“Le mot “SIDA” comme une insulte !” 33

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“Le mot “SIDA” comme une insulte !” 33
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C'est dans le Sud qu'habite Agnès. Elle a 45 ans et vit avec sa fille de
17 ans. Elle est séropositive depuis de nombreuses années et elle a
été guérie d'une hépatite C. Il y a quelques temps la réaction d'un
professionnel de santé à son encontre l'a profondément marquée.
Elle a choisi d'en parler.
>> Témoin
REMAID
ES
#75
Agnès :
“Le mot “SIDA” comme une insulte !”
éjà le regard des autres n’est pas facile à vivre, mais
se faire traiter de “SIDA” par un médecin, un stomatologue de Monaco, m’a mis très mal. Je vais à son
rendez-vous. C’est la première fois. Je lui dis que je suis séropositive depuis 21 ans et que j’ai des dents à me faire arranger. Il me
fait passer une radio. Je retourne pour un second rendez-vous.
L’attente prend une heure. J'entre dans son cabinet, accompagnée de son infirmière. Elle me demande pourquoi j’ai deux
dentistes. Je lui explique que mon dentiste habituel m’a envoyé
chez un stomatologue à Menton. Ce dernier me dit qu’il pense que mes dents
peuvent être soignées et me conseille de
retourner voir mon dentiste. Je retourne le
voir. Lui me dit qu’il ne les soignera pas. Il
me conseille alors d’aller voir un autre
dentiste. C’est ce dentiste qui m’envoie
alors vers le stomatologue de Monaco.
Mon explication faite, le médecin de
Monaco commence à râler, puis il me dit :
“On ne vous arrangera pas les dents car
vous avez le sida et l’hépatite C”. Je lui
réponds que mon hépatite C a été soignée
grâce à l’interféron depuis 2005 et que je
ne l’ai donc plus. Il me rétorque que j’ai toujours le “germe de
l’hépatite C” et de ne pas jouer avec les mots. Cela m’a mis très
mal. Je me suis levée. Je lui ai dit qu’on arrêtait là et que je m’en
allais. J’ai laissé mes radios, tout. Je suis partie sans me retourner.
Je l’ai entendu m’appeler, mais j’étais trop dégoûtée pour avoir
envie de revenir. En 21 ans, c’est la première fois qu’on me disait
ça, qu’on me renvoyait le mot “SIDA” comme une insulte. Cela
m’a énervée qu’on me dise en plus que j’étais encore atteinte de
l'hépatite C alors que j’ai souffert pendant dix mois pour me soigner, d’un génotype 3 qui est facile à guérir, mais c'est un
traitement lourd, fatigant… Aujourd'hui, je n'ai plus d'hépatite. Et
ce stomatologue qui ne connaît rien à cette maladie et qui me dit
“D
que j'ai le sida, que j'ai toujours le VHC et qu'il ne me soignera pas
pour cette raison !
Franchement, cela m'a fait mal alors que je suis pourtant forte de
caractère. Je me bats car j'ai une fille de 17 ans et que j'aime la
vie. Maintenant qu'on a plus de chances avec le traitement,
même si moi je souffre d'une insuffisance rénale et que j'ai dû à
six reprises me faire soigner pour des calculs rénaux, est-il normal en 2009 qu'un docteur nous renvoie le mot “SIDA” comme
une insulte ? Où on va ? Qu'est-ce que nous sommes, nous les
personnes séropositives ? Des gens à
part ? J'ai parlé de mon histoire dans l'association que je fréquente. J'ai fait une
lettre au directeur de l'hôpital où l'incident
s'est déroulé car j'avoue que cela m'a vraiment perturbé. J'aime parler de tout. Ma
maladie ne me dérange en rien. J'ai encore
plein de choses à vivre avec ma fille à qui
j'épargne mes soucis de santé. Elle me voit
toujours bouger, faire plein de choses bien
qu'elle sache que je suis souvent fatiguée.
Je n'ai pas trop à me plaindre. J'ai de la
chance. Je fais entière confiance à mon
médecin à Nice pour les traitements. Je
sais que je peux compter sur lui. Je lui ai d'ailleurs parlé de cet
incident avec les médecins… Il a été surpris et n'a pas su quoi
me répondre. J'ai de la chance car j'ai des CD4, une charge virale
indétectable et le moral, mais comment cela se passera t-il s'il fait
la même chose à une personne plus fragile, qui a moins le
moral ? Je compte sur vous pour publier mon histoire car on n'a
pas le droit de nous traiter ainsi. Nous sommes des personnes
comme les autres. Nous avons un virus dans le sang… et alors !
Stop à ces gens qui ne comprennent rien !”
Agnès
Illustration Romain