selon un percentile donné de la distribution statistique des valeurs estimées à partir des études disponibles. La valeur de ce percentile est habituellement définie par les organismes réglementaires impliqués. Dans l’exemple illustré à la figure 3b, le percentile retenu était de 20 %, et la valeur correspondante est de 4,10 mg/kg. Cette valeur peut être utilisée directement dans TerraSys comme valeur de référence permettant le calcul des indices de risques pour les invertébrés du sol. transposable à l’ensemble de la végétation herbacée, arbustive et arborescente sur le terrain à l’étude. De plus, les biotests examinent une gamme limitée d’effets (ex. : réduction de la longueur des tiges, succès de germination, etc.). Il est impossible de réaliser un nombre de biotests suffisant pour s’assurer que tous les récepteurs écologiques et tous les effets toxiques potentiels sont évalués adéquatement. On utilisera donc plutôt des indicateurs, et les conclusions des biotests seront interprétées en conséquence. Cet exercice peut être réalisé pour chaque combinaison de récepteur et de contaminant lors d’une évaluation des risques avec TerraSys. De ce fait, l’utilisation de ce logiciel permet de combler l’absence de valeurs de référence officiellement proposées par les organismes réglementaires. Notons enfin que le logiciel permet de sélectionner individuellement les études retenues ou non pour le calcul des valeurs de référence, ainsi que les niveaux de protection cibles et les modèles statistiques utilisés pour le calcul des courbes dose/réponse et le calcul des distributions de sensibilités. Il offre donc ainsi toute la flexibilité voulue pour s’adapter aux besoins des divers utilisateurs. Le caractère complémentaire de ces deux approches est donc évident. C’est pourquoi le logiciel TerraSys inclut une fonction d’intégration des résultats de biotests avec les calculs d’indices de risques par modélisation. Cette intégration vise à renforcer le niveau de confiance des conclusions de l’analyse. Elle consiste essentiellement à confronter les résultats des deux approches, à formuler les hypothèses possibles pour expliquer les différences 6. Intégration des modélisations et des biotests Les biotests constituent un apport potentiel important aux évaluations des risques écotoxicologiques. Un biotest est un outil analytique permettant de quantifier la toxicité d’un contaminant ou d’un échantillon environnemental en utilisant des organismes vivants (Renoux et Sunahara, 2002). Des biotests réalisés sur des échantillons de sol ou d’eaux de surface provenant d’un terrain contaminé peuvent fournir des informations précieuses pour l’évaluation des risques. Le principal avantage des biotests réside dans leur potentiel intégrateur, c’est-à-dire leur capacité à fournir une indication de la toxicité d’un échantillon, quels que soient les contaminants responsables de cette toxicité. Cette caractéristique permet de confirmer, par exemple, l’innocuité d’une contamination environnementale, même dans des cas où le calcul d’indices de risques par modélisations suggère un risque significatif. Divers facteurs, tel que la biodisponibilité restreinte des contaminants, peuvent expliquer un résultat négatif de biotest là où le calcul d’indices de risques par modélisation suggère plutôt une réponse positive. Par contre, les résultats des biotests ont une portée limitée en ce qui regarde les espèces visées par l’évaluation de risques. Par exemple, un test réalisé sur la laitue n’est pas forcément Les calculs d’indices de risques par modélisations mathématiques sont tributaires, quant à eux, des contaminants pour lesquels on possède une caractérisation. Si une substance présente dans le sol n’a pas été mesurée lors de la caractérisation environnementale, les conclusions de l’évaluation des risques peuvent être incomplètes ou inadéquates. Le caractère intégrateur des biotests présente alors un intérêt évident. Dans un tel cas, le biotest peut détecter une toxicité qui a échappé aux modélisations mathématiques simplement en raison de l’absence de concentration mesurée du contaminant responsable de la toxicité. 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La mise en commun (intégration) des réponses de ces deux approches suppose au préalable que les réponses soient exprimées sous une forme équivalente. Dans l’approche basée sur les modélisations mathématiques, l’indice de risque est utilisé pour exprimer la présence ou l’absence de risque. L’indice de risque représente le ratio de l’exposition estimée pour un récepteur donné sur l’exposition « sécuritaire » pour ce type de récepteur. Toute valeur d’indice de risque supérieure à 1,0 suggère donc la présence possible d’un risque pour le récepteur. À l’inverse, un indice de risque inférieur à 1,0 indique l’absence de risque pour le récepteur et le contaminant en cause. Afin de permettre l’intégration des valeurs d’indices de risque obtenues par modélisation avec les résultats des biotests, il est nécessaire de calculer des indices équivalents à partir des résultats des biotests. Pour ce faire, une méthode inédite de calcul d’indices de risques à partir des biotests a été mise au point dans le cadre du développement du logiciel. Considérant que les résultats des biotests peuvent être exprimés sous diverses formes (seuil toxique à partir d’échantillons dilués ou réponse toxique à partir d’échantillons non-dilués), le calcul d’indices de risques quantitatifs n’est pas toujours possible. Toutefois, un indice qualitatif peut être « calculé » dans tous les cas, ce qui permet l’intégration des conclusions avec les indices calculés par modélisation. 7. la démarche d’évaluation des risques écotoxicologiques, le logiciel propose un moyen efficace pour l’étudiant d’assimiler, de manière concrète, les notions scientifiques et techniques applicables à ce domaine. Les universités impliquées dans la formation en environnement devraient donc y voir un outil particulièrement intéressant pour la formation pratique dans ce domaine. En résumé, sa capacité d’analyse et de simulation de systèmes complexes font de TerraSys un outil unique pour l’analyse des systèmes écologiques impliquant de nombreux types de récepteurs et de multiples niveaux trophiques. Considérant les limites des connaissances actuelles dans le domaine de l’écotoxicologie, et tenant compte des restrictions pratiques généralement liées à la réalisation d’évaluations des risques, ce logiciel doit être considéré comme un outil permettant d’estimer l’ordre de grandeur des risques pour les divers types de récepteurs écologiques au sein d’un écosystème. Loin de représenter un aboutissement final, cet outil se veut néanmoins une contribution significative au développement d’un domaine de connaissances où l’urgence d’agir est de plus en plus manifeste. 8. Références bibliographiques Baes III C. F., Sharp R. D., Sjoreen A. L. & Shor R. W. (1984) A review and analysis of parameters and assessing transport of environmentally released radionuclides through agriculture. 150 p. Oak Ridge National Laboratory, Oak Ridge, Tennessee. Conclusion Le logiciel TerraSys propose un outil complet pour la réalisation d’évaluations des risques écotoxicologiques, non seulement pour les cas de terrains contaminés, mais pour la plupart des écosystèmes terrestres ou aquatiques. Ce logiciel s’adresse d’abord et avant tout aux professionnels de l’évaluation des risques écotoxicologiques. Les fonctions du logiciel ont été conçues de manière à optimiser la réalisation des tâches courantes pour l’évaluation des risques liés aux terrains contaminés. De ce fait, les consultants en évaluation des risques environnementaux y trouveront un outil particulièrement adapté à leurs besoins. Les corporations industrielles ou autres ayant à gérer des problématiques de terrains contaminés y verront aussi un outil utile pour l’analyse et la prise de décision. Par ailleurs, TerraSys propose des outils spécifiquement dédiés à l’évaluation des risques associés à des contaminants ou des récepteurs pour lesquels aucune valeur de référence écotoxicologique n’est actuellement disponible. En utilisant directement des données disponibles dans la littérature scientifique, le logiciel accroît considérablement les possibilités d’évaluation des risques, tout en s’adaptant aux besoins et aux objectifs des organismes réglementaires (gouvernements) impliqués dans la protection et la gestion de l’environnement. De ce fait, ce logiciel représente certainement un outil précieux pour les organismes réglementaires, que ce soit pour la définition de politiques, critères ou normes de qualité de l’environnement, ou pour l’évaluation de cas spécifiques. Le logiciel présente également un intérêt évident comme instrument pédagogique. En intégrant l’ensemble des aspects de Promoteurs immobiliers, entrepreneurs en excavation, consultants en environnement Pour vos sols contaminés par des hydrocarbures pétroliers, HAP, créosote, PCP, phénols ou solvants, faites appel à une SOLUTION : Rapide Prise en charge immédiate des sols Économique Prix compétitifs Définitive Destruction des polluants Contactez l’équipe professionnelle de Solution Eau Air Sol (EAS) inc. Montréal (514) 644-1405 Québec (418) 653-0111 VECTEUR ENVIRONNEMENT • VOLUME 36 • NUMÉRO 3 • MAI 2003 Page 49 SITES CONTAMINÉS Dossier Bechtel Jacobs Compagny LLC (1998a) Biota sediment accumulation factors for invertebrates: Review and recommendations for the Oak Ridge reservation. Bechtel Jacobs Compagny LLC, East Tennessee, USA. Bechtel Jacobs Company LLC (1998b) Empirical models for the uptake of inorganic chemicals from soil by plants. Bechtel Jacobs Company LLC, Oak Ridge. Birge, W.J. A.G. Westerman et J.A. 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